Nom de l’auteur/autrice :Bernard ZEHNACKER

LES ARMES DES PALADINS GRIS

Traduction d’un article de W. AUSTERMAN paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1993

La Guerre Civile fut le dernier conflit américain où l’on attendait des officiers supérieurs qu’ils mènent leurs hommes à la bataille en chargeant à leur tête. Il n’était pas rare de voir des commandants de brigade, de division ou même de corps dans les deux armées, agitant un sabre étincelant à l’avant de leurs unités. Les troupes Sudistes furent particulièrement remarquées pour leur élan et leur courage, voire leur témérité, au feu. Leurs meneurs reprenaient nécessairement le vieil idéal Anglo-Celtique du chef guerrier qui se battait en même temps que ses hommes et qui partageait leur destin. C’est pour cela que les tristes champs de bataille de Gettysburg et de Franklin résonnèrent d’échos de Hastings et de Flodden. Le résultat tragique de cette croyance au vieux code du chef qui fonce au combat devant ses hommes fut que, sur 425 officiers supérieurs enregistrés sur les listes des forces Confédérées, 235 d’entre eux, soit 55 %, furent tués ou blessés au champ d’honneur. Soixante dix sept d’entre eux moururent en combattant, et, sur ce total, vingt et un furent blessés au moins une fois avant de l’être mortellement. Sur les 158 généraux qui furent blessés et qui survécurent, trente et un furent touchés deux fois, dix huit trois fois, et une douzaine furent blessés quatre fois ou plus. Quatre d’entre eux furent blessés cinq fois, et trois portaient sept blessures. Le record fut probablement le cas du Brigadier General William R. COX qui, à la fin de la guerre, portait les cicatrices de onze blessures de guerre sur son corps de trente trois ans.

Les armes que portaient ces paladins Gris Ă©taient importantes, autant comme symboles de rang et comme arbitres de diffĂ©rend avec l’ennemi. Bien que ce type de rencontre ne fĂ»t pas ce que l’on attendait de la part de ces officiers supĂ©rieurs, ils se sentaient obligĂ©s de montrer l’exemple en matière de courage et d’agressivitĂ©, en prouvant leur indiffĂ©rence au danger sur le champ de bataille. Il en rĂ©sultat un groupe de commandants dont le choix des armes personnelles fut aussi diversifiĂ© que leur habiletĂ© Ă  s’en servir fut mortelle. Dans l’ensemble, les officiers ConfĂ©dĂ©rĂ©s furent des hommes relativement jeunes, mais beaucoup avaient dĂ©jĂ  vu le combat lors de la Guerre du Mexique ou sur la frontière. Beaucoup de ceux qui se plongèrent dans la Guerre de SĂ©cession depuis la vie civile avaient Ă©tĂ© exposĂ©s au combat personnel sous la forme de duels ou de rencontres similaires. De jeunes gĂ©nĂ©raux tels John Hunt MORGAN avaient dĂ©jĂ  vu des hommes piquĂ©s au bout d’une pointe de lance Ă  Buena Vista, et Nathan Bedford FORREST s’était une fois battu tout seul contre une foule qui voulait le lyncher, dans la ville sauvage de Memphis. Chasseur et planteur de Caroline du Sud, Wade HAMPTON avait tuĂ© pas moins de quatre vingt ours avec seulement son couteau. Un jour qu’il Ă©tait en patrouille sur le Territoire de New Mexico dans les annĂ©es 1850, l’ancien Lieutenant du U.S. Regiment of Mounted Riflemen William H. JACKSON abattit un grizzly d’un seul coup de sabre. Le gĂ©nĂ©ral Albert Sidney JOHNSTON se rappelait un duel dans lequel il s’était battu contre un autre officier alors qu’il commandait la toute petite armĂ©e rĂ©gulière de la RĂ©publique du Texas dans les annĂ©es 1830. Le Brigadier General Pierre G.T. BEAUREGARD, commandant le bombardement de Fort Sumter, et le General Joseph E. JOHNSTON, autre prĂ©nom, il y en a donc deux, acquirent leur gloire de commandeurs des forces Sudistes Ă  la bataille de Manassas en Juillet 1861, première grande action terrestre de la guerre. Par la suite, BEAUREGARD occupa plusieurs commandements rĂ©gionaux sur les théâtres de l’Est et de l’Ouest, alors que JOHNSTON resta Ă  la tĂŞte de l’ArmĂ©e de Virginie jusqu’à ce qu’il fĂ»t blessĂ© au combat Ă  Seven Pines au printemps de 1862. Plus tard, on lui confia le commandement de l’ArmĂ©e du Tennessee de 1861Ă  1864, et Ă  nouveau en 1865. JOHNSTON fut remplacĂ© Ă  la tĂŞte de l’ArmĂ©e de Northen Virginia par Robert E. LEE. LEE et JOHNSTON avaient servi respectivement comme Lieutenant Colonel et Colonel Ă  la tĂŞte du 2nd. U.S. Cavalry, créé en 1855. Les deux hommes avaient beaucoup servi sur la frontière au Texas contre les Comanche, les Kiowa, et les Apache. Des durs, des durs, rien que des durs…

Tous les deux avaient choisi des revolvers Colt comme armes personnelles. JOHNSTON reçut son revolver de Samuel COLT, qui lui en fit cadeau juste avant la guerre. COLT offrit au cavalier un Model 1860 Army en calibre .44, au numéro de série 2252, une arme sur laquelle on pouvait monter une crosse pour la transformer en carabine. Elle est exposée dans la collection du Musée de la Confédération à Richmond, Virginia.

LEE, quant à lui, était propriétaire de deux Colt de différents modèles. Il acheta, ou on lui offrit, un Model 1851 Navy en calibre .36, fabriqué en 1855. Cette arme, portant le numéro de série 37698, est finement gravée sur le canon et la carcasse, et fut portée pendant toute la guerre dans une fonte. Bien que LEE fût connu pour son agressivité et son empressement à mener ses hommes en personne en cas de coup dur, personne n’a jamais dit ou écrit qu’il avait sorti ce Colt pour s’en servir au combat.

LEE possédait également un revolver de poche Colt Root Model 1855. Il n’y a aucun doute que ce petit pistolet servait d’assurance en cas de capture, pour l’homme qui fut probablement le chef le plus important chez les Confédérés.

BEAUREGARD, un Créole de Louisiane, préférait le revolver Le Mat Français. On le comprend, puisqu’il était partenaire avec le Dr. Jean Alexandre François Le MAT et le Dr. Charles F. GIRARD dans l’entreprise Parisienne qui fabriqua l’arme.

Ces revolvers à neuf coups, dont les Confédérés en achetèrent environ 1500 exemplaires, étaient principalement fabriqués en calibre .42, et possédaient un deuxième canon en calibre .63 que l’on pouvait charger avec de la chevrotine, séparé sous le canon principal. Ce deuxième canon transformait l’arme en fusil de chasse miniature pour le travail à courte distance. Le pistolet Le Mat de BEAUREGARD fut acquis pendant la guerre.

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Le Major General James Ewell Brown STUART, dit « Jeb Â» STUART, Ă©tait un autre amateur de Le Mat et fut l’un des personnages les plus romantiques parmi les Sudistes. On raconte que STUART tenait en main son revolver Le Mat, qui porte le numĂ©ro de sĂ©rie 115, lorsqu’il fut blessĂ© mortellement par un cavalier du Michigan Ă  Yellow Tavern le 12 Mai 1864. Le Major General James Patton ANDERSON de l’ArmĂ©e du Tennessee, portait un Le Mat. Chirurgien pratiquant au dĂ©but de la guerre, il entra au service comme Lieutenant Colonel et gagna sa première Ă©toile en FĂ©vrier 1862. ANDERSON, qui Ă©tait dĂ©jĂ  un chef de Brigade et de Division agressif en 1864, fut sĂ©vèrement blessĂ© lors de la campagne d’Atlanta, mais il Ă©tait prĂ©sent au moment de la reddition de l’armĂ©e en Caroline du Nord. Le revolver Le Mat d’ANDERSON, au numĂ©ro de sĂ©rie 475, survĂ©cut Ă  la guerre et il peut ĂŞtre vu au MusĂ©e de la ConfĂ©dĂ©ration.

Le General Thomas Jonathan « Stonewall Â» JACKSON possĂ©da au moins trois armes sur lesquelles on peut commenter. A l’époque oĂą il Ă©tait professeur au Virginia Military Institute, ou plus tard sur le terrain, il fit l’acquisition d’une paire de revolvers Anglais Adams en coffret. Ces jolies pièces d’armurerie Ă  double action Ă©taient populaires dans le Sud depuis le milieu des annĂ©es 1850, et immĂ©diatement disponibles dans certaines villes Sudistes chez les agents importateurs des sociĂ©tĂ©s Anglaises.

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La bataille entre les inconditionnels des revolvers Adams et ceux des Colt est bien connue. Il y eut plusieurs versions du revolver Adams à double action. Les unes sont chambrées au calibre de .36, les autres en .44, la version commercialisée par Deane, Adams & Deane ne possédant pas de crête de chien. La Massachussetts Arms de Chicopee Falls, Ma., fabriqua environ 1 000 de ces revolvers sous licence pour Adams en calibre .36 à 5 coups.

En 1862, les officiers de JACKSON lui offrirent également un revolver Le Faucheux fabriqué en France. Cette arme à percussion à broche de calibre 12 millimètres, finement gravée, respirait l’ostentation Gauloise et fut loin d’être celle que JACKSON, ce Calviniste taciturne, aurait choisie lui-même. Il y a fort peu à parier que le Adams et le pistolet français aient été portés dans ses fontes, mais il doit avoir préféré le revolver Le Faucheux comme preuve de l’estime de ses subordonnés. Sans aucun doute moins populaire comme arme de combat que le Adams ou le Colt, le revolver Le Faucheux de JACKSON survécut à la guerre et entra dans la collection du Musée de la Confédération. Le Brigadier General Turner ASHBY, l’un des officiers subalternes de JACKSON, possédait trois revolvers. En tant que commandant de la cavalerie de JACKSON, ASHBY servait son chef aveuglément et jusqu’au bout des ongles. Courageux jusqu’à l’extrême et combattant téméraire, ASHBY considérait la guerre comme une espèce de chasse au renard, où les Yankees jouaient le rôle du renard. Son Colt Dragoon en calibre .44 était épaulé par une paire de Colt Navy Model 1851 en calibre .36. Il est probable qu’il avait en main l’un des Colt lorsqu’il fut abattu le 6 Juin 1862, près de Harrisburg, Virginia.

Wade HAMPTON se trouvait Ă  la tĂŞte d’une division du corps de STUART avant que celui-ci ne fĂ»t tuĂ©, et il devint chef de la cavalerie de LEE. On sait que le PrĂ©sident DAVIS offrit Ă  HAMPTON un pistolet de selle Ă  percussion Ă  deux canons superposĂ©s, fait par STAUDENMAYER en Angleterre. Ce pistolet fut l’un de ceux qui avaient Ă©tĂ© portĂ©s par DAVIS au cours de la guerre du Mexique. Sur le terrain, HAMPTON portait un revolver d’une marque inconnue, et il l’utilisa beaucoup. Après la guerre, l’un de ses amis lui demanda combien de Yankees il avait personnellement tuĂ© lors des batailles. HAMPTON rĂ©flĂ©chit un moment, puis rĂ©pondit que le total s’élevait Ă  onze. Â« Et les deux de Trevilian ? Â» rĂ©pliqua l’homme. Â« Ceux-lĂ , je ne les compte pas Â» dit HAMPTON Â« Ils Ă©taient en train de courir. Â» Il n’avait pas comptĂ© non plus les Tuniques Bleues qu’il avait seulement blessĂ©s. Au cours de la campagne de Gettysburg, HAMPTON abattit Ă  125 yards et avec son revolver un Yankee armĂ© d’une carabine. Les deux hommes Ă©changèrent plusieurs coups de feu jusqu’à ce que la carabine du soldat s’enrayât. Chevaleresque, HAMPTON cessa le feu jusqu’à ce que l’autre arme pĂ»t Ă  nouveau tirer, et termina l’affaire en envoyant une balle dans le poignet du Bandeau Jaune. Merde ! A 125 yards, ça fait quelque chose comme 115 mètres. Avec un revolver de type Colt oĂą le guidon conique est censĂ© s’aligner dans une Ă©chancrure en « V Â» dĂ©coupĂ©e dans le chien, c’est-Ă -dire avec des organes de visĂ©e rudimentaires, le type en face devait ĂŞtre bien visible. En tous cas, c’était un manche s’il n’a pas pu descendre le gĂ©gène avant avec sa carabine, et s’il a pris un pĂ©lot dans le poignet, c’est bien fait pour lui.

John Hunt MORGAN s’en vint en guerre comme capitaine de milice en 1861 et, en deux ans, se retrouva à la tête d’une brigade. MORGAN était propriétaire d’une paire de Colt Army Model 1860 en calibre .44, gravés et aux plaquettes de crosses en ivoire, ainsi qu’un Colt Navy Model 1851 en calibre .36. Au début de la guerre, il portait, et se servait, d’un fusil de chasse. Un jour, MORGAN et quatre hommes de troupe mirent toute une compagnie de cavalerie de l’Union en déroute, par une attaque en embuscade qui fut pertinemment exécutée. Bien que ses hommes fussent armés plus tard presque exclusivement de fusils Enfield courts, MORGAN ne perdit jamais foi dans l’efficacité d’une charge de cavalerie menée avec des revolvers qui crachant autant de plomb et de feu qu’ils pouvaient le faire.

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Le Brigadier General Henry H. SIBLEY, un vétéran du service sur la frontière avec le vieux 2nd. Dragoons, mena une brigade de régiments montés Texans dans une invasion qui tourna mal, vers le Territoire du Nouveau Mexique au début de 1862.

SIBLEY possédait un Whitney en calibre .36, superbement préparé en coffret, mais il est peu probable qu’il eût pu toucher quoi que ce soit avec puisqu’il fut rarement à jeun pendant toute cette campagne désastreuse à travers le désert. A la fin de l’expédition, les chefs écœurés de son régiment espéraient qu’il retournerait le Whitney contre lui avant d’accepter un poste de général dans la Confédération.

Les Texans adorateurs de Colt avaient un bien meilleur chef en la personne du Brigadier General Ben Mc. CULLOCH. Un vétéran de la Guerre du Texas pour l’indépendance en 1836 et ancien Ranger sur la frontière, Mc. CULLOCH se vit offrir le 1er. Janvier 1848, par Samuel COLT en personne, l’un des premiers modèles de production du revolver Dragoon de 1848. Le pistolet, au numéro de série 1337, lui servit pendant plus de dix ans avant qu’il fût engagé dans les forces Confédérées. Parmi les unités sous son commandement, on trouvait la Compagnie A du 3rd. Texas Cavalry, armée exclusivement de revolvers et de carabines à répétition Colt. Mc. CULLOCH arborait un uniforme de velours noir et portait son Colt à la ceinture. Il fut tué par un tireur d’élite de l’Union, alors qu’il menait la charge à Pea Ridge, Arkansas, le 7 Mars 1862.

Le Major General David E. TWIGGS, auparavant colonel du 2nd. Dragoons pendant le Guerre du Mexique, reçut de Samuel COLT l’un des premiers revolvers Model Paterson, Ă  un moment de sa carrière dans l’ancienne armĂ©e. L’âge et la maladie l’empĂŞchèrent d’occuper une place active sur le terrain, et il mourut pendant l’étĂ© de 1862, laissant son rare Paterson Ă  la postĂ©ritĂ©. Le choix du General Joseph WHEELER fut curieux. Il prĂ©fĂ©ra un revolver Savage-North en calibre .36. Avec sa carcasse bizarre, piquant du nez, et son drĂ´le de chien sur le haut, le Savage-North Ă©tait Ă  la fois gauche d’aspect et peu commode Ă  manier. Il a du faire l’objet de quolibets chez les soldats aguerris de WHEELER, qui prĂ©fĂ©raient des Colt et des Remington capturĂ©s sur l’adversaire. Mais ce Savage-North servit très bien au gĂ©nĂ©ral, puisqu’il survĂ©cut Ă  de nombreuses rencontres avec l’ennemi. Au Tennessee entre Novembre et DĂ©cembre 1862, WHEELER fut personnellement engagĂ© dans pas moins de vingt escarmouches avec les troupes de l’Union. Ces actions forcèrent d’ailleurs le General Braxton BRAGG Ă  le rĂ©primander officiellement pour s’être Â« exposĂ© inutilement Â».

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« Saignant horriblement du nez Â», le revolver Savage-North, brevetĂ© en 1856 et tirant 6 coups de calibre .36, fut amĂ©liorĂ© en 1860. Le levier entourant la queue de dĂ©tente servait Ă  armer le chien avec le mĂ©dius si le tireur ne voulait pas se servir du pouce. Il permettait surtout le tir rapide, pratiquement en double action, mais on imagine facilement ce que cela pouvait donner en matière de prĂ©cision. Le Third Model de la première version, Ă  gauche, fut fabriquĂ© Ă  400 exemplaires, et la dernière version, Ă  droite, le fut Ă  11 984 exemplaires.

Nathan Bedford FORREST, le Texan du 8th. Texas Cavalry, Ă©tait encore plus agressif que WHEELER. A l’étĂ© 1861, il se mit Ă  rassembler un bataillon de cavalerie pour l’enrĂ´ler dans la ConfĂ©dĂ©ration. Se glissant en Kentucky neutre, il acheta 500 revolvers pour ses hommes. Les types de pistolets qu’il se procura demeurent inconnus, mais on dit que FORREST porta une paire de Colt Navy Model 1851, du dĂ©but de la guerre jusqu’à la fin. FORREST se trouvait constamment sur la ligne de feu et vingt neuf chevaux furent tuĂ©s sous lui. Avec l’habitude qu’avait FORREST de rester dans le feu de l’action, les canons de ses revolvers Ă©taient toujours chauds. Plusieurs incidents illustrent son goĂ»t du combat personnel. A la fin de DĂ©cembre 1861, FORREST menait une attaque contre la garnison Nordiste de Sacramento, Kentucky, lorsqu’il se retrouva en face de trois Tuniques Bleues agitant leur sabre. Une balle de pistolet dĂ©chira le collier de la veste de FORREST, marquant son cou. Il renversa l’un des soldats de sa selle en lui expĂ©diant une balle, et se retourna pour affronter les deux autres attaquants. Â« Il abattit le premier avec un coup de feu, et sabra les deux autres » Ă©crivit plus tard son biographe, Robert Selph HENRY. FORREST s’extirpa d’une autre situation difficile Ă  coups de pistolets, au mois d’Avril suivant Ă  Shiloh, y rĂ©coltant une blessure qui aurait tuĂ© beaucoup d’autres hommes. Ce ne fut pas avant des semaines plus tard, pendant lesquelles il Ă©tait restĂ© sur le terrain Ă  se battre, qu’il consentit Ă  ce que la balle de mousquet fĂ»t extraite de sa blessure, et mĂŞme alors, on l’opĂ©ra sans anesthĂ©siant. Juste un grand coup de gnĂ´le dans le gosier, suivi d’un petit coup de maillet sur le crâne, immĂ©diatement et adroitement administrĂ©. Un mal en chasse un autre, et si le gĂ©gène a mal Ă  la tĂŞte après l’opĂ©ration, on lui dira qu’on n’avait pas les moyens d’acheter de la bonne gnĂ´le, parce que le fric, on l’a dĂ©pensĂ© pour acheter des Kalach’s. Le Brigadier General James DEARING quitta l’Ecole des Cadets quand la Virginie se sĂ©para de l’Union, et il passa les trois premières annĂ©es de la guerre comme commandant d’artillerie et de cavalerie, avant de gagner son Ă©toile en Avril 1864. Lors des la retraite vers Appomattox, ses hommes se heurtèrent aux troupes de l’Union menĂ©es par le General Theodore READ Ă  High Bridge, Virginia, le 6 Avril 1865. DEARING et le gĂ©nĂ©ral Yankee se mirent Ă  part et se battirent dans un duel au pistolet, qui laissa READ mort et DEARING mourant. Le Colt Navy Model 1851 de DEARING reste en possession de sa famille, relique prĂ©cieuse du dernier gĂ©nĂ©ral ConfĂ©dĂ©rĂ© Ă  mourir au combat. Une autre arme de poing ayant appartenu Ă  un gĂ©nĂ©ral Sudiste est inscrite en triste post-scriptum Ă  la guerre. Le Brigadier General William M. BROWNE de Georgie, offrit son revolver Colt Root Pocket Model 1855, au numĂ©ro de sĂ©rie 22987, Ă  la femme du PrĂ©sident, Mme. Varina Howell DAVIS, juste avant que le gouvernement ne partĂ®t de Richmond en Avril 1865. La Première Dame de la ConfĂ©dĂ©ration quitta Richmond avec un petit enfant dans les bras et un revolver Colt glissĂ© dans son sac Ă  main.

On trouva toute une variété d’armes d’épaules dans les tentes et les chariots à bagages des quartiers généraux. Des armes à chargement par la culasse de différents types semblent avoir été populaires parmi eux. Jeb STUART possédait un fusil revolver Colt ainsi qu’une carabine Anglaise à chargement par la culasse Calisher & Terry, qu’il essayait sur le terrain pour la cavalerie Confédérée. Cette carabine en calibre .56 présentait un gros mécanisme de culasse qui ressemblait un peu à ceux que l’on trouve sur les pièces d’artillerie modernes. Le Major General John B. FLOYD de Virginie reçut en cadeau de Samuel COLT un fusil revolver Colt alors qu’il était Secrétaire à la Guerre sous le Président James BUCHANAN. Le Major General John G. WALKER fut un autre de ces officier supérieurs qui possédaient un fusil Colt. Il acheta le sien quand il servit au Regiment of Mounted Riflemen dans les années 1850.

Nathan Bedford FORREST, alors Lieutenant Colonel, encore lui, Ă©tait prĂ©sent Ă  la bataille de Fort Donelson. C’est lĂ  qu’avec un coup tirĂ© de loin avec une carabine Maynard, il abattit un tireur d’élite Nordiste perchĂ© dans un arbre.

Et voilà que les officiers Sudistes se mettent à dégommer les snipers adverses avec des pétoires, maintenant.

Ben Mc. CULLOCH affectionnait lui aussi la Maynard Ă  chargement par la culasse, et en portait une en bandoulière lorsqu’il mourut Ă  Pea Ridge. Le Major General Dabney H. MAURY, qui servit avec WALKER sur la frontière du Texas, accrochait sa prĂ©fĂ©rence Ă  un fusil Ă  chargement par la bouche, plus conventionnel. En poste Ă  Carlisle Barracks, Pennsylvannia, avant la guerre, il se procura un canon de U.S. Model 1841 Mississipi Rifle de surplus, et le fit monter sur un fĂ»t et une platine de sport par un armurier local pour en faire un fusil superbement prĂ©cis. MAURY se vantait d’avoir tirĂ© du gibier Ă  plus de 200 yards avec cette arme de service qui avait Ă©tĂ© modifiĂ©e. Ben tiens… Une zone vitale sur un gibier moyen, c’est pas grand. Et quand on connaĂ®t les faibles qualitĂ©s balistiques de la grosse boule tirĂ©e par le Mississipi Rifle, il faut taper dans la zone vitale, sinon le gibier continue Ă  se promener en boitant et il va se perdre ailleurs, pour y crever sans qu’on l’ait retrouvĂ©. Donc Ă  200 yards avec un canon lisse, faut dĂ©jĂ  ĂŞtre bon tireur. Le Major General Samuel G. FRENCH gardait comme trophĂ©e l’un des seize fusils Ă  rĂ©pĂ©tition Henry que ses troupes avaient capturĂ© lors d’un combat en 1864 contre les forces de SHERMAN en Georgie. Après Appomatox, FRENCH rendit loyalement le joli fusil au boĂ®tier de culasse en laiton, aux autoritĂ©s de l’Union.

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 FabriquĂ© Ă  environ 14 000 exemplaires par New Haven Arms Co., Ă  New Haven, Connecticut, en calibre .44 Henry Flat Ă  percussion annulaire. Le gouvernement Nordiste en acheta 1 731 entre 1862 et 1865, et en dota le 1st. Maine et le 1st. District of Columbia Cavalry Regiment.

D’autres gĂ©nĂ©raux AmĂ©ricains ont portĂ© des armes personnelles spĂ©ciales depuis l’époque de FORREST et de WHEELER. Sans aucun doute, les guerres Ă  venir verront des gĂ©nĂ©raux AmĂ©ricains dĂ©gainer leurs armes en menant leurs troupes Ă  l’assaut contre l’ennemi, mais leurs exploits ne resteront que des ombres pâles, comparĂ©es Ă  ceux qui furent accomplis par les galants chefs menant les lĂ©gions Grises de la Cause Perdue. Au vingtième siècle, on sait qu’un autre AmĂ©ricain, amateur d’armes nĂ© en 1885 en Californie et qui n’avait donc plus rien Ă  voir avec les paladins Gris, mais plus connu comme GĂ©nĂ©ral de chars, George S. PATTON, prĂ©fĂ©rait des crosses en ivoire sur la paire de Single Action Army en .45 qu’il portait de prĂ©fĂ©rence au Colt 1911 rĂ©glementaire dont il avait gardĂ© un mauvais souvenir, quand un coup Ă©tait parti tout seul de son pistolet tombĂ© au sol alors qu’il Ă©tait Capitaine pendant la Première Guerre Mondiale. L’individu Ă©tait d’ailleurs armĂ© jusqu’au dents car, non content d’être escortĂ© et protĂ©gĂ© comme un General peut l’être, il avait Ă©galement, en plus de la paire de Colt S.A.A., une paire de Smith & Wesson en .357 Ă  canons de 3,5 pouces. Chez les Ă©trangers, deux autres individus, loin d’être des paladins Gris ceux-lĂ , furent ce gros porc d’Hermann GĂ–RING qui frimait avec un revolver Smith & Wesson en .38 Special Ă  la ceinture, comme si un bon vieux LĂĽger P08 allemand n’eĂ»t pas Ă©tĂ© mieux, mais c’était dĂ©jĂ  trop bien pour lui, et le Russe Leonid BREJNEV qui aimait emporter son Colt Peacemaker Single Action Army en .45 avec lui lorsqu’il partait chasser.

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LES ARMES DES COMANCHEROS

Traduction d’un article de W. AUSTERMAN paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1990

Comanchero ! Pour ceux qui vivaient le long des rives sauvages de la frontière du sud-ouest au milieu et Ă  la fin des annĂ©es 1800, ce mot-lĂ  Ă©voquait autant une Ă©pithète remplie de haine qu’un nom dĂ©finissant une certaine classe d’hommes. Pendant presque un siècle, les caravanes de chars Ă  bĹ“ufs et de mules passèrent vers l’est depuis le Nouveau Mexique Ă  travers les Staked Plains, les Plaines JalonnĂ©es, pour atteindre les lieux de rendez-vous avec certaines des tribus d’Indiens les plus fĂ©roces du contient. C’est lĂ , dans l’ombre de la faille lugubre d’un canyon ou le long d’un dĂ©filĂ© sans nom taillĂ© par l’érosion de la pluie, qu’ils Ă©changeaient leurs marchandises contre des peaux de bison, du bĂ©tail, des chevaux, des mules ou des prisonniers Blancs. Courtiers en aviditĂ© et en misère humaine, les Comancheros exerçaient leur trafic sordide dans cette contrĂ©e sauvage avec la certitude arrogante d’hommes qui savaient que la force de la loi ne s’étendait pas plus loin que lĂ  oĂą la poudre, les capsules et les balles rondes ne pourraient la porter. A l’époque oĂą le mĂ©tier de Comanchero atteignit son apogĂ©e dans les annĂ©es qui suivirent la Guerre Civile, leurs rangs comptaient de tout, des Anglos renĂ©gats et des New Mexicains sans scrupules, aux Indiens Pueblo prĂŞts Ă  faire des affaires avec leurs anciens ennemis si le prix y Ă©tait. Quelques Comancheros se contentaient de rencontrer les protagonistes sur leur propre terrain pour les ventes. D’autres chevauchaient avec les bandes de guerriers qui s’élançaient vers le Sud depuis les hautes plaines vers le Texas, ou bien par le Nord vers le Kansas et le Colorado, en prĂŞtant leur intelligence de prĂ©dateurs Ă  la fĂ©rocitĂ© de leurs clients au fur et Ă  mesure que ceux-ci choisissaient les cibles pour leurs raids. Tous les Comancheros vivaient littĂ©ralement grâce aux armes, et celles qu’ils utilisaient ou Ă©changeaient constituaient les variations de leur commerce morbide. Il existe des traces aussi anciennes que 1780, oĂą l’on retrouve des bandes d’aventuriers du Nouveau Mexique qui dĂ©fiaient les prohibitions gouvernementales Ă  rechercher les tribus des plaines Ă  l’Est, pour leur commerce. Ces trafiquants acquirent une connaissance intime de la rĂ©gion ainsi que des meilleurs chemins Ă  prendre pour traverser sa surface aride.

Vers l’étĂ© de 1810, des groupes de cinquante trafiquants, voire plus, rencontraient des Ute, des Kiowas et des Comanches avec la bĂ©nĂ©diction du gouvernement provincial Mexicain de Santa Fe. Les autoritĂ©s se rendaient compte que ce commerce pouvait servir de tampon très efficace aux incursions amĂ©ricaines en territoire Espagnol. Lorsque Ă©clata la Guerre du Mexique en 1846, les chariots des Comancheros avaient tracĂ© des sillons profonds dans la terre qui longeait la rivière Canadian, s’écartant et se perdant comme les brins d’une vieille corde cassĂ©e Ă  l’intĂ©rieur d’un dĂ©sert que CORONADO, trois siècles plus tĂ´t, avait appelĂ© « El Llano Estacado Â», les « Staked Plains Â», les plaines marquĂ©es de jalons. Un trafic important se faisait entre les AmĂ©ricains et Santa Fe depuis le dĂ©but des annĂ©es 1820, et les armes Ă  feu Ă©taient parmi les marchandises les plus convoitĂ©es. Le marchand du Missouri Albert SPEYER passa tout un lot de Fusils Mississippi Modèle 1841 en contrebande Ă  Santa Fe, Ă  la veille mĂŞme de l’invasion amĂ©ricaine du Nouveau Mexique. D’autres armes suivirent avec les caravanes qui arrivaient dans le sillage de l’annexion amĂ©ricaine du territoire. On ne peut pas vraiment faire de documentation bien prĂ©cise sur tous les types d’armes Ă©changĂ©es avec les Indiens pendant la pĂ©riode prĂ©cĂ©dant immĂ©diatement la Guerre Civile, mais certaines marques d’armes Ă©taient stockĂ©es tout Ă  fait normalement Ă  la fois par des marchands Ă  jour de leur licence, et par des trafiquants illicites. Des fusils Ă  silex ou Ă  percussion fabriquĂ©s par des firmes comme Leman, Henry, Tryon et Deringer Ă©taient largement distribuĂ©es dans les plaines aux alentours de 1850. Ces armes solides et prĂ©cises constituèrent des produits de première nĂ©cessitĂ© pour les trente annĂ©es çà venir. Ironiquement, après la Guerre Civile, le gouvernement des Etats Unis aida indirectement les Comancheros Ă  prospĂ©rer. La vente de milliers d’armes en surplus Ă  des prix cassĂ©s augmenta les inventaires des trafiquants Ă  peu de frais pour eux. Ainsi, en Novembre 1867, l’arsenal de Fort Leavensworth mit 19 551 fusils Ă  la vente publique en un jour, sans demander Ă  tous ceux qui en voulaient d’oĂą venait leur argent comptant. Un autre exemple typique fut la vente qui se tint Ă  l’arsenal U.S. de San Antonio, Texas, en Janvier 1868, quand on mit sur le marbre 311 carabines Burnside Ă  chargement par la culasse, 800 fusils rayĂ©s Enfield, 250 mousquets Ă  canon lisse, 400 revolvers Colts et 81 revolvers Remington.

Les nouvelles armes arrivèrent vite aux mains des hostiles. En Ă©tĂ© 1866, le Lieutenant Colonel E.H. BERGMAN, officier commandant Ă  Fort Bascom, New Mexico, commit l’imprudence d’emmener un dĂ©tachement au cĹ“ur du territoire Comanchero dans un effort pour rĂ©cupĂ©rer du bĂ©tail volĂ© chez des fermiers. Utilisant deux Comancheros capturĂ©s comme guides, le Colonel atteignit un village Comanche situĂ© presque Ă  250 miles au Sud-Est du poste. Il y avait 160 habitations dans le village, abritant au moins deux fois autant de guerriers. L’officier nota que chaque brave arborait un revolver Ă  sa ceinture et Â« une grande partie d’entre eux Ă©tait armĂ©s de deux pistolets. Â» Au moins la moitiĂ© des guerriers prĂ©sents Ă©taient soit des prisonniers Mexicains qui avaient grandi depuis l’enfance parmi les Comanches, ou des Comancheros Mexicains qui vivaient volontairement parmi les hommes de la tribu. Il s’en sortit sans combattre, mais il avait perdu. L’affluence des armes entraĂ®na une recrudescence des raids, pas seulement vers le Texas et le Nouveau Mexique, mais aussi sur la Piste de Santa Fe. En Janvier 1867, un officier du 3ème. Infantry en poste Ă  Fort Dodge, Kansas, remarquait : Â« Entre les ventes lĂ©gales par les agents et les trafiquants, les Indiens n’ont jamais Ă©tĂ© aussi bien armĂ©s qu’aujourd’hui. Plusieurs centaines d’Indiens ont visitĂ© le poste, et tous avaient des revolvers en leur possession. Une grande majoritĂ© avait deux revolvers, et beaucoup d’entre eux en avait trois. Les Indiens ne cachent pas qu’ils ont plein d’armes et de munitions en cas de problèmes au printemps… Pour un revolver, un Indien donnera dix, voire vingt fois, le prix qu’il vaut, en chevaux et en fourrures. Â» Ce mois d’AoĂ»t-lĂ , apparurent encore plus d’armes de surplus lorsque les hostiles attaquèrent une caravane de chariots 160 miles Ă  l’ouest de Fort Harker, Kansas. On rapporta que les braves Ă©taient armĂ©s Â« de fusils Spencer, de Sharps, et de mousquets Enfield, et qu’ils avaient des munitions Ă  foison. Â»Pour des raisons Ă©videntes, les Comancheros ne gardèrent pas de suivi comptable de leurs ventes, mais quelques traces matĂ©rielles ont survĂ©cu pour nous indiquer quelles sortes d’armes Ă  feu figuraient dans leur commerce avec les Indiens.

En 1976, le Llano Estacado Museum de Plainview, Texas, publia le rapport d’une fouille archĂ©ologique sur un site de trafic Comanchero. SituĂ© au Nord-Est du contĂ© de Floyd, Texas, le site Ă©tait constituĂ© de ruines de trois tranchĂ©es-abris surplombant Quitaque Creek, et un quatrième abri trouvĂ© un quart de mile en amont. Les fouilles rĂ©vĂ©lèrent que les tranchĂ©es avaient Ă©tĂ© creusĂ©es Ă  l’origine sur une profondeur de quatre pieds dans le sol de la colline, et qu’elles avaient Ă©tĂ© surplombĂ©es de murs et de toits en troncs de cotonniers avec des branches recouvertes de peaux de bison. Mesurant 18 pieds sur 13 pieds, avec au milieu le foyer et le passage pour l’entrĂ©e, les structures contenaient une abondance d’artefacts, dont la plupart dataient de la pĂ©riode entre 1870 et 1880. L’une des tranchĂ©es contenait les restes de pas moins de quatre armes. La seule arme de poing parmi elles Ă©tait un revolver Ă  percussion Remington Modèle 1861 en calibre .44. Arme de poing militaire et civile couramment rencontrĂ©e sur la frontière, le Remington avait l’avantage de prĂ©senter une carcasse fermĂ©e qui le rendait plus solide que son rival le Colt. La possibilitĂ© de le faire fonctionner avec de la poudre en vrac, des capsules et des balles comme munitions constituait Ă©galement un avantage, car les cartouches mĂ©talliques dont avaient besoin les revolvers plus modernes Ă©taient souvent difficiles Ă  trouver et toujours chères. Il a Ă©tĂ© facile d’identifier deux des trois armes longues restantes trouvĂ©es dans la tranchĂ©e. L’une Ă©tait un fusil Modèle 1841 Â« Mississipi Rifle Â». A chargement par la bouche, fonctionnant Ă  percussion et en calibre .54, c’était l’arme rĂ©glementaire standard dans les rĂ©giments U.S. de fusiliers Ă  cheval, de 1840 Ă  1861, et elle vit du service chez les Texas Rangers en plus d’avoir Ă©tĂ© une arme populaire chez les immigrants en route vers la Californie. Les garnitures en laiton et la platine jaspĂ©e du Modèle 1841, une arme dĂ©jĂ  familière dans les Plaines du Sud au milieu des annĂ©es 1850, en faisaient une pièce agrĂ©able pour l’œil d’un Indien. La grosse balle que l’on utilisait en 1841 Ă©tait capable de mettre Ă  terre tous les gibiers que l’on pouvait rencontrer dans la rĂ©gion. On trouva aussi une carabine Starr en .54, sans la crosse ni le fĂ»t, mais mĂ©caniquement intacte lorsqu’on la sortit de la tranchĂ©e. Cette arme Ă  chargement par la culasse, brevetĂ©e par Ebenezer STARR en 1858, ressemblait extĂ©rieurement Ă  la Sharps, plus populaire. Son bloc de culasse articulĂ© sur charnière permettait un chargement facile avec les cartouches en lin ou en papier que chambraient les 20 000 premières Starr du contrat passĂ© avec le gouvernement. Ce premier contrat fut rempli entre Juillet 1863 et DĂ©cembre 1864.

Un supplément de 5000 Starr fut vendu au gouvernement U.S. de Mars à Mai 1865, chambrées pour la cartouche métallique Spencer de .56-52. La Starr que l’on trouva dans le site de Quitaque chambrait la cartouche du Spencer. Les Kiowas et les Comanches se familiarisèrent probablement avec la Starr suite à sa mise en service avec les 2ème. et 3ème. régiments de Colorado Volunteer Cavalry en 1864. Ces unités patrouillaient dans les plaines orientales du territoire. Les Starr de surplus ne tardèrent pas à trouver leur chemin dans des chariots Comancheros pour le trafic avec les Indiens. La dernière relique d’arme trouvée par les archéologues fut le canon d’un fusil des plaines à demi-fût, fonctionnant à percussion et du type Hawken ou Leman. Ce canon au calibre de .45 mesurait trente huit pouces de la bouche à la culasse, et un pouce et un huitième en largeur. Il n’avait en dessous qu’un seul support en laiton pour la baguette de chargement. Plus long à charger que la Starr, le fusil des plaines pouvait tout de même rapporter de la viande ou faire dresser les cheveux si nécessaire.

On trouva de nombreuses douilles de cartouches pendant les fouilles, et elles constituèrent les tĂ©moins de ce que les Comancheros utilisaient ou Ă©changeaient comme autres armes. Parmi ces cartouches, on compta cinq douilles de .45-100 Remington Ă  percussion centrale. Â« Il s’agit lĂ  d’une version plus courte de la Remington Ă  douille bouteille de deux pouces et cinq huitièmes Â» nota l’archĂ©ologue, Â« et elle figurait au catalogue Sharps de 1873, tout comme la douille de .45 de deux pouces et quart. Â» De telles munitions furent probablement fournies pour des fusils Sharps pris sur d’imprudents chasseurs de bisons. On trouva Ă©galement deux douilles de .50-70 Governement Ă  percussion centrale. D’abord adoptĂ©e comme munition officielle pour les fusils et les carabines Ă  chargement par la culasse Springfield utilisĂ©s par l’U.S. Army de 1866 jusqu’à 1873, la .50-70 s’utilisait aussi dans les fusils et des carabines Sharps convertis depuis le système Ă  percussion, tout comme dans le fusil Remington Rolling-Block. La munition de .50-70 resta populaire sur la frontière, bien après le choix par les militaires de la cartouche .45-70 Government en 1873, qui lui Ă©tait supĂ©rieure au point de vue balistique. Les douilles que l’on trouva dans les fouilles de Quitaque Ă©taient toutes les deux du premier type, avec l’amorçage Benet, et faites en cuivre au lieu de laiton. On trouva cinq douilles de .56-50 pour les fusils Ă  rĂ©pĂ©tition Spencer dans les dĂ©bris du camp. Les douilles en cuivre et Ă  percussion annulaire Ă©taient marquĂ©es « F.V.V. & CO. Â» Moins puissante que la .50-70, la Spencer Ă©tait quand-mĂŞme encore populaire chez les Indiens, les soldats et hommes de la frontière. De manière surprenante, une seule douille de .45-70 fut retrouvĂ©e. Trois autres douilles, plus grosses et que l’on ne put identifier, sortirent aussi du trou. Les douilles de cartouches pour armes de poing furent plus nombreuses. On trouva dix douilles pour revolver Colt en .45, mais les marquages du fabricant n’étaient sur aucune. On trouva aussi sept douilles de Smith & Wesson Modèle Russian en calibre .44. L’une d’entre elles Ă©tait marquĂ©e « S&WR Â». Conçus par la compagnie pour le contrat militaire russe, l’arme et la cartouche Ă©taient toutes les deux disponibles sur le marchĂ© civil amĂ©ricain en 1878. Dans tous ses modèles Ă  grande carcasse, le Smith & Wesson trouva des amateurs sur la frontière, grâce Ă  son système Ă  brisure et Ă  Ă©jection multiple. Ces caractĂ©ristiques en faisaient une arme plus facile Ă  recharger que le Colt Modèle 1873 Ă  carcasse monobloc. Quatre douilles de pistolet, fortement fragmentĂ©es et que personne ne put identifier, vinrent s’ajouter aux fouilles, en mĂŞme temps qu’une paire de balles en plomb de calibre .54. Dans les deux cas, il s’agissait de projectiles en plomb pur, Ă  base creuse et Ă  deux gorges de graissage, les marques de six rayures Ă©tant encore visibles sur l’un d’eux, aplati Ă  l’impact lorsqu’il avait Ă©tĂ© tirĂ©. On trouva Ă©galement deux balles de plomb rondes en calibre .50, dĂ©jĂ  tirĂ©es et aplaties. Les quatre balles tirĂ©es furent retrouvĂ©es dans la mĂŞme structure, l’une d’entre elles ayant fini sa trajectoire dans la salle principale, les autres dans le passage servant d’entrĂ©e. Cela peut signifier, soit que les anciens rĂ©sidents Ă©taient très imprudents en manipulant leurs armes, soit qu’une bataille rangĂ©e a Ă©clatĂ© entre des gens Ă  l’intĂ©rieur de la cabane. Trois amorces Ă  percussion et dix grandes amorces pour armes d’épaule vinrent complĂ©ter la liste des objets touchant de près ou de loin les armes Ă  feu, signifiant que les armes Ă  percussion continuaient Ă  ĂŞtre populaires dans le commerce. Les reliques mises Ă  jour dans le site de Quitaque Creek ne reprĂ©sentent seulement qu’une minuscule fraction des armes et des munitions Ă©changĂ©es ou utilisĂ©es par des Comancheros ne frĂ©quentant qu’un seul des nombreux sites analogues au Texas et au Mexique de l’Est.

L’un des Ă©tudiants intĂ©ressĂ© par le trafic que pratiquaient les Comancheros, a localisĂ© et expertisĂ© pas moins de treize de ces points de rendez-vous dans un rayon de mille miles autour de Tucumcari et de Fort Bascom, New Mexico. De nombreuses reliques ayant trait aux armes Ă  feu furent aussi retrouvĂ©es dans ces sites-lĂ . Parmi elles, la collection classique de douilles de cartouches, de capsules, et de projectiles, en mĂŞme temps que les restes d’un fusil de chasse double Ă  canon sciĂ©, trouvĂ© dans un site Ă  seulement quarante miles du fort. Les armes illicitement fournies aux Indiens et provenant des râteliers des postes de l’armĂ©e n’étaient pas rares. Les Comancheros payaient de bonnes sommes pour des armes d’ordonnance, et il existait des soldats qui avaient toujours besoin d’argent liquide. Il s’ensuivit toute une Ă©pidĂ©mie de vols d’armes. En faisant l’inspection de sa compagnie de cavalerie en Janvier 1866, un officier de Fort Union, New Mexico, se rendit compte qu’il manquait cinquante cinq revolvers Ă  percussion Remington en calibre .44. Les armes, qui coĂ»taient 12,00 $ la pièce au gouvernement, partaient Ă  50,00 $ la pièce sur la frontière. Au Texas, les vols d’armes atteignirent de telles proportions qu’au mois d’AoĂ»t 1866, le War Department fut obligĂ© de publier la circulaire General Order N° 65, qui disposait : Â« Dans l’état du Texas, le prix de leurs armes sera dĂ©duit de la paie des hommes engagĂ©s qui se dĂ©barrassent ou qui perdent leurs carabines Spencer, ou les revolvers Army Colt ou Remington, Ă  raison de cent dollars l’unitĂ© pour les premières et cinquante dollars pour chacune des deux autres. Â» Les dĂ©serteurs, eux aussi, furent une source possible d’armes de contrebande. En FĂ©vrier 1867, le « Army & Navy Journal Â» rapportait que cinquante hommes du 3ème. Cavalry avaient dĂ©sertĂ© en masse de l’un des postes du Kansas, Â« …emportant avec eux chevaux, carabines, pistolets et munitions, dans l’intention probable de passer par le Nouveau Mexique avant de se disperser Ă  travers la Californie. Â» A cette Ă©poque, le 3ème Cavalry Ă©tait armĂ© de carabines Sharps et Spencer, ainsi que de revolvers Colt et Remington. Les dĂ©serteurs en route vers la Californie purent très bien avoir trouvĂ© de bon preneurs pour de telles pièces dans le Nouveau Mexique oriental. Les Indiens ne cachèrent jamais leur intĂ©rĂŞt pour les armes. Le chef Kiowa Lone Wolf, Loup Solitaire, se prĂ©senta effrontĂ©ment Ă  une confĂ©rence de paix en 1871 Ă  Fort Sill, Territoires Indiens, tenant fermement dans chaque main une carabine Spencer de contrebande.

Par la suite, le GĂ©nĂ©ral William T. SHERMAN Ă©crivit au commandement de Fort Leavenworth, Kansas : Â« Je constate maintenant que beaucoup de ces assassinats et ces dĂ©prĂ©dations ont Ă©tĂ© faits par des Indiens de cette rĂ©serve, et qu’il existe un système pour Ă©changer vers le Kansas et le Nouveau Mexique les chevaux et les mules volĂ©es, contre des armes et des munitions, car ces bandes de maraudeurs se promènent partout avec des carabines Sharps ou Spencer et des fusils Henry, et elles sont approvisionnĂ©es avec des cartouches ad hoc. Â» Le trafic Comanchero fleurit Ă  partir de la Guerre Civile. En 1871, le journal « Daily New Mexican Â» estimait que plus de 30 000 tĂŞtes de bĂ©tail avaient Ă©tĂ© menĂ©es vers l’intĂ©rieur du territoire par les Comanches pendant les trois mois prĂ©cĂ©dents. L’éleveur Texan Charles GOODNIGHT, lui-mĂŞme victime de vols de bĂ©tail par les Comancheros, estimait qu’en deux ans seulement, 300 000 bovins et 100 000 chevaux avaient Ă©tĂ© volĂ©s dans son Ă©tat pour entretenir ce genre de commerce. Les dĂ©prĂ©dations continuaient en une chaĂ®ne sans fin d’épanchements de sang et de vols, au fur et Ă  mesure que les armes arrivaient aux mains des Indiens. En Janvier 1869, Â« environ une centaine de guerriers armĂ©s chacun de deux six-coups et d’un fusil Spencer… Â» attaquèrent le village de Gatesville au Nord d’Austin, tuant dix colons et emmenant plusieurs femmes et enfants pour les vendre plus tard aux Comancheros. Le mois de Mars suivant, le Consul des Etats Unis Ă  Piedras Negras, Nouveau Mexique, Ă©crivait que les Indiens faisaient des Ă©changes en pleine ville, Â« bien armĂ©s de carabines Spencer et de revolvers. Â» En Avril 1873, un journal du Texas relatait une bagarre rĂ©cente près de Camp Colorado, oĂą une douzaine de braves, armĂ©s de Spencer, avaient dĂ©fiĂ© les colons. Ce mois d’AoĂ»t-lĂ , quinze Comanches, armĂ©s de fusils Â« Winchester, Henry et Spencer Â», se heurtèrent Ă  la milice locale au cours d’une bataille acharnĂ©e en haut de Packsaddle Mountain, la Montagne de la Selle de Bât. Toutefois, vers le dĂ©but de 1873 et Ă  cause du vigoureux harassement par les militaires, le commerce des Comancheros commença Ă  dĂ©cliner. Les Comancheros plus ardus rĂ©pondirent en traçant leurs pistes Ă  chariots plus au Nord de la rivière Canadian et un marchand effrontĂ©, Juan PIEDA, lança un dĂ©fi public Ă  l’ArmĂ©e, mettant les troupes en demeure de l’attraper si elles le pouvaient.

Il y avait encore de l’argent Ă  faire dans le commerce, mais les conditions changèrent rapidement au fur et Ă  mesure que les Blancs pĂ©nĂ©traient dans les Staked Plains en nombres de plus en plus grands. Les Ă©quipes d’experts et de gĂ©omètres, envoyĂ©s lĂ  pour un projet de ligne de chemin de fer, Ă©cumèrent le Llano avec des gens qui n’étaient lĂ  que provisoirement mais avec leurs Winchesters, et Ă  partir de l’étĂ© 1874, les chasseurs de bisons Ă©liminaient les grands troupeaux qui y paissaient encore. En voyant leur patrimoine menacĂ© par la disparition des bisons, les Kiowa, les Comanche et les Cheyenne du Sud se rassemblèrent dans une tentative dĂ©sespĂ©rĂ©e de repousser les intrus hors de leurs territoires de chasse. A la fin de Juillet 1874, des centaines de colons avaient Ă©tĂ© tuĂ©s dans la Cimarron Valley, et mĂŞme près de Fort Bascom, comme les raids s’étendaient vers l’intĂ©rieur du Nouveau Mexique. Au mois d’AoĂ»t, on prĂ©parait une grande campagne contre les Indiens, la Red River War, la Guerre de la rivière Rouge, avec cinq colonnes de soldats qui sortirent des postes du Texas, du Nouveau Mexique, du Kansas et du Territoire Indien, pour attaquer les hostiles sur le terrain. Après une avance forcĂ©e, ces colonnes convergèrent en amont de la Rivière Rouge et dispersèrent ou forcèrent Ă  se rendre la plupart des bandes fugitives. A cette Ă©poque, quelques Comancheros virent la fin de leur commerce se rapprocher de plus en plus et l’abandonnèrent pragmatiquement pour s’enrĂ´ler dans l’ArmĂ©e comme Ă©claireurs contre leurs anciens clients. On continua Ă  se livrer des batailles sporadiques et mineures, contre des braves dĂ©fiant tout le monde, mĂŞme après que les tribus fussent enfermĂ©es dans leurs rĂ©serves. En 1880, une compagnie de Texas Rangers, sous le commandement du Capitaine George W. ARRINGTON, intercepta un groupe d’Indiens Pueblo Comancheros qui traversaient les Staked Plains pour se rendre vers un lieu de rendez-vous. Les Rangers confisquèrent leur chargement d’armes, qui consistait en« principalement des fusils Spencer et des cartouches Ă  percussion annulaire Â», se rappela l’un des hommes de loi. Le CapitaIne ARRINGTON relâcha les Pueblo en les prĂ©venant que si jamais il les retrouvait Ă  nouveau sur ce territoire, il leur ferait tirer dessus Ă  vue. Il ordonna ensuite Ă  ses hommes d’enterrer les armes et les munitions près de leur camp. L’auteur ne dit pas si les Comancheros ont, ou n’ont pas, surveillĂ© les Rangers de loin pour voir ce qu’ils faisaient avec leur came, puis s’ils sont revenus en douce pendant que les Rangers Ă©taient partis, pour dĂ©terrer les caisses et les rĂ©cupĂ©rer. SĂ»rement ont-ils laissĂ© tomber, peut-ĂŞtre parce qu’ils avaient trop les foies. Quelque part dans le Llano Estacado, au Nord du vieux Fort Elliot, reposent les restes rouillĂ©s des vestiges d’un vieux trafic qui fit baigner la frontière du Sud-Ouest dans un bouillonnement de sang pendant des gĂ©nĂ©rations. Dis-moi juste oĂą elles sont, ces caisses, et je m’en vais te les chercher, moi, ces Spencers et leurs cartouches ! Les armes portĂ©es et vendues par les Comancheros avaient Ă©tĂ© d’un cĂ´tĂ© les instruments d’efforts sordides de gens qui recherchait la richesse, et de l’autre ceux du combat dĂ©sespĂ©rĂ© d’un peuple fier qui refusait de se faire balayer par une marĂ©e de civilisation Blanche.

A la fin, les rĂŞves et les espoirs qu’on avait tant dĂ©fendus jusqu’au sang avec le trafic des armes, furent dĂ©laissĂ©s avec le mĂŞme aspect qu’une douille pour Spencer que l’on vient de tirer, c’est-Ă -dire brĂ»lĂ©e, sale et vide. Aujourd’hui, l’herbe a repoussĂ© depuis longtemps sur les pistes tracĂ©es par les chariots des trafiquants, pendant que les vieux os des guerriers morts se sont rĂ©duits en poudre et se sont mĂ©langĂ©s avec la poussière qui chevauche le vent par dessus le Llano Estacado. N’oublions pas le cactus et le vautour posĂ© dessus.

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LEY QUINTO (Cinquième Loi)

Traduction d’un article de W. AUSTERMAN paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1985

(Ce récit débute au début du XIXème. siècle, quand le Texas était encore indépendant et quand le Mexique étendait ses frontières beaucoup plus loin qu’aujourd’hui)

Partie en reconnaissance en cette annĂ©e 1837 le long de la frontière de la jeune rĂ©publique, une compagnie de Texas Rangers rencontra un cavalier solitaire qui aurait pu servir d’archĂ©type pour une engeance d’hommes qui allaient exporter un commerce horrible de l’autre cĂ´tĂ© du Rio Grande, et profondĂ©ment Ă  l’intĂ©rieur du Mexique, pour les dix annĂ©es Ă  venir. Le Capitaine William « Bigfoot Â» WALLACE sentit un frisson courir le long de sa moelle Ă©pinière lorsqu’il se retrouva en face de Jefferson TURNER, un homme qui ne vivait que pour donner la mort Ă  ses ennemis. Tatinnn, Tita-titinnn. Autrefois un colon bien pacifique, ce TURNER avait vu sa femme et ses enfants se faire massacrer au cours d’un raid d’Indiens, et il ne faisait plus Ă  prĂ©sent que hanter le dĂ©sert pour assouvir sa revanche. Plus tard, WALLACE se souviendrait de lui comme d’un Â« type grand et sec, vĂŞtu d’une chemise de chasse et de chausses en peau de chevreuil, avec un bonnet en fourrure de raton laveur sur la tĂŞte. Il portait Ă  l’épaule un long et vieux fusil Ă  silex, en fer et de type Kentucky, ainsi qu’un tomahawk et un couteau Ă  scalper passĂ©s dans sa ceinture. Ses cheveux Ă©taient emmĂŞlĂ©s et pendaient autour de son cou, hirsutes, en de grandes touffes non peignĂ©es, et ses yeux sortaient de sa tĂŞte, aussi brillants qu’une paire de charbons ardents. Â» Soixante ans plus tard, le vieil homme de la frontière se rappelait encore ces yeux en frissonnant« J’ai vu toutes sortes d’yeux de fauves, de panthères, de loups, de pumas, de lĂ©opards et de lions mexicains, mais je n’en ai jamais vu qui scintillaient, brillaient et dansaient comme ceux qui le faisaient dans cette tĂŞte-lĂ . Â» C’étaient les lanternes de la folie qui y brĂ»laient, et elles Ă©clairaient le chemin de TURNER dans sa course Ă©perdue après les scalps d’Indiens, c’est-Ă -dire leur cuir chevelu, dĂ©coupĂ© et arrachĂ© comme trophĂ©e. Alors qu’il chevauchait avec les Rangers, il prĂ©tendit qu’il venait d’en prendre trois de plus au cours d’une escarmouche avec les sauvages, portant ainsi son palmarès total Ă  quarante-neuf. Quand TURNER se sĂ©para de WALLACE, il se vanta qu’il ne reviendrait pas Ă  la civilisation avant d’en avoir attachĂ© une centaine, Ă©talĂ©s et sĂ©chĂ©s, sur des arceaux.

Jefferson TURNER n’était motivĂ© que par la soif de sang, mais il y en eut d’autres sur la frontière qui trouvèrent qu’ils pouvaient tirer un joli petit profit de ce type d’activitĂ©. Vers 1830, les rĂ©sidents du Nord-Ouest du Mexique abordaient leur troisième siècle de lutte contre l’un des plus implacables ennemis jamais rencontrĂ©s par des colons. Les dĂ©serts et les collines torrides de la rĂ©gion abritaient les clans guerriers des Indiens Apache. Les Mexicains s’éteint dĂ©jĂ  rĂ©signĂ©s depuis longtemps aux raids d’automne des Kiowa et des Comanche, quand ceux-ci s’élançaient par-dessus le Rio Grande depuis leurs territoires du Llano Estacado au Texas. Mais il s’agissait-lĂ  de menaces saisonnières, pas du tout comme les ravages continuels que faisaient les Apache, lesquels ne laissaient que peu de survivants dans leur sillage pour pouvoir pleurer les morts ou ratisser leurs cendres. Des dizaines d’annĂ©es de guerres sans merci avaient transformĂ© les Mexicains et les Apache en une espèce de vermine aux yeux de l’un et de l’autre. Ce ne fut donc pas surprenant lorsque, en Septembre 1835, l’Etat de Sonora dĂ©crĂ©ta une loi qui offrait une prime de cent Pesos pour le scalp d’un guerrier Apache. L’un des premiers Ă  capitaliser sur cette nouvelle loi fut un ancien chapelier du Kentucky, nommĂ© James JOHNSON. Cet aventurier amĂ©ricain conclut avec le Gouverneur Escalante y ARVIZ un contrat pour mener une expĂ©dition officielle de chasse Ă  l’Indien. Se faisant passer pour un commerçant, JOHNSON emmena ses associĂ©s vers le nord, dans ce qui est aujourd’hui le ComtĂ© d’Hidalgo, au Nouveau Mexique. Il gagna la confiance du chef Indien Juan JosĂ© COMPA et sa bande d’Apache Mogollon. Après avoir attirĂ© les Indiens dans son camp pour un festin nocturne qu’il leur avait promis, JOHNSON approcha le bout incandescent de son cigare de la lumière d’un petit canon qu’il avait cachĂ© sous une pile de selles. Le canon vomit sa charge de morceaux de fers Ă  cheval dĂ©coupĂ©s et de clous dans les Indiens, ce qui dĂ©coupa les braves, les squaws, et les enfants avec une impartialitĂ© fĂ©roce. Et boum, et boum, petites patates boum, Ă  nous les cent pesos par tĂŞte de patate.

Les blessĂ©s et ceux qui n’étaient qu’assommĂ©s furent rapidement achevĂ©s par balle, pendant que les hommes de JOHNSON se mettaient au travail avec leur couteau. Cette volĂ©e de mĂ©tal fauchant tout le monde venait d’ouvrir les portes d’un trafic qui sera le plus brutal de toute l’histoire de la frontière du Sud-Ouest. Le gars du Kentucky et ses successeurs ont excellĂ© en ce que mĂŞme les Mexicains ont appelĂ© « une vile industrie Â», le commerce des scalps humains. Pendant cinquante ans après cette nuit sanglante du 22 Avril 1837, ce sauvage commerce dĂ©terminerait les relations entre les Anglos, les Mexicains et les Indiens, du Colorado jusqu’aux limites du grand dĂ©sert du Chihuahua. Les hommes qui chassaient le cuir chevelu pour de l’argent Ă©taient d’une diversitĂ© surprenante quant Ă  leur origine, ne partageant principalement qu’un mĂ©pris pour l’humanitĂ© de leurs proies. Ils variaient du trafiquant de fourrures, qu’il fĂ»t nĂ© au Mexique ou qu’il fĂ»t auparavant AmĂ©ricain, au dĂ©serteur de l’armĂ©e, en passant par l’Indien des tribus de Est des Etats-Unis et les Ă©migrants en mal de cash sur le chemin de la Californie. Tous considĂ©raient leurs armes comme les outils de base de leur profession. Ces armes variaient des plus antiques pĂ©toires Espagnoles aux produits les plus modernes de l’industrie armurière de la Nouvelle Angleterre, mais ceux d’entre eux qui eurent le plus de rĂ©sultats avaient des prĂ©fĂ©rences bien dĂ©finies en la matière. Le rĂ©sultat fut un chapitre terrible dans toute l’histoire de l’AmĂ©rique.

Le succès de James JOHNSON dans ses moissons de peaux indiennes poussa l’Etat voisin de Chihuahua Ă  dĂ©crĂ©ter sa propre loi sur ce type de commerce, dĂ©terminant toute une palette de prix pour les scalps des mâles, des femelles et des petits, en une application cynique de l’économie d’un gĂ©nocide. L’un des premiers Ă  rĂ©clamer ses primes fut un ancien Ă©picier de New York City devenu trafiquant de fourrures, nommĂ© James KIRKER. Aussi appelĂ© « Don Santiago Â» par les Mexicains, d’origine Irlandaise nĂ© en AmĂ©rique, cet homme de la frontière et sa compagnie de tueurs constitueront une plaie pour l’Apacherie pendant onze ans, lancĂ©s dans une fĂ©roce course Ă  la fortune. Bien que KIRKER fĂ»t un homme Ă©duquĂ©, et un ancien compagnon de gens aussi connus dans le commerce de la fourrure que William ASHLEY et Jedediah SMITH, ce n’était qu’un mercenaire de la plus basse espèce, dont la soif de sang n’était surpassĂ©e que par son aviditĂ© de pouvoir. TraĂ®nant vers le Mexique au milieu des annĂ©es 1820, KIRKER avait posĂ© des pièges, il avait cherchĂ© de l’or, et fait du commerce avec les Indiens dans cette vaste rĂ©gion entre sa demeure Ă  Janos, Chihuahua et les mines de cuivre du Nouveau Mexique. Avec beaucoup de nerf, et encore plus de chance, il Ă©tait parvenu Ă  gagner la confiance des Indiens. Ces Indiens allaient avoir de bonnes raisons pour regretter l’amitiĂ© qu’ils avaient vouĂ©e Ă  ce Yankee pervers. Le massacre de JOHNSON entraĂ®nant une rĂ©volte indienne, KIRKER rĂ©alisa vite que ses chances d’être Ă  nouveau le bienvenu chez eux risquaient de s’être dangereusement amincies, et il dĂ©cida d’anticiper une attaque Ă©ventuelle en frappant les Apache le premier. Rassemblant une bande de durs Ă  cuire qui incluait des trappeurs Français et Anglais, un Noir, deux HawaĂŻens et plusieurs braves guerriers Delaware et Shawnee, KIRKER lança un raid sur un village Indien, tĂ´t le matin au printemps de 1837, et rapporta dans ses fontes cinquante cinq scalps de guerriers, en plus de la haine de ses anciens amis. Ainsi, lorsque le Chihuahua ratifia sa propre loi sur la chasse Ă  l’Indien, KIRKER avait l’expĂ©rience et la rĂ©putation nĂ©cessaire pour rallier d’autres salopards Ă  sa compagnie. En Avril 1839, il avait dĂ©jĂ  obtenu de l’Etat la promesse d’une prime totale de cent mille Pesos pour financer sa guerre contre les Apache. En dĂ©pit d’un politique Mexicaine capricieuse et des paiements très intermittents pour ses services, KIRKER harcelait les tribus de Janos Ă  Santa Fe, les traquant jusque dans leurs repaires les plus reculĂ©s, et leur engageant une poursuite implacable après chacune de leurs dĂ©prĂ©dations. En Septembre 1839, KIRKER surprit une bande Ă  Rancho de Taos, au Nouveau Mexique, et en abattit quarante en l’espace de quelques heures Ă  peine. Il rĂ©pĂ©ta cet exploit en FĂ©vrier 1840, en dĂ©ferlant sur un camp au Sud-Est de Chihuahua et en enlevant quinze scalps de la tĂŞte des morts, alors que quarante prisonniers Ă©taient emmenĂ©s vers le marchĂ© aux esclaves local.

Pendant que KIRKER semait la terreur parmi les Apache et dans leurs rancherias, une caravane de chariots de marchandises et appartenant au marchand amĂ©ricain Albert SPEYER, cheminait pĂ©niblement vers le Sud près de Santa Fe, au printemps de 1841. Elle emportait avec elle une recrue potentielle pour KIRKER en la personne du jeune James HOBBS. Ce vaurien de vingt-quatre ans, originaire du Missouri, avait dĂ©jĂ  survĂ©cu Ă  quatre ans de captivitĂ© parmi les Comanches, et il s’y connaissait en combats contre les Indiens.

HOBBS joignit la caravane Ă  Santa Fe, en direction du Sud le long du Rio Grande, vers El Paso et Chihuahua. Il reçut son baptĂŞme de chasseur de scalps pendant le voyage. Une caravane de 75 chariots pleins Ă  craquer de marchandise de traite, plus 750 mules, ne pouvaient qu’attirer des pillards Indiens, et lorsqu’elle s’arrĂŞta pour camper du cĂ´tĂ© Nord de l’aride Jornada del Muerto juste au-dessus d’El Paso, ils firent fuir tous les animaux exceptĂ© quelques douzaines. HOBBS partit Ă  cheval Ă  leur poursuite avec quelques hommes et attaqua les Indiens huit jours plus tard, au campement et pendant qu’ils dormaient. Neuf Apache tombèrent sous les balles des Blancs, et le reste s’échappa dans les buissons. Les compagnons Indiens de HOBBS s’empressèrent de peler la toison des braves morts. De retour vers la caravane avec le bĂ©tail rĂ©cupĂ©rĂ©, il obtint la promesse de SPEYER qu’ils recevraient une prime en arrivant Ă  Chihuahua. C’est lĂ  que HOBBS rĂ©alisa qu’il y avait de l’argent Ă  faire dans la lutte contre les Indiens, et veilla Ă  rĂ©cupĂ©rer d’autres trophĂ©es pendant que la caravane campait Ă  nouveau Ă  la sortie de la Jornada en arrivant vers Dona Ana, Nouveau Mexique, sur la rive Est du Rio Grande. Alors qu’il montait la garde cette nuit-lĂ , HOBBS devina un mouvement dans l’ombre, et il aperçut un Indien s’approcher subrepticement du troupeau de mules. Le Missourien portait un fusil de chasse dont les deux tubes Ă©taient chargĂ©s d’une bonne dose de « pilules de galène Â». Il attendit calmement jusqu’à ce que le brave fĂ»t Ă  quelques yards de lui, et Â« balança quinze bonnes chevrotines dans le creux de son dos, qui le tuèrent instantanĂ©ment Â». HOBBS avait gardĂ© prudemment la charge du deuxième canon pour le compagnon du rĂ´deur, mais personne n’apparut. C’est un SPEYER enchantĂ© qui lui dit en plaisantant qu’il Â« devrait demander une augmentation de la prime pour des scalps d’Indiens comme celui-lĂ , et celui-ci vaudrait bien cent-cinquante Dollars. C’était le plus grand Apache que j’aie jamais vu, mesurant six pieds et quatre pouces. Â». Alors que les marchands venaient de quitter El Paso, HOBBS en arriva Ă  prendre goĂ»t Ă  ce nouveau mĂ©tier de scalpeur. Il admirait l’habiletĂ© que dĂ©ployait le chef Shawnee SPYBUCK ( traduction, non pas Luke SKYWALKER, mais plutĂ´t « Jeune Espion Â» ), un vieux compagnon de KIRKER dans la chasse au cheveu. Au cours d’une bataille, cet Ă©claireur lutta tout seul contre vingt Apache et en fit tomber trois de leur selle avec son fusil, avant que le reste ne battĂ®t en retraite. Il revint Ă  la caravane avec leurs scalps qui pendaient au bout d’un bâton, pour les montrer Ă  SPEYER. L’équipe passa l’automne 1841 dans la ville de Chihuahua, pendant que les marchands vendaient leur bĂ©tail et se prĂ©paraient pour le voyage du retour. James KIRKER apparut en ville et commença Ă  recruter pour sa compagnie. Très vite, SPYBUCK rejoignit son ancien employeur et notre jeune et fougueux HOBBS dĂ©cida de s’enrĂ´ler lui aussi. Pas moins de soixante-dix Shawnees et presque une centaine d’Anglos rejoignirent les chasseurs de scalps pendant que « Don Santiago Â» se prĂ©parait pour une grande expĂ©dition. Les Apache le devancèrent. Au dĂ©but de 1842, ils attaquèrent une caravane au Nord de la ville et tuèrent tout l’équipage, sauf un homme. Le survivant parvint au camp de KIRKER pour apporter la nouvelle, et les hommes de ce dernier se mirent immĂ©diatement en selle pour donner la chasse. Après une chevauchĂ©e de trois jours, ils arrivèrent au campement des pillards et trouvèrent les braves, ivres-morts d’avoir bu l’alcool qu’ils avaient volĂ© dans les chariots. Les scalpeurs encerclèrent le camp et attaquèrent silencieusement au couteau et Ă  la hachette. Seuls quelques coups de feu furent tirĂ©s, pendant que les guerriers complètement saouls mouraient dans leurs couvertures. Quand ce fut fini, quarante-trois jeunes forts Ă©taient Ă©tendus parmi les cendres de leur campement. Â« Les Shawnees les scalpèrent tous immĂ©diatement Â», se rappela HOBBS plus tard Â« et SPYBUCK se chargea d’entretenir les trophĂ©es macabres, en les enduisant de sel pour les conserver jusqu’à ce que nous retrouvions le gouverneur et qu’il nous donne l’argent de la prime. Â» C’est pas moi, c’est l’autre, dit-il, mais on voit que rien n’a changĂ© chez les sauvages. Aujourd’hui, on a les gĂ©nocides africains entre les Schmutzig et les Toutous. Sauf que ceux-lĂ  ne se scalpent pas, ils se balancent du haut des ponts ou se dĂ©coupent entre eux Ă  la machette. KIRKER apprit qu’un autre gros campement d’Apache se trouvait Ă  quelques jours de voyage et proposa de les attaquer eux-aussi. La compagnie se dirigea donc allègrement vers le Nord en direction des sierras, sous le Rio Grande, laissant ses dernières victimes aux loups et aux coyotes. HOBBS dit plus tard que Â« chaque homme Ă©tait armĂ© d’un fusil et d’une paire de six-coups, et nous Ă©tions tous confiants dans ce qui allait se passer Â» Si cette histoire se dĂ©roule vraiment en 1842, je ne sais pas de quels six-coups il veut parler. Parce que l’arme de poing tirant six coups la plus connue dans cette partie du globe n’était pas encore sortie, que ce soit le Colt 1847 ou le 1851, et que le Paterson, qui n’était d’ailleurs pas tellement fiable, n’en tirait que cinq. Les gens avaient plus souvent des poivrières, et le silex Ă©tait encore courant. Notre HOBBS Ă©tait donc aussi menteur que salaud.

La chance du capitaine des scalps tint bon et, en donnant l’assaut sur les bords du Lac Guzman au petit matin, ses hommes dĂ©truisirent le village et ramassèrent cent trente neuf nouvelles peaux pour le trĂ©sorier payeur de monsieur le gouverneur. La carrière macabre de KIRKER continua florissante pendant plusieurs annĂ©es encore, alors qu’il chassait l’Apache Ă  travers les Ă©tendues sauvages du Chihuahua. En 1845, il revint d’une campagne en rapportant dix-huit captifs et cent quatre vingt deux scalps. Le mois de Mars 1846 le vit sur la frontière Nord-Ouest du Sonora, oĂą il ratissa les villages des chefs Jose CHATO et MATURAN. Le 07 Juillet de cette annĂ©e-lĂ , ses hommes dĂ©firent le chef REYES près de Galena, prĂ©tendant rapporter son scalp et cent quarante huit autres après une boucherie sans merci. Les scalps prĂ©parĂ©s furent pendus sur la façade de la grande cathĂ©drale de Chihuahua pour cĂ©lĂ©brer ce triomphe. Amen. La dĂ©claration de guerre contre les Etats Unis, et la lenteur du gouvernement local Ă  lui payer les primes qu’il lui devait, poussèrent KIRKER Ă  dĂ©serter ses patrons. En DĂ©cembre 1846, il quitta le pays en fuyant, avec Ă  ses trousses une prime de dix mille Dollars fixĂ©e par les autoritĂ©s pour quiconque le ramènerait. En guise de reprĂ©sailles, KIRKER chevaucha vers le Nord en direction d’El Paso et rejoignit les volontaires Missouriens du Colonel Alexander DONIPHAN alors qu’ils se prĂ©paraient Ă  envahir la province de Chihuahua. A la fin de la guerre, il bricolait par-ci par-lĂ , tantĂ´t en guidant les Ă©migrants, tantĂ´t comme Ă©claireur pour l’U.S. Army au Mexique, et tantĂ´t en chassant un peu le scalp en solitaire. En 1850, il partit vers l’Ouest en Californie et, en l’espace de trois ans, y mourut d’alcoolisme.

Alors que KIRKER avait quitté la profession en 1850, ses émules ne tardèrent pas à se retrouver sur le terrain. La fin de la guerre contre le Mexique et la découverte d’or en Californie activait le flot d’émigrants et d’aventuriers à travers le Sud-Ouest américain et la frontière Nord du Mexique. Les nouveaux venus provoquèrent de la part des Apache des actes de sauvagerie encore plus grands qu’avant, ceux-ci les voyant comme une nouvelle vague d’envahisseurs qui violaient leur territoire. Beaucoup de ces argonautes, en atteignant le Rio Grande à El Paso ou Presidio, se rendaient compte que leur porte-monnaie était vide. Par nécessité, certains s’orientèrent donc vers le commerce du cheveu pour gagner de quoi continuer le voyage jusqu’en Californie. En 1850, les gouvernements de Chihuahua, de Sonora, de Durango et de Coahuila avaient tous décrété des variantes de la Ley Quinto, la Cinquième Loi. Essentiellement des répétitions des vieux statuts sur la chasse aux scalps, les nouvelles lois resteraient en application jusqu’en 1886. Comme avant, des récompenses étaient proposées à la fois pour les scalps et pour les prisonniers, avalisant ainsi un meurtre en masse et un esclavage pour combattre la menace des Indiens. Rien que pour l’année 1849, l’Etat de Chihuahua dépensa dix sept mille huit cent quatre vingt seize Pesos en primes, et le commerce continuait de fleurir.

De nouveaux hommes ne tardèrent pas Ă  signer des contrats pour parcourir la frontière Ă  cheval Ă  la recherche de primes. La « vermine rouge Â» promettait une fortune pour ceux qui voulaient associer la soif de sang Ă  l’aviditĂ©. Deux des pires de ces nouveaux adeptes sortirent des rangs des Texas Rangers. Au cours de carrières aussi courtes que sans pitiĂ©, ils apportèrent de nouvelles dimensions Ă  l’horreur de ce type de commerce. L’un des premiers Ă  se distinguer fut Michael H. CHEVAILLE, un vĂ©tĂ©ran des Texas Rangers qui avait accompagnĂ© le GĂ©nĂ©ral Zachary TAYLOR dans sa charge vers l’intĂ©rieur du nord du Mexique, au cours de la guerre qui venait de finir. Ce CHEVAILLE attrapa la fièvre de l’or et forma une caravane d’immigrants Ă  San Antonio pendant l’étĂ© de 1849. A court de fonds, ils choisirent d’aller Ă  la chasse aux scalps au Mexique pour financer leur voyage et continuer vers l’Ouest. CHEVAILLE se battit Ă  plusieurs reprises avec les Apache et les Comanches dans l’ouest du Texas et au Chihuahua. Un article de journal crĂ©dita mĂŞme sa bande de la mort de quarante Indiens et de la capture de deux cent prisonniers au cours d’une bataille Ă  la mi-Juillet. Le Texan fut heureux de toucher l’argent de la rĂ©compense, et reprit sa route vers le Pacifique. En Octobre, ses affaires s’étaient Ă©croulĂ©es et peu de temps après, il tomba dans une dĂ©pression qui se termina en suicide.

L’un des concurrents de CHEVAILLE Ă©tait d’une autre trempe, et ne manqua jamais de crier le dĂ©compte de ses victimes sous tous les toits. Comme CHEVAILLE, John Joel GLANTON avait servi au Mexique, mais mĂŞme avant cela, il avait dĂ©jĂ  acquis une funeste rĂ©putation. Un Ă©vĂ©nement bien typique eu lieu dans un saloon de San Antonio un jour de 1846, quand GLANTON et un autre de ces hommes de la frontière se disputèrent Ă  propos de cartes. Son antagoniste dĂ©gaina un pistolet, mais celui-ci fit long-feu. Et pif, pas boum !

GLANTON sortit son gros Bowie et dĂ©capita pratiquement le joueur adverse d’un simple et unique coup de couteau. Il essuya ensuite calmement le sang de la lame sur son pantalon de peau tout graisseux, et remit l’arme dans son fourreau en disant Â« Etrangers ! Quelqu’un veut-il continuer la bagarre ? Si oui, qu’il sorte. Sinon, on boit ! Â» Personne n’osa relever le dĂ©fi, et on brassa de nouveau très vite les cartes. NĂ© en Caroline du Sud, GLANTON Ă©tait arrivĂ© au Texas alors qu’il Ă©tait encore très jeune. Au dĂ©but de sa vie, c’était un homme très religieux, d’une moralitĂ© rigide. Puis sa fiancĂ©e fut enlevĂ©e et assassinĂ©e par les Apache, et GLANTON se transforma en un tueur vorace et assoiffĂ© de sang, qui se moquait de toute religion exceptĂ© celle de la poudre, de la capsule de fulminate et de la balle de plomb. Lorsqu’un jour, deux ecclĂ©siastiques dĂ©clenchèrent involontairement sa fureur Ă  San Antonio, il s’engouffra dans leur maison sur son cheval et tenta de les tuer avec son revolver. Leur seule faute avait Ă©tĂ© de lui rappeler qu’il avait reniĂ© sa foi. L’étĂ© de 1849 vit GLANTON mariĂ© avec une jeune Mexicaine de bonne famille, mais on le connaissait toujours comme l’homme « qui avait tuĂ© dix hommes juste pour le sport Â». Cet Ă©tĂ©-lĂ , GLANTON dĂ©serta sa jeune mariĂ©e et s’en fut recruter sa propre bande de diables fous pour le suivre vers le Chihuahua. Les trente neuf brutes battirent la campagne Ă  travers cet Etat et les rĂ©gions avoisinantes, Ă  la recherche de leurs proies. Au canyon de Santa Helena sur le Rio Grande, l’équipe de GLANTON surprit un campement Apache et poursuivit les Indiens pendant une bataille qui dura toute la journĂ©e. A la tombĂ©e de la nuit, ses hommes avaient rĂ©coltĂ© deux cent cinquante scalps sur les braves massacrĂ©s, sur les femmes et sur les enfants. Cet automne-lĂ , il parcourut les montagnes du Chisos dans le Texas, et rĂ©ussit presque Ă  tuer le chef GOMEZ, l’un des plus fĂ©roces dirigeants des Apache Mescaleros. GOMEZ se vengea en prenant en embuscade tous les Ă©migrants qu’il pouvait sur la route d’El Paso. A la fin de sa première campagne au cours de cet automne sanglant de 1849, les autoritĂ©s AmĂ©ricaines sur la frontière condamnèrent les agissements de GLANTON. Un officier supĂ©rieur se plaignit par Ă©crit Ă  ses supĂ©rieurs de Washington : Â« Une bande d’AmĂ©ricains s’est engagĂ©e au service de l’Etat de Chihuahua pour tuer et anĂ©antir des Indiens… Ces hommes sont entrĂ©s rĂ©cemment sur notre territoire près de Presidio del Norte, et ils ont tuĂ© et scalpĂ© un certain nombre d’Indiens pacifiques et amicaux… ce qui a tellement exaspĂ©rĂ© les Indiens tout le long de la frontière, que la vie de tout homme Blanc qui pourrait tomber entre leurs mains sera le prix Ă  en payer … on ne peut s’attendre Ă  rien d’autre qu’une hostilitĂ© gĂ©nĂ©rale de la part des Indiens contre les Blancs, en rĂ©action Ă  la conduite indigne de ces mercenaires dĂ©pravĂ©s qui portent le nom d’AmĂ©ricains. Â» Il est facile de comprendre qu’à sa seconde incursion, GLANTON trouva les Indiens bien difficiles Ă  rencontrer. Il choisit un stratagème profitable en massacrant des campements de Mexicains isolĂ©s, camouflant les faits en du travail d’Indien. Ses hommes dĂ©coupaient ensuite les scalps des pauvres paysans qu’ils venaient de tuer, dans l’intention de les faire passer pour des trophĂ©es pris sur des Indiens. C’est la faute de ces mexicons, ils n’avaient qu’à ne pas ressembler Ă  des indiens ! La ruse paya Ă  plusieurs reprises, mais devint bientĂ´t suspecte aux yeux des autoritĂ©s de Chihuahua, qui finirent par poursuivre GLANTON et sa bande pour meurtre. Se rendant compte que la partie Ă©tait finie dans le coin, les tueurs partirent vers le Nord pour le Sonora, ne manquant pas une escarmouche en cours de route avec des Mexicains ou n’importe quels Indiens, les uns et les autres faisant l’affaire une fois qu’il n’en restait que le scalp. Depuis son nouveau quartier gĂ©nĂ©ral qu’il avait Ă©tabli dans le vieux village de Fronteras, GLANTON recruta de nouveaux hommes parmi la population grandissante de Tucson.

Une colonne du 2ème. U.S. Dragoons se trouvait Ă  Tucson Ă  cette Ă©poque et l’agent de GLANTON, surnommĂ© « Crying Tom Â» HITCHCOCK, arriva Ă  convaincre un jeune Bostonien appelĂ© Sam CHAMBERLAIN de dĂ©serter de son poste de charretier pour l’armĂ©e. Lui-mĂŞme un vĂ©tĂ©ran au service des Dragons lors de la guerre contre le Mexique, CHAMBERLAIN apporta Ă  la bande de GLANTON plus que son Ĺ“il averti et son bras fort. Comme il se faufilait en dehors du camp ce soir-lĂ , un Colt Walker pendait Ă  sa ceinture et deux Ă©tuis pour pistolets Ă  percussion Ă©taient accrochĂ©s Ă  sa selle, en mĂŞme temps qu’une carabine Hall Ă  chargement par la culasse. CHAMBERLAIN se croyait un aventurier aguerri, mais il se rendit vite compte que la sauvagerie dont ses nouveaux camarades faisaient preuve, et le mĂ©pris total qu’ils montraient pour la vie humaine, Ă©taient pour lui Ă©pouvantables. A cheval avec HITCHCOCK alors qu’ils Ă©taient en route pour Fronteras, ils rencontrèrent un jour une bande d’Apache, et CHAMBERLAIN blessa l’un des braves avec sa Hall. Le guerrier blessĂ© prĂ©fĂ©ra se jeter du haut d’une falaise, plutĂ´t que de leur laisser son cuir chevelu.

« Putain ! VoilĂ  cinquante Pesos qui partent en enfer, muchacho ! Â» jura « Crying Tom Â». Â« Cette saloperie de conard de nègre rouge a fait ça exprès pour nous voler ses tifs ! Â» De retour au camp, CHAMBERLAIN se fit accueillir vertement, mais la compagnie le garda tout de mĂŞme parmi elle. Il se rendit compte que les marginaux qui la constituaient n’étaient qu’un ramassis hĂ©tĂ©roclite de Â« Mexicains du Sonora, d’Indiens Cherokee et Delaware, de Canadiens français, de Texans, d’un Noir et d’un Comanche pur-sang… Ă©quipĂ©s d’une vaste collection d’armes et d’équipements variĂ©s, et d’une diversitĂ© d’habillement rarement vues dans un corps normalement organisĂ© pour la lutte contre les Indiens. Â» Bien que CHAMBERLAIN gagnât le respect de ses complices scalpeurs grâce Ă  sa carabine Hall, il regretta vite sa dĂ©cision d’en avoir rejoint la bande. GLANTON continuait son pèlerinage sanguinaire, tuant et scalpant aveuglĂ©ment tous les voyageurs Indiens et Mexicains qu’il trouvait Ă  sa portĂ©e. Un jour, quatre de ses hommes furent grièvement blessĂ©s lors d’un combat et incapables de continuer le voyage, et il ordonna calmement qu’on les abattĂ®t en s’en allant plus loin sur son cheval, pendant que ses camarades les achevaient Ă  coups de casse-tĂŞtes Apache. Ce GLANTON avait manifestement sombrĂ© dans une folie meurtrière depuis longtemps, et CHAMBERLAIN commença Ă  se sentir comme un prisonnier du gang plutĂ´t que l’un des membres. Au printemps de 1850, il dĂ©serta GLANTON avec trois autres et partit vers la Californie. Entre-temps, GLANTON s’était installĂ© sur les berges du Gila. Il y assassina plusieurs Indiens Pima et s’empara du bac que ceux-ci avaient installĂ©, avec dans l’esprit de faire fortune en escroquant les Ă©migrants dĂ©sireux de passer de l’autre cĂ´tĂ©. Cette aventure parut prometteuse un petit moment, mais sa brutalitĂ© avait rendu les Pimas fous de rage et, le lendemain de la dĂ©sertion de CHAMBERLAIN, ils attaquèrent le campement, y tuant GLANTON et les compagnons qui lui restaient. Les Indiens se saisirent du corps de l’ancien chasseur de scalps et Â« lui taillèrent les boucles jusqu’à la pomme d’Adam Â». Ce fut une juste fin pour le sauvage Blanc.

Bien que le commerce du cheveu humain persistât encore au Mexique bien après la mort de GLANTON, les dĂ©tails Ă  ce sujet manquent Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es 1850. Des flibustiers amĂ©ricains comme Henry CRABB ou William WALKER effacèrent la bienvenue au Mexique pour le « Norte Americano Â» pendant une dizaine d’annĂ©es, envisageant d’y graver leur empire privĂ© en s’emparant de parties du Chihuahua ou du Sonora. Les primes pour les scalps restaient en vigueur, et des chasseurs Mexicains comme Juan Mata ORTIZ prirent la route, Ă  la recherche d’Indiens. En 1860, cette pratique s’était Ă©tendue jusqu’aux Etats Unis. Cette annĂ©e-lĂ , un voyageur qui visitait l’Arizona rencontra des chasseurs de primes dont les Â« brides Ă©taient brodĂ©es de cheveux humains provenant des victimes qu’ils avaient scalpĂ©es, et dĂ©corĂ©es des dents qu’ils avaient arrachĂ©es des mâchoires de femmes encore vivantes. Â» La tactique favorite Ă©tait de laisser des provisions empoisonnĂ©es le long de pistes frĂ©quemment empruntĂ©es par les Apache. Le rĂ©sultat donnait aux couteaux des chasseurs une rĂ©colte facile et sans risques. La haine des Indiens Ă©tait telle Ă  cette Ă©poque, que les autoritĂ©s amĂ©ricaines offrirent dĂ©libĂ©rĂ©ment des primes sur tout le territoire de l’Arizona. En 1866, le journal « Miner Â» de Prescott annonça fièrement la formation des Yavapai County Rangers. Cette milice de trente hommes recrutait pour un service de quatre vingt dix jours, sous les ordres du chasseur d’Indiens Thomas HODGES. « Une coquette somme est allouĂ©e pour l’équipement, et aussi pour les scalps d’Indiens Â» pouvait-on lire dans le « Miner Â». Une troupe de théâtre amateur rĂ©unit vingt cinq Dollars comme prime pour les Rangers, et on promit un scalp d’Apache Ă  chaque femme de la compagnie théâtrale, en guise de remerciement de la part de la milice. Les Rangers coincèrent une bande d’Apache dans un canyon au Nord de Prescott, et abattirent vingt trois hommes, femmes et enfants. Â« Hourrah pour les Yavapai Rangers ! Â»exultait le « Miner Â». Â« Nous sommes heureux de savoir que nos Yavapai Rangers ne se sont pas prĂ©occupĂ©s de faire de prisonniers chez ces peaux-rouges sanguinaires. Â» Alors que certains tueurs d’Indiens prĂ©fĂ©raient leurs vieilles pĂ©toires, des armes neuves arrivaient du Sud-Ouest pour les aider dans leur campagne contre les Apache. Le cĂ©lèbre « Sugar-foot Jack » prĂ©fĂ©rait son Colt Dragoon en .44 pour abattre ses proies, mais l’étĂ© 1863 vit des carabines Ă  rĂ©pĂ©tition Spencer passer Ă  travers le territoire, lesquelles gagnèrent l’approbation immĂ©diate de tous les hommes de la frontière qui en voyaient une. En 1868, le James HOBBS vieillissant donnait toujours dans le commerce du cheveu humain, et il se servait Ă  la fois de la Spencer et d’une Henry Ă  rĂ©pĂ©tition en .44 annulaire. Un jour de cette annĂ©e-lĂ , il ramena un paquet de neuf scalps dans Fort Buchanan et proposa de signer un contrat avec le gouvernement pour en rapporter plus sur le territoire.

Le Gouverneur John M. GOODWIN et son successeur, A.P.K. SAFFORD Ă©taient tous les deux en faveur d’une Ă©limination de la menace Indienne aussi rapide que possible de l’Arizona. Entre 1869 et 1877, le gouvernement d’Etat reçut presque un millier de Springfield en .45-70 et en .50-70 du gouvernement fĂ©dĂ©ral. Un autre lot de cinq cent Sharps et Spencer Ă  chargement par la culasse entra Ă©galement dans l’arsenal d’état pendant cette pĂ©riode. Les armes furent librement distribuĂ©es parmi les citoyens, et elles eurent leur place dans les plus violents assauts contre les Indiens.Putain ! Tu imagines un peu ce que cela serait en France si on donnait gratuitement comme ça des .50-70 Ă  tous les braves gens qui voudraient Ă©liminer la vermine ratagasse ? Je vois bien ces gros morceaux de plomb pur, gĂ©nĂ©reusement frottĂ©s Ă  l’ail pour ĂŞtre bien sĂ»r que ça s’infecte sur les blessĂ©s, en mĂŞme temps que le saturnisme, les rĂ©sidus de salpĂŞtre et de soufre de la poudre noire, et puis aussi pour ĂŞtre sĂ»r qu’ils ne reviennent pas du monde des morts, qui entreraient mĂ©chamment dans le corps de tous ces mauricots en leur brisant les os. Ouah ! Ouah ! Au mois d’Avril 1871, le Lieutenant Royal E. WHITMAN du 3ème U.S. Cavalry avait rĂ©ussi Ă  rassembler plusieurs centaines d’Apache pacifiques dans une rĂ©serve Ă  Camp Grant, Ă  quelques cinquante miles au Nord-est de Tucson. La prĂ©sence des Indiens dĂ©rangeait trop les colons du coin, et ils dĂ©cidèrent de passer Ă  l’action. On sortit des caisses entières de Sharps et de Spencer des magasins du Gouverneur SAFFORD, et on en dota une troupe de cent quarante Blancs, Mexicains, et Indiens Papago. Au matin du 30 Avril, ils s’abattirent sur les Indiens sans dĂ©fense et s’appliquèrent Ă  les massacrer. Lorsque tout fut fini, pas moins de cent vingt cinq Apache gisaient sur le sol, morts. On ne compta parmi eux que huit hommes, et des douzaines d’enfants avaient Ă©tĂ© emmenĂ©s vivants pour ĂŞtre vendus sur le marchĂ© aux esclaves de l’autre cĂ´tĂ© de la frontière. Ce fut-lĂ  l’une des atrocitĂ©s les plus graves commises dans l’histoire de la frontière AmĂ©ricaine. La haine et l’aviditĂ© s’étaient combinĂ©es dans le massacre de Camp Grant, et dĂ©clenchèrent une nouvelle Guerre Indienne en Arizona. A l’Est, les choses n’allaient pas mieux. Au Nouveau Mexique, l’agent chargĂ© de la rĂ©serve Apache de Canada Alamosa, se plaignit que Â« des bandes qui viennent du Chihuahua et qui touchent des primes pour les scalps d’Indiens, sont aussi autorisĂ©es Ă  chasser l’Indien sur le Territoire ( du Nouveau Mexique ). Il y a quelques jours, une petite troupe venant de Janos au Chihuahua a failli attaquer ces Indiens… Il sera impossible d’établir une paix permanente avec ces Indiens si on permet Ă  des bandes incontrĂ´lĂ©es de venir de l’Ancien Mexique pour errer comme elles le veulent et venir attaquer tous les Indiens qu’elles vont trouver, oĂą et quand elles le voudront, et en toutes circonstances. Les gens, eux aussi, qui chassent les Indiens pour les quelques malheureux Dollars qu’ils reçoivent pour un scalp… Un Indien pacifique vaut… autant qu’un autre. Â» Le carnage continuait Ă  s’étendre depuis l’ancien Mexique. A la fin de l’automne 1871, une troupe de scalpeurs quitta Presidio del Norte sur la frontière et pĂ©nĂ©tra dans le nord du Texas, aussi loin que les ruines de Fort Lancaster, sur les berges du Pecos. Il se heurtèrent Ă  une bande d’Indiens et tuèrent deux braves. Dix squaws et enfants furent ramenĂ©s comme un troupeau Ă  Presidio. De lĂ , Â« ils furent acheminĂ©s vers Chihuahua, oĂą le gouvernement paye une rĂ©compense de soixante quinze Dollars par tĂŞte. Les scalps rapportent deux cent cinquante Dollars. Ces Mexicains abordent la question Indienne avec raison. Â» pouvait on lire dans le journal « Austin Democratic Statesman Â». DĂ©mocratique Ă  sens unique, comme aujourd’hui en France entre les « corrects Â» d’un cĂ´tĂ©, et le reste de l’autre. Rien n’a changĂ© ; tout est relatif. L’attitude des Texans Ă©tait partagĂ©e par les gens de la frontière, plus loin vers le Nord au fur et Ă  mesure qu’ils se heurtaient aux tribus autochtones de la rĂ©gion. Un citoyen de Denver sur le Territoire du Colorado, offrit une prime de dix Dollars par scalp de guerrier. A Central City, les colons rĂ©unirent une somme de cinq mille Dollars pour l’achat de scalps Ă  vingt cinq Dollars la pièce.

Mais le Mexique restait le centre de l’industrie du scalp au fur et Ă  mesure que passaient les annĂ©es 1870. Le transporteur Texan August SANTLEBEN se rappelle qu’en visitant Chihuahua city en 1874, il avait trouvĂ© que la prime de deux cent cinquante Dollars avait toujours cours.  Le Gouverneur Luis TERRAZAS Ă©tait dĂ©terminĂ© Ă  tuer ou jeter en dehors de l’Etat tous les Apache qu’il restait dans les collines. Un jour, SANTLEBEN y vit une bande d’Apache pacifiques dĂ©filer dans les rues, de retour d’une expĂ©dition contre des hostiles. Les braves portaient fièrement de longs bâtons aux bouts desquels ils avaient fixĂ© des scalps d’autres Apache. Derrière eux marchaient les femmes et les enfants qui avaient Ă©tĂ© faits prisonniers sur la bande attaquĂ©e, et destinĂ©s Ă  ĂŞtre vendus comme esclaves. Les braves citoyens bien pensants passèrent le restant de la journĂ©e Ă  faire la fĂŞte, pendant que les Indiens ramassaient l’argent que le gouvernement leur devait pour leurs trophĂ©es.

Les Mexicains et leurs alliĂ©s Indiens Ă©taient parfois organisĂ©s en milices, armĂ©es par le gouvernement, mais se chargeant eux-mĂŞme de leur paye avec les primes ramassĂ©es pour les scalps. Les « Nacionales Â», comme on les appelait, fournissaient leurs propres armes ou portaient les fusils et carabines Ă  chargement par la culasse Remington d’ordonnance en 11 MM utilisĂ©s par l’ArmĂ©e Mexicaine. La RĂ©publique du Mexique avait aussi achetĂ© des lots de carabines Spencer en .56-50 annulaire et des Winchester en .44-40. Les armes de poing d’ordonnance Ă©taient les Smith & Wesson en .44 annulaire et en .44 Russian. Des quantitĂ©s moins importantes de Colts et de Remington en .45 Ă©taient Ă©galement en dotation chez les miliciens. Les « Nacionales Â» Ă©taient des hommes hardis et de bons combattants lorsqu’ils Ă©taient convenablement menĂ©s. Un Texas Ranger qui travailla quelque temps avec les Chihuahenos fit d’eux cette description : Â« Des cavaliers, bien armĂ©s de pistolets et de carabines Remington, portant de bons uniformes et montĂ©s sur des animaux de mĂŞme taille et Ă  la robe foncĂ©e. L’infanterie Ă©tait composĂ©e d’Indiens provenant de l’intĂ©rieur du Mexique. Ceux-lĂ  portaient aux pieds des sandales de cuir et ils Ă©taient armĂ©s de fusils Remington. Chaque soldat portait deux cartouchières contenant cent cartouches. J’étais impressionnĂ© par le peu de bagage et de rations que portaient ces hommes. En marche, chaque homme avait un petit sac de toile contenant environ un quart de farine de maĂŻs, adouci avec un peu de sucre, et une cuiller de cette mixture mĂ©langĂ©e Ă  une pinte d’eau leur faisait un bon repas. Ce peu de bagages et de rations leur permettait de se dĂ©placer rapidement. L’infanterie n’avait aucun mal Ă  garder la cadence avec la cavalerie pendant la marche, et en terrain difficile, elle progressait plus vite que les hommes Ă  cheval. » Les « Nacionales Â» prirent une place importante dans l’une des dernières grandes rĂ©voltes Indiennes du Sud-Ouest. En AoĂ»t 1879, le chef Apache VICTORIO s’enfuit de la rĂ©serve de Warm Springs, Nouveau Mexique, et mena sa suite dans une sĂ©rie de pillages qui allaient laisser les deux cĂ´tĂ©s de la frontière en rĂ©volte pour l’annĂ©e Ă  suivre. VICTORIO lançait ses raids de façon rĂ©pĂ©tĂ©e Ă  la fois au Mexique et aux Etats Unis, tuant les hommes et volant les chevaux et les provisions pour subvenir aux besoins de sa rĂ©bellion. Ni les troupes Mexicaines, ni les troupes AmĂ©ricaines, ne purent jamais garder sa trace assez longtemps pour se rapprocher de lui quand il se retirait dans ce sanctuaire qu’étaient les montagnes au Nord du Chihuahua. En Septembre 1880, le gouvernement du Chihuahua offrait une rĂ©compense de mille Dollars rien que pour le scalp de VICTORIO, et l’offre Ă©tait affichĂ©e des deux cĂ´tĂ©s du Rio Grande. Le Colonel des « Nacionales Â» Joaquin TERRAZAS mit son rĂ©giment en marche, dĂ©terminĂ© Ă  vaincre VICTORIO. TERRAZAS, lui-mĂŞme un ancien scalpeur, fut rejoint par Juan Mata ORTIZ, un autre expert dans ce genre d’affaires. Après une longue poursuite, ils coincèrent la bande de VICTORIO Ă  Tres Castillos et donnèrent l’assaut au campement le 15 Octobre. Le fusilier Mauricio CORREDOR tua le chef Indien au cours de la bataille et, Ă  la fin de celle-ci, les hommes de TERRAZA revendiquaient soixante seize scalps et soixante six prisonniers pour le marchĂ© aux esclaves. Le Colonel rassembla dix sept mille deux cent cinquante Dollars pour les scalps, et dix mille deux cent Dollars pour la bande de captifs. CORREDOR rĂ©clama la prime pour les cheveux de             VICTORIO, et le gouvernement reconnaissant lui offrit un superbe fusil Sharps entièrement nickelĂ©. Pendant les six annĂ©es suivantes, des rĂ©voltes Indiennes du mĂŞme type s’allumèrent de façon rĂ©pĂ©titive au Mexique et aux Etats Unis, des durs comme JUH, NANA et GERONIMO menant leurs braves dans de derniers et amers combats contre leurs ennemis. GERONIMO revendiqua le scalp de Juan Mata ORTIZ en 1882, et CORREDOR mourut au cours d’une attaque mal lancĂ©e contre des Ă©claireurs Apache de l’U.S. Army en 1886. La dernière des grandes guerres Apache se termina par la dĂ©faite finale de GERONIMO Ă  la fin de cette annĂ©e-lĂ . Des poches de rĂ©sistance d’hostiles survivraient bien encore dans le dĂ©sert montagneux du Mexique jusqu’au vingtième siècle, mais le temps des chasseurs de scalps Ă©tait rĂ©volu pour toujours des deux cĂ´tĂ©s de la frontière. Les historiens s’accordent pour dire que le commerce du cheveu humain prolongea plus les violences entre les Blancs, les Indiens et les Mexicains, que tout autre facteur. L’aviditĂ© et la haine nourrirent chaque cĂ´tĂ© sans relâche pendant cinquante ans avant que la tragĂ©die ne cessât. A travers elle, des armes comme le revolver Colt, la carabine Spencer et le fusil Hawken portèrent le fardeau macabre que leur avait donnĂ© le travail de leurs propriĂ©taires. Bien que de moindre importance, c’est aussi une autre tragĂ©die pour cette Ă©poque qu’aussi longtemps que la Ley Quinto resta en vigueur, des armes bien huilĂ©es et polies pour leurs tâches sanguinaires aient Ă©tĂ© portĂ©es par des hommes dont la conscience Ă©tait piquĂ©e de rouille. Ouf ! Bon et moi, maintenant, je vais aller prendre un pot. J’avais rendez-vous chez le coiffeur, mais après avoir lu cette histoire, je prĂ©fère attendre encore un peu. C’est un Indien…

LE ROI DES CHASSEURS DE SCALPS

Traduction d’un article de Michael MARSH paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1993

Un jour d’étĂ© 1848, l’aventurier Anglais George Frederick RUXTON arrivait Ă  cheval sur la place centrale de Chihuahua City, Chihuahua, Mexique, et il fut frappĂ© par une vision macabre. Pendant comme des ornements funestes sur la façade de la cathĂ©drale, des scalps, de longs scalps noirs d’Apache, se balançaient doucement dans la brise du dĂ©sert. RUXTON en compta cent soixante dix en tout et, sans cacher son dĂ©goĂ»t, Ă©crivit dans son livre « Aventures Ă  travers le Mexique et les Montagnes Rocheuses Â» que Â« les Apache avaient Ă©tĂ© rĂ©cemment massacrĂ©s traĂ®treusement et de manière inhumaine par des chasseurs d’Indiens payĂ©s par l’Etat. Les scalps d’hommes, de femmes et d’enfants ont Ă©tĂ© apportĂ©s en ville au cours d’une procession, et suspendus comme des trophĂ©es, cette situation montrant la valeur et l’humanitĂ© Mexicaine. Â» Ces « chasseurs d’Indiens Â» Ă©taient conduits par James KIRKER, un Irlandais qui avait vĂ©cu vingt ans au Mexique. Il avait Ă©tĂ© engagĂ© par le gouverneur du Chihuahua, Angel TRIAS, comme chasseur indĂ©pendant d’Indiens, et il Ă©tait payĂ© deux cent Pesos d’argent par scalp. Les scalps qui dĂ©coraient la cathĂ©drale avaient appartenu Ă  la bande Apache du chef REYES, lequel avait Ă©tĂ© Ă©crasĂ© près de Galena dans le Nord du Chihuahua, au dĂ©but du mois de Juillet. A l’époque de la visite de RUXTON, les Apache terrorisaient le frontière Nord du Mexique depuis presque un siècle. Lançant des raids gratuits, pillant villages et ranches et assassinant des milliers d’habitants. A l’époque oĂą les colons amĂ©ricains se battaient pour leur indĂ©pendance, les Espagnols essayaient de mener une guerre contre les Apache. Mais les Espagnols se rendirent compte que leurs stratĂ©gies et leurs tactiques classiques Ă©taient inefficaces contre les Apache, lesquels Ă©taient d’excellents combattants de guĂ©rilla qui Ă©voluaient dans leur propre Ă©lĂ©ment. MalgrĂ© quelques victoires isolĂ©es obtenues par les Espagnols, les campagnes manquaient gĂ©nĂ©ralement de rĂ©sultats durables. Après la RĂ©volution Mexicaine de 1821, un climat de politiques turbulentes laissa les nouveaux rĂ©gimes encore moins capables de gĂ©rer le problème. SituĂ© Ă  un millier de miles plus au Sud dans la ville de Mexico City, le gouvernement central Ă©tait peu disposĂ© Ă  apporter de l’aide, qu’elle fĂ»t d’ordre financier ou militaire, pour protĂ©ger les citoyens, et prĂ©fĂ©rait laisser le problème aux Etats eux-mĂŞmes. Le sang continua donc de couler sans espoir d’amĂ©lioration, et la vie et le commerce sur la frontière en arrivaient au point mort. Les ranches Ă©taient dĂ©laissĂ©s, les mines abandonnĂ©es. En fait, des colonies entières devinrent des villes fantĂ´mes. MĂŞme les habitants des villes n’étaient pas en sĂ©curitĂ© : de 1832 Ă  1849, quelques deux cent personnes furent massacrĂ©es par les Apache dans les rues de Fronteras, Sonora, et des citoyens Ă©taient assassinĂ©es de façon routinière dans la ville et autour, de Chihuahua City.

Au printemps de 1831, en rĂ©ponse au mĂ©contentement grandissant des citoyens, le PrĂ©sident du Mexique envoya le Colonel JosĂ© Joaquin CALVO prendre le commandement militaire de la rĂ©gion en colère. Soldat et administrateur compĂ©tent, CALVO devint gouverneur du Chihuahua en Septembre 1834. Il tenta d’abord de rĂ©soudre le problème en essayant de faire la paix avec les Indiens. Quand cette stratĂ©gie Ă©choua, il lança une campagne militaire contre eux. Celle-ci se solda par aussi peu de succès qu’avec les Espagnols cinquante ans plus tĂ´t. Les troupes Mexicaines, d’abord mal entraĂ®nĂ©es et sous-payĂ©es, furent vite dĂ©moralisĂ©es et mises en  dĂ©route par les Apache, qui frappaient comme un feu de brousse et disparaissaient comme la fumĂ©e. DĂ©sespĂ©rĂ©s, les dirigeants mexicains reprirent les vieilles pratiques des Espagnols, en payant une prime pour les cuirs chevelus d’Indiens. En Septembre 1835, l’Etat de Sonora dĂ©crĂ©ta le Proyecto de Guerra, lequel offrait cent Pesos pour le scalp d’un guerrier Apache. Ce n’était pas une petite somme dans les annĂ©es 1830. En guise de stimulation, le chasseur de scalps pouvait garder tout le bĂ©tail ou ce qu’il avait pu piller en ramassant ses scalps. Au cours des annĂ©es 1830, des troupes entières de trappeurs amĂ©ricains oeuvraient dans le dĂ©sert tout autour du Rio Grande, oĂą les cours d’eaux recelaient de riches rĂ©coltes en peaux de castors. Lorsque le marchĂ© de la fourrure s’écroula dans la deuxième moitiĂ© de la dĂ©cade, cependant, beaucoup de ces trappeurs se rendirent compte qu’ils avaient besoin d’une nouvelle source de revenus. La nouvelle loi du Sonora sur les scalps Ă©tant prometteuse en matière d’activitĂ© lucrative, nombreux furent ceux qui choisirent de dĂ©laisser la chasse aux fourrures au profit de la chasse aux scalps.

Au Nouveau Mexique traĂ®naient Ă  cette Ă©poque-lĂ  plusieurs opportunistes, parmi lesquels un homme originaire du Kentucky et s’appelant John James JOHNSON. On a dĂ©crit JOHNSON de plusieurs manières, soit comme un homme des montagnes, soit comme un marchand de mules, soi comme un nĂ©gociant en argent. Il choisit apparemment d’ajouter la chasse aux scalps Ă  cette palette de mĂ©tiers. Une bande d’Apache Mimbreño, conduite par le chef Juan JosĂ© COMPA, avait suscitĂ© une colère considĂ©rable au Mexique. Après avoir lancĂ© des raids dans Sonora et Chihuahua, Juan JosĂ© et ses guerriers se retirèrent dans les contrĂ©es sauvages du Nouveau-Mexique, oĂą ils avaient pu rester jusque lĂ  sans ĂŞtre poursuivis. JOHNSON, en compagnie de seize autres AmĂ©ricains, la plupart des trappeurs et d’autres aventuriers de la frontière, s’en furent Ă  cheval, Ă  la recherche des Apache. Le gouverneur du Sonora avait promis un bonus supplĂ©mentaire Ă  JOHNSON s’il arrivait Ă  lui rapporter le scalp de Juan JosĂ© lui-mĂŞme. En Avril 1837, JOHNSON et ses hommes repĂ©rèrent le campement de Juan JosĂ©, constituĂ© d’une centaine d’Indiens, dans les montagnes Anima dans le Sud-Ouest du Nouveau-Mexique. A cette Ă©poque, les Apache ne considĂ©raient pas encore les amĂ©ricains comme leurs ennemis. Dans l’ensemble, ils avaient Ă©tĂ© tolĂ©rants avec les trappeurs Anglos, et en fait ils commerçaient souvent avec les Blancs, Ă©changeant du bĂ©tail, spĂ©cialement des mules, qu’ils avaient pris lors de raids au Mexique, pour des armes, de la poudre, du plomb, des couteaux, du whisky et autres. C’est dans cet esprit que Juan JosĂ© accueillit les amĂ©ricains dans son camp, pensant sans doute Ă  faire un peu de troc. Mais JOHNSON avait autre chose en tĂŞte. Il Ă©tait d’usage courant que les Blancs fassent des cadeaux avant une sĂ©ance de troc, et JOHNSON avait dĂ©posĂ© un peu plus tĂ´t dans une clairière un sac de piñole, une farine de maĂŻs très prisĂ©e par les Apache. Sur le cĂ´tĂ©, soigneusement cachĂ© sous un tas de selles et d’équipement, un petit canon avait Ă©tĂ© pointĂ© directement sur le piñole. Le canon avait Ă©tĂ© chargĂ© de bouts de fer, de clous, et de morceaux de chaĂ®nes. JOHNSON invita les Apache Ă  se servir en piñole et, lorsqu’une foule d’hommes, de femmes, et d’enfants se fut rassemblĂ©e autour du sac, il approcha son cigare de la lumière du canon, lequel vomit horriblement et frappa les Indiens de plein fouet, comme un orage de grĂŞle venant de l’enfer. Beaucoup furent tuĂ©s, et beaucoup plus furent atrocement blessĂ©s. En ce qui concerne Juan JosĂ©, JOHNSON et l’un de ses lieutenants avaient pris Ă  part le chef qui ne se souciait de rien, sous un prĂ©texte amical, et c’est lĂ  qu’ils l’assassinèrent. Lorsqu’on lui prĂ©senta les scalps, spĂ©cialement celui de Juan JosĂ©, le gouverneur du Sonora jubilait. Avec le premier succès du Proyecto de Guerra, l’Etat du Chihuahua ne tarda pas dĂ©crĂ©ter une mesure similaire. Le Chihuahua payerait cent Pesos pour le scalp d’un Apache, cinquante pour celui d’une squaw et, pour qu’il ne grandisse pas et ne devĂ®nt ainsi un trublion, vingt cinq Pesos pour celui d’un enfant de moins de quatorze ans. On s’en doute, l’incident ne fit rien pour amĂ©liorer les relations entre Apache et AmĂ©ricains. Tout ce qui eĂ»t pu exister de confiance entre ces races auparavant fut rĂ©duit Ă  nĂ©ant.

Une fois remis du massacre, les Apache enragĂ©s recommencèrent Ă  verser le sang pour se venger et cette fois, les amĂ©ricains ne furent pas Ă©pargnĂ©s. La rĂ©gion du Santa Rita del Cobre abritait les mines de cuivre les plus riches du Sud-Ouest. Ouvertes vers 1800 par les Espagnols, les mines se trouvaient au Sud de la rivière Gila, en plein milieu du territoire Apache, Ă  cĂ´tĂ© de ce qui est aujourd’hui Silver City, Nouveau-Mexique. DĂ©jĂ  en 1806, les mines produisaient jusqu’à dix tonnes de minerai par jour, mais il n’y avait pratiquement pas un jour qui passât sans une attaque Apache, et garder les mines en opĂ©ration Ă©tait un combat permanent. Le chemin menant Ă  Santa Rita Ă©tait une piste allant vers le Sud-Est vers la ville de Chihuahua City et traversant le village Mexicain de Janos. C’était par lĂ  que passaient les caravanes de mulets, appelĂ©es « conductas Â», pour apporter les vivres de la ville vers le Nord, et transporter le minerai vers les fours dans le Sud, au Nord de la province du Chihuahua. Malheureusement, la route croisait une piste de guerre Apache, et les « conductas Â» faisaient constamment l’objet d’attaques. Lorsqu’en 1827, les mines de Santa Rita passèrent sous la direction de Robert Mc. KNIGHT et Stephen COURCIER, les Apache avaient ralenti leurs attaques. Mc. KNIGHT et COURCIER Ă©taient des AmĂ©ricains venus de St. Louis, qui arrivèrent Ă  exploiter les mines avec succès pendant une dizaine d’annĂ©es, les transformant en des entreprises assez profitables. Vers 1837, ils rĂ©coltaient jusqu’à 2 000 $ par jour. Cette prospĂ©ritĂ© avait Ă©tĂ© rendue possible grâce aux efforts d’un homme, James KIRKER, que Mc. KNIGHT et COURCIER avaient engagĂ© comme chef de leur service de sĂ©curitĂ©.

KIRKER Ă©tait de descendance Ă©cossaise et irlandaise, il Ă©tait nĂ© Ă  Belfast en Irlande du Nord, en DĂ©cembre 1793. Il arriva aux Etats–Unis Ă  l’age de seize ans, et fit la guerre en 1812. Plus tard, il se rendit Ă  New-York City, oĂą il se maria, eut un fils, et devint Ă©picier. En 1817, KIRKER abandonna sa famille et quitta New-York, se dirigeant vers St. Louis, oĂą il Ă©pousa de nouveau le mĂ©tier d’épicier. Cinq ans plus tard, il montait Ă  bord d’un bateau, probablement l’expĂ©dition ASHLEY-HENRY, et remonta la rivière Missouri vers le Lointain Ouest. LĂ , KIRKER posa des pièges pour les castors et se battit contre les Indiens, revenant de temps en temps Ă  St. Louis pour surveiller son magasin et s’occuper des affaires. En 1824, il accompagnait les caravanes de marchands vers Santa Fe, et posait des pièges comme trappeur au fin fond du Nouveau Mexique. Les annĂ©es suivantes virent KIRKER rejoindre des expĂ©ditions de trappeurs Ă  Bent’s Fort, et travailler sur la rĂ©gion de la rivière Gila, allant aussi loin vers l’Ouest que sur la rivière Colorado. En 1825, il devint citoyen Mexicain et fit bientĂ´t de Santa Rita son quartier gĂ©nĂ©ral. Mc. KNIGHT et COURCIEr faisaient partie de ses amis depuis St. Louis, et les mines se trouvaient près des territoires oĂą il posait ses pièges. En hiver, il faisait du trafic de fourrure. En Ă©tĂ©, il travaillait pour Mc. KNIGHT et COURCIER, dirigeant le service de garde des mines et des caravanes de « conducta Â». KIRKER s’était liĂ© d’amitiĂ© avec les Indiens au cours de toutes ses expĂ©ditions, et il Ă©tait arrivĂ© Ă  les persuader de ne pas gĂŞner les opĂ©rations Ă  Santa Rita. En Ă©change de leur coopĂ©ration, il leur arrangeait des transactions au cours desquelles le bĂ©tail qu’ils volaient aux Mexicains Ă©tait vendu sur les marchĂ©s de l’Est. Vers 1831, KIRKER Ă©pousa une Mexicaine, bien que sa femme fĂ»t encore Ă  New-York, et s’installa Ă  Janos. En 1835, il obtint un permis officiel de trappeur du gouverneur du Nouveau-Mexique Abino PEREZ. Avant cette Ă©poque, il avait piĂ©gĂ© illĂ©galement, chose dont les Mexicains le soupçonnaient mais qu’ils n’avaient jamais rĂ©ussi Ă  le prendre sur le fait. Ils le soupçonnaient Ă©galement de trafiquer avec les Apache, un crime puni de la peine de mort. Au cours de la saison de chasse d’hiver, KIRKER dĂ©couvrit que les Indiens prĂ©paraient l’attaque d’un campement de Mexicains et, peut-ĂŞtre pour se racheter, fit part du complot aux autoritĂ©s Mexicaines. Cependant, le gouverneur CALVO, voyant l’occasion de coincer KIRKER, usa de son influence politique pour convaincre PEREZ d’annuler le permis de KIRKER, et de l’arrĂŞter pour avoir organisĂ© l’attaque lui-mĂŞme. C’est comme dans un film de Zorro, oĂą il y a toujours un pourri. Ca sent le Zorro. Et comme « zorro Â» en espagnol veut dire « renard Â», ça veut aussi dire que ça renarde sec. Et quand on sait comment ça sent, un renard, on dit que ça pue. Et bien. Sans se soucier de cette affaire, KIRKER partit pour Santa Fe, en emportant avec lui les fourrures prises au cours d’un hiver gĂ©nĂ©reux en la matière, quand des Indiens les lui volèrent. Lorsqu’il demanda de l’aide pour rĂ©cupĂ©rer ses peaux et ses mules, il s’aperçut avec surprise qu’il Ă©tait lui-mĂŞme recherchĂ©, avec sa tĂŞte mise Ă  prix pour huit cent Pesos, mort ou vif. Heureusement, le soldat qui fut dĂ©signĂ© pour le garder Ă©tait un vieil ami qui l’aida Ă  s’échapper, et il s’enfuit pour Bent’s Fort. Pendant ce temps-lĂ , ses biens, d’une valeur de 32 900 $, finissaient dans les mains du gouverneur PEREZ, lequel empocha l’argent. Ah le salaud ! Je le savais bien, que les Mexicons Ă©taient des tordus. Avec PĂ©rèz, t’es de la baise, et sans chaise. PĂ©rèz Ibèz Sanchèz ! Toutes les protestations de KIRKER ne servirent Ă  rien. Amer, il n’oublia jamais cet Ă©vĂ©nement.

EnragĂ©s par le massacre de JOHNSON, les Apache obligèrent les mines de Santa Rita Ă  fermer. Mc. KNIGHT et COURCIER Ă©taient convaincus que seule l’aide de KIRKER arriverait Ă  les faire rouvrir. Vers la fin de l’étĂ© de 1837, ils lui envoyèrent un message Ă  Bent’s Fort, oĂą il Ă©tait toujours en exil. Cette demande faisait toutefois suite Ă  un incident qui permettrait son retour au Nouveau-Mexique. Une rĂ©volte au mois d’AoĂ»t Ă  Santa Fe se termina avec la tĂŞte du gouverneur PEREZ roulant dans le caniveau. Le nouveau gouverneur, Manuel ARMIJO, offrit l’amnistie Ă  KIRKER et l’invita Ă  revenir. En rĂ©ponse Ă  l’appel de Santa Rita et avant de quitter Bent’s Fort, KIRKER rassembla une armĂ©e hĂ©tĂ©roclite de vingt et un hommes, dont beaucoup Ă©taient des Indiens Delaware et Shawnee. Les autres Ă©taient des hommes des montagnes d’origine amĂ©ricaine ou française. Il y avait un gigantesque Africain nommĂ© « Andy Â». Le lieutenant de KIRKER Ă©tait un imposant demi-sang Shawnee, dont l’autre moitiĂ© Ă©tait Française, qui s’appelait SPYBUCK. Tout ce que KIRKER demandait, semblait-il, Ă©tait la volontĂ© de se battre. Au fur et Ă  mesure que la bande de racaille se dirigeait vers le Sud, KIRKER se rendait compte que ses bons rapports avec les Apache s’étaient envolĂ©s avec la fumĂ©e du canon de JOHNSON. A prĂ©sent, la force restait le seul moyen de traiter avec eux.

Il connaissait un village d’environ deux cent cinquante Apache, non loin de la ville Mexicaine de Socorro. L’armĂ©e de KIRKER manĹ“uvra en dehors du village dans l’ombre prĂ©cĂ©dant l’aube et, dès les premières lueurs, frappa d’un grand coup vicieux. Comme les Indiens se levaient en vacillant de leurs couvertures, ils Ă©taient chargĂ©s par les cavaliers, et assommĂ©s par les casse-tĂŞtes ou percĂ©s par les lances des Shawnee et des Delawares. Les hommes des montagnes firent feu de leurs fusils sur les guerriers qui atteignaient leurs poneys. Le reste des villageois s’enfuit en paniquant dans les broussailles Ă  l’entour. En tout, les hommes de KIRKER comptèrent cinquante cinq Apache, alors qu’ils n’avaient eux-mĂŞmes perdu qu’un homme, huit autres Ă©tant blessĂ©s. Ils capturèrent neuf femmes et quatre cent tĂŞtes de bĂ©tail. KIRKER agrippa l’un des Apache qui tentaient de s’enfuir, et lui dit de rĂ©pandre la nouvelle : Â« Laissez les mines de Santa Rita et les caravanes de conductas tranquilles, sinon on recommence ». L’attaque eut l’effet dĂ©sirĂ©. Les harcèlements d’Apache sur les mines cessèrent. Le mot passa de bouche Ă  oreille Ă  travers tout le territoire, et la population auparavant accablĂ©e l’acclama comme un sauveur. Ils l’appelèrent « Don Santiago QUERQUE », « El Rey de Nuevo Mexico Â», le Roi du Nouveau-Mexique. L’attention que l’on portait Ă  KIRKER pour son brillant succès resta sur l’estomac du gouverneur CALVO et dĂ©plut Ă  l’ArmĂ©e Mexicaine. Quand KIRKER se prĂ©senta Ă  Chihuahua City avec cinquante cinq scalps, sans aucun doute il frottait le nez de certains dans des cheveux d’Apache. Mais les Mexicains avaient besoin de Don Santiago et ils le savaient. Leur armĂ©e continuait Ă  se faire humilier par les Apache, lesquels assassinaient ouvertement des citoyens en plein jour, et tout près du palais du gouverneur. Une rapide sĂ©rie d’administrations d’incapables suivit la mort de CALVO en FĂ©vrier 1838. Puis, Ă  l’étĂ© de 1839, des mesures plus dĂ©terminĂ©es furent prises avec le gouvernement de JosĂ© Maria de IRIGOYEN, pour gĂ©rer une situation qui se dĂ©tĂ©riorait rapidement. Stephen COURCIER Ă©tait Ă  prĂ©sent un homme riche et influent Ă  Chihuahua City. COURCIER se rendit chez le gouverneur avec un projet d’établir une cellule de crise dans le but de financer une armĂ©e, qui serait bien-sĂ»r commandĂ©e par KIRKER, pour combattre les Apache. On fonderait une association qui rĂ©unirait des dons privĂ©s. Le but Ă©tait d’atteindre 100 000 $. IRIGOYEN approuva son plan et chargea COURCIER de le mettre en pratique. COURCIER crĂ©a la Sociedad de Guerra Contra Los Barbaros, ou SociĂ©tĂ© de Guerre Contre Les Barbares, et lança un appel Ă  travers tout le pays ravagĂ© pour rĂ©unir les contributions. L’argent vint de toutes parts. KIRKER reçut une avance de 5 000 $ et ne perdit pas de temps Ă  rassembler une armĂ©e. Elle alignait cinquante hommes, comprenant les membres de son ancienne bande, renforcĂ©s de nouvelles recrues trouvĂ©es Ă  Bent’s Fort et Ă  d’autres endroits. Il choisit de les appeler « Old Apache Company Â», ou « Bonne Vieille Compagnie pour Apache Â». Les hommes Ă©taient payĂ©s un Dollar par jour, plus une part de la moitiĂ© de ce qui serait pillĂ©. KIRKER, SPYBUCK et leur O.A.C. furent au travail avant la fin de l’étĂ©.

Se rappelant peut-ĂŞtre l’incident oĂą on lui avait dĂ©robĂ© ses fourrures et ses mules deux ans plus tĂ´t, KIRKER imagina un plan oĂą un troupeau de chevaux et de mules serait utilisĂ© comme appât pour provoquer un raid. Le stratagème fonctionna. L’histoire est relatĂ©e dans l’édition du journal New Orleans Picayune le 28 FĂ©vrier et le 02 Mars 1840, par Matt FIELD. Dans l’article, KIRKER est dĂ©crit comme Â« un homme de dispositions courageuses et tĂ©mĂ©raires Ă  la fois Â». Plus loin, il raconte comment KIRKER et ses hommes campèrent près du petit village de montagne de Ranchos de Taos et comment les Apache, sous le couvert de l’obscuritĂ©, s’approchèrent en rampant et s’emparèrent de l’appât, pensant sĂ»rement qu’ils dĂ©valisaient un groupe de marchands. KIRKER s’attendait Ă  ce que les Apache, forts de quelques cent vingt braves, tenteraient de s’enfuir par un ravin qui coupait Ă  travers la montagne. Il mena rapidement ses hommes sur les falaises et, en contournant les Apache, les dĂ©ploya plus haut le long des flancs du ravin. Depuis le lieu qu’il avait choisi pour l’embuscade, on avait une vue gĂ©nĂ©rale de l’endroit par oĂą passeraient les Apache. BientĂ´t les Apache apparurent, poussant le troupeau de bĂŞtes volĂ©es, ignorant ce qui les attendait. Chacun des hommes de KIRKER choisit sa cible et les armes grondèrent soudain, remplissant le canyon d’une fumĂ©e bleue d’oĂą s’échappaient les cris horribles des hommes et des chevaux. Quand la fumĂ©e se dissipa, un dĂ©sordre indescriptible se dĂ©roulait en bas, avec une vingtaine d’Indiens touchĂ©s, certains se faisant traĂ®ner et d’autres piĂ©tiner par les chevaux paniquĂ©s. Les autres firent demi-tour et s’enfuirent sauvagement dans le canyon, avec l’armĂ©e de KIRKER Ă  leurs trousses. Les Indiens fuyards cherchèrent dĂ©sespĂ©rĂ©ment refuge dans Ranchos de Taos. Les hommes de KIRKER les y renversèrent au sol et commencèrent Ă  les massacrer dans les rues.

C’était encore tĂ´t le matin, et la mĂŞlĂ©e d’enfer tira vite de leur lit les villageois effrayĂ©s. Quelques uns des Indiens se rĂ©fugièrent dans l’église, pensant peut-ĂŞtre qu’ils seraient protĂ©gĂ©s par le lieu sacrĂ©. Mais les hommes de KIRKER les poursuivirent partout oĂą ils essayaient de se cacher, et les abattirent sans façon. Le combat dura une demi-heure, et environ quarante Apache furent tuĂ©s, pour deux hommes de perdus du cĂ´tĂ© de la bande Ă  KIRKER. Dans son article, le journaliste FIELD dit de KIRKER qu’il Ă©tait Â« brave comme un lion et un homme de grande envergure et d’une grande habiletĂ© dans ce genre de guerre Â». L’armĂ©e victorieuse de KIRKER Ă©tait forte de cinquante neuf hommes lorsqu’elle chevaucha par El Paso en Novembre, vers le Sud pour Chihuahua City. Bien qu’ils fussent saluĂ©s en hĂ©ros, ils devaient avoir un air barbare, ces hommes sauvages, barbus, avec leurs vĂŞtements en peaux tachĂ©s de sang, les Shawnee et les Delawares Ă  demi-nus avec leur torses ornĂ©s de rouge, certains portant une crinière noire hirsute, d’autres le crâne rasĂ© surmontĂ© d’un nĹ“ud dans lequel Ă©taient lacĂ©es des plumes d’oiseau de proie. Ils portaient Ă  leur ceinture de grands couteaux Bowie et des plus petits, des couteaux Ă  Ă©corcher. Beaucoup avaient un pistolet Ă  percussion de type Kentucky, et quelques uns possĂ©daient sĂ»rement le nouveau Colt Ă  cinq coups, appelĂ© le Texas Paterson. Le casse-tĂŞte court et lourd avec lequel ils exĂ©cutaient leur travail macabre pendait Ă  leur selle, accrochĂ© par une boucle en cuir cru. Les Indiens portaient des lances et des tomahawks bizarres. Et, posĂ© Ă  travers la plupart de leur selle, le gros fusil Hawken, sauf pour Andy, le gĂ©ant noir, qui portait une « escopeta Â» chargĂ©e de chevrotines. Et lĂ , en tĂŞte, montĂ© sur un grand cheval bai, KIRKER lui-mĂŞme, la cinquantaine et pas un petit poulet, les cheveux et la moustache grisonnants, portant un sombrero et des Ă©perons espagnols avec de grosses et cruelles molettes. Son fameux Hawken, dĂ©corĂ© en fantaisie au filigrane d’argent mexicain, Ă©tait rangĂ© dans son fourreau de selle. Quand la compagnie revint Ă  Chihuahua, elle y trouva un nouveau gouverneur en place, bien qu’il portât un nom proche de celui de son prĂ©dĂ©cesseur. JosĂ© Irigoyen de la O Ă©tait un neveu de l’ancien IRIGOYEN et, comme son oncle, il dĂ©fendait les chasseurs de scalps. Il paya rapidement KIRKER et lui prĂŞta, Ă  juste titre, l’arène Ă  corridas pour que la compagnie pĂ»t y bivouaquer. Il demanda Ă©galement Ă  KIRKER d’augmenter les effectifs de son armĂ©e. KIRKLER s’exĂ©cuta et commença Ă  recruter de nouveaux hommes. Mais les victorieux chasseurs d’Indiens, qui campaient devant tout le monde sur la Plaza de Toros, Ă©taient la risĂ©e constante des dandy en uniforme rouge de l’ArmĂ©e Mexicaine. En dĂ©pit d’une certaine rancune, les militaires ne pouvaient pas faire grand chose aussi longtemps que les hommes de KIRKER Ă©taient efficaces.

Le problème Ă©tait qu’ils pouvaient mĂŞme devenir un peu trop efficaces. Selon les dispositions de l’accord signĂ© avec la sociĂ©tĂ© de guerre, KIRKER avait le droit de propriĂ©tĂ© sur tout ce qu’il avait rapportĂ© de chez les Indiens. Pourtant, les anciens propriĂ©taires Mexicains du bĂ©tail, Ă  prĂ©sent leur terreur passĂ©e, commençaient Ă  se plaindre et rĂ©clamaient que leur bien leur fĂ»t rendu. Des bruits se mirent Ă  circuler, selon lesquels KIRKER prenait du bĂ©tail directement chez les Mexicains. Bien entendu KIRKER soutint le contraire, prĂ©tendant que le bĂ©tail en sa possession avait Ă©tĂ© volĂ© par les Apache. Comme la dispute augmentait, l’opinion publique en faveur des chasseurs de scalps se mit Ă  se dĂ©tĂ©riorer, et les militaires n’hĂ©sitèrent pas Ă  tourner l’affaire Ă  leur avantage. Le gouverneur Irigoyen de la O mourut dans l’exercice de ses fonctions et fut remplacĂ© en Juillet 1840 par Garcia CONDE, l’ancien Ministre de la Guerre. CONDE Ă©tait issu d’une famille estimĂ©e de militaires, et l’un de ses actes fut de supprimer la SociĂ©tĂ© de Guerre, dĂ©crĂ©tant qu’il Ă©tait contre les intĂ©rĂŞts nationaux que des mercenaires Ă©trangers usurpassent le travail de l’ArmĂ©e Mexicaine. CONDE se mit immĂ©diatement Ă  reformer sa police des frontières. Il pensait qu’une bonne dĂ©monstration de ses forces persuaderait les Apache d’arrĂŞter leurs sĂ©vices. En essayant de nĂ©gocier la paix, CONDE apprit ironiquement que la première des conditions que demandaient les Apache Ă©tait l’élimination immĂ©diate de l’armĂ©e de KIRKER. En plus de cela, on lui soumit une liste d’exigences outrageantes auxquelles CONDE n’avait pas l’intention de se soumettre. Entre temps, KIRKER partit pour Guadalupe y Calvo, une ville minière perdue dans le Sud-Ouest du Chihuahua, oĂą il travailla comme chef de la sĂ©curitĂ©. Sans l’armĂ©e de KIRKER, les Apache ne tardèrent pas Ă  reprendre leurs massacres de Mexicains lĂ  oĂą les avaient laissĂ©s. En dĂ©pit des meilleurs efforts de CONDE, les troupes mexicaines n’étaient tout simplement pas les mĂŞmes combattants que les irrĂ©guliers de KIRKER. Quand le peuple recommença Ă  se plaindre haut et fort, le PrĂ©sident Mexicain BUSTAMENTE remplaça CONDE par le GĂ©nĂ©ral Mariano MONTERDE en DĂ©cembre 1842.

MONTERDE ne perdit pas de temps et rappela KIRKER, lui proposant de le payer au tarif standard. La Old Apache Company ne fut pas longue Ă  reprendre place dans l’arène. En Ă©tĂ© 1843, une caravane de mulets appartenant Ă  J. Calistro PORRAS fut attaquĂ©e par une bande d’Apache, Ă  environ douze miles Ă  l’ouest de Chihuahua City. PORRAS Ă©tait un riche marchand de Chihuahua et la caravane, comprenant quelques quatre vingt mules, revenait chargĂ©e de marchandises et d’alcool. Les guerriers tuèrent tous les « arrieros Â» sauf un, et s’enfuirent avec les mules et les marchandises. Quant l’unique survivant arriva en se traĂ®nant et raconta l’histoire Ă  PORRAS, celui-ci se rendit tout droit Ă  l’arène pour trouver Don Santiago. Il offrit au chasseur de scalps les mules et la moitiĂ© des marchandises s’il arrivait Ă  trouver les pillards et les dĂ©truire. En imaginant l’argent supplĂ©mentaire que KIRKER se ferait avec les scalps, l’aventure pouvait se rĂ©vĂ©ler assez lucrative. Derrière un guide Mexicain, la Old Apache Company, forte Ă  prĂ©sent de cent soixante dix hommes, chevaucha jusqu’aux lieux du massacre et trouva facilement la trace des pillards. Pendant trois jours, les hommes suivirent la piste des Apache en retraite, passant Ă  cĂ´tĂ© des carcasses de mules mortes d’épuisement et de paquets de marchandises abandonnĂ©s en cours de route. Le troisième jour, SPYBUCK localisa le campement Apache. Il rapporta Ă  KIRKER qu’il y avait quarante trois guerriers et que, se croyant hors de danger, ceux-ci avaient puisĂ© dans l’alcool et commençaient Ă  se soĂ»ler. Les poursuivants attendirent que les Apache fussent imbibĂ©s jusqu’à l’oubli total. Puis KIRKER et la moitiĂ© de ses hommes rampèrent aisĂ©ment Ă  l’intĂ©rieur du camp et leur coupèrent la gorge. Avant de revenir en ville, cependant, KIRKER proposa une chose Ă  ses hommes. Il savait qu’un grand village d’Apache, d’un millier d’habitants, se trouvait Ă  trois jours de cheval de l’endroit oĂą ils Ă©taient. Il proposa d’attaquer le village, dont les scalps et le bĂ©tail viendraient s’additionner en une petite fortune. Les hommes approuvèrent très vite. Dans la pĂ©nombre prĂ©cĂ©dant le petit matin, presque tout le monde au village dormait ou Ă©tait encore abruti.  Les deux compagnies pĂ©nĂ©trèrent dans le village, attendant le coup de sifflet de KIRKER qui devait donner le signal de l’attaque. Soudain, un coup de feu claqua avant que tous les hommes de fussent prĂŞts. Alors qu’il rampait Ă  l’intĂ©rieur du village, Andy avait Ă©tĂ© surpris par un Apache qui sortait de sa hutte au mauvais moment. Le Noir avait saisi son escopette et appuyĂ© sur la dĂ©tente. Chasseurs et guerriers prĂŞts ou non, le combat dĂ©buta. Les hommes saccageaient tout dans le village, provoquant un horrible carnage parmi les habitants encore Ă  moitiĂ© endormis. Ils tuèrent sans distinction. Les guerriers surpris furent abattus par des armes Ă  feu, les femmes et les enfants Ă©taient massacrĂ©s Ă  coups de casse-tĂŞte, de couteaux et de hachettes. Beaucoup d’Apache qui arrivèrent Ă  sortir des mains des hommes de KIRKER s’enfuirent en paniquant vers le lac, et s’y noyèrent. Quelques uns parvinrent Ă  gagner le parc Ă  chevaux et Ă  s’enfuir. D’autres se rĂ©fugièrent dans les collines avoisinantes. Lorsque le combat cessa, les Shawnees se mirent Ă  l’œuvre avec leur couteau Ă  scalper, pendant que d’autres rassemblaient le bĂ©tail, qui comprenait presque un millier de chevaux et de mules. Les hommes travaillaient vite, voulant en avoir fini avant que les Apache n’aient le temps de se regrouper et de contre-attaquer. On retrouva le guide Mexicain mort. SPYBUCK ordonna qu’il fĂ»t scalpĂ© comme les autres. Quelques hommes protestèrent, mais SPYBUCK leur dit que, puisqu’il Ă©tait mort, ses cheveux ne lui servaient plus Ă  rien et son scalp pouvait passer pour celui d’un Apache et rapporter cent Pesos. Il Ă©tait de notoriĂ©tĂ© publique que KIRKER n’était pas contre le fait de prendre, quand l’occasion s’en prĂ©sentait, le scalp d’un Mexicain ou d’un Indien ami. En plus des scalps, des chevaux et des mules, la compagnie prit dix neuf femmes Apache en captivitĂ©, trois cent chèvres et brebis, et libĂ©ra une multitude de femmes et d’enfants Mexicains qui avaient Ă©tĂ© retenus prisonniers par les Apache. Quand les chasseurs de scalps revinrent en ville, Chihuahua City se mit en effervescence Ă  force de fĂŞte. Le bruit avait prĂ©cĂ©dĂ© les hommes, et ils furent accueillis par un orchestre d’instruments Ă  vent et des milliers d’admirateurs souriants. On prĂ©senta une mule chargĂ©e de cent quatre vingt deux scalps au gouverneur, lequel exultait et fit un discours vantant cette grande victoire sur la menace Apache. Après que l’on fĂ®t Ă  nouveau prendre Ă  la compagnie ses quartiers dans l’arène, KIRKER se rendit chez PORRAS et le gouverneur MONTERDE. PORRAS Ă©tait content et s’acquitta de sa parole d’une manière satisfaisante, mais le gouverneur renia la promesse qu’il avait faite de payer. Il dit Ă  KIRKER qu’il n’y avait malheureusement pas assez d’argent dans le trĂ©sor public pour couvrir les scalps. Les caisses ne contenaient qu’environ deux mille Pesos, soit un peu plus de dix pour cent que ce que le gouvernement devait. De plus, il y avait un problème avec le bĂ©tail, dont les anciens propriĂ©taires demandaient que leurs animaux leur fussent restituĂ©s.

KIRKER lui rappela que leur contrat lui accordait la propriĂ©tĂ© de tout le bĂ©tail qu’il pouvait prendre au cours d’un raid, mais le gouverneur haussa tout simplement les Ă©paules et dit qu’il n’y avait rien qu’il pĂ»t y faire. Lorsque KIRKER mit ses hommes en face de la tournure que les Ă©vĂ©nements avaient pris, ils se mirent en colère jusqu’à la limite de la rĂ©volte. Ils traitèrent le gouverneur de traĂ®tre pourri. SPYBUCK dit qu’il tuerait tout Mexicain qui ne ferait mĂŞme que toucher l’un des animaux capturĂ©s. En rĂ©ponse, MONTERDE appela l’armĂ©e. SPYBUCK et plusieurs autres de la compagnie s’apprĂŞtèrent Ă  se battre, s’estimant apparemment Ă  armes Ă©gales Ă  raison de cent chasseurs de tĂŞtes contre huit cent soldats Mexicains. Pourtant et avant qu’un coup de feu ne fĂ»t tirĂ©, SPYBUCK se fraya un chemin Ă  travers les rangs de l’armĂ©e Mexicaine et lança un ultimatum au gouverneur : Â« Tu lèves la mise ou tu meurs ! Â» Peut-ĂŞtre MONTERDE avait-il fait le mĂŞme genre de pari. En tous cas, il s’inclina. SPYBUCK et les autres prirent leur part de butin dans le bĂ©tail et, prenant congĂ© de KIRKER, quittèrent Chihuahua City pour Bent’s Fort. KIRKER resta au Mexique pendant quelque temps. Il accepta les deux mille Pesos du gouverneur et quitta la ville avec les quelques hommes qu’il lui restait, sentant qu’il avait Ă©tĂ© trahi par les Mexicains une fois de plus. Au regard de ce traitement, il est presque incomprĂ©hensible qu’à l’étĂ© de 1846, il chassait Ă  nouveau les scalps pour le gouvernement du Chihuahua, cette fois sous l’administration de Angel TRIAS, lorsqu’il se rendit responsable des scalps que RUXTON avait vus dĂ©corer la cathĂ©drale.

Il est difficile d’expliquer le dĂ©sir rĂ©pĂ©tĂ© de KIRKER de reprendre du service chez les Mexicains, après qu’ils l’eussent roulĂ© tant de fois. Certains disent qu’il Ă©prouvait une certaine loyautĂ© pour sa patrie d’adoption, ce qui n’est pas croyable compte tenu de son implication du cĂ´tĂ© amĂ©ricain lors de la Guerre du Mexique. D’autres prĂ©tendent que sa famille, puisqu’il avait Ă  cette Ă©poque cinq enfants avec sa femme Mexicaine, vivait toujours Ă  Chihuahua, et qu’il se sentait concernĂ© par leur bien-ĂŞtre. D’autres encore disent que la chasse aux scalps Ă©tait la seule chose de rentable Ă  faire dans la rĂ©gion, et que KIRKER n’avait jamais abandonnĂ© l’espoir de pouvoir un jour rĂ©cupĂ©rer ce qu’on lui devait. N’importe comment, KIRKER avait Ă  prĂ©sent cinquante ans, un âge oĂą la plupart des hommes de ce genre envisageaient sĂ©rieusement de laisser tomber leurs pertes et la vie violente. Mais KIRKER n’était pas vraiment prĂŞt pour le rocking chair. Plus tĂ´t la mĂŞme annĂ©e, le PrĂ©sident POLK avait dĂ©clarĂ© la guerre au Mexique, et le gouverneur TRIAS, parfaitement conscient de ce que la dĂ©fection de KIRKER signifierait pour Chihuahua, lui offrit au chasseur de scalps une place de colonel dans l’ArmĂ©e Mexicaine. KIRKER rĂ©pondit qu’il y rĂ©flĂ©chirait. Au mĂŞme moment, les Missouri Volunteers du colonel DONIPHAN venaient de capturer Santa Fe et marchaient vers le Sud. KIRKER ne rĂ©flĂ©chit pas longtemps. Avec ses hommes, ils quittèrent le Mexique pour rejoindre les Missouriens de DONIPHAN, mais pas avant d’avoir soigneusement Ă©tudiĂ© les positions de l’ArmĂ©e Mexicaine au Chihuahua. Peut-ĂŞtre KIRKER pensait-il soutirer en chair ce que les Mexicains lui devaient en argent. En tous cas, il fut Ă©claireur pour DONIPHAN et se battit Ă  la bataille de Sacramento pour prendre Chihuahua City. KIRKER joua un rĂ´le crucial dans cette bataille, menant cinq hommes Ă  la charge en terrain ouvert contre un canon ennemi fortement dĂ©fendu, et le dĂ©truisant en ne perdant qu’un seul homme. L’histoire dĂ©moralisa tellement les soldats Mexicains qu’elle offrit aux AmĂ©ricains une victoire facile. La part qu’avait jouĂ© KIRKER dans la dĂ©faite des Mexicains enragea tellement le Colonel TRIAS, que celui-ci offrit une prime de 10 000 $ pour la capture de l’ancien chasseur de scalps, mort ou vif. Cette prime resta valide jusqu’à la fin de la vie de KIRKER, qui ne revint jamais au Mexique. En 1847, KIRKER visita St. Louis et fut traitĂ© comme un hĂ©ros de l’Ouest. Tous les journaux couvraient son arrivĂ©e. Une histoire dans l’un d’eux le crĂ©ditait d’un total gĂ©nĂ©ral de quatre cent quatre vingt sept Apache tuĂ©s, pour la perte de seulement trois hommes. En automne, il retourna au Nouveau-Mexique oĂą il gĂ©ra un hĂ´tel pendant quelque temps Ă  Santa Fe. Mais la vieille vie de la chasse Ă  l’Indien l’appelait, cette fois dans le Sud du Colorado, oĂą il prit part Ă  une campagne pour pacifier les Apache Jicarillas. En 1849, il conduisait une expĂ©dition Ă  travers les plaines de Californie pour chercher de l’or. Un an plus tard, il vivait dans le ContĂ© de Contra Costa, Californie, oĂą il semble qu’il subvenait Ă  ses besoins comme chasseur. Il y mourut Ă  la fin de 1852 ou au dĂ©but de 1853, de causes naturelles Ă  ce que l’on dit.

Aujourd’hui, James KIRKER est aussi diffamĂ© que louĂ©, peut-ĂŞtre Ă  juste titre. Mais en toute honnĂŞtetĂ©, et sans dĂ©fendre la chasse aux scalps et sa cruautĂ©, il faut comprendre qu’il Ă©tait le fruit de son temps et de l’endroit, et il ne peut donc ĂŞtre jugĂ© qu’avec cet Ă©tat de fait Ă  l’esprit. MalgrĂ© tout ce qu’on a dit de lui, c’était un homme rĂ©solu, dĂ©terminĂ© et courageux, et il combla un besoin qu’il n’avait pas créé lui-mĂŞme. En tous cas, la chasse aux scalps culmina vers 1850, quand des hommes forgĂ©s par la Guerre du Mexique prirent la suite des affaires, et elle dura en quelque sorte jusque dans les annĂ©es 1880. Les Apache ne furent pas dĂ©faits avant 1866, par le GĂ©nĂ©ral George CROOK. Mis Ă  part quelques succès limitĂ©s et Ă©phĂ©mères, la chasse aux scalps ne fut jamais un moyen efficace pour rĂ©gler le problème Apache. Elle ne fut jamais officiellement reconnue par le gouvernement Mexicain. Tous ses critiques prĂ©tendent qu’en plus d’être immorale et rĂ©prĂ©hensible, elle envenima la situation. Elle permit certainement de retourner les Apache contre les Anglos et Ă  la fin, elle ne provoqua rien d’autre que de l’angoisse des deux cĂ´tĂ©s. Bref, ce fut une mesure dĂ©sespĂ©rĂ©e, prise par des hommes dĂ©sespĂ©rĂ©s Ă  une Ă©poque dĂ©sespĂ©rĂ©e.

Huit ans après le premier article, le mĂŞme homme, sur lequel on a cherchĂ© depuis Ă  en savoir plus, n’est donc plus prĂ©sentĂ© comme un vrai fumier. On essaye de le comprendre. C’est maintenant un homme de l’Ouest comme les autres, comme il y en eut tant. Bon d’accord, il a un peu massacrĂ© traĂ®treusement des Indiens pendant qu’ils dormaient ivres-mort, il en a sĂ»rement tuĂ© dans le dos, mais ce n’étaient que des Indiens, et des mauvais en plus, de ceux qui massacrent les bons Blancs venant les envahir et qui leur volent leur bon whisky. Et puis, vendre un scalp de Mexicain pour un scalp d’Indien, ça fait quoi comme diffĂ©rence, au juste ? Un bon mexicon est un mexicon mort, la preuve c’est que les mexicons vont le rouler tout le temps. En plus, il reste Ă  Chihuahua parce qu’il aime sa femme et ses cinq gosses, donc c’est un brave type. Mais il n’a toujours pas divorcĂ© avec sa vraie femme, c’est-Ă -dire la seule lĂ©gitime, celle qu’il a laissĂ© Ă  New-York en 1817. Faut dire qu’en dix ans, son ancienne bonne femme avait eu le temps de se faire une raison et comprendre qu’il ne reviendrait sĂ»rement plus. Et puis on a presque pitiĂ© de lui, quand il se fait niquer sans arrĂŞt par les mexicons. Faut pas dĂ©conner, on se crève le cul Ă  courir après des Indiens, on se fait chier Ă  les buter Ă  coups de casse-tĂŞte ou en gaspillant de la bonne poudre et des bonnes balles, on se salit les pattes Ă  dĂ©couper leur cuir chevelu et Ă  l’arracher, en risquant d’attraper des poux ou des maladies en plus, après ça on se salit les fringues, ça pue sous le soleil du dĂ©sert mexicain le temps qu’on rentre, c’est plein de mouches qui viennent dessus, en plus faut les prĂ©parer ces scalps, faut les saler pour qu’ils pourrissent pas, et le sel ça brĂ»le dans les coupures ou les blessures qu’on s’est faites aux mains en les scalpant, et en plus, quand on rentre enfin au bercail pour se saoĂ»ler la gueule, ces fainĂ©ants de mexicons qui passent leur temps Ă  faire la sieste allongĂ©s sur le sol, un sombrero sur le neeeeez, en guise, en guise, en guise de parasol, ils trouvent le moyen de pas nous payer.

COLT CONTRE ADAMS

Traduction d’un article de Garry JAMES paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1993

Le Colt Navy était un revolver de belle figure tirant six coups, qui suivait le concept de la carcasse ouverte de ses prédécesseurs.

Longueur du canon :     7,5 pouces ( 19,05 centimètres )

Longueur totale :          12,9 pouces ( 32,77 centimètres )

Poids :                         39 onces ( 1,1056 kilogramme )

Calibre :                       .36 centièmes de pouce ( 9,14 millimètres )

CapacitĂ© :                    6 coups

Vitesse initiale : 700 fps ( 213,36 mètres par secondes )

Le revolver Deane, Adams & Deane était élégant, presque entièrement fait-main, tirant cinq coups, et jeta les fondations pour les générations futures de revolvers à double action.

Longueur du canon :     6,5 pouces ( 15,92 centimètres )

Longueur totale :          11,5 pouces ( 28,17 centimètres )

Poids :                         30 onces ( 0,850 kilogramme )

Calibre :                       .44 centièmes de pouce ( 10,78 millimètres )

CapacitĂ© :                    5 coups

Vitesse initiale : 550 fps ( 167,64 mètres par secondes )

Pensez-vous que la controverse entre la simple action et la double action est quelque chose de nouveau ? Pas du tout. Toute l’histoire remonte Ă  125 ans, vers une chamaillerie entre un fabricant de revolvers Yankee du nom de Samuel COLT et un inventeur de revolvers Anglais du nom de Robert ADAMS. Comme le sait tout amateur d’histoire des armes Ă  feu, Sam COLT inventa le premier revolver vraiment pratique, le modèle Paterson 1837. L’arme ne fĂ»t pas un succès total, mais COLT continua Ă  amĂ©liorer le système et, quelque vingt quatre ans plus tard, sortit son revolver modèle 1851 Navy, un descendant pas très lointain des gros modèles Dragoon en calibre .44, et des petits Pocket 1849 en calibre .31. Le Navy .36 gardait cependant quelque chose de ses ancĂŞtres : une taille pratique, maniable, combinĂ©e Ă  un calibre raisonnablement efficace. Ce six-coups Ă  simple action possĂ©dait un canon de 7,5 pouces, il mesurait 12 pouces trois-quarts en tout et pesait 39 onces. Tout comme le Pocket 1849, le Navy devint immĂ©diatement cĂ©lèbre. L’entreprise de plus en plus florissante du Colonel COLT Ă©tendit ses ramifications Ă  l’Angleterre, oĂą il exposa lors de la Grande Exposition au Crystal Palace en 1851. Sa prĂ©sentation au gouvernement des Etats Unis fit l’objet d’une attention considĂ©rable, et ceci au grand dĂ©plaisir d’ADAMS. Le fabricant d’armes Anglais avait conçu un revolver Ă  double action, qu’il avait lui-mĂŞme appelĂ© « Ă  armement autonome Â», qui Ă©tait aussi une arme de haute qualitĂ© et qui, dans son sens, Ă©tait tout aussi pratique que le Colt. Contrairement au Colt, le Deane, Adams & Deane modèle 1851 possĂ©dait une carcasse fermĂ©e mais pas de levier sur le chien, puisqu’il fonctionnait Ă  double action. Il n’avait pas non plus le bouclier du Colt, mais bien que les capsules pussent ĂŞtre projetĂ©es vers l’arrière en cas de dĂ©part en sĂ©rie, on ne considĂ©ra pas cela comme un dĂ©faut majeur. Alors que le Colt possĂ©dait un levier de chargement fixĂ© sous le canon, le revolver Adams utilisait des balles qui sortaient du moule avec une petite pointe Ă  l’arrière, sur laquelle on piquait une petite bourre de feutre graissĂ©. On pouvait alors enfoncer le projectile dans la chambre, sur la charge de poudre et avec les doigts. ADAMS, tout comme COLT, pensait que son système Ă©tait supĂ©rieur, et on dit que, lors d’un discours que faisait COLT Ă  devant l’Institute of Civil Engineers, ADAMS l’interrompit brusquement en se levant, brandissant son revolver et commençant Ă  vanter Ă  toutes les personnes prĂ©sentes les mĂ©rites de son arme. La controverse ne s’arrĂŞta pas lĂ , mais continua jusqu’à devenir le point de dĂ©part d’un dĂ©bat enflammĂ© entre les partisans de l’un des systèmes et ceux de l’autre pendant des annĂ©es. En fait, elle atteignit une telle intensitĂ© que, dans son rĂ©cit « Bartleby Â», l’auteur Herman MELVILLE choisit de donner comme noms Ă  un avocat et Ă  son obstinĂ© secrĂ©taire ceux de Colt et d’Adams.

Les deux armes eurent leur baptĂŞme du feu lors de la Guerre de CrimĂ©e de 1853 Ă  1856, mais les officiers restèrent divisĂ©s sur leur opinion quant Ă  leurs avantages et leurs inconvĂ©nients. Au cours de ce conflit, le Capitaine J.G. CROSSE du 88ème. RĂ©giment Ă  Pied Ă©crivit Ă  ADAMS : Â« J’avais l’un des modèles de vos Pistolets-Revolvers Ă  grosse carcasse pendant la sanglante bataille d’Inkermann, et je fus par hasard encerclĂ© par les Russes. C’est lĂ  que je dĂ©couvris les avantages de votre pistolet sur un Colt parce que, si j’avais Ă©tĂ© obligĂ© d’armer avant chaque coup, j’aurais perdu la vie. Je n’aurais pas eu le temps d’armer, car ils Ă©taient trop près de moi puisqu’ils se trouvaient Ă  quelques yards, si près d’ailleurs que je fus blessĂ© par un coup de baĂŻonnette Ă  la cuisse immĂ©diatement après avoir abattu le quatrième homme Â». Il est intĂ©ressant de noter que le British Board of Ordnance essaya le Colt et l’Adams et donna sa prĂ©fĂ©rence au premier, l’adoptant en fait pour en doter les sergents des rĂ©giments de Lanciers. Alors que le Deane, Adams & Deane continua Ă  ĂŞtre fabriquĂ© pendant des annĂ©es en calibres .50, .44 et .36, Robert ADAMS, reconnaissant apparemment les avantages de la simple action pour un tir posĂ©, sortit une arme fonctionnant en simple et en double action en 1855. Cette arme, appelĂ©e Beaumont-Adams parce qu’elle intĂ©grait le mĂ©canisme conçu par F.B.E. BEAUMONT, Ă©tait Ă©galement Ă©quipĂ©e d’un levier d’armement sur le cĂ´tĂ©. Le revolver Beaumont-Adams fut finalement adoptĂ© par les forces de Sa MajestĂ©. Ceci balaya pratiquement pour COLT tous les espoirs de commerce lucratif en Angleterre, et en 1857 il cessa toutes les opĂ©rations de son usine de Londres qui avait ouvert Ă  peine quatre ans plus tĂ´t. Ceci ne veut pas dire que la fermeture de ses Ă©tablissements de Londres marquèrent la fin de son influence en Grande-Bretagne, loin de lĂ . Ses armes, autant celles qui fonctionnaient Ă  percussion que celles qui utilisaient des cartouches, et particulièrement Ă  double action, continuèrent de rester des objets très populaires chez les acheteurs Anglais. Je dois l’admettre, j’ai toujours trouvĂ© la controverse entre les Colt et les Adams particulièrement intĂ©ressante, car elle a marquĂ© le premier choc, non seulement entre deux types de systèmes, mais ce fut aussi le premier vrai test entre des armes Ă  feu fabriquĂ©es en usine, c’est-Ă -dire les Colt, et celles qui Ă©taient plutĂ´t faites Ă  la main, les Adams. En fait, Ă  l’époque, on disait gĂ©nĂ©ralement que, si le Navy 1851 Ă©tait une pièce de mĂ©canique d’aspect solide, le Deane, Adams & Deane Ă©tait une arme plus raffinĂ© et mieux finie. Pour ĂŞtre honnĂŞte, j’ai pu examiner des exemplaires en excellent Ă©tat de Colt et d’Adams et je n’ai trouvĂ© de dĂ©fauts sur aucun d’eux en matière de finition. Par chance, nous avons pu avoir un Deane, Adams & Deane d’origine en .44, et une des rĂ©pliques du Colt 1851 de chez Cimarron Repeating Arms Co., Dept. DA, 1106 Wisterwood # G, Houston, TX 77043. Comme vous pouvez le devinez, des essais s’imposaient.

La première affaire fut de préparer des munitions. Par bonheur, notre Adams venait dans un coffret avec tous ses accessoires, et il s’est donc simplement agi de couler quelques balles et de découper quelques bourres de feutre à l’emporte-pièce, qui furent ensuite graissées avec du Young’s Country 303. Comme les balles du Colt étaient plus courantes que celles de l’Adams, nous avons opté pour les balles déjà coulées de chez Lyman en .375 pour le Navy 1851. Les séries ont été tirées à bras franc à 15 yards, soit environ à la distance de combat moyenne. On charge le Colt en commençant par faire partir une capsule sur chaque cheminée pour s’assurer que les lumières sont propres. Puis on introduisit dans chaque chambre une charge pré-mesurée de 25 grains de FFFg, et une balle posée sur le bout de la chambre fut enfoncée avec le levier de chargement qui se trouve sous le canon. Nous avons ensuite mis de la graisse sur la balle pour éviter tout départ en série pouvant être provoqué par la communication du feu d’une chambre à l’autre par l’avant. Enfin, les capsules furent mises en place et l’arme fut prête à tirer. Aux premières impressions, la tenue en main était très bonne et l’équilibre excellent. En dépit du fait que la hausse se limite à une encoche dans le chien, elle fut assez efficace et nous a donné une image plus qu’adéquate pour viser. Le recul était très léger et le fonctionnement satisfaisant. Nous avons eu le coup de la capsule qui tombe dans le mécanisme par l’espace situé entre le chien et le bouclier, et l’arme fut effectivement enrayée jusqu’à ce que nous arrivâmes à faire tomber la capsule en retournant le revolver et en le secouant. Sur environ vingt quatre coups tirés, l’incident ne se produisit qu’une seule fois, mais en situation de combat, ce genre d’enrayage devait être un petit peu plus grave que simplement énervant. Le Navy a mérité sa réputation de bonne précision, donnant des groupements de trois pouces et demi à quatre pouces et demi. L’arme tirait effectivement haut, comme elle était réputée le faire.

Venons-en maintenant au Deane, Adams & Deane. En ce qui concerne le chargement des projectiles, la procĂ©dure est la mĂŞme que pour le Navy, sauf qu’à la place de mettre le chien au demi-armĂ© comme sur le Navy, l’Adams possède une « sĂ©curitĂ© Â» Ă  ressort sur le cĂ´tĂ© de la carcasse, que l’on repousse après avoir tirĂ© le chien vers l’arrière un tout petit peu. On rabat ensuite la chien sur la sĂ©curitĂ© et le barillet est libre de tourner tout seul. Nous avons poussĂ© des balles avec leur bourre dans les chambres, sur des charges de 30 grains FFFg Ă  chaque fois, puis les capsules ont Ă©tĂ© posĂ©es et l’arme Ă©tait prĂŞte Ă  tirer. La queue de dĂ©tente est bien arrondie, donnant une bonne prise. Le poids du dĂ©part en double action est extrĂŞmement doux, et le recul est Ă  peu près le mĂŞme que celui du Colt. L’échancrure dans le haut de la carcasse Ă  l’arrière, couplĂ©e avec le guidon Ă  l’avant, donne une très bonne visĂ©e. Le fonctionnement Ă©tait excellent, mais nous avons remarquĂ© que le recul permettait aux balles de glisser vers l’avant dans les chambres, au point que le barillet s’enraya au bout de quatre coups et les balles qui restaient ont du ĂŞtre repoussĂ©es Ă  leur place. La prĂ©cision Ă©tait bonne bien que n’atteignant pas celle du Colt, nous donnant des groupements de cinq pouces, pratiquement Ă  la hauteur du point visĂ©. Dans l’ensemble, la sensation laissĂ©e par l’Adams fut celle de dĂ©licatesse et de raffinement, alors que le Navy possède une tenue caractĂ©risant un outil pratique conçu intelligemment. Alors que l’Adams Ă©tait bien fait et fonctionna parfaitement, le fait qu’il ne pouvait tirer qu’en double action rendait le tir intentionnel limitĂ©. Le tir rapide Ă©tait plus facile cependant, c’est-Ă -dire qu’il l’aurait Ă©tĂ© si l’une des balles n’avait pas stoppĂ© l’expĂ©rience en glissant vers l’avant. Si je devais choisir entre les deux, je pencherais pour le Colt, car je suis plus certain qu’il ne m’aurait pas lâchĂ© en cas de situation difficile. Dans ce cas, le plus simple est le mieux. Normal qu’il prĂ©fère le Colt, c’est un amerloque qui Ă©crit et, mĂŞme si depuis l’IndĂ©pendance des Etats Unis de 1776 oĂą ils ont foutu les britiches dehors, les amerloques et les « cousins Â» se sont toujours entendus pour faire chier le reste de la Terre, ça reste un nationaliste pur et dur, comme d’ailleurs la plupart des amateurs d’armes et de Western. Sauf qu’il reproche au Adams de s’enrayer Ă  cause d’une balle qui glisse vers l’avant, alors qu’on peut re-passer le doigt gauche dessus juste avant de tirer, quand une capsule qui reste coincĂ©e derrière le chien du Colt met l’arme hors de service pour un moment et permet au malpoli Ă  quatre ou Ă  deux pattes qui est en face de se servir de toi comme il le veut, soit de bifteck, soit de banquier, soit d’épicier, soit mĂŞme de bonne femme… Notons au passage que le revolver Adams possĂ©dait en plus un guidon dĂ©rivable sur queue d’aronde et un petit rĂ©ceptacle Ă  la base de la crosse pour y loger des capsules de rechange, des gadgets inutiles sur la frontière dont le Colt se passait bien et qui n’ont sĂ»rement pas manquĂ© d’influer sur le prix de revient et les ventes. Robert ADAMS lui-mĂŞme a bien du se rendre compte des inconvĂ©nients de ses armes, puisqu’il Ă©quipa bientĂ´t ses double action d’un chien Ă  levier et, comme nous l’avons mentionnĂ© prĂ©cĂ©demment, que le revolver mixte Ă  simple et Ă  double action Beaumont-Adams, qui possède un levier d’armement sur le chien, remplaça totalement le vieux « double action seulement Â». Les Colt et l’Adams sont tous les deux des armes innovatrices pour l’époque, et beaucoup de leurs particularitĂ©s se retrouvent sur les armes avec lesquelles nous tirons aujourd’hui. Pas trop mal après cent cinquante ans.

LE FAMEUX RIFLE MATCH DE 1874 A CREEDMOOR

Traduction d’un article de Bob SMITH paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1987

Creedmor – 1874 : L’histoire incroyable et fascinante de la première victoire de l’AmĂ©rique dans un concours de tir international. L’annĂ©e 1874 servira de repère pour le tir de compĂ©tition en AmĂ©rique, parce que, voyez-vous, les Etats Unis Ă©taient brusquement devenus la vedette du tir international, et cet Ă©vĂ©nement impressionnant aura bientĂ´t prouvĂ© que l’AmĂ©rique Ă©tait capable de se battre Ă  un niveau de compĂ©tition mondial.

« Aux tireurs d’armes d’épaule des Etats Unis…» Ces mots furent le premier contact de l’Irish Rifle Team aux tireurs amĂ©ricains pour un challenge international en 1873. Le Major Arthur B. LEACH, capitaine de l’équipe du Irish Rifle, avait lancĂ© le dĂ©fi « aux tireurs d’armes d’épaule des Etats Unis Â» par une annonce dans le New York Herald, pour tirer un concours en AmĂ©rique et crĂ©er un championnat du monde ! La pĂ©riode des annĂ©es 1800 est remplie d’histoires d’armes Ă  feu, de chasse, et de tir, pour ce pays relativement jeune qu’était l’AmĂ©rique. Les armes Ă  feu avaient Ă©tĂ© des outils de tous les jours pour les premiers colons, le tir Ă  la cible Ă©tait dĂ©jĂ  devenu une tradition amĂ©ricaine, et l’adresse Ă©tait une qualitĂ© que les AmĂ©ricains admiraient et Ă  laquelle ils aspiraient. On apprenait aux femmes Ă  se servir d’une arme pour l’auto-dĂ©fense, on enseignait aux jeunes garçons les rudiments du maniement des armes en toute sĂ©curitĂ©, et on les Ă©duquait constamment pour les perfectionner en matière de prĂ©cision dans leur façon de tirer. Pour le tireur, pour le chasseur, ou pour l’amateur d’armes, c’était vraiment lĂ  une Ă©poque formidable pour y vivre et en faire partie. Entre-temps, de l’autre cĂ´tĂ© de l’Atlantique, les tireurs puristes en costume des Ă®les britanniques se mesuraient depuis de nombreuses annĂ©es dans des compĂ©titions Ă  longue distance. Les Anglais avaient un excellent stand Ă  1000 yards Ă  Wimbledon, qu’ils utilisaient rĂ©gulièrement, et en 1862, les Britanniques remirent le Elcho Shield Trophy comme rĂ©compense aux Ecossais pour avoir gagnĂ© le concours. Ce match Ă  longue distance, qui devint un Ă©vĂ©nement sportif annuel fameux, se jouait Ă  800, Ă  900 et Ă  1000 yards. Le vainqueur se voyait dĂ©cernĂ© le Elcho Shield Trophy et le titre de Champion des Iles Britanniques.

Avant 1865, on avait refusĂ© a l’Irish Rifle Team le droit de participer Ă  Wimbledon, parce que l’Irlande Ă©tait Ă  cette Ă©poque en rĂ©bellion contre la Couronne. Pourtant, en 1865, les Irlandais furent invitĂ©s Ă  la compĂ©tition. Ils acceptèrent et prĂ©sentèrent ensuite une Ă©quipe chaque annĂ©e. En 1873, l’équipe du Irish Rifle Team ne rĂ©ussit pas non seulement Ă  remporter le Elcho Shield Trophy, mais atteignit un tel score contre l’Angleterre et l’Ecosse, qu’elle exprima l’opinion publique en disant qu’elle Ă©tait peut-ĂŞtre la meilleure du monde ! Ce n’était pas lĂ  une simple petite dĂ©claration, car les matches de Wimbledon Ă©taient considĂ©rĂ©s par beaucoup comme les dĂ©monstrations d’habiletĂ© les plus importantes du monde. En effet, on considĂ©rait souvent ouvertement un vainqueur Ă  Wimbledon comme le champion du monde anglophone. C’est pourquoi, l’équipe irlandaise pensait que, si elle devait ĂŞtre LA championne du monde, il lui fallait lancer un dĂ©fi aux tireurs amĂ©ricains et en sortir victorieuse. En 1873, la N.R.A. ( National Rifle Association of America ) n’avait que deux ans et n’était manifestement pas prĂ©sente sur la scène des tireurs internationaux, car les Irlandais ne savaient mĂŞme pas Ă  qui adresser leur dĂ©fi officiellement. C’est pourquoi, le Major LEACH, ignorant l’existence de la toute nouvelle N.R.A., fit placer une annonce dans le journal New York Herald, dans l’optique d’un effort sincère pour attirer l’esprit sportif de l’Amateur Rifle Club de la ville de New York. La N.R.A., apparemment froissĂ©e, ignora le dĂ©fi, mais l’Amateur Rifle Club, dans un Ă©lan audacieux, l’accepta en FĂ©vrier 1874. Les bases Ă©taient donc en place pour le premier match international Ă  l’arme longue aux Etats Unis d’AmĂ©rique. Les modalitĂ©s du match et l’ordre de tir Ă©taient les suivants : Les Ă©quipes irlandaise et amĂ©ricaine seraient composĂ©es chacune de six tireurs. Les tirs s’effectueraient en quinze coups pour chaque Ă©quipier, de 800, 900 et 1000 yards, Ă  un endroit et une date Ă  dĂ©terminer par l’Amateur Rifle Club de New York. Le recul est bien sĂ»r un merveilleux chroniqueur dans l’histoire, et cet Ă©vĂ©nement mondial, vu selon nos standards actuels, nous donne un aperçu prĂ©cis sur l’esprit colonial, sinon la tĂ©nacitĂ© amĂ©ricaine des premiers jours. Car voyez-vous, les tireurs qui acceptaient le dĂ©fi de l’Irish Rifle Team n’étaient en fait qu’un mĂ©lange de purs amateurs issus d’un club de moins de soixante-dix membres, et aucun d’eux n’avait jamais tirĂ© Ă  600 yards ou plus loin !

En effet, l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente ( 1873 ), le club n’avait tirĂ© que cinq matches Ă  juste 500 yards ! En plus d’un manque d’expĂ©rience, de matĂ©riel et de rĂ©putation en longue distance, les amĂ©ricains avaient encore Ă  choisir l’équipe de leurs reprĂ©sentants nationaux. Rappelez-vous, le match n’était loin que de sept mois ! La presse s’empara immĂ©diatement de l’affaire et s’empressa de tenter de tourner l’évĂ©nement en ridicule. Il faut garder Ă  l’esprit qu’il y avait beaucoup d’immigrants irlandais en AmĂ©rique Ă  cette Ă©poque, et leur fiertĂ© nationale dĂ©passait de loin leur restants de patriotisme. Dans leur idĂ©e, il n’y avait aucune possibilitĂ© que l’équipe amĂ©ricaine, dont les membres restaient Ă  choisir, pĂ»t vaincre la grande Ă©quipe de tir irlandaise. Après tout, les membres de l’équipe irlandaise Ă©taient des tireurs internationaux confirmĂ©s, et ils venaient juste de gagner contre les meilleurs tireurs Ă  longue distance d’Angleterre et d’Ecosse. En plus de cela, l’équipe irlandaise tirait avec des armes fabriquĂ©es par l’un d’eux, le fameux John RIGBY. Ces superbes carabines, en calibre .45, Ă©taient Ă©quipĂ©es d’excellents dioptres rĂ©glables Ă  vernier pour la hauteur et, Ă  l’avant, de guidons sous tunnel d’une très haute qualitĂ©. Vraiment, les carabines Rigby Ă©taient considĂ©rĂ©es comme les meilleures armes de match du monde Ă  l’époque. Tous ces ingrĂ©dients, issus de compĂ©titions Ă  l’étranger, venaient s’ajouter Ă  un niveau d’adresse pour le moins impressionnant, et semblaient vouloir indiquer que les tireurs Ă©taient supĂ©rieurs.

Si l’esprit de fraternité des tireurs américains fut intimidée par le bagage impressionnant de l’équipe irlandaise, son agressivité et son sérieux ne le montrèrent certainement pas. Mais, comme pour rendre l’événement encore plus difficile, l’équipe de l’Irish Rifle Team posait quelques conditions avant d’entreprendre son voyage à travers l’Atlantique. Premièrement, l’équipe américaine devrait utiliser des armes fabriquées en Amérique. Deuxièmement, tous ses membres devraient être des citoyens Américains nés en Amérique. Et troisièmement, l’équipe des Etats Unis devrait avancer la mise de 100,00 Livres Sterling, soit 500,00 Dollars Américains, en dépôt légal comme assurance que l’équipe irlandaise rencontrerait bien les meilleurs tireurs d’Amérique. L’un après l’autre, toutes les conditions du défi furent remplies pat les américains. La firme E. Remington & Sons fut d’accord pour fabriquer des carabines de match capables de précision constante à longue distance, pour la moitié de l’équipe américaine. En plus de cela, elle accepta de faire don de la moitié des 500,00 $ réclamés pour l’enjeu. La firme Sharps Rifle Company accepta également de fabriquer et fournir à la moitié de l’équipe américaine les meilleurs carabines que ses ateliers pourraient le faire et, comme Remington, elle ferait également don de la moitié de la mise de 500,00 $.

Pendant tout le printemps et l’étĂ© de 1874 , on procĂ©da aux sĂ©lections et l’équipe amĂ©ricaine fut formĂ©e. Les six membres de l’équipe des Etats Unis furent : Henry FULTON, G.W. YALE, John BODINE, H.A. GILDERSLEEVE, L.L. HEPBURN et T.S. DAKIN. Le 26 Septembre 1874 fut la date choisie pour le prestigieux Ă©vĂ©nement sportif. Le match se tirerait sur le stand de Creedmoor, sur Long Island. Creedmoor Ă©tait plutĂ´t un pâturage, en comparaison de Dollymount en Irlande, oĂą l’équipe irlandaise tirait habituellement. La lĂ©gislation de New York de 1871 autorisait l’achat et la construction par promulgation et publication de l’acte. L’Etat de New York acheta le terrain, la National Rifle Association finança cinq mille dollars pour la construction du pas de tir, et la municipalitĂ© des villes de New York et de Brooklyn contribuèrent chacune aux dĂ©penses. Le GĂ©nĂ©ral George WINGATE fut chargĂ© de la conception et de la supervision de la construction du pas de tir, pour lequel on s’inspira du stand de Winbledon en Angleterre. Le stand de Creedmoor, âgĂ© de seulement deux ans, serait donc ainsi le premier en AmĂ©rique oĂą se tirerait un match international.

Les frères REMINGTON confièrent Ă  leur très compĂ©tent Mr. HEPBURN la fabrication d’une carabine pour la longue distance. Lewis L. HEPBURN Ă©tait le directeur gĂ©nĂ©ral du service technique, il Ă©tait aussi un tireur de grande renommĂ©e, et il Ă©tait appelĂ© Ă  devenir l’un des membres de la première Ă©quipe amĂ©ricaine Ă  Creedmoor. Comme base pour la carabine de prĂ©cision Remington, HEPBURN choisit le fameux système Ă  bloc roulant. Il conçut Ă©galement une combinaison de guidon sous tunnel rĂ©glable en latĂ©ral pour le vent, et d’un dioptre Ă  vernier Ă  l’arrière. Ces carabines de tir Remington « Rolling block Â» furent mises en bois avec une crosse munie d’une poignĂ©e pistolet pour amĂ©liorer la tenue Ă  longue distance. Ces accessoires, combinĂ©s Ă  l’excellent mĂ©canisme du bloc roulant de HEPBURN, donnèrent une carabine de tir de prĂ©cision d’une extrĂŞme qualitĂ©.

Plus tard, la firme Remington & Sons lui donnerait le nom de « Carabine Remington Creedmoor Â».

La contribution de la firme Sharps Rifle Company Ă  la première Ă©preuve de tir internationale de l’AmĂ©rique se matĂ©rialisa dans la carabine Sharps Modèle 1874, ce qui en fait Ă©tait une fausse appellation puisque l’arme avait Ă©tĂ© mise sur le marchĂ© en 1871. Cette arme avait surtout Ă©tĂ© utilisĂ©e par les chasseurs de peaux dans l’Ouest. Les chasseurs de bisons connaissaient sa prĂ©cision pour le tir Ă  moyenne distance, et ils lui donnèrent une telle rĂ©putation qu’en 1876, le sobriquet de Old Reliable ( Â« La vieille sur qui on peut compter Ă  tous les coups Â» ) fit partie des marquages sur le modèle « 74 Sport Â». Comme la Remington, la Sharps Ă©tait chambrĂ©e pour la cartouche de calibre .44, chargĂ©e de 90 Ă  100 Grains de poudre noire sur une balle de 550 Grains lĂ©gèrement durcie, probablement Ă  1 pour 50, avec une douille rallongĂ©e de deux pouces et quart Ă  deux pouces cinq huitièmes pour pouvoir contenir le supplĂ©ment de charge. La carabine Sharps Creedmoor Ă©tait une superbe pièce de tir, pesant dix bonnes livres, avec un canon de trente quatre pouces Ă©quipĂ© Ă  l’avant d’un guidon sous tunnel et d’un niveau Ă  bulle. A l’arrière, le dioptre Ă  vernier Ă©tait rĂ©glable jusqu’à 1300 yards. Pour complĂ©ter le tout, la dĂ©tente de la carabine Sharps Ă©tait nette, partant Ă  exactement trois livres.

Les carabines destinĂ©es Ă  cet Ă©vĂ©nement furent livrĂ©es aux compĂ©titeurs au dĂ©but du printemps de 1874. La rĂ©vĂ©lation au public de ces carabines Creedmoor spĂ©cialement faites, attira toute une volĂ©e de critiques car, voyez-vous, ces armes que l’on venait de faire se chargeaient par la culasse ! La plupart des tireurs des annĂ©es 1800 Ă©taient persuadĂ©s que seule une arme se chargeant par la bouche serait capable d’atteindre le summum de la prĂ©cision, si nĂ©cessaire au tir de compĂ©tition Ă  longue distance. Dans cette pĂ©riode de l’histoire, les armes se chargeant par la culasse Ă©taient une nouveautĂ© pour les tireurs conservateurs et, franchement, on ne les acceptait pas sur le pas de tir comme quelque chose de vraiment fiable en matière de prĂ©cision.

Faisant fi des railleries, des sarcasmes, et des remarques mĂ©prisantes que crachait Ă  chaque fois le public, l’équipe amĂ©ricaine s’entraĂ®nait assidĂ»ment, espĂ©rant tout le temps que leurs efforts donneraient quelque chose de crĂ©dible contre la tant redoutĂ©e Irish Rifle Team. Ainsi, le scĂ©nario Ă©tait bouclĂ© pour l’un des plus grand Ă©vènements en matière de tir dans l’histoire du monde ! Pourtant, il s’agissait lĂ  de quelque chose de plus qu’une simple compĂ©tition mondiale en matière de standards de qualitĂ©, parce que les bases de la compĂ©tition Ă©taient connues de tous, que ce soient des tireurs ou du public. D’un cĂ´tĂ©, nous avions une Ă©quipe inconnue de tireurs amĂ©ricains, rassemblĂ©e par les simples liens du tir sportif, dont aucun des membres n’avait la moindre expĂ©rience en matière de tir Ă  longue distance au niveau international. De l’autre, nous avions la cĂ©lèbre Irish rifle Team, fraĂ®chement Ă©moulue d’une magnifique victoire. En plus de cela, il y avait beaucoup Ă  dire sur les armes utilisĂ©es par chacune des Ă©quipes. Les Irlandais Ă©taient Ă©quipĂ©s des carabines Rigby Ă  chargement par la bouche qui avaient fait leurs preuves, et les AmĂ©ricains avec des Sharps et Remington Ă  chargement par la culasse, d’une qualitĂ© nouvelle qui restait Ă  prouver, tout comme d’ailleurs les tireurs eux-mĂŞme. Â« C’est pourquoi ce match fut une compĂ©tition opposant , pas seulement des AmĂ©ricains Ă  des Irlandais, mais la carabine Ă  chargement par la culasse contre les armes de tir Ă  longue distance se chargeant par la bouche Â» dira Ned ROBERTS plus tard. Creedmoor serait le test suprĂŞme pour les meilleurs tireurs AmĂ©ricains utilisant des armes amĂ©ricaines se chargeant par la culasse. Perdre cette compĂ©tition reviendrait Ă  exposer une dĂ©faite aux yeux de meilleurs tireurs venant d’un pays Ă©tranger et utilisant du matĂ©riel censĂ© ĂŞtre meilleur. De toutes les manières que l’on regardât la chose, c’était la rĂ©putation de l’AmĂ©rique toute entière qui Ă©tait en jeu ! AttisĂ©s par certains articles du New York Herald, les passions s’exacerbaient. Au fur et Ă  mesure que la date de la compĂ©tition s’approchait, l’émotion gagnait la confrĂ©rie des tireurs, Ă  la fois de ce cĂ´tĂ©-ci et Ă  la fois de l’autre cĂ´tĂ© de l’Atlantique. Les tireurs amĂ©ricains, qui admettaient ne pas ĂŞtre trop sĂ»rs de leurs armes Ă  chargement par la culasse, prirent peu Ă  peu confiance en leurs capacitĂ©s Ă  longue distance et en arrivèrent Ă  respecter le potentiel de prĂ©cision de leurs Sharps et Remingtons. Les AmĂ©ricains continuaient Ă  s’entraĂ®ner, en essayant du mĂŞme coup de trouver les charges adĂ©quates pour leurs carabines. Les jours passaient et les tireurs envoyaient d’innombrables coups, en recueillant un vaste catalogue de donnĂ©es, tout en accumulant plus d’expĂ©rience sur les rĂ©glages du vent et la gestion du mirage, et gagnant confiance en leur capacitĂ©s Ă  remporter le match. Ainsi, chacun des membres de l’équipe devint, avec sa carabine, un adversaire sĂ©rieux de plus sur lequel il faudrait compter dans l’horizon de la compĂ©tition mondiale du tir.

Les cibles utilisĂ©es dans ce premier match international de tir Ă  la carabine, furent appelĂ©es « Cibles Creedmoor Â». Il s’agissait des cibles standard adoptĂ©es par la National Rifle Association en 1871 pour le tir Ă  800, 900 et 1000 yards. De forme rectangulaire, les cibles mesuraient six pieds de haut et douze pieds de long. La « mouche Â», de couleur noire, se composait d’un carrĂ© de trois pieds inscrit dans un carrĂ© rayĂ© horizontalement qui mesurait six pieds sur six. Un coup dans la « mouche Â» comptait quatre points. Un impact dans ce carrĂ© rayĂ© de six pieds, dit « centre Â», comptait trois points. Le « centre Â» Ă©tait inscrit dans la partie « extĂ©rieure Â» de la cible « Creedmoor Â». La partie « extĂ©rieure Â» s’étendait de deux pieds Ă  gauche et deux pieds Ă  droite du « centre Â». De chaque cĂ´tĂ© du « centre Â», la partie « extĂ©rieure Â» mesurait donc deux pieds de large et six pieds de haut. Un impact dans la partie « extĂ©rieure Â» comptait deux points. On peut donc se rendre compte que le score le plus haut possible avec 15 coups serait de 60 points. On notera que, mĂŞme si les cibles utilisĂ©es lors de ce premier match Ă  Creedmoor en AmĂ©rique Ă©taient d’origine N.R.A., la plupart des clubs Ă©trangers, y compris les Anglais et les Irlandais, utilisaient des cibles identiques avec des mouches carrĂ©es.

Quand le soleil commença à se lever dans le ciel rouge de ce matin du 26 Septembre 1874, la foule de supporters passionnés et d’amateurs se massait déjà du côté de Creedmoor. Pas moins de huit mille intéressés remontaient le petit chemin poussiéreux pour assister à cet événement international dont il avait tant été question partout. Depuis des mois, les journaux avaient stimulé les enthousiasmes presque chaque jour, et à présent des télégraphistes se tenaient prêts à envoyer les résultats à travers le reste du pays. En ce Samedi historique, le temps était clair et assez chaud. Il y avait peu de nuages dans le ciel. Le vent, si peu qu’il y en eût, soufflait de face avec un léger travers vers la droite. Pour l’équipe américaine, ces conditions climatiques étaient idéales. L’absence de vent voulait dire qu’ils n’auraient pas à lutter avec ces désagréables organes de visée, pour lesquels ils manquaient tant d’expérience à ces longues distances. Par contre, la chaleur et l’humidité provoqueraient très certainement de gros effets de mirage à Creedmoor. Pendant les séances d’entraînement de la semaine précédente, les membres de l’Irish Rifle Team avaient été considérablement gênés par ces effets de mirage. Les tireurs américains, cependant, ne craignaient pas ce phénomène compliqué, car leur expérience à Creedmoor était largement suffisante pour surmonter les conditions trompeuses de mirage qui étaient tant présentes ce jour-là. Les tireurs commencèrent à arriver en même temps que la foule de spectateurs grossissait et se massait derrière les gardes-fou en corde de Creedmoor. Les Américains, vêtus de leur costume d’affaires et chapeau melon, faisaient un contraste vif avec les costumes chics des compétiteurs Irlandais, lesquels se pavanaient dans leurs beaux habits de tweed et chapeau de chasse à la mode ou casque colonial. Toute l’atmosphère à Creedmoor n’était qu’élégance à la mode et mélange d’enthousiasme contenu avec une aura de régal exubérant. Le match était suivi par la noblesse, et c’était un événement social intéressant le monde entier. C’était, à tous points de vue, un jour vraiment magnifique.

Les Etats Unis avaient choisi les cibles numĂ©ros 19 et 20. Les cibles numĂ©ros 16 et 17 avaient Ă©tĂ© attribuĂ©es Ă  l’équipe irlandaise. La 18 avait Ă©tĂ© laissĂ©e vide et, d’un commun accord, posĂ©e au sol pour Ă©viter les erreurs de tir croisĂ© dans la mauvaise cible. Les postes de tir 19 et 20 Ă©taient considĂ©rĂ©s comme les plus avantageux. L’équipe irlandaise avait utilisĂ© ces postes lors des tirs d’entraĂ®nement, mais elle avait perdu au tirage au sort et, ce jour de la compĂ©tition, devrait donc renoncer Ă  son choix. Au moment prĂ©vu, les Ă©quipes se mirent Ă  leurs places respectives sur le pas de tir. Chacune des Ă©quipes fit tous les efforts pour que l’autre tirât en premier, et obtenir ainsi les informations sur le vent par le premier coup de l’adversaire. AssurĂ©ment, il y avait lĂ  aussi un peu de compĂ©tition mentale, oĂą chaque tireur essayait d’influencer psychologiquement son adversaire. Les tireurs de chaque Ă©quipe se mirent Ă  faire mĂ©caniquement de petits gestes simples, comme passer des bouts de chiffon propres dans le canon de leur arme. La foule de spectateurs qui s’était massĂ©e s’impatientait en attendant le premier coup. Enfin, le Capitaine P. WLAKER de l’équipe irlandaise se pencha et se mit en position classique, couchĂ© sur le ventre, au poste de tir numĂ©ro 16. Avec l’aplomb de la dignitĂ© et l’assignation du devoir, il envoya le premier coup de la compĂ©tition Ă  800 yards, vers les cibles floues dans le lointain. Comme il n’y eut pas de fanion en rĂ©ponse au coup, les spectateurs en faveur des Irlandais exprimèrent leur regret vocalement, alors que les partisans des AmĂ©ricains applaudirent le coup manquĂ©. Le Colonel WINGATE, capitaine de l’équipe amĂ©ricaine, invita immĂ©diatement la foule Ă  faire preuve de bon goĂ»t et Ă  rester silencieuse pendant que les autres tireurs continueraient. A cĂ´tĂ© du Capitaine WALKER, le Dr. J.B. HAMILTON, faisant Ă©galement partie de l’équipe irlandaise, venait de tirer son premier coup, et le disque blanc fut levĂ© depuis les buttes au bon moment pour indiquer une « mouche Â». LĂ , les partisans dela grande Irlande exprimèrent leur joie en applaudissant fort et pendant longtemps. Cette fois, le Major LEACH, capitaine de l’équipe irlandaise, demanda au public de ne pas exprimer leurs sentiments pour ne pas dĂ©ranger les tireurs de l’équipe adverse. Les tireurs irlandais devaient se relever après chaque coup, pour recharger leurs carabines Rigby Ă  chargement par la bouche. Lorsque le Capitaine WALKER se releva après son premier coup, qui Ă©tait un loupĂ©, il eut quelques mots de regrets et de dĂ©goĂ»t pour son vĂ©nĂ©rable co-Ă©quipier Mr. RIGBY. Après avoir rechargĂ©, il se remit en position couchĂ© sur le ventre et obtint tout de suite un « centre Â». Une fois sa hausse correctement rĂ©glĂ©e, il suivit avec une « mouche Â» Ă  son troisième coup. Malheureusement, son sixième coup fut Ă  nouveau un loupĂ©. A la fin de sa sĂ©rie de quinze coups, son score totalisait un pauvre 46. Les deux coups hors-cible du capitaine Irlandais Ă©taient probablement dus Ă  l’effet de mirage trompeur du stand de Creedmoor.

Les AmĂ©ricains, rappelez-vous, avaient justement espĂ©rĂ© que ce problème handicaperait l’équipe irlandaise, et ils comptaient dessus pour profiter de la malchance des Irlandais. Entre-temps, du cĂ´tĂ© du pas de tir amĂ©ricain, le Lieutenant Henry FULTON se prĂ©parait Ă  refaire les excellents scores qu’il avait obtenus auparavant Ă  l’entraĂ®nement. On vit beaucoup des membres de l’équipe irlandaise qui attendait, regarder en direction du Lt. FULTON après qu’il eĂ»t tirĂ© son premier coup. Ils voulaient savoir si le tir de FULTON Ă©tait aussi prĂ©cis aujourd’hui qu’il l’avait Ă©tĂ© Ă  l’entraĂ®nement. Et il l’était ! En effet, cinq de ses six premiers coups furent des « mouches Â» ! C’était parti pour un sacrĂ© match !

Henry FULTON fut de ces tireurs qui tiraient depuis une position sur le dos. C’est-Ă -dire qu’il Ă©tait couchĂ© sur le dos, croisait ses jambes, et se penchait juste un peu sur le cĂ´tĂ© droit. Puis, plaçant la crosse de son arme au-dessus de son Ă©paule droite, il faisait reposer le canon de la carabine dans le « V Â» formĂ© par les jambes croisĂ©es. Sa main gauche passait derrière sa nuque, et sa paume tenait la plaque de couche en maintenant la crosse contre sa joue. Cela semble Ă©trange ? Ca l’était ! Cependant, la position oĂą le tireur Ă©tait couchĂ© sur le ventre variait beaucoup. Certains compĂ©titeurs se couchaient sur le dos ou sur le cĂ´tĂ©, et tenaient leur canon avec leurs pieds ou leurs jambes, quand d’autres utilisaient une position oĂą le visage penchait vers le bas. La majoritĂ© tirait couchĂ© sur le ventre dans une version traditionnelle…essayant toujours de chercher une position plus stable et un contrĂ´le plus ferme de l’arme.

A de telles distances, la moindre dĂ©viation pouvait signifier un coup totalement hors-cible. En plus de son Ă©trange position Ă  tirer couchĂ©, le Lt. FULTON Ă©tait le seul membre de l’équipe de tireurs AmĂ©ricains Ă  charger son arme, qui se chargeait normalement par la culasse, par la bouche ! Avec sa carabine Remington, le Lt. FUTON choisit de charger son arme avec une balle calepinĂ©e qu’il descendait par la bouche. Après l’avoir mise en place avec une baguette jusqu’à la base de la chambre, il introduisait une douille mĂ©tallique dĂ©jĂ  chargĂ©e de poudre par la chambre de la manière conventionnelle.

MalgrĂ© sa position de contorsionniste et sa manière antithĂ©tique de charger son arme, par la bouche au lieu de par la culasse, le Lt. FULTON fur le meilleur tireur Ă  800 yards avec un score de 58 points sur 60 possibles. Ce score Ă©gala celui du meilleur tireur Irlandais. Ainsi, après que le Lt. FULTON eĂ»t fini de tirer, il rĂ©gnait une atmosphère d’optimisme du cĂ´tĂ© amĂ©ricain des spectateurs. Après tout, peut-ĂŞtre que les AmĂ©ricains pouvaient quand-mĂŞme vaincre l’équipe irlandaise ? Ou alors, est-ce que ce n’était pas lĂ  simplement un coup de chance pour Henry FULTON ?

L’un après l’autre, les grands tireurs d’Irlande et d’AmĂ©rique s’avançaient sur le pas de tir pour reprĂ©senter leur pays, tout en cherchant Ă  se faire remarquer sur le stand de tir de Creedmoor. L’équipe irlandaise finit de tirer la première. On peut attribuer ceci au fait que les amĂ©ricains devaient nettoyer leur canon après chaque coup pour s’assurer de la prĂ©cision du prochain. Les tireurs irlandais ne le firent pas. A la fin des sĂ©ries Ă  800 yards, les scores Ă©taient les suivants :

EQUIPE IRLANDAISEEQUIPE AMERICAINE
John RIGBY52Lt. Henry FULTON58
Edmund JOHNSON50Gen. T.S. DAKIN53
Dr. J.B. HAMILTON58G.W. YALE55
J.K. MILNER57Lewis L. HEPBURN53
Capitaine P. WALKER46Col. John BODINE54
James WILSON54Col. H.A. GILDERSLEEVE53
Total317Total326

De manière surprenante, l’équipe américaine sortait de la compétition de tir à 800 yards avec une avance. Et pendant que les spectateurs étaient quelque peu ébahis et qu’ils faisaient preuve d’un enthousiasme considérable, les membres de l’équipe eux-mêmes semblaient nonchalants. On attendait des américains un score honorable à 800 yards, quelque chose qui représenterait le genre de résultat auquel ils étaient habitués. Le vrai défi, ils le savaient, serait à 900 et à 1000 yards, où l’équipe irlandaise bénéficiait d’une expérience considérable dont, bien entendu, l’équipe américaine manquait le plus.

Comme les spectateurs se ravivaient à relire le classement sur le tableau d’affichage et pesaient les chances de leur équipe favorite, les membres de l’équipe se retirèrent pour un déjeuner préparé pour eux dans une tente juste à côté. L’équipe irlandaise offrit à l’Amateur Rifle Club de New York City une splendide coupe en argent comme présent d’amitié. Suivirent les traditionnels discours de remerciements et les plaisanteries toujours liées au tir international, après quoi les carabiniers revinrent sur le pas de tir de Creedmoor pour continuer la compétition. A 900 yards, les Irlandais se rattrapèrent de leurs mauvais tirs précédents. John RIGBY fit un excellent score de 56 et devint le meilleur tireur Irlandais à 900 yards. Sa prestation fut une sorte de surprise, car bien que son habileté au tir était connue de tous et régulière constamment, il fut rarement le meilleur tireur de l’équipe. Peut-être que l’importance de cet événement international motivait ses capacités, ou peut-être était-ce juste son jour de chance. N’importe comment, les Irlandais étaient contents de son tir et saluèrent sa grande contribution au score final.

Pourtant, l’Irish rifle Team eut une mĂ©saventure dans les sĂ©ries Ă  900 yards. Il semble que la position de tir de Mr. MILNER Ă©tait couchĂ© directement sur le dos pour que le canon de sa carabine repose entre ses pieds, avec le dioptre Ă  vernier placĂ© Ă  l’arrière près de la plaque de couche pour lui permettre de viser correctement. De toute Ă©vidence, dans cette position, son champ de vision Ă©tait limitĂ© Ă  la très petite zone du « V Â» formĂ© par ses pieds. Quand MILNER se mit en position pour son premier coup, il engagea la mauvaise cible et fit une « mouche Â», qui compta pour zĂ©ro ! Cette erreur affecta sĂ©rieusement le score combinĂ© de l’équipe irlandaise.

Pour l’équipe amĂ©ricaine, Henry FULTON prouva une nouvelle fois que sa constance dans les hauts scores Ă  l’entraĂ®nement n’était pas un fait du hasard, puisqu’il sortit comme le meilleur tireur en obtenant 57 points aux 900 yards. Selon tous les standards, FULTON fit preuve d’excellentes qualitĂ©s de tireur. Il est très possible que ses douze « mouches Â» et trois « centres Â» Ă  900 yards apportèrent de la crĂ©dibilitĂ© Ă  sa position acrobatique oĂą le torse Ă©tait pliĂ©, sans parler de la preuve que la pratique de charger par l’avant son arme Ă  culasse Ă©tait Ă©galement crĂ©dible.

Le total des scores après la fin des tirs Ă  900 yards laissa aux supporters des deux Ă©quipes suffisamment de quoi ĂŞtre optimistes. Toutefois, les tireurs Irlandais, mĂŞme avec l’erreur de MILNER qui s’était trompĂ© de cible, devançaient le score des AmĂ©ricains et, après le tir Ă  900 yards, les scores Ă©taient les suivants :

EQUIPE IRLANDAISEEQUIPE AMERICAINE
800 yards900 yards800 yards900 yards
John RIGBY5256Lt. Henry FULTON5857
Edmund JOHNSON5049Gen. T.S. DAKIN5345
Dr. J.B. HAMILTON5852G.W. YALE5556
J.K. MILNER5749Lewis L. HEPBURN5350
Capitaine P. WALKER4655Col. John BODINE5451
James WILSON5451Col. H.A. GILDERSLEEVE5351
Total317312Total326310
COMBINE 629COMBINE 636

On voit tout de suite que, jusque là, les scores étaient tels que n’importe laquelle des deux équipes pouvait tirer avantage de toute erreur susceptible d’être commis par l’autre à 1000 yards, et gagner la compétition. L’équipe irlandaise était sûre que, si elle tirait ses scores habituels ce jour-là, elle pouvait encore gagner la compétition, parce que ses tireurs étaient supérieurs à 1000 yards. De son côté, l’équipe américaine était en avance de sept points, et si elle pouvait éviter de faire de grosses erreurs et tirer le mieux possible, elle pouvait rester en tête et gagner la compétition.

Alors que les compĂ©titeurs se rendaient au pas de tir Ă  1000 yards pour finir le match, chaque tireur savait qu’il devait faire l’effort suprĂŞme et tirer de sa carabine la prĂ©cision absolue qu’elle Ă©tait capable de donner. Avec cette pensĂ©e en tĂŞte, les Irlandais ne perdirent pas de temps et se mirent en place au pas de tir. Le ciel dĂ©gagĂ© du milieu de journĂ©e avait fait place aux couleurs grises du soir, et il n’y avait plus de mirages trompeurs pour se battre avec. Ils tiraient sous une lumière qui leur Ă©tait bien familière. Comme le dernier tireur Irlandais rassemblait ses affaires et se prĂ©parait Ă  quitter le pas de tir, on pouvait voir les spectateurs griffonner sur des bouts de papier les totaux atteints par les Ă©quipes. La grande Ă©quipe des tireurs Irlandais avait fait 302 points aux 1000 yards. Leur score total de match Ă©tait de 931. C’était un score incroyable ! Vraiment superbe !

Mais l’équipe américaine était encore en train de tirer. Le Lieutenant FULTON venait juste de tirer son dernier coup, et un rapide coup d’œil indiquait qu’il avait fait un score de 56. Ceci s’avéra le meilleur score de tous les tireurs de cette équipe à 1000 yards. Pendant ce temps, le co-équipier de FULTON, le Colonel John BODINE, tirait ses derniers coups de match. Plus tard, l’histoire relata que ce sont ces coups-là qui déterminèrent le résultat final du championnat du monde de Creedmoor de 1874.

Jusque lĂ , le score de l’équipe amĂ©ricaine totalisait 930. Il restait un coup Ă  tirer pour le Colonel BODINE. Si par erreur le dernier coup Ă©tait manquĂ©, les vainqueurs de Creedmoor serait, bien entendu, les Irlandais. L’issue du match Ă©tait dans le dernier coup de BODINE. Il est certain que l’action intense qui se dĂ©roulait lĂ , faisait peser une responsabilitĂ© Ă©norme sur les Ă©paules du colonel John BODINE. Le Colonel, quoique bien expĂ©rimentĂ© en matière de tir, Ă©tait un homme approchant la soixantaine. Il tirait cette compĂ©tition avec un fusil Remington « Rolling block Â» et, comme toujours, portait des Ă©paisses lunettes. Comme le voulait le destin, le Colonel BODINE avait, Ă  peine quelques instants auparavant, demandĂ© une boisson sucrĂ©e pour apaiser sa soif. Malheureusement, la bouteille de boisson se cassa et il se fit une coupure Ă  la main. Après avoir arrĂŞtĂ© le sang, il se coucha sur le ventre et aligna ses organes de visĂ©e sur la cible Ă  la « mouche Â» de 36 pouces qui se tenait devant lui, lĂ -bas, Ă  1000 yards.

Le silence enveloppait le stand de Creedmoor alors que le tireur vieillissant inscrivait la « mouche Â» dans la lumière du dioptre sur son Remington. Sentant le calme de la foule, ou peut-ĂŞtre ressentant la tension qui Ă©tait orientĂ©e sur lui Ă  cause de l’importance de ce dernier coup, le Colonel visa, reprit son souffle, puis visa de nouveau. Après ce qui sembla une Ă©ternitĂ©, le dernier coup de match Ă©tait tirĂ© et, presque immĂ©diatement, la foule de spectateurs cria d’un seul cĹ“ur Â« Ca y est ! Â», en mĂŞme temps que le petit disque blanc sortait de la fosse et indiquait une « mouche Â». SimultanĂ©ment, un grondement d’acclamations pour les vainqueurs s’éleva d’une telle fĂ©rocitĂ©, que l’allĂ©gresse individuelle de chaque tireur s’en retrouva noyĂ©e et dĂ©passĂ©e par l’enthousiasme et la frĂ©nĂ©sie de la foule. Le Colonel John BODINE fut prĂ©sentĂ© par les spectateurs zĂ©lĂ©s comme le hĂ©ros du moment, Ă  cause de son dernier coup qui avait semblĂ© ĂŞtre dans l’esprit de tous la limite de la victoire.

EQUIPE IRLANDAISEEQUIPE AMERICAINE
800 yards900 yards1000 yards800 yards900 yards1000 yards
John RIGBY525655Lt. Henry FULTON585756
Edmund JOHNSON504951Gen. T.S. DAKIN534541
Dr. J.B. HAMILTON585250G.W. YALE555651
J.K. MILNER574948Lewis L. HEPBURN535046
Capitaine P. WALKER465543Col. John BODINE545153
James WILSON545155Col. H.A. GILDERSLEEVE535151
Total317312302Total326310298
COMBINE931COMBINE934

Le New York Herald du Lundi 28 Septembre 1874 raconte l’histoire de ce premier match international de tir Ă  la carabine comme suit : Â«  Le grand match de tir. L’Irlande et l’AmĂ©rique se sont battus chacun pour ĂŞtre le champion. La victoire de l’AmĂ©rique. Des scores magnifiques aux distances du demi-mille. Une moisson d’honneurs, mĂŞme dans la dĂ©faite. La bataille des carabines – le chargement par la culasse contre le chargement par la bouche. Les schĂ©mas indiquant la position de chaque impact ayant touchĂ© la cible…Ceux qui Ă©taient Ă  Creedmoor  ce Samedi pour suivre le grand combat d’adresse entre les cĂ©lèbres tireurs Irlandais qui avaient emportĂ© l’Elcho Shield devant les meilleurs coups d’Angleterre et d’Ecosse, et les reprĂ©sentants relativement inconnus du tir AmĂ©ricain, ne sont pas prĂŞts d’oublier une rencontre qui est appelĂ©e Ă  rester un repère dans l’histoire du tir. Lorsque le dĂ©fi a Ă©tĂ© relevĂ©, on ne croyait pas possible que l’AmĂ©rique pĂ»t fournir une Ă©quipe de tireurs Ă  longue distance aux armes d’épaule, capable de se mesurer avec succès  aux vainqueurs de Wimbledon. Et il faut avouer que, dans cette rencontre très serrĂ©e, nous devons notre succès autant Ă  la chance qu’à l’adresse. L’erreur de l’équipe irlandaise d’avoir fait une « mouche Â» dans la mauvaise cible, donna la victoire Ă  l’AmĂ©rique. Sans ce coup du sort, nos courageux visiteurs seraient revenus chez eux avec leur gloire – Ă©branlĂ©e, certes, mais toujours lĂ .

Dans l’état des choses, ils ont la consolation de savoir que les points obtenus par leur Ă©quipe dĂ©passent d’un seul ceux de leurs adversaires. Mais l’élimination du mauvais coup de Mr. MILNER les prive de quatre points, et donne ainsi l’avantage de trois points Ă  l’AmĂ©rique. Avec un tel score, la dĂ©faite perd toue sa force et les tireurs malheureux peuvent se consoler d’avoir mĂ©ritĂ© la victoire, mĂŞme s’ils n’y sont pas arrivĂ©s. Le score rĂ©alisĂ© Samedi n’a jamais Ă©tĂ© Ă©galĂ© dans n’importe quelle compĂ©tition Ă  longue distance, et mĂŞme les Irlandais ont surpassĂ© tous les efforts qu’ils avaient faits prĂ©cĂ©demment. Ceci rend la victoire des AmĂ©ricains encore plus honorable, alors que c’est un exploit dont l’équipe perdante peut ĂŞtre fière. Â»

Le premier match de Creedmoor a prouvé que les Américains pouvaient se mesurer en tir à longue distance avec les meilleurs du monde – et il prouva également quelque chose d’autre. Ce fut la preuve que les armes à chargement par la culasse pouvaient tirer tout aussi juste et aussi précisément que celles qui se chargeaient par la bouche. La compétition de Creedmoor, avec son incroyable victoire internationale, donna à l’Amérique la crédibilité dont elle avait besoin dans l’arène de la compétition du tir sportif. En effet, les Etats Unis resteraient pour beaucoup, beaucoup d’années, un facteur avec qui il faudrait compter.

HOMMES DE LOI SUR LA FRONTIERE

Des hĂ©ros ou des truands ?

Traduction d’un article de Joe BILBY paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1988

Le soleil du 30 Avril 1884 se levait tristement sur la ville de prairie de Medecine Lodge, au Kansas. C’était le dernier matin que verrait Henry BROWN, l’officier de police tout nouvellement mariĂ© et en charge de la ville toute proche de Caldwell. L’homme de loi de 27 ans mourrait ce jour-lĂ , suite Ă  une attaque de banque Ă  main armĂ©e sur Medecine Lodge. Il est intĂ©ressant de noter que BROWN ne mourut pas hĂ©roĂŻquement en dĂ©fendant la banque, mais paya de sa tĂŞte pour l’avoir dĂ©valisĂ©e. BROWN et son dĂ©putĂ©, Ben WHEELER, alias Ben ROBERTSON, Ă©taient partis de Caldwell quelques jours plus tĂ´t, sous prĂ©texte de courir après des voleurs de bĂ©tail dont ils auraient Ă©tĂ© sur la piste. Une fois tranquilles en dehors de la ville, le marshal et WHEELER rejoignirent deux petits malfrats, William SMITH et John WESLEY, et le quartet chevaucha vers Medecine Lodge, sous-entendu pour attaquer la Medecine Valley Bank . L’attaque tourna en fiasco, et les bandits frustrĂ©s tuèrent le prĂ©sident de la banque E.W. PAYNE ainsi que le caissier George GEPPERT. Poursuivis par un dĂ©tachement d’hommes en colère sous les ordres du shĂ©rif, BROWN et ses hommes se ruèrent dĂ©sespĂ©rĂ©ment vers une cache oĂą ils avaient mis des chevaux frais en rĂ©serve qui auraient pu leur permettre de s’échapper. Malheureusement pour eux, les bandits se trompèrent de direction, ils furent piĂ©gĂ©s et rapidement capturĂ©s. Mais putain, je t’avais dit que c’était Ă  droite, conaud ! L’incarcĂ©ration dans la prison de fortune de Medecine Lodge apporta peu de protection aux braqueurs de banque. Les citoyens de la ville, enragĂ©s par les meurtres de PAYNE et de GEPPERT, qui Ă©taient des gens connus et aimĂ©s, se prĂ©cipitèrent dans la prison et traĂ®nèrent les tueurs dehors. L’ancien marshal BROWN tenta de s’enfuir en courant, mais il fut coupĂ© en deux par une dĂ©charge de fusil de chasse. Ses trois camarades de crime furent pendus sommairement. C’est un lynchage. Bien qu’ils ne fussent pas aussi courants que les scĂ©naristes ou les Ă©crivains de romans Ă  quatre sous voudraient nous le faire croire, les attaques de banques Ă  main armĂ©e et les lynchages ne furent certainement pas des Ă©vènements inconnus dans l’Ouest amĂ©ricain du XIXème. siècle. Malheureusement, le cas de l’homme qui avait prĂŞtĂ© serment de dĂ©fendre « la loi et l’ordre Â» et qui avait passĂ© la ligne le sĂ©parant du banditisme pour son profit personnel, ne l’était pas non plus. Qu’il le sĂ»t ou non, le comportement outrageux de BROWN eut un prĂ©cĂ©dent avec celui de Henry PLUMMER. PLUMMER, nĂ© au Connecticut en 1837, fut attirĂ© en Californie vers 1850 par la fièvre de l’or. Loin d’être de ceux qui courraient après la chimère de l’Eldorado dans les collines, PLUMMER ouvrit une boulangerie Ă  Nevada City en 1853, gagnant un peu de liquide en extra comme joueur indĂ©pendant. PrĂ©sentant bien et habile avec une arme, il fut Ă©lu marshal de la ville en 1856. Mais cet homme de loi de 19 ans avait un gros dĂ©faut, un penchant pour les dames, pour les dames des autres hommes. L’une de ces affaires se finit au pistolet et le jeune marshal se retrouva condamnĂ© Ă  dix ans de prison pour avoir tuĂ© un mari jaloux. GraciĂ© au bout d’un an, PLUMMER fut bientĂ´t mĂŞlĂ© Ă  une sĂ©rie de combats de saloon et de braquages, et il tua un autre homme. Bien que remis en prison, il s’échappa et partit vers le Nord. L’homme de loi renĂ©gat se tailla un chemin plein de meurtres et d’adultères Ă  travers l’Oregon et l’Etat de Washington, en route vers les mines d’or du Montana, oĂą il s’établit comme joueur Ă  Bannack et prĂ©para secrètement la crĂ©ation d’une bande organisĂ©e « d’agents de la route Â». A cette Ă©poque, il rĂ©ussit Ă  se faire engager comme marshal. Mais PLUMMER dĂ©mĂ©nagea bientĂ´t vers des cieux plus propices Ă  Virginia City, oĂą il fut Ă  nouveau Ă©lu marshal et dĂ©veloppa ses activitĂ©s de bande organisĂ©e. Les capacitĂ©s d’organisation d’Henry PLUMMER Ă©taient sans aucun doute excellentes, et s’il les avait utilisĂ©es dans des voies plus sociables, on se serait souvenu de lui comme de l’un des pères fondateurs du Montana. Cependant et au lieu de cela, un comitĂ© de Vigilants termina sa carrière de bandit avec un badge attachĂ© au bout d’une corde en Janvier 1864. Â« L’étoile sur la corde Â», un vrai titre de film. Les marshals renĂ©gats BROWN et PLUMMER ne furent pas les seuls dans l’histoire de l’Ouest. Burt ALVORD, un avocat respectĂ© en Arizona, fut arrĂŞtĂ© en 1900 pour avoir conduit une bande de dĂ©valiseurs de trains alors qu’il Ă©tait policier Ă  Wilcox. « Buffalo Bill Â» BROOKS, premier marshal de Newton, Kansas, et plus tard policier Ă  Ellsworth, Kansas, attendit d’en avoir terminĂ© de faire respecter la loi avant de commencer sa carrière de voleur de chevaux. En 1874, il fut pendu lui aussi, les bottes aux pieds. Les DALTON, membres de ce qui fut considĂ©rĂ©e comme toute une famille de brigands, furent plus connus du grand public de leur Ă©poque et des gĂ©nĂ©rations qui suivirent, comme des hommes de loi qui avaient mal tournĂ©.

En vĂ©ritĂ©, seuls quatre des quinze enfants DALTON devinrent hors-la-loi, alors qu’au dĂ©part ils avaient jurĂ© de la dĂ©fendre. Après que Frank DALTON, un marshal dĂ©putĂ© des U.S. chargĂ© du Territoire Indien, aujourd’hui l’Oklahoma, fĂ»t assassinĂ© par des trafiquants de whisky en 1884, ses jeunes frères suivirent sa voie en portant le badge. Si l’affaire avait continuĂ© Ă  la manière d’Hollywood, les trois frères vengeurs auraient nettoyĂ© le Territoire. Malheureusement, Grattan, Bob et Emmet DALTON, bien qu’ayant jurĂ© de dĂ©fendre la loi, exigèrent bientĂ´t, et reçurent, des pots de vin et volèrent des chevaux sous le couvert de leur badge. La raison qui les poussait Ă  passer la ligne continue semble avoir Ă©tĂ© simple : l’argent facile. Après avoir, dans de sombres circonstances, quittĂ© leur poste d’homme de loi, les frères dĂ©veloppèrent leurs affaires de vols de chevaux. En DĂ©cembre 1890, Grat et Bob voyageaient vers la Californie pour rendre visite Ă  un autre de leurs frères, Bill, lequel menait une existence apparemment sans faute et Ă©tait un personnage prometteur dans l’administration locale, jusqu’à ce que ses frères arrivent. En FĂ©vrier 1891, les DALTON de l’Oklahoma attaquèrent un train Ă  Atila, Californie, et tuèrent le chauffeur. La piste des bandits mena Ă  la maison de frère Bill, oĂą Grat fut arrĂŞtĂ©. Celui-ci s’échappa de captivitĂ© et se rĂ©fugia en Oklahoma oĂą lui, Bob et Emmet formèrent succinctement le gang des DALTON. La bande se fraya une piste d’attaques de trains Ă  travers l’Oklahoma jusqu’au Kansas, oĂą les DALTON essayèrent de surpasser les JAMES Boys, de lointains parents des DALTON et des YOUNGER qui firent partie du gang de Jesse JAMES, en attaquant deux banques simultanĂ©ment Ă  Coffeyville, leur ville natale. Le 5 Octobre 1892, ils finirent de manière dĂ©sastreuse sous une grĂŞle de balles tirĂ©es par une foule dĂ©terminĂ©e et bien armĂ©e. Au cours de ce combat, qui fut l’un des plus sanglants dans l’histoire de la frontière, quatre des cinq bandits ayant mis les pieds dans Coffeyville ce jour-lĂ  pĂ©rirent, en mĂŞme temps que quatre citoyens locaux. Tout le monde connaĂ®t cette photo oĂą l’on voit les quatre brigands morts de Coffeyville, Tim EVANS Ă  gauche, Bob et Grat DALTON au milieu, reliĂ©s entre eux pour l’éternitĂ© par une carabine Winchester « 92 Â», et Dick BROADWELL Ă  droite, tous avec leurs chaussures aux pieds, couchĂ©s sur des planches et pleins de trous comme des troncs d’arbres sur lesquels on se serait entraĂ®nĂ© au tir. Derrière, un enfant regarde la scène d’un air intĂ©ressĂ©, Ă  travers une ouverture pratiquĂ©e dans les planches cassĂ©es de la palissade. Emmet DALTON, bien que criblĂ© de chevrotines et de balles, survĂ©cut et fut condamnĂ© Ă  la prison Ă  vie. Il fut graciĂ© et relâchĂ© après avoir fait quinze ans de prison. Après une apparition comme agent immobilier, Emmet dĂ©mĂ©nagea en Californie en 1920 et devint scĂ©nariste, petit acteur et conseiller dans l’industrie naissante du film Western. Il y a une note finale ironique dans l’histoire des DALTON. Sa carrière politique ruinĂ©e par la rĂ©putation de ses frères, Bill revint en Oklahoma après le drame de Coffeyville et devint un bandit lui aussi, se mettant en Ă©quipe avec le dernier membre de la bande de ses frères, Bill DOOLIN. En Septembre 1895, un dĂ©tachement aux ordres du shĂ©rif rattrapa Bill DALTON et, comme il tentait de saisir son arme, le tua devant les yeux de sa femme et de ses enfants, près d’Ardmore, Oklahoma. Et pan ! Dans la’g’l. Et devant ta morue et tes chiards. T’avais qu’à te tenir Ă  carreau, narvalo. Moi, j’ai fait le mĂ©nage, et comme çà, les autres sauront Ă  quoi s’en tenir s’ils ont envie de faire les cons. Parmi les hommes de loi de l’Ouest qui passèrent la ligne les sĂ©parant du banditisme, peu d’entre eux acquirent la rĂ©putation des DALTON, mais beaucoup d’autres firent l’aller-retour entre la dĂ©linquance et le droit chemin, ressortant et y retournant rĂ©gulièrement. Pourtant, les suspicions et les accusations de dĂ©lits qui variaient du vagabondage au meurtre, ne constituaient pas nĂ©cessairement des obstacles pour qu’un candidat obtĂ®nt une place de reprĂ©sentant de la loi, mĂŞme s’il Ă©tait connu des autoritĂ©s qui l’embauchaient. L’arrestation de Wyatt EARP au dĂ©but de 1870 pour vol de chevaux sur le Territoire Indien, n’empĂŞcha pas les doyens de la ville de Wichita, Kansas, de le nommer au poste de policier municipal en 1875. Durant toute la pĂ©riode oĂą il officia, Wyatt fut mĂŞlĂ© Ă  de probables dĂ©tournements d’amendes pour prostitution, et put mĂŞme avoir Ă©tĂ© souteneur. Une arrestation pour rixe sur la voie publique termina la carrière de EARP Ă  Wichita comme policier, et il partit vers l’Ouest Ă  Dodge City, oĂą il trouva un emploi de policier et d’assistant marshal. Bien qu’il n’accomplĂ®t aucun des exploits que les sĂ©ries populaires de tĂ©lĂ©vision lui attribuèrent il y a une trentaine d’annĂ©es, ou bien la biographie douteuse d’oĂą sortirent ces histoires, EARP semble s’être comportĂ© de manière crĂ©dible comme policier Ă  Dodge City, et il y devint mĂŞme diacre. Pour bĂ©nir ceux qu’il expĂ©diait Ad Patres. En 1879, Wyatt dĂ©mĂ©nagea en Arizona avec son entourage, dont ses frères et le fameux dentiste Doc HOLLIDAY. En chemin, il s’arrĂŞta Ă  Mobeetie, Texas, oĂą lui et « Mysterious Dave Â» MATHER furent accusĂ©s d’avoir montĂ© une arnaque Ă  la « brique d’or Â». C’est peut-ĂŞtre un truc oĂą l’on vend aux idiots une brique couleur peinture dorĂ©e Ă  la place d’un lingot.

ArrivĂ© Ă  la ville minière de Tombstone, Arizona, Wyatt y travailla Ă  l’occasion comme garde armĂ© accompagnateur de diligence, et y vĂ©cut comme joueur indĂ©pendant. Plus tard, EARP s’intĂ©ressa Ă  l’Oriental Saloon, et tenta, sans y rĂ©ussir, d’accĂ©der au poste lucratif de shĂ©rif du comtĂ© de Cochise, un poste qui incluait dans ses revenus un pourcentage sur les taxes collectĂ©es. Mais bien qu’il n’obtint pas le poste de shĂ©rif du comtĂ©, Wyatt fut nommĂ© marshal de la ville de Tombstone par son frère Virgil. En Octobre 1881, Wyatt et Virgil, avec leur frère Morgan et Doc HOLLIDAY, descendirent les CLANTON et les Mc. LAURY lors du fameux combat de O.K. Corral. Après d’autres morts d’hommes de part et d’autre, le clan EARP quitta l’Arizona pour l’Ouest, avec un petit dĂ©tour en Alaska en 1901, prenant enfin sa retraite en Californie. Il gagna sa vie comme joueur, mineur et parfois comme escroc. L’accusation la plus grave retenue contre EARP durant ses dernières annĂ©es fut que, alors qu’il arbitrait un matche de boxe en 1896 entre Bob FITZSIMMONS et Tom SHARKEY, il fit pencher le combat en faveur de SHARKEY. Bien que certains aient accusĂ© EARP et son « gang Â» d’avoir rivalisĂ© les CLANTON en matière de vols de chevaux et d’attaques de diligences pendant leur sĂ©jour Ă  Tombstone, il n’existe pas de preuves de la vĂ©racitĂ© de ces faits. Par contre, il n’y a pas de doute que Wyatt EARP fut une « tĂŞte brĂ»lĂ©e Â», dont l’interprĂ©tation de la loi et le point de vue sur la moralitĂ© dĂ©pendaient, selon les cas, de la manière oĂą cela aurait influĂ© sur son sort ou celui de sa famille. Plusieurs autres policiers furent beaucoup plus meurtriers que EARP. « Happy Jack Â» MORCO, Â« Jack le Content Â», un Mauricot qui n’arrĂŞtait pas de ricaner bĂŞtement quand il flinguait ses clients d’une balle dans les couilles en disant Â« Et encore un pour l’Enfer ! Â», que Bill O’NEAL dĂ©crivit dans sa dernière EncyclopĂ©die des Gunfighters, c’est-Ă -dire les hommes qui se mesuraient avec leurs armes, comme un Â« bagarreur semi-illettrĂ© et ivrogne Â», devint policier Ă  Ellsworth, Kansas, en 1873 après avoir Ă©chappĂ© Ă  la loi en Californie, oĂą il avait abattu quatre hommes non armĂ©s. En fin de compte, renvoyĂ© de la police, il fut tuĂ© après avoir sorti une arme contre un autre policier d’Ellsworth. Le nom de Bass OUTLAW, bien nommĂ©, c’est-Ă -dire Bass le Hors-la-Loi, un Texas Ranger alcoolique et fou de la gâchette qui avait dĂ©jĂ  Ă  son palmarès plusieurs meurtres du cĂ´tĂ© de la loi et contre elle, rencontra son destin Ă  El Paso en Avril 1894. Comme il Ă©tait en ville pour tĂ©moigner devant la Cour d’Etat, OUTLAW s’encoquina avec un ivrogne bagarreur et ils firent feu dans une « maison de sport Â» locale. Après avoir tuĂ© un autre Ranger accouru sur les lieux, OUTLAW tira sur le policier d’El Paso, John SELMAN, qui avait Ă©tĂ© attirĂ© sur place par les coups de feu. SELMAN, un ancien de ces gens qui se mesuraient avec leurs armes, blessa mortellement OUTLAW, qui s’en alla en chancelant pour aller mourir sur le lit d’une prostituĂ©e dans un bordel voisin. Bien qu’il rendĂ®t un service public en dĂ©barrassant le Texas de Bass OUTLAW, « Old John Â» SELMAN avait plus d’un squelette illĂ©gal dans son propre placard. Ancien soldat ConfĂ©dĂ©rĂ©, engagĂ© et rĂ©-engagĂ©, puisqu’il dĂ©serta au moins une fois, SELMAN s’associa en affaires avec John LARN, un voleur de chevaux qui avait lui aussi servi comme shĂ©rif dans le comtĂ© de Shackleford, Texas. Après qu’une foule terminât les carrières lĂ©gales et illĂ©gales de LARN en le lynchant, SELMAN partit pour le nouveau Mexique, oĂą il monta une bande de voleurs de bĂ©tail et de brigands. Il se sauva au Texas quand l’U.S. Army et la loi se rapprochèrent trop de lui pour son petit confort. Papillonnant de part et d’autre entre le Nouveau Mexique et le Texas pour Ă©viter des accusations diverses, « Le Vieux John Â» posa finalement son sac Ă  El Paso, oĂą il fut Ă©lu policier en 1892. Le « combat Â» le plus connu de SELMAN eut lieu le 19 AoĂ»t 1895, lorsqu’il abattit John Wesley HARDIN d’une balle dans la tĂŞte et par derrière. Moins d’un an plus tard, SELMAN fut lui-mĂŞme tuĂ© lors d’une bagarre avec un autre policier d’El Paso, George SCARBOROUGH. « Mysterious Dave Â» MATHER, le partenaire de Wyatt EARP dans l’affaire de la « brique d’or Â» de Mobeetie n’était pas, malgrĂ© son sobriquet, un personnage très complexe. Il Ă©tait tout simplement, selon les termes de l’époque, un « mauvais acteur Â». NĂ© au Connecticut en 1845, MATHER volait du bĂ©tail en Arkansas au dĂ©but des annĂ©es 1870. BlessĂ© Ă  Dodge City au cours d’une bagarre au couteau, il partit pour le Texas, oĂą il vola des chevaux et tua un homme dans le Panhandle. Après son expulsion de Mobeetie en 1879 avec EARP, il fut arrĂŞtĂ© Ă  Las Vegas, New Mexico, pour avoir attaquĂ© un train. AcquittĂ©, il fut vite nommĂ© policier par le conseil municipal de Las Vegas. Après avoir dĂ©missionnĂ© de ce poste quelques mois plus tard, il fut complice d’une Ă©vasion de prison, dĂ©roba l’anneau en or d’une femme noire au Texas et finit comme marshal assistant Ă  Dodge City. En Juillet 1884, il tua Tom NIXON, qui l’avait remplacĂ© comme marshal, au cours d’un Ă©change de coups de feu que la plupart des gens appelleraient un meurtre. L’arme de NIXON Ă©tait restĂ©e dans son holster pendant que Dave lui pompait dans le corps tout un barillet plein de projectiles.

A nouveau acquittĂ©, MATHER se dĂ©roba Ă  la justice l’annĂ©e suivante, après un nouvel incident oĂą les armes Ă  feu avaient parlĂ©, et disparut des pages de l’histoire. Il existe une photo de lui, montrant un jeune type Ă  l’air sympa, un peu sombre d’un oeil, en complet veston, nĹ“ud papillon et grande moustache noire, avec, sur son chapeau rond Ă  larges bords plats, un bandeau oĂą on lit « Assistant Marshal Â». Â« Long-Haired Jim Â» COURTRIGHT, Le Jim aux Longs Cheveux, fut un homme de loi pourri qui disparut et rĂ©apparut au cours d’une carrière pleine de vicissitudes. NĂ© en 1848, COURTRIGHT servit comme très jeune soldat pour l’Union pendant la Guerre Civile, sous les ordres du GĂ©nĂ©ral James A. LOGAN, lequel est mieux connu comme le fondateur du Memorial Day, le Jour du Souvenir. Sous les bons auspices de LOGAN, COURTRIGHT s’assura une place comme Ă©claireur de l’Army Ă  la fin des annĂ©es 1860, et devint marshal Ă  Fort Worth en 1876. A la fin de sa carrière de policier en 1879, Jim se mit Ă  travailler pour LOGAN comme contremaĂ®tre au ranch du GĂ©nĂ©ral, dans le Nouveau Mexique. LOGAN donna Ă  COURTRIGHT carte blanche pour Ă©liminer les « voleurs de bĂ©tail Â», un terme utilisĂ© librement pour dĂ©signer Ă  la fois les petits fermiers qui faisaient passer leurs bĂŞtes sur les terres de plus gros, et les vrais voleurs de bĂ©tail. L’ancien marshal tua donc deux hommes, qu’il croyait squatter sur le sol de LOGAN. Fuyant le Nouveau Mexique sous l’accusation de meurtre, Long-Haired Jim quitta le pays, rĂ©apparaissant plusieurs annĂ©es plus tard lorsqu’on ne trouva plus les tĂ©moins de l’affaire. L’accusation de meurtre levĂ©e, COURTRIGHT revint vers son ancien fief, Fort Worth, et relança une vieille affaire, la « T.I.C. Commercial Agency Â». C’était soi-disant une sociĂ©tĂ© de sĂ©curitĂ© privĂ©e, mais en fait une couverture pour un juteux racket de protection. Jim parvint Ă  extorquer des fonds Ă  des saloons et des maisons de mauvaise rĂ©putation Ă  Fort Worth, jusqu’à ce qu’il rencontrât ce joueur mortel qu’était Luke SHORT, lequel refusa de payer et abattit COURTRIGHT dans un duel Ă  courte distance le 8 FĂ©vrier 1887. La carrière de Jim COURTRIGHT dans le milieu de la « SĂ©curitĂ© IndĂ©pendante Â» fut un chemin que suivirent beaucoup d’hommes de l’Ouest occupant un poste officiel de policier Ă  un moment ou un autre de leur vie. Le « policier indĂ©pendant Â» le plus connu, Tom HORN, n’a cependant jamais Ă©tĂ© vraiment policier. NĂ© en 1860 au Missouri, HORN traĂ®na dans l’Ouest entre les annĂ©es 1870 et 1880, travaillant comme mineur, conducteur de diligence et Ă©claireur pour l’U.S. Army. En 1890, il s’engagea Ă  l’Agence de DĂ©tectives Pinkerton et, deux ans plus tard, rejoignit l’Association des Eleveurs de BĂ©tail du Wyoming comme dĂ©tective de prairie. « DĂ©tective de Prairie Â» Ă©tait un euphĂ©misme pour « Premier Pistolet Â», et HORN servit d’assassin pour les grandes compagnies d’éleveurs du Wyoming durant les endĂ©miques guerres des prairies pendant la dernière dĂ©cade du dix-neuvième siècle. Quiconque « dĂ©rangeait Â» les grands Ă©leveurs, dont beaucoup Ă©taient d’anciens grands propriĂ©taires terriens de l’Est ou d’Europe, risquait de se faire payer par la carabine mortelle de Tom HORN. Personne ne sait vraiment combien d’hommes Tom HORN a tuĂ©, mais une faute qu’il commit en 1901, alors qu’il courrait après un petit fermier du nom de Kels NICKELL dont il tua le fils de quatorze ans par inadvertance, le mena Ă  sa perte. En dĂ©pit de manĹ“uvres lĂ©gales et de pressions politiques de la part de ses puissants patrons, HORN fut arrĂŞtĂ©, jugĂ©, dĂ©clarĂ© coupable et pendu. Son exĂ©cution fut le signe que le nouveau siècle serait moins tolĂ©rant pour la « SĂ©curitĂ© PrivĂ©e Â». Dix ans plus tĂ´t, les Ă©leveurs du Wyoming avaient pu faire Ă©viter les tribunaux Ă  Tom SMITH, un autre dĂ©tective de prairie. SMITH, un ancien policier au Texas et en Oklahoma, avait d’abord offert ses services Ă  l’association des Ă©leveurs Ă  la fin des annĂ©es 1880. Une accusation de meurtre contre lui au dĂ©but des annĂ©es 90 fut facilement Ă©touffĂ©e par ses puissants employeurs. Avec son confrère « dĂ©tective Â» Frank CANTON, SMITH organisa l’expĂ©dition de police privĂ©e la plus manifeste que l’on pĂ»t voir dans l’Ouest Ă  la fin du 19ème siècle. FinancĂ©s par de gros fermiers, les deux hommes recrutèrent au Texas une bande de cinquante hommes armĂ©s, et envahirent le comtĂ© de Johnson, Wyoming, en Avril 1892. Cette armĂ©e privĂ©e, appelĂ©e les « RĂ©gulateurs Â» et commandĂ©e par l’ex-Major de l’U.S. Army Frank WOLCOTT, pĂ©nĂ©tra dans la ville de Buffalo, qui Ă©tait alors le quartier-gĂ©nĂ©ral d’une alliance tacite entre les voleurs de bĂ©tail et les petits fermiers qui avait dans ses rangs toute une liste de personnages plus caractĂ©riels les uns que les autres. Malheureusement pour eux, deux des hommes sur cette liste, Nate CHAMPION et Nick RAY, leur donnèrent plus de fil Ă  retordre qu’ils ne l’avaient prĂ©vu. Bien que la soi-disant « armĂ©e Â» blessât mortellement RAY au cours d’une embuscade au K.C. Ranch, CHAMPION traĂ®na son compagnon Ă  l’intĂ©rieur de la maison et repoussa les assaillants pendant toute la journĂ©e, jusqu’à ce qu’ils y mirent le feu et l’abattirent au moment oĂą il sortait, les armes crachant les balles de la manière que l’on imagine. Ne tirez pas, ne tirez pas, je me rends ! Pan-pan-pan-pan-pan. Aââârgh, salauds…

L’action retardatrice de CHAMPION sonna le glas des RĂ©gulateurs. Ils furent coincĂ©s par une bande d’hommes armĂ©s conduite par le shĂ©rif du comtĂ© de Johnson, Red ANGUS. Bien qu’ils fussent « sauvĂ©s Â» par un escadron de cavalerie, tous les cinquante hommes furent accusĂ©s de meurtre. Heureusement pour les RĂ©gulateurs, le fonds de dĂ©fense de leurs employeurs Ă©tait plus important que les caisses du comtĂ© de Johnson, et ils furent relâchĂ©s. Pourtant, Tom SMITH ne profita pas longtemps de sa libertĂ©. De retour au Texas Ă  l’état de 1893, il se disputa avec l’un de ces hommes qui ne vivaient que par les armes, en l’occurrence un solide noir dont le nom s’est perdu dans les brumes de l’histoire de l’Ouest. L’homme noir dĂ©gaina plus vite que Tom et l’étendit raide. Le black Uncle Ben’s qui se bat avec le cow-boy moustachu aux cheveux longs. C’est comme si j’avais dĂ©jĂ  vu cette scène au cinoche. A moins que ce ne soit avec un couteau, ou un arc, comme dans « Les Professionnels Â». Manque plus que la gonzesse au milieu, et l’abreuvoir au deuxième plan, oĂą celui qui crève va tomber dedans, les villageois vont se prĂ©cipiter pour l’en sortir avant qu’il ne pollue l’eau de leurs chevaux, et le croque-mort arrive avec son mètre ruban pour prendre les mesures du cercueil. Frank CANTON, le complice recrutĂ© en mĂŞme temps que SMITH, mena une vie beaucoup plus intĂ©ressante et profitable. NĂ© en Virginie sous le nom de Joseph HORNER en 1849, il fut Ă©levĂ© au Texas, oĂą il devint cow-boy et voleur dans les annĂ©es 1870. Il couronna sa carrière de bandit en dĂ©valisant la banque de Comanche, Texas, en 1877. L’annĂ©e suivante, on le vit au Wyoming oĂą, sous le nom de Frank CANTON, il commença une nouvelle vie comme reprĂ©sentant de l’Association des Eleveurs du Wyoming et oĂą il servit aussi pendant un petit moment comme shĂ©rif du comtĂ© de Johnson de 1880 Ă  1886. Après la Guerre du ComtĂ© de Johnson, CANTON travailla comme directeur d’une usine d’emballage avant de s’accrocher un badge de U.S. Deputy Marshal en Oklahoma et en Alaska. De retour en Oklahoma, il devint shĂ©rif et fut chasseur indĂ©pendant de voleurs de bĂ©tail pour l’Association des Eleveurs de BĂ©tail du Texas. CANTON finit sa deuxième carrière comme Adjutant General de la Garde Nationale de l’Oklahoma. Il mourut, sans ses bottes, en 1927. Un autre de ces hommes qui ne vivaient que par les armes et qui se baladait entre la police et le crime, fut Matt WARNER. NĂ© en 1864, WARNER, comme CANTON, commença sa vie sous un autre nom, celui de Willard Erastus CHRISTIANSEN. C’était le beau-frère d’un chef de gang de voleurs du nom de Tom Mc. CARTHY, et il fut membre du gang, apparemment jusqu’à ce qu’il fĂ»t dĂ©noncĂ© par sa belle-sĹ“ur en 1892 contre une rĂ©compense. C’est alors que WARNER dĂ©couvrit la magie que l’on pouvait obtenir en mĂ©langeant les procureurs et l’argent, dĂ©pensant toute ses Ă©conomies mal acquises pour finalement arriver Ă  vaincre les chefs d’accusation. Essayant de rejoindre le droit chemin, il fut engagĂ© par des prospecteurs comme garde du corps. DĂ©fendant ses employeurs au cours d’une embuscade, il tua deux hommes, en blessa un autre et fut condamnĂ© Ă  la prison pour meurtre. Plus tard, après qu’il fĂ»t relâchĂ© en 1900, il fut Ă©lu juge de paix et shĂ©rif du comtĂ©, servant ensuite comme policier en Utah. Bien qu’il fĂ»t quelque peu impliquĂ© parallèlement dans des histoires de contrebande, WARNER fut un homme gĂ©nĂ©ralement honnĂŞte durant les dernières annĂ©es de sa vie. Il mourut en 1938.

Etablir une liste exhaustive des tueurs et des brigands qui servirent Ă©galement la loi Ă  un moment ou un autre de leur vie, serait trop long Ă  couvrir ici. Il suffit de dire que beaucoup, comme Ben THOMPSON et King FISHER, tuĂ©s tous les deux dans un saloon Ă  Austin, Texas, moururent avec les bottes aux pieds. Quelques-uns, comme CANTON et WARNER, atteignirent un âge avancĂ©, entourĂ©s de leurs petits-enfants, devenant des curiositĂ©s vivantes tĂ©moins d’une Ă©poque depuis longtemps rĂ©volue. Bien que des hommes comme Wyatt EARP et Frank CANTON ne dĂ©passeraient pas aujourd’hui la première page d’un formulaire de candidature pour s’engager dans une police moderne, ils remplissaient un vide dans une sociĂ©tĂ© pragmatique oĂą l’on jugeait les capacitĂ©s d’un homme de loi principalement dans son adresse avec un Colt Single-Action. Il suffit de regarder les journaux aujourd’hui pour se rendre compte que nos critères de sĂ©lection actuels ont leurs propres dĂ©fauts. Les gens Ă©taient peut-ĂŞtre plus tolĂ©rants dans l’Ouest du dix-neuvième siècle sur le passĂ© d’un homme, mais ils rendaient leur jugement très rapidement s’ils estimaient que c’était nĂ©cessaire. Un ex hors-la-loi n’avait qu’à prendre connaissance du destin de Henry PLUMMER et Henry BROWN s’il avait envie de repasser Ă  nouveau de l’autre cĂ´tĂ© de la ligne. Bref, pour avoir contrevenu Ă  l’interdiction de dĂ©passer la ligne blanche continue, le tarif Ă©tait la pendaison haut et court, bottes aux pieds.

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LA BATAILLE DES LAVA BEDS

U.S. Army contre Modoc

Traduction d’un article de J.G. BILBY paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1993

Dans le sillage de la RuĂ©e vers l’Or de 1849, les petites tribus indigènes d’AmĂ©rindiens de Californie furent accablĂ©es par une vague de pillages, de viols, de massacres et de maladies qui rĂ©duisirent la population Indienne de l’Etat de soixante dix pour cent. A moins d’un millier, les Modoc, qui chassaient, cueillaient et pĂŞchaient sur une zone de plus de 5000 miles carrĂ©s près de la frontière entre la Californie et l’Oregon, refusèrent de sombrer tranquillement dans l’histoire sans rĂ©agir. Les Modoc prĂ©fĂ©raient Ă©viter les Blancs, mais l’invasion engendra une rĂ©sistance et dĂ©gĂ©nĂ©ra en une sĂ©rie de conflits pendant toutes les annĂ©es 1850. RavagĂ©s par la guerre et par la variole, opprimĂ©s par les colons et le gouvernement, les Modoc furent forcĂ©s Ă  Ă©migrer vers la RĂ©serve Klamath dans l’Oregon, après un traitĂ© signĂ© en 1864. Bien qu’harcelĂ©s par les Klamath, leur principal chef, Old Schonchin, Vieux Chauchichon, avec d’autres de son peuple, s’adaptèrent aux difficultĂ©s et Ă  la prĂ©caritĂ© de la vie en rĂ©serve. Beaucoup ne purent pas le faire. Kientpoos, connu chez les Blancs comme Captain Jack, retourna vers les traditionnels territoires de chasse sur la Lost River, Oregon. En 1870, le Responsable aux Affaires Indiennes de l’Oregon, Alfred B. MEACHAM, rĂ©ussit Ă  convaincre Jack de revenir dans la rĂ©serve auprès de son peuple. Pourtant, de nouveaux heurts avec les Klamath, combinĂ©s Ă  un programme officiel de destruction des pratiques culturelles et religieuses traditionnelles Modoc, provoqua une nouvelle fuite de la bande vers la Lost River en quelques mois. Les mineurs de la ville de Yreka, Ă©galement appelĂ©e Eureka et situĂ©e sur la cĂ´te, California, oĂą les Modoc travaillaient, achetaient, demandaient avis et aidaient mĂŞme Ă  combattre des feux, n’étaient pas gĂŞnĂ©s par le retour des Indiens. Les fermiers locaux non plus, payant un « loyer Â» aux Modoc sous forme de marchandises et de nourriture, ou employant des Indiens comme cow-boys, c’est-Ă -dire comme gardiens de vaches. Mais certains colons, en particulier de l’Oregon, estimaient que les Modoc constituaient une menace et envoyèrent une pĂ©tition au gouvernement pour qu’on les renvoyât. Tentant un compromis, Captain Jack proposa que l’on lui accordât une rĂ©serve de six miles carrĂ©s sur la Lost River pour lui et son peuple. Mais cette solution tout Ă  fait raisonnable, avalisĂ©e par MEACHAM et par le GĂ©nĂ©ral Edward R.S. CANBY, chef du DĂ©partement Ă  Columbia, ne fut jamais vraiment prise au sĂ©rieux, sans doute parce qu’elle aurait constituĂ© un dangereux prĂ©cĂ©dent en permettant aux Indiens de rĂ©clamer leurs terres traditionnelles.

Pendant que se traitaient toutes les tentatives de convaincre le peuple de Jack de revenir vers la rĂ©serve, Curly Headed Doctor, Docteur TĂŞte BouclĂ©e, un shaman, prĂ©senta la Danse des Esprits Ă  la bande de la Lost River. Mieux connue pour son association avec la tragĂ©die de Wounded Knee, le Genou BlessĂ©, en 1890, la religion de la Danse des Esprits, qui promettait Ă  ses fidèles la disparition des Blancs et la restauration de leur ancien mode de vie, tient ses origines chez les PaĂŻutes en 1870. Au dĂ©but de 1872, MEACHAM fuit remplacĂ© par T.B. ODENEAL. Le nouveau responsable promettait publiquement d’être ami avec les Indiens, mais demandait sous la table Â« l’élimination Â» de la bande de Jack, disant que c’était Â« la manière la plus clĂ©mente et la plus ChrĂ©tienne Â», et le moyen Â« le plus sĂ»r Â», de rĂ©gler le problème. Il n’y avait pas de nĂ©gociation possible. Le gouvernement n’approuverait pas une rĂ©serve sur la Lost River, et Jack, pressĂ© par les Danseurs des Esprits, risquait sa place de chef s’il faiblissait. S’il acceptait d’aller autre part, il perdrait Ă  coup sĂ»r. ODENEAL ne perçut pas la force de la bande de la Lost River, faisant l’erreur de conclure que Captain Jack, Hooker Jim, Jim la Pute, et d’autres chefs, ne reprĂ©sentaient pas leur peuple qui, croyaient-ils, voulait rĂ©intĂ©grer la rĂ©serve. FrustrĂ©, le Responsable des Affaires Indiennes demanda au Major John GREEN du 1st. Cavalry, commandant du Fort Klamath, de former une Â« force suffisante Â» pour arrĂŞter le chef Modoc. Sans en rĂ©fĂ©rer Ă  CANBY, GREEN ordonna au Capitaine James JACKSON de mettre le Compagnie B du 1st. Cavalry en selle et de se rendre sur la Lost River. Seize heures plus tard, les trente huit hommes de JACKSON s’approchaient du village endormi de Captain Jack, pendant qu’une bande non officielle de quatorze civils armĂ©s traversaient la rivière pour pĂ©nĂ©trer dans le camp de Hooker Jim. Comme Jack restait dans sa cabane, JACKSON engagea un pourparler futile avec plusieurs Modoc, puis leur commanda de lui remettre leurs armes.

Comme les Indiens hĂ©sitaient, le Lieutenant F.A. BOUTELLE dit Ă  JACKSON que la bagarre Ă©tait sur le point d’éclater et que Â« plus vite vous la commencerez vous-mĂŞme, meilleur ce sera pour nous ». Le Lieutenant sortit son revolver et se prĂ©cipita sur Scarface Charley, Charlie la Balafre, lui criant Ă  la figure Â« Fils de pute ! Â» et lui tirant dessus. Charley riposta, Ă©raflant le bras gauche de l’officier. Et voilĂ , c’est parti ! Encore un de ces cons de sous-fifres qui fout la merde parce qu’il veut des galons en montrant Ă  ses supĂ©rieurs comment il se bagarre. En plus, il loupe l’Indien qui est juste en face de lui, et l’autre lui fait mal. Les soldats ouvrirent le feu avec leurs carabines Sharps en .50-70, et les Modoc se mirent Ă  couvert derrière leurs cabanes en ripostant eux aussi. En cinq minutes, on fit cesser le feu des deux cĂ´tĂ©s, avec un soldat et un Modoc morts, et sept soldats blessĂ©s. Les Tuniques Bleues ont ouvert le feu en premier, donc ils avaient l’avantage, mais on dirait qu’il leur manquait encore un peu d’entraĂ®nement parce qu’ils n’ont mĂŞme pas Ă©tĂ© capables de buter plus d’Indiens qu’un seul et qu’ils n’en ont mĂŞme pas blessĂ© d’autres, tout en ayant dĂ©jĂ  sept blessĂ©s chez eux, spĂ©cialement quand on sait que les Indiens n’avaient pas la rĂ©putation d’être des tireurs exceptionnels. En entendant le bruit des coups de feu, les civils tirèrent dans le camp de Hooker Jim avec leurs fusils Henry et leurs fusils de chasse juxtaposĂ©s, blessant une femme et tuant son enfant, avant de battre en retraite en laissant deux morts derrière eux. Eux aussi, c’étaient des nuls. Avec des armes Ă  rĂ©pĂ©tition et des cracheurs de plomb, ils n’arrivent mĂŞme pas Ă  descendre des guerriers, juste une femme et un enfant qui Ă©taient sans armes, et en plus, ils laissent deux des leurs par-terre. Pendant que les soldats brĂ»laient son village, Jack emmena ses guerriers vers le Sud en Californie, sur la berge Ouest du Lac Tule. Ses femmes et ses enfants s’enfuirent dans des canoĂ«s. Les Modoc de Jack prĂ©vinrent des colons Blancs et leur dirent qu’il Ă©tait prĂ©fĂ©rable pour eux de quitter le pays, mais la bande de Hooker Jim tua une douzaine d’hommes en s’enfuyant le long de la rive Est du lac. Comme la rumeur de la bataille se rĂ©pandait, des fermiers amicaux tentèrent d’escorter une autre bande de Modoc sortis de leur rĂ©serve, avec Ă  sa tĂŞte Shacknasty Jim, Jim Baraque MĂ©chante, depuis Hot Creek jusqu’à la rĂ©serve. A Linkville, Oregon, une bande de querelleurs ivres menacèrent de lyncher les Modoc de Hot Creek et les effraya tellement qu’ils s’enfuirent pour rejoindre les fugitifs.

la bataille des lava beds 1
la bataille des lava beds 1

De gauche à droite, Scarface Charley, l’homme à la balafre sur la joue droite qui tourne la tête pour la cacher, Bogus Charley, ou «Charlie le Faux-Jeton», Steamboat Frank, ou «Frank du Bateau à Vapeur», Long Jim, ou «Jim le Long», et Shacknasty Jim. Long Jim porte une veste de l’Armée. Bien avant la guerre, beaucoup de Modoc avaient travaillé comme cow-boys pour les fermiers Blancs et avaient depuis longtemps abandonné leurs vêtements traditionnels. Mais une toque en fourrure Russe ou un petit chapeau de bourgeois, ça fait bizarre, sur la tête de Japonais. Ils ont les mains dans les poches. Manque plus que la cigarette.

Les fugitifs se rassemblèrent dans les Lava Beds, les Lits de Lave, cinquante miles carrĂ©s de prairies couvertes de buissons Ă©pineux et marquĂ©es par un paysage lunaire de restes volcaniques criblĂ©s de fissures, de crĂŞtes et de grottes au Sud du Lac Tule. Le terrain accidentĂ© des Beds offrait une sĂ©rie de positions dĂ©fensives naturelles, et les Indiens y Ă©tablirent une « forteresse Â» au milieu d’un fouillis de lave durcie, près des berges du lac. Lorsqu’il apprit la catastrophe dont ses subordonnĂ©s s’étaient rendus responsables, CANBY ordonna que l’on concentrât toutes les forces disponibles sur les Lava Beds. Son commandant sur le terrain Ă©tait le Lieutenant Colonel Frank WHEATON du 21st. Infantry qui, comme CANBY, Ă©tait un vĂ©tĂ©ran aguerri de la Guerre Civile.

Les forces de WHEATON comprenaient trois compagnies de la 21st. Infantry, trois de la 1st. Cavalry, et une section d’obusiers de montagne de 12 livres. Les 225 soldats de WHEATON étaient renforcés de 133 Volontaires de l’Oregon, dont beaucoup étaient des Indiens de la réserve Klamath, et 29 Californiens. En face de cette armée se trouvaient environ 150 Modoc, dont 50 guerriers.

Au soir du 16 Janvier 1872, comme les hommes de WHEATON prenaient place sur une falaise surplombant les Lava Beds, les Modoc terminaient la prĂ©paration finale de leurs dĂ©fenses. Curly Headed Doctor Ă©rigea un totem pour la Dance des Esprits, dĂ©corĂ© avec des talismans sacrĂ©s, au centre de la « forteresse Â», et entoura toute la zone d’un cercle protecteur fait d’herbe tressĂ©e peinte en rouge. Puis le sorcier entraĂ®na les Modoc dans une danse lancinante qui dura toute la nuit, et dont les Ă©chos rebondirent sur les escarpements de lave vers des soldats grelottants agglutinĂ©s autour de feux de broussailles. WHEATON lança son assaut simultanĂ© de l’Est et de l’Ouest Ă  4H00 du matin. L’infanterie Ă©tait armĂ©e du fusil rĂ©glementaire Springfield Model 1868 en .50-70.

Le Model 1868 fut la troisième des neuf versions du « Trapdoor Â», et on en fabriqua 51 389 exemplaires de 1868 Ă  1872. Beaucoup de composants proviennent des fusils Springfield Model 1861 et Model 1863. La caractĂ©ristique principale est la culasse pivotant vers l’avant, dont l’idĂ©e avait Ă©tĂ© piquĂ©e Ă  Hiram BERDAN  par Erskine S. ALLIN. L’affaire fit l’objet d’un long procès finissant après la mort de BERDAN, qui criait tout le temps « ALLIN, pour qu’elle revienne… Â».

Quelques-uns des Volontaires avaient Ă©tĂ© dotĂ©s de Springfield, et les autres portaient des fusils de sport. Les Compagnies B et G de la 1st. Cavalry Ă©taient armĂ©es de carabines Sharps en .50-70, alors que la Compagnie F avait des carabines Ă  rĂ©pĂ©tition Spencer Model 1865 Ă  sept coups en calibre .56-50. Les Modoc les affrontaient avec des fusils se chargeant par la bouche et des revolvers Ă  percussion. Bref, ils Ă©taient Ă  50 contre 387, et pas vraiment Ă  armes Ă©gales. On sait donc dĂ©jĂ  comment ça va finir : mal. Mais pour qui ?

Les obusiers de montagne donnèrent le signal de l’attaque, mais se turent bientĂ´t parce qu’un brouillard blanc recouvrait le champ de bataille et gĂŞnait l’observation. Très vite, les hommes de GREEN se mirent Ă  tirer sur des fantĂ´mes, alors que les Modoc les plus près se trouvaient Ă  un mile de lĂ  et que leur forteresse Ă©tait encore Ă  plus de trois miles. Lorsque les soldats arrivèrent enfin Ă  portĂ©e de tir, les Indiens, la tĂŞte hĂ©rissĂ©e d’un camouflage de buissons, ouvrirent un feu nourri sur eux puis disparurent. Les soldats se retrouvèrent seuls, piĂ©tinant lentement Ă  travers une brume vide, et dĂ©chirant leurs chaussures et leurs habits sur les arĂŞtes vives des rochers de lave. En fin d’après-midi, on mit fin Ă  l’attaque. Les guerriers Modoc, aidĂ©s par leurs femmes qui rechargeaient les fusils de rechange pendant qu’ils tiraient, surent tirer avantage de leur ligne intĂ©rieure en envoyant de petites escouades d’un point Ă  un autre, dĂ©fiant effrontĂ©ment leurs ennemis en leur envoyant injures et balles, les clouant au sol lĂ  oĂą ils Ă©taient. Avec tous les cris et les coups de feu qu’ils entendaient, beaucoup de soldats croyaient que les Indiens Ă©taient plus nombreux qu’eux. La confiance de l’Army fondit encore plus lorsque plusieurs cartouches de Spencer ne partirent pas, et que certaines carabines Sharps s’enrayèrent Ă  cause d’un extracteur dĂ©fectueux. Au dĂ©but de l’action, les Volontaires de l’Oregon avaient dĂ©jĂ  dĂ©clarĂ© une paix sĂ©parĂ©e, et beaucoup de rĂ©guliers se prĂ©cipitèrent vers l’arrière pour se rĂ©fugier dans le brouillard. Au crĂ©puscule, il restait moins de 100 soldats en action. Les Klamath ne montraient aucune envie de se battre, et donnèrent des amorces, de la poudre et des cartouches aux Modoc qu’ils rencontraient cachĂ©s dans le brouillard. Beaucoup de Modoc purent se rĂ©armer avec des fusils, des carabines et des munitions que les autres avaient abandonnĂ©s. VoilĂ . Tout faux, les mecs, Ă  peine c’est commencĂ©.

Les Volontaires en retraite avaient laissé derrière eux des fusils Remington et Ballard, et Shacknasty Jim récupéra le trophée du jour, un fusil à répétition Henry à seize coups. Les Modoc démontèrent des cartouches capturées afin de récupérer de la poudre et du plomb pour leurs armes à chargement par la bouche. Du côté des défenseurs, les tireurs isolés avaient tué quatorze attaquants et en avaient blessé vingt trois, sans aucune perte chez eux. Le General CANBY renvoya un WHEATON écrasé qui, dans le sillage de sa défaite, avait appelé 1000 hommes en renfort avec un support de bateaux et de mortiers pour débusquer les Modoc. WHEATON fut remplacé par le Colonel Alvan C. GILLEM du 1st. U.S. Cavalry.

Jack et sa suite Ă©taient partisans de la paix, mais il y avait d’autres factions dans la bande qui s’opposaient Ă  tout compromis, dont les hommes de Hooker Jim qui avaient peur de reprĂ©sailles pour les meurtres des colons, et les partisans de Curly Headed Doctor qui croyaient que la magie du sorcier leur assurerait la victoire. Les parlementaires n’avaient pas pouvoir pour garantir Ă  Jack ce qu’il voulait le plus : une rĂ©serve sur la Lost River ou mĂŞme sur les Lava Beds. L’amnistie et la dĂ©portation Ă©tait ce qu’ils pouvaient lui offrir de mieux. Pour compliquer les choses, l’Oregon poursuivit plusieurs Modoc pour meurtre. La sĂ©lection avait Ă©tĂ© faite au hasard et elle incluait Scarface Charley, lequel n’avait tuĂ© personne, sauf au combat. L’un des pontes de l’Oregon garantit aux Modoc qu’ils seraient tous pendus. Un autre leur dit qu’ils seraient brĂ»lĂ©s vifs s’ils se rendaient. Pendant que la marĂ©e des palabres montait et descendait, les hommes de GILLEM se rapprochèrent des Lava Beds, et dĂ©concertèrent les Indiens en capturant trente trois chevaux. Encore un coup dans le dos de ces salauds de visages-pâles Ă  la langue fourchue. Pendant qu’on discute pour faire la paix, l’autre vient par derrière pour te niquer tes billes. DĂ©jĂ  maigre avant, l’intendance de Jack s’érodait. DĂ©guisĂ© de force avec des vĂŞtements de femme avec des Modoc « durs Â» qui se moquaient de lui pour cette raison, Jack accepta finalement de les mener pour tuer les parlementaires au cours d’une rencontre prĂ©vue pour le 11 Avril 1873. Curly Headed Doctor, Hooker Jim et leurs partisans, Ă©taient convaincus que l’armĂ©e battrait en retraite si le General CANBY Ă©tait tuĂ©. Bien que prĂ©venu du complot par Toby Riddle, Toby Devinette, une femme Modoc qui, avec son mari Frank, servait d’interprète, CANBY mĂ©prisa le danger. Les parlementaires MEACHAM et L.S. DYAR firent preuve de moins de tĂ©mĂ©ritĂ© que le General et glissèrent des derringers dans leurs poches. Le dernier membre de l’équipe de nĂ©gociateurs, le Reverend Eleasar THOMAS, avait placĂ© toute sa confiance en Dieu. Lorsque les parlementaires et les Ă©poux Riddle arrivèrent Ă  la tente de confĂ©rence qui avait Ă©tĂ© plantĂ©e entre les lignes, ils furent accueillis par Captain Jack et sept autres Modoc portant ouvertement des revolvers. D’autres Indiens, armĂ©s de fusils, Ă©taient cachĂ©s dans les rochers. Coup tordu pour coup tordu. T’vas voir t’t’à l’heure. Comme CANBY distribuait des cigares, Jack, dans un dernier petit effort pour Ă©viter un dĂ©sastre imminent, rĂ©itĂ©ra une nouvelle fois sa requĂŞte pour une rĂ©serve, offrant mĂŞme de croire CANBY Â« sur parole Â». Le mot n’était pas, il ne pouvait pas l’être, Ă -propos. Sentant que les dĂ©s Ă©taient jetĂ©s, Jack cria Â« C’est parti ! Â» en Modoc, dĂ©gaina son revolver et tira sur CANBY. L’arme fit long-feu, Jack ramena de nouveau le chien en arrière et appuya une nouvelle fois sur la dĂ©tente, touchant le General en dessous de l’œil gauche. Mortellement blessĂ©, CANBY tomba par terre, se releva et s’enfuit en titubant. Lorsque le General s’écroula de nouveau un peu plus loin, Ellen’s Man George, George le Mari d’HĂ©lène, lui tira dessus avec un fusil, et Jack le poignarda. Ben merde… Pendant ce temps-lĂ , Boston Charley, Charlie de Boston, tua le Reverend THOMAS, se moquant du prĂŞtre parce que sa magie ne marchait pas. MEACHAM, brandissant son derringer, se retourna sur ses talons et se mit Ă  courir, jusqu’à ce qu’il fĂ»t fauchĂ© par une balle et qu’il tombât au sol. DYAR, son derringer dans la main lui aussi, se prĂ©cipita vers les lignes de l’armĂ©e avec Frank Riddle. Comme les deux hommes s’enfuyaient, les Modoc, qui n’avaient jamais eu la moindre intention de tuer les Riddle, d’ailleurs Scarfaced Charley qui refusait de participer Ă  ces meurtres, avait menacĂ© de tirer sur quiconque leur ferait du mal, se mirent Ă  dĂ©trousser CANBY, MEACHAM et THOMAS. Jack prit la vareuse de l’uniforme du General et Ellen’s Man sa montre. Boston Charley fit quelques tentatives pour couper la tĂŞte de CANBY et se posait des questions sur la meilleure façon de scalper un chauve, lorsque Toby Riddle cria Â« VoilĂ  les soldats ! Â» Les Modoc s’enfuirent. Des sauvages, que j’te dis, ces Indiens. Des sauvages ! A peine l’autre il est par terre qu’il a dĂ©jĂ  plus de veste ni de montre. C’est comme si tu t’arrĂŞtes sur l’autoroute pour changer un pneu, Ă  peine t’as commencĂ© Ă  l’avant qu’il y a quelqu’un qui dĂ©monte la roue arrière pour partir avec. Et le gros chauve, ce con, y a mĂŞme pas moyen de le scalper comme il faut. C’est quand-mĂŞme un monde, çà, madame !

Lorsque l’histoire fut relatĂ©e dans les journaux, le public cria revanche. Le PrĂ©sident GRANT abandonna sa politique de paix, et le General William T. SHERMAN, qui Ă©tait loin d’être un ami des Indigènes AmĂ©ricains dans les meilleures circonstances, prĂ©conisa une Â« extermination pure et simple Â» des Modoc et ordonna l’envoi de renforts vers les Lava Beds. Parmi les effectifs ajoutĂ©s aux forces du Colonel GILLEM, on compta 72 Ă©claireurs Indiens de Warm Springs, qui remplacèrent les Klamath inutiles. La force de l’armĂ©e grimpa Ă  1000 hommes y compris quatre compagnies de cavalerie, cinq d’infanterie et quatre batteries d’artillerie. Le 14 Avril, GILLEM donna l’ordre aux Compagnies F et K de la 1st. Cavalry, aux E et G de la 12th. Infantry, aux Batteries K, M et E de la 4th. Artillery, qui servait d’infanterie, et aux Indiens de Warm Springs, d’attaquer depuis l’ouest et le sud dans un mouvement de balayage. Trois compagnies de la 21st. Infantry et les Compagnies G et B de la 1st. Cavalry pĂ©nĂ©trèrent de l’est, dans l’espoir de faire la jonction avec les forces de l’ouest. L’assaut commença le jour suivant et les Modoc prirent les soldats sous leur feu de loin. Quand le soleil se coucha et bien que les officiers eussent rĂ©ussi Ă  remettre leurs hommes en mouvement, les soldats, qui avaient perdu trois morts et six blessĂ©s, n’avaient avancĂ© que d’un demi mile. Aucune perte n’était Ă  dĂ©plorer chez les Modoc. L’armĂ©e s’enterra et rĂ©sista pendant toute une nuit remplie de cris oĂą on s’échangeait des obscĂ©nitĂ©s et des coups de feu, et du grondement rĂ©gulier des obusiers ainsi que des mortiers de campagne. Ces dernières armes, grâce Ă  leur tir vertical, lâchèrent quelques obus directement dans la forteresse. Au matin, les soldats enjambèrent la corde magique, coupèrent les Indiens du lac et de leur rĂ©serve d’eau, et s’approchèrent Ă  cinquante yards du quartier-gĂ©nĂ©ral de Jack. La magie de Curly Headed Doctor fut encore plus sĂ©rieusement inefficace lorsque les Indiens souffrirent de leurs premières pertes depuis la Lost River. Plusieurs hommes et femmes avaient Ă©tĂ© blessĂ©s, et l’un des hommes s’était transformĂ© en fumĂ©e en essayant de retirer avec ses dents la fusĂ©e d’un obus qui n’avait pas explosĂ©. La situation tactique Ă©tant dĂ©sespĂ©rĂ©e, Captain Jack exfiltra ses guerriers et leurs parents vers le sud, Ă  travers les lignes de l’armĂ©e et sous le couvert de la nuit. Lorsque les soldats pĂ©nĂ©trèrent dans la forteresse abandonnĂ©e le matin suivant, ils ne trouvèrent personne d’autre qu’un vieil homme blessĂ©, lequel fut immĂ©diatement tuĂ© et scalpĂ©, et dont le trophĂ©e macabre fut divisĂ© en huit morceaux. Inquiet de l’évasion de sa proie, le Colonel GILLEM expĂ©dia des patrouilles dans tout le pays aux alentours. Mais les Modoc Ă©taient restĂ©s dans les Lava Beds, y trouvant du gibier et des grottes dans lesquelles ils puisaient de l’eau. En quelques jours, leur nouveau site fut dĂ©couvert par les Ă©claireurs de Warm Springs.

Le 26 Avril, GILLEM envoya le Capitaine d’artillerie Evan THOMAS avec un dĂ©tachement de 64 hommes, dont les Batteries A et K de la 4th. Artillery, et la Compagnie K de la 12th. Infantry, pour prendre position en hauteur d’oĂą ils devraient bombarder les Indiens. Bien que les officiers des patrouilles fussent tous des vĂ©tĂ©rans de la Guerre Civile, ils mĂ©prisèrent les procĂ©dures de base en matière de sĂ©curitĂ© et s’arrĂŞtèrent pour dĂ©jeuner au centre d’une embuscade montĂ©e par Scarface Charley. Lorsque Charley et ses 24 guerriers ouvrirent le feu, les soldats paniquèrent. La Compagnie E du Captain Thomas WRIGHT tenta de donner l’assaut contre les attaquants, mais le Capitaine fut tuĂ© et ses hommes mis en dĂ©route. Le Captain THOMAS rassembla vingt hommes dans un rĂ©duit, mais les Modoc gardèrent l’avantage et les tuèrent tous. Vers 03H00 de l’après-midi, Charley cria Â« Tout ce que ce qu’il vous reste Ă  faire, Ă  ceux d’entre vous qui ne sont pas encore morts, c’est de rentrer chez vous. Nous ne voulons pas vous tuer tous en un seul jour. Â» Puis il disparut avec ses Modoc. Bien qu’au courant de l’attaque subie par THOMAS, GILLEM Ă©tait convaincu que le corps expĂ©ditionnaire n’était pas en danger et n’envoya pas de relève avant la fin du jour. Après avoir tâtonnĂ© toute la nuit, les renforts atteignirent le champ de bataille le lendemain matin. L’armĂ©e avait perdu 23 morts, y compris THOMAs et tous ses officiers, et 19 blessĂ©s. La plupart des hommes avaient Ă©tĂ© touchĂ©s plus d’une fois, et l’un des soldats avait reçu vingt balles. Les Modoc avaient peut-ĂŞtre perdu un seul homme.

Le dĂ©sastre coĂ»ta sa place Ă  GILLEM. Le Colonel Jefferson C. DAVIS, un dur Ă  cuire vĂ©tĂ©ran de la Guerre Civile portant un nom bizarre, succĂ©da Ă  CANBY et prit lui-mĂŞme le commandement sur le terrain. Eh oui, bizarre et incongru, ce nom, mais ce n’est pas le Jefferson DAVIS qui fut PrĂ©sident des Etats ConfĂ©dĂ©rĂ©s pendant la Guerre de SĂ©cession, celui-lĂ  s’appelait Jefferson F. DAVIS et il ne reprit pas de service dans l’armĂ©e. A l’époque oĂą se passe cette histoire, l’ancien PrĂ©sident avait d’autres chats Ă  fouetter contre le Gouvernement des Etats Unis, et dirigeait une compagnie d’assurance.

Peu de temps après l’arrivĂ©e de DAVIS, les Modoc capturèrent un nouveau convoi d’approvisionnement de l’ArmĂ©e, blessant trois soldats de plus et continuant Ă  se faire mal voir. En rĂ©ponse, DAVIS envoya le Captain H.C. HASBROUCK avec la Batterie B du 4th. Artillery, montĂ©e et servant de cavalerie, les Compagnies B et G de la 1st. Cavalry et les Ă©claireurs de Warm Springs après les Modoc. HASBROUCK divisa ses forces, campant avec les compagnies de cavalerie sur les bords du Lac Sorass, oĂą les Modoc lancèrent une attaque surprise Ă  l’aube du 10 Mai. Bien que les Indiens fussent victorieux au dĂ©but, HASBROUCK rassembla ses hommes et, pendant que le Sergeant Thomas KELLY hurlait Â« Nom de Dieu ! il faut charger ! Â», contre attaqua et parvint Ă  les repousser. L’armĂ©e avait perdu trois morts et six blessĂ©s. Les Modoc, comme toujours, avaient donnĂ© plus qu’ils n’en avaient, ne perdant que Ellen’s Man. Par contre, ils perdirent leur intendance et la plupart de leurs munitions au profit des Ă©claireurs de Warm Springs, qui les attaquèrent au moment oĂą ils se retiraient. DĂ©moralisĂ© par cette dĂ©faite, Jack fut abandonnĂ© par Hooker Jim et les militants qui l’avaient poussĂ© Ă  tuer CANBY. A court de vivres et de munitions, leurs vĂŞtements en haillons et chassĂ©s par des soldats de plus en plus sĂ»rs d’eux-mĂŞmes, les Modoc commencèrent Ă  craquer. La bande de Hooker Jim se rendit le 22 Mai. Jim, Bogus Charley, Steamboat Frank et Shacknasty Jim se portèrent très vite volontaires pour traquer Jack pour le compte de l’armĂ©e. Ils le trouvèrent bientĂ´t. L’ironie de la reddition que lui demandaient ses anciens alliĂ©s, qui l’avaient eux-mĂŞmes poussĂ© donc ce combat inĂ©gal, ne fut pas perdue sur un Captain Jack en colère, lequel rejeta la proposition. Le temps travaillait pour le compte de l’armĂ©e, et les Modoc se rendirent par petits groupes, pendant toute la dernière semaine de Mai. La reddition ne signifiait pas forcĂ©ment la sĂ©curitĂ©, puisque quatre guerriers dĂ©sarmĂ©s furent tuĂ©s par les Vigilantes de l’Oregon. Jack, reconnaissant que Â« ses jambes le lâchaient Â», reconnut l’inĂ©vitable et capitula le 1er. Juin.

Le dĂ©sir qu’avait DAVIS d’exĂ©cuter sommairement les chefs Modoc fut frustrĂ© par des ordres de Washington de juger sommairement Captain Jack, John Schonchin, qui Ă©tait quelqu’un d’autre que le chef Old Schonchin, Slolux et Black Jim, pour l’assassinat de CANBY et de THOMAS. On accorda l’amnistie Ă  Hooker Jim et Ă  ses fauves pour les services qu’ils avaient rendu. Le procès, ou ce qu’il fut, eut lieu devant un tribunal militaire pendant que l’on montait un Ă©chafaud au dehors. Les Modoc accusĂ©s n’eurent pas d’avocat pour les dĂ©fendre et ils furent très vite reconnus coupables et condamnĂ©s Ă  ĂŞtre pendus. L’opinion publique nationale tourna très vite en faveur des braves et habiles soldats qui avaient combattu contre tous, pour le pays oĂą ils Ă©taient nĂ©s. En rĂ©ponse, le PrĂ©sident GRANT gracia Barncho et Slolux, des jeunes hommes qui n’avaient jouĂ© qu’un rĂ´le mineur dans les tueries. A 10H00 du matin le 3 Octobre 1873, après avoir, comme par humour noir, offert au prĂŞtre qui Ă©tait en charge vingt cinq chevaux et ses deux femmes s’il acceptait de prendre sa place, Jack et ses trois camarades furent exĂ©cutĂ©s. L’armĂ©e, en son honneur, refusa d’honorer les mandats d’arrĂŞt de l’Oregon pour un certain nombre de guerriers survivants. Le 12 Octobre 1873, 153 Modoc entraient sur le Territoire Indien, arrivant finalement Ă  la Quapaw Agency oĂą on leur donna pour une valeur de 524,40 $ en bois de construction de façon Ă  ce qu’ils pussent s’en faire des abris pour l’hiver. Au printemps, les rĂ©fugiĂ©s se dĂ©placèrent vers une rĂ©serve de 4000 acres. Tragiquement, l’adaptabilitĂ© des Modoc Ă  leur habitat ne s’étendit pas Ă  leur santĂ©. En 1879, il ne restait que 103 de ceux qui avaient Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s d’origine. Leur santĂ© Ă©tait minĂ©e Ă  la fois par la maladie et par les vols de leur agent, qui surpayait ses proches en rations et distribuait la plus grande partie de la nourriture quelque part d’autre pour son propre profit. S’il fallait dresser une liste des meilleurs guerriers AmĂ©ricains de toutes les races, les Modoc y auraient la première place, ou n’en seraient pas loin. OubliĂ©s depuis longtemps par la plupart des gens, Captain Jack, Scarface Charley et leurs guerriers, combinèrent l’habiletĂ© des Seminole Ă  utiliser le terrain, l’adresse tactique des Nez-Perce, et l’art de la guĂ©rilla des Apache. Les Modoc furent probablement de meilleurs tireurs que tous les autres. Jamais, avant cela ni depuis, si peu d’hommes n’ont fait, contre tant d’autres, tellement de choses avec si peu. VoilĂ , et tout çà Ă  cause de ce petit con de Lieutenant BOUTELLE qui avait tirĂ© le premier, presque un an et demi plus tĂ´t.

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LE COLT POCKET MODEL 1849

Traduction d’un article de Ph. SPANGENBERGER dans D.G.W. Blackpowder Annual 1993

Alors que beaucoup de gens croient que le revolver Colt Single Action Army 1873 fut le six-coups qui gagna l’Ouest, il y eut tout plein d’armes de poing qui eurent un impact sur notre frontière amĂ©ricaine des annĂ©es avant que le S.A.A. fĂ»t mĂŞme un rĂŞve. Bien-sĂ»r, Colt Ă©tait devenu synonyme de qualitĂ© des dizaines d’annĂ©es avant 1873, grâce Ă  ces armes totales que furent le 1851 Navy, le 1860 Army, les diffĂ©rents modèles de Dragoon, et d’autres. Ironiquement toutefois, malgrĂ© la bonne rĂ©putation qu’avaient gagnĂ© ces pistolets « de ceinture Â» ou bien « de selle Â», ce fut un petit pistolet Ă  cinq coups qui donna au Colonel Samuel COLT une place solide dans le commerce des armes. L’époque de la moitiĂ© du dix-neuvième siècle fut une aventure globale. Dans pratiquement tous les coins du monde, il y avait de nouvelles terres Ă  explorer et Ă  conquĂ©rir, des frontières Ă  domestiquer, et des fortunes Ă  faire… ou Ă  perdre. Ceux qui s’aventuraient dans ces terres sauvages voulaient la meilleure protection disponible. Les villes, elles aussi, Ă©taient pourries de crime, et largement peuplĂ©es d’individus peu recommandables. Le chĂ´mage Ă©tait souvent Ă©levĂ©, la famine frappait constamment de nombreuses villes de l’Ancien Monde, et l’absence d’une force de police forte, parfois l’absence de toute police, augmentait le pĂ©ril pour le citoyen. La vie Ă©tait telle en ces temps-lĂ , que porter une arme personnelle n’était pas seulement raisonnable, mais c’était souvent nĂ©cessaire ! Se dĂ©placer d’une zone peuplĂ©e vers une autre reprĂ©sentait souvent une entreprise dangereuse, avec ses bandits de grands chemins et ses bandes errantes de maraudeurs qui constituaient un pĂ©ril pour le voyageur. Les fabricants d’armes Ă©taient occupĂ©s Ă  produire des armes Ă  feu militaires et civiles, ainsi que des armes blanches, et la demande du grand public pour de petites armes de poing, faciles Ă  cacher mais fiables, n’était pas une mince affaire. Sam COLT Ă©tait un homme d’affaires astucieux et rĂ©alisa l’évidence de cette demande. Il rĂ©alisa aussi qu’une telle arme devrait ĂŞtre d’un prix abordable. On utilisait dĂ©jĂ  des milliers de petits pistolets Ă  un coup durant le milieu des annĂ©es 1840. Leur taille variait de l’immense et encombrant pistolets de selle en gros calibre, aux minuscules et inefficaces modèles de Â« pistolets de veston Â». Il y avait des pistolets Ă©quipĂ©s d’une lame de couteau, d’autres avec des poignĂ©es en forme de matraque, ou d’autres Ă©quipements auxiliaires dessus ou dedans, au cas oĂą le coup tirĂ© ne produirait pas l’effet dĂ©sirĂ©. Les « poivrières Â» Ă  canons multiples tournants Ă©taient elles-aussi assez populaires. Bien que ces dernières armes Ă  feu ne fussent pas grand chose en matière d’armes de poing pour nos standards modernes, elles furent en leur temps considĂ©rĂ©es comme les meilleurs pistolets que l’on pĂ»t porter.

Etudiant les problèmes susceptibles de surgir pour produire une arme de poing fiable et de qualitĂ©, tout en gardant un prix d’achat qui la garderait Ă  la portĂ©e du grand public, le Colonel COLT reprit soigneusement chaque stade de la fabrication de son gros revolver Dragoon. Il dĂ©termina que certains Ă©quipements, indispensables sur un gros revolver de ceinture, seraient inutiles pour un petit pistolet de poche, rĂ©duisant ainsi les coĂ»ts de production en temps et en main-d’œuvre pour une telle arme. Selon l’excellent ouvrage Â« Les Variations du Old Model Pocket Pistol de 1848 Ă  1872 Â» de P.L. SHUMAKER, on a estimĂ© que le Colonel COLT Ă©limina environ 85 des quelques 480 opĂ©rations nĂ©cessaires Ă  la production de l’un des gros revolvers de la firme. La production du premier revolver de poche par Colt après l’effondrement de sa Patent Arms Mfg. Co. Ă  Paterson, New Jersey, dĂ©buta vers 1847. Le rĂ©sultat est ce que les collectionneurs appellent aujourd’hui le revolver Model 1848 Baby Dragoon. Cette arme est le prĂ©dĂ©cesseur du Pocket Model 1849. Avec une production d’environ 15 000 Baby Dragoon, il reprĂ©sente le premier modèle de poche fabriquĂ© Ă  l’usine Colt de  Hartford, Connecticut. En fabriquant le premier de ces nouveaux pistolets de poche de calibre .31, Colt voulait dĂ©libĂ©rĂ©ment offrir une arme Ă  feu bon marchĂ© qui pourrait se comparer plus favorablement aux armes de poing Ă  un coup alors disponibles. Parmi les mesures destinĂ©es Ă  rĂ©duire les coĂ»ts de fabrication du revolver Baby Dragoon de Colt, figurait le remplacement du traditionnel barillet Ă  six coups que l’on trouvait sur le gros revolver de ceinture, par un autre qui n’en contiendrait que cinq. D’autres mesures incluaient un rempart sans dĂ©coupe pour la mise en place des amorces, et l’absence du refouloir assemblĂ© sous le canon. Pour charger ces premiers Colt, on devait d’abord chasser la clavette retenant le canon Ă  la carcasse. Ensuite, on chargeait chaque chambre du barillet avec de la poudre, puis on forçait une balle dans chaque chambre en utilisant l’axe du barillet, Ă©chancrĂ© Ă  son extrĂ©mitĂ©.

Après avoir procĂ©dĂ© de la sorte, les amorces Ă©taient posĂ©es sur les cheminĂ©es, on replaçait le barillet sur l’axe et on assemblait le tout en le maintenant avec la clavette. Enfin, on faisait tourner le barillet pour faire reposer le chien dans une unique encoche de « sĂ©curitĂ© Â» situĂ©e entre deux chambres. Parce qu’il n’y avait pas la dĂ©coupe sur le rempart pour mettre les amorces, si l’une des amorces ne partait pas et ne faisait pas partir le coup, il fallait dĂ©monter le pistolet pour remplacer l’amorce. Cependant, en dĂ©pit de ces inconvĂ©nients, le nouveau revolver de poche de Colt Ă©tait supĂ©rieur, dans sa conception et dans sa fonction, ainsi qu’en qualitĂ©, Ă  toutes les autres armes de poing Ă  un coup disponibles sur le marchĂ©. L’approbation du public Ă©tait gĂ©nĂ©rale et ce nouveau petit pistolet fut un succès dès le dĂ©but. Seul un petit nombre de Colt « Pocket Â» furent produits, environ 150, avant que la compagnie ne commençât Ă  les perfectionner et les amĂ©liorer. On procĂ©da Ă  plusieurs changements : l’addition d’un refouloir pour faciliter le chargement, une dĂ©coupe dans le rempart pour permettre le rĂ©-amorçage sans dĂ©monter, et une petite roulette Ă  la base du chien. De petites encoches furent alĂ©sĂ©es sur le barillet entre chaque chambre Ă  la place d’une seule, et des encoches rectangulaires furent creusĂ©es dans le barillet pour le bloquer en place, au lieu des petites encoches rondes. On changea la dĂ©tente et le pontet, et la forme du canon et de la carcasse fut lĂ©gèrement modifiĂ©e et rallongĂ©e. Ces dĂ©tails, ainsi que quelques changements cosmĂ©tiques, comme l’adoption d’une scène gravĂ©e reprĂ©sentant une diligence, les premiers Pocket Models reprenaient la scène de combat entre Ranger et Indien que l’on voyait sur le Dragoon et sur le Baby Dragoon, donnèrent ce qui fut connu comme le pistolet standard Model 1849 Colt Pocket Model.

Produit sous une variĂ©tĂ© de configurations et de longueurs de canons, le Pocket Model 1849 devint l’une des armes de poing les plus connues de son temps. La production de ce modèle dĂ©buta en 1850 et des milliers furent emportĂ©s vers l’Ouest dans la RuĂ©e vers l’Or en Californie. C’étaient les armes favorites des mineurs, les postiers, et d’autres hommes de l’Ouest qui avaient besoin d’un petit revolver de poche. Sur la Barbary Coast Ă  San Francisco, un joueur professionnel qui jugeait sage de garder un Colt Pocket cachĂ© sur sa personne quand il se livrait Ă  sa profession douteuse, appelait parfois une telle arme son Â« cinquième as Â». Pendant la Guerre Civile, les soldats en bleu ou en gris portaient des Pocket Model 1849 pour avoir un surplus de puissance de feu en cas de combat au corps Ă  corps et, pendant des dizaines d’annĂ©es au cours du milieu du dix-neuvième siècle, les aventuriers dans le monde entier louaient ces petits Colt dans les meilleurs termes. Bien que le Colt Pocket Model 1849 ne dĂ©veloppait pas beaucoup de punch, ce n’était pas toujours nĂ©cessaire d’en avoir. De telles armes furent souvent utilisĂ©es comme moyen de pression en cas de situation difficile : une carte mal distribuĂ©e, une dispute au sujet d’une concession de mine, ou peut-ĂŞtre en faisant un prĂ©lèvement bancaire… Souvent, il n’y avait juste qu’à brandir une arme Ă  feu pour obtenir le rĂ©sultat dĂ©sirĂ©. Lorsque c’était le cas, ce qui se passait alors rĂ©sultait plutĂ´t de beaucoup d’autres facteurs que la puissance de l’arme. Une balle ronde ou pointue de calibre .31 pèse environ 45 grains de plomb pur et mou. Avec une charge standard de 15 grains de FFFg de poudre noire, la balle voyage Ă  quelques 590 FpS et touche avec un peu moins de 35 FP d’énergie. En comparaison, le petit .32 S&W tirĂ© dans les revolver Ă  canons courts dĂ©veloppe approximativement 680 FpS, et dĂ©livre 90 FP de choc. Pour les standards modernes, ces Colt de poche sont donc loin d’être impressionnants. Mais, utilisĂ©s Ă  des distances comme autour d’une table de cartes, et si l’on prend en considĂ©ration le projectile en plomb mou, avec la technologie relativement primitive de l’époque, spĂ©cialement si la victime Ă©tait blessĂ©e dans le dĂ©sert ou dans un camp perdu de mineurs oĂą l’aide mĂ©dicale compĂ©tente n’existait souvent pas, il est facile de comprendre comment on peut se servir d’un revolver si anĂ©mique. Bim, Bim, dans la tĂŞte, entre l’œil et l’orbite vers l’hypophyse, ou bien dans l’oreille vers le cervelet, et on n’en parle plus. MalgrĂ© la petite taille et la puissance relativement faible, ces revolvers pour tirer Ă  courte distance Ă©taient autant considĂ©rĂ©s Ă  leur Ă©poque comme l’armement personnel d’un homme, que toute autre arme Ă  feu. En Juillet 1850, le Missouri Commonwealth se vantait de la sĂ©curitĂ© qu’il apportait Ă  ses clients sur une nouvelle ligne de diligence Ă  mule, reliant Independence, Missouri, Ă  Santa Fe, New Mexico : Â« Le courrier est gardĂ© par huit hommes, armĂ©s comme suit : Chaque homme a sur le cĂ´tĂ©, attachĂ© Ă  la diligence, un fusil revolver Colt, dans un holster plus bas, un long revolver Colt, et dans sa ceinture, un petit revolver Colt, Ă  cĂ´tĂ© d’un couteau de chasse. Ainsi, ces huit hommes sont prĂŞts, en cas d’attaque, Ă  tirer 136 coups sans avoir besoin de recharger. Â» Dans ses rĂ©cits humoristiques qu’il fait sur ses voyages dans l’Ouest dans les annĂ©es 1860, Mark TWAIN fait Ă©tat d’un conducteur de diligence qui s’arma avec l’un des petits revolvers de poche de Colt.

On trouve d’autres tĂ©moignages de la popularitĂ© du Colt Pocket Model 1849 dans le fait que, dans les mines d’or de Californie au dĂ©but des annĂ©es 1850, la demande pour des revolvers de qualitĂ© Ă©tait si grande que l’usine Colt de Hartford, Connecticut, Ă©tait incapable de faire face aux commandes. Les gros Colt de ceinture qui se vendaient autour de 16,00 $ Ă  18,00 $ sur la cĂ´te Est, se revendaient jusqu’à 250,00 $ ou 500,00 $ la pièce dans l’Ouest ! MĂŞme le petit ’49 en, calibre .31, moins cher, atteignait un prix de près de 100,00 $ sur la cĂ´tĂ© Ouest. Le Colt Pocket Model 1849 Ă©tait vendu avec des longueurs de canons de trois, quatre, cinq et six pouces. Les tubes de quatre et de cinq pouces Ă©taient les plus courants, alors que la version Ă  six pouces semble la plus rare. Le Pocket Model possĂ©dait un canon et un barillet bronzĂ©s bleu, alors que la carcasse et le refouloir Ă©taient jaspĂ©s. Les garnitures Ă©taient gĂ©nĂ©ralement plaquĂ©es argent sur du laiton, bien que certaines furent faites en fer bronzĂ© ou plaquĂ© argent. Les crosses standard d’usine Ă©taient faites dans une pièce de noyer, typique des Colt de cette Ă©poque. On proposait Ă©galement de l’ivoire ou d’autres matĂ©riaux exotiques, et les armes prĂ©sentant de telles poignĂ©es de luxe, soit lisses ou finement gravĂ©es, servaient de pièces d’exposition de grand luxe. On les rencontre avec une variĂ©tĂ© de marquages sur le canon, y compris deux variantes d’une adresse Ă  New York, un marquage Hartford, CT., et l’adresse Ă  Londres, tous sur le haut du canon. Bien que l’une des amĂ©liorations du Pocket Model 1849 fĂ»t l’intĂ©gration d’un refouloir, un petit nombre d’entre eux fut produit sans. Ces revolvers Ă  canon de trois pouces, sans leviers de chargement, ont Ă©tĂ© appelĂ©s modèles« Wells Fargo Â». Il n’y a pas de preuves que la compagnie de diligence bien connue ait un jour adoptĂ© ce revolver comme arme officielle pour ses conducteurs, ses gardes ou ses divers agents. En tous cas, ces pistolets ne se vendirent jamais bien, et vers 1860, Colt essaya de vendre le solde du stock de ces revolvers sans refouloir en leur en mettant un. Ceci fut fait en modifiant sommairement le levier de chargement du modèle standard Ă  quatre pouces. Mais ces pistolets rencontrèrent la dĂ©sapprobation du public, car le levier Ă©tait trop court pour permettre la pression nĂ©cessaire Ă  mettre la balle en place. On a estimĂ© qu’environ 100 de ces Pocket Model Ă  trois pouces transformĂ©s sortirent de l’usine. Aujourd’hui, de tels Colt transformĂ©s en usine sont des pièces de collection extrĂŞmement recherchĂ©es. Il n’y a pas de doute que les employĂ©s de la Wells Fargo ont bien utilisĂ© des Pocket Model 1849, avec et sans refouloirs. Beaucoup ont Ă©tĂ© achetĂ©s sur fonds privĂ©s, comme d’autres armes, et furent certainement portĂ©es par les conducteurs de diligence et d’autres agents de la W.F. & Co. On connaĂ®t deux Model 1849 dans la Bank’s History Room de la Wells Fargo Ă  San Francisco, qui portent des inscriptions les identifiant comme ayant appartenu Ă  la compagnie. Pendant les 23 ans qu’il resta en production, environ  325 000 exemplaires du Pocket Model 1849 furent fabriquĂ©s Ă  l’usine Colt de Hartford. Un autre lot de 11 000 fut produit Ă  l’usine de Londres, Angleterre. Les armes Anglaises sortirent entre 1853 et 1857, et sur les modèles les plus anciens, les garnitures sont en laiton avec les bords du pontet arrondis. Les modèles tardifs eurent des garnitures en fer et un grand pontet ovale. La production de cette arme de poing fut finalement arrĂŞtĂ©e en 1873, lorsque Colt commença Ă  produire des revolvers tirant des cartouches mĂ©talliques. Le Colt Pocket Model 1849 fut parmi les revolvers Ă  percussion qui furent convertis Ă  l’usine Colt, dans une première tentative de produire des armes de poing tirant des cartouches mĂ©talliques. En plus de cela, on a trouvĂ© des Colt Pocket ’49 qui avaient Ă©tĂ© convertis par d’autres armuriers que ceux de l’usine, une preuve que la popularitĂ© de l’arme continua loin après l’âge de la percussion. Avec des concepts plus nouveaux et plus solides en matière d’armes de poing, ainsi que des munitions plus Ă©laborĂ©es, le Colt Pocket Model 1849 fut lentement remplacĂ© par des armes plus modernes. A l’époque de sa gloire, pourtant, le Pocket Model 1849 fut le revolver Ă  percussion produit dans le plus grand nombre que tous les autres, et l’arme qui plaça Samuel COLT et sa compagnie lĂ©gendaire dans les affaires pour une Ă©ternitĂ©.

LES ARMES DES CHERCHEURS D’OR « QUARTANTE-NEUVIENS »

Traduction d’un article de Rick HACKER paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1983

( les remarques en italique sont du traducteur )

S’il y a un Ă©vĂ©nement qui peut ĂŞtre tenu pour avoir Ă©tĂ© le point de dĂ©part de la grande migration de colons vers le Far West, l’Ouest Lointain, c’est la RuĂ©e vers l’Or de Californie en 1849. En une seule annĂ©e, ce qui n’avait jadis Ă©tĂ© qu’un endroit tranquille, rural et presque ignorĂ©, un lacis de rivières paresseuses et de collines de genĂ©vriers qui s’élevaient doucement pour rejoindre les crĂŞtes recouvertes de pins et de granit de la Sierra Nevada, la Montagne EnneigĂ©e, se transforma en des villes grouillantes de communautĂ©s agitĂ©es, construites Ă  la hâte et n’importe comment, de routes encombrĂ©es de chariots et d’essaims d’une importance jamais vue auparavant, d’hommes, de femmes et d’enfants issus de toutes les couches sociales et venant de pratiquement tous les coins du globe. En moins de dix ans, la population de la ruĂ©e vers l’or de Californie gonfla de 14 000 en 1848 Ă  plus de 380 000 en 1860. Et pour moi, de 1848 Ă  1860, ça ne fait pas moins de dix ans, ça en fait douze. Ironiquement, la première fois oĂą l’on dĂ©couvrit de l’or fut un Ă©vĂ©nement très peu relatĂ©, et l’homme Ă  qui l’on attribue gĂ©nĂ©ralement cette ruĂ©e vers l’or, John Augustus SUTTER, mourut dans la misère, se lamentant Â« Mes jours les plus beaux furent ceux d’avant la ruĂ©e vers l’or Â»C’est donc le seul mec, dĂ©jĂ  riche avant, que la dĂ©couverte d’or rendit pauvre. En fait, les autres sont venus prendre l’or que l’on trouvait chez lui, certains y moururent, souvent d’une mort violente, avant d’en avoir trouvĂ©, d’autres moururent dans la misère sans en avoir trouvĂ©, d’autres moururent aussi dans la misère, après en avoir trouvĂ© mais après l’avoir flambĂ©, d’autres encore repartirent avec une fortune, mais lui n’en chercha jamais, alors qu’il Ă©tait Ă  sa portĂ©e puisque tout le pays Ă©tait Ă  lui, et les cafards fous lui ont massacrĂ© son petit coin de paradis. Avant la dĂ©couverte de « couleur Â», SUTTER Ă©tait l’homme le plus important et le plus influent dans la rĂ©gion du delta du Sacramento en Nouvelle Californie. Sa forteresse de cinq acres, qu’il appelait « New Helvetia Â», la Nouvelle Suisse, Ă©tait un empire miniature fait d’un mur de deux pieds et demi formant un fort autonome qui avait des Ă©curies, des jardins, une forge, une tannerie, des magasins gĂ©nĂ©raux, bref, tout ce dont on pouvait avoir besoin pour vivre dans un pays rural oĂą personne ne venait dĂ©ranger et que presque personne ne venait visiter. Le fort lui-mĂŞme Ă©tait gardĂ© par de hautes tours et des canons Ă  chaque point stratĂ©gique. A l’époque oĂą les Etats Unis arrachèrent l’Alta California au Mexique en 1846, c’est-Ă -dire la Haute Californie ou la partie Nord aujourd’hui amĂ©ricaine, en comparaison avec la Baja California qui est toujours mexicaine, SUTTER se sentait en sĂ©curitĂ©. Bien qu’il fĂ»t un immigrant Suisse et que le GĂ©nĂ©ral Guadalupe VALLEJO lui eĂ»t donnĂ© officiellement le grade militaire de Capitaine, sa loyautĂ© Ă©tait pour les « States Â». Il ne se rendait pas compte de la menace qui l’attendait sous les eaux tumultueuses de la rivière America, Ă  quelques miles en amont de son enceinte fermĂ©e. Dans ma collection personnelle, j’ai une reproduction relativement rare du journal de la New Helvetia de SUTTER. En lisant les mots de SUTTER au sujet de ces annĂ©es tranquilles prĂ©cĂ©dant la ruĂ©e vers l’or, je ne vois presque pas de mention sur des armes, de quelque sorte que ce soit, Ă  l’exception du canon qui gardait le fort. Pourtant, les armes Ă  feu ont toujours fait partie de toute manière de vivre sur la frontière et, au cours de visites personnelles sur les restes reconstruits, en un peu plus petit, de Fort Sutter, je ne fus pas surpris de dĂ©couvrir l’existence d’armes longues, la plupart des mousquets et des fusils de type militaire, que l’on utilisait Ă  l’époque Ă  la fois pour se procurer de la nourriture et pour assurer sa protection personnelle. Malheureusement, Ă  cause des effets du temps et de la corrosion, seuls ont pu ĂŞtre identifiĂ©s un mousquet modèle U.S. 1795 et un fusil rayĂ© modèle Mississipi 1841, en mĂŞme temps que quelques fusils de chasse juxtaposĂ©s Ă  percussion, l’un des outils les plus utiles, comme nous allons le voir, pour les « quarante-neuviens Â», appelons-les comme çà, ces hommes et ces femmes de la RuĂ©e vers l’Or de 1849, pour rester fidèle Ă  l’expression de l’auteur tout en ne tombant pas dans l’imitation « soixante-huitard Â» sur le retour d’âge. Bien sĂ»r, ce ne fut pas une surprise de dĂ©couvrir des fusils militaires Ă  Fort Sutter, car ce havre bien connu Ă©tait une escale programmĂ©e pour quiconque voyageait tranquillement Ă  travers la Californie avant la ruĂ©e vers l’or. C’est cette popularitĂ© de la New Helvetia, et le dĂ©sir de SUTTER d’étendre son empire, qui furent responsables, indirectement en tous cas, de sa perte. Un autre facteur qui dut y contribuer fut qu’il nĂ©gligea de rĂ©aliser l’importance que la dĂ©couverte de l’or allait apporter Ă  la rĂ©gion.

John SUTTER fut peut-ĂŞtre un homme aimable, gĂ©nĂ©reux et sociable, mais les preuves suggèrent qu’il n’était pas vraiment un homme d’affaires. Â« J’avais besoin… d’un moulin Ă  blĂ© et d’une scierie Â» Ă©crivit-il dans ses « Reminisces Â», ses souvenirs« J’avais commencĂ© Ă  construire un moulin Ă  blĂ© en 1847 sur les bords de la rivière America, Ă  environ quatre miles en amont du fort… Tout Ă©tait prĂŞt, et le moulin aurait pu commencer Ă  tourner dans les six semaines suivantes si la nouvelle de la dĂ©couverte d’or avait pu ĂŞtre gardĂ©e secrète aussi longtemps que cela. Â» SUTTER n’avait pas vraiment d’opinion sur l’or, mais il en avait encore moins pour l’homme qui en trouva le premier sur ses terres. Â« J’avais parmi mes employĂ©s un homme du nom de James Wilson MARSHALL Â» se rappelait SUTTER Â« Un bon mĂ©canicien… Quand j’ai parlĂ© du moulin avec lui, il m’a dit qu’il pensait ĂŞtre capable de le construire. J’avais des doutes sur la confiance que je pouvais lui accorder si je ne le surveillais pas, Ă  cause de son excentricitĂ©, mais… je n’avais personne d’autre, c’est pourquoi j’ai Ă©tĂ© dans l’obligation de miser alĂ©atoirement sur l’homme. » Le monde idyllique de John SUTTER commença Ă  s’écrouler le Vendredi 28 Janvier 1848. A cette date, il Ă©crivit avec un euphĂ©misme suprĂŞme dans son journal Â« Aujourd’hui, Mr. MARSHALL est revenu des Montagnes avec une affaire très importante. Â» Cette « affaire très importante Â», c’était une grosse pĂ©pite d’or pur que MARSHALL avait trouvĂ©e dans le gravier du lit de la rivière America. La rĂ©action immĂ©diate de SUTTER fut d’essayer de cacher la nouvelle de la dĂ©couverte, mais comme son fort Ă©tait l’endroit mĂŞme par oĂą transitaient toutes les informations de la rĂ©gion, elle ne mit pas longtemps Ă  se rĂ©pandre : il y a de la « couleur Â» dans la rivière, juste lĂ , Ă  la surface, qui attend que l’on vienne la ramasser. Dans son journal, SUTTER ne fait pas mention du terme « or Â» avant trois mois après sa dĂ©couverte initiale, mais il est Ă©vident d’après ses notes que des visiteurs et des travailleurs du fort se promenaient dehors toute la journĂ©e, Ă  la recherche du prĂ©cieux mĂ©tal. Enfin, la nouvelle atteignit San Francisco, ce qui fut le dĂ©but de la fin pour SUTTER et celui de la plus grande ruĂ©e vers l’or que le monde eĂ»t jamais vu auparavant. Â« La grande ruĂ©e des prospecteurs de San Francisco arriva au fort en Mai 1848 Â» Ă©crit SUTTER Â« Toutes les maisons de mes amis et des gens que je connaissais au fort Ă©taient pleines. Des marchands, des docteurs, des avocats, des capitaines au long cours, tous y vinrent. Tout n’était que chaos. Mes propres hommes me dĂ©sertaient. Je n’arrivais mĂŞme pas Ă  fermer le portail pour garder cette racaille dehors. Â» Les milliers de personnes qui arrivèrent avec la première vague firent piĂ©tiner les champs luxuriants de SUTTER par leur bĂ©tail et leurs chevaux. Tout ce qui ne fut pas dĂ©truit fut pillĂ©, depuis les pierres avec lesquelles le fort avait Ă©tĂ© construit, jusqu’au canon qui le gardait. Les nouvelles allaient lentement Ă  cette Ă©poque-lĂ , et il se passa bien six mois avant qu’elles ne fussent colportĂ©es par les bateaux Ă  aubes et les cavaliers au reste du pays, lequel ne se doutait de rien mais Ă©tait impatient de savoir et Ă  l’écoute de tout. Les « States Â» Ă©clatèrent immĂ©diatement en une Ă©pidĂ©mie de fièvre de l’or Ă  laquelle très peu avaient Ă©tĂ© prĂ©parĂ©s. Peu importe que peu d’hommes savaient exactement Ă  quoi ressemblait l’autre cĂ´tĂ© du Mississipi. Peu importe que personne ne sĂ»t combien de temps durait un voyage par la terre et de combien de provisions on aurait besoin. Peu importe qu’il n’y eĂ»t que peu, s’il y en avait, de vie civilisĂ©e dans la Great Platte Valley. Quelque part lĂ -bas, Ă  l’Ouest des Rocheuses, quelque part dans la Sierra Nevada, oĂą qu’elle fĂ»t, l’or attendait que les premiers qui y arriveraient le ramassent ! C’était Â« Ca passe vers la Californie ou ça casse ». Et beaucoup passèrent pas la case « cassĂ© Â» bien avant d’arriver aux sites, ou juste après. Il y avait uniquement deux moyens pour arriver aux champs aurifères de la Californie, par bateau autour du Cap Horn, ou Ă  pied, Ă  cheval ou en chariot, Ă  travers les Grands Plaines encore largement inexplorĂ©es. Le voyage par mer Ă©tait cher et durait de deux Ă  trois mois, selon le temps. On y Ă©tait Ă©galement très Ă  l’exigu et c’était extrĂŞmement coĂ»teux en comparaison avec le voyage par la terre. Mais par la terre, il fallait six mois en moyenne aux quarante-neuviens pour franchir les 2000 miles passant par des plaines vallonnĂ©es, des dĂ©serts brĂ»lants et des montagnes abruptes, le tout assaisonnĂ© de vents qui soufflaient Ă  80 miles par heure, des pluies torrentielles, de la boue oĂą l’on s’enfonçait jusqu’aux essieux, et un froid qui glaçait les poumons. En plus de cela, il y avait un vrai problème de temps, car tout pionnier qui essayait d’atteindre la terre promise dorĂ©e de Californie, devait arriver Ă  trouver son chemin par dessus les Sierras avant les premières neiges de l’hiver. Si les Indiens, la faim et les bandits n’avaient pas pris leur part, le climat le ferait, l’exemple le plus remarquable en Ă©tant la fatidique Donner Party. Mais ceux qui arrivaient Ă  survivre au voyage vers la Californie, par la terre ou par la mer, le faisaient grâce Ă  la chance, une bonne dose d’expĂ©rience et leur habiletĂ© Ă  manier leurs armes.

Le fusil de chasse juxtaposĂ© Ă  percussion fut de loin l’arme longue la plus utile et la plus nombreuse dans les champs aurifères. L’éparpilleur, l’arme standard utilisĂ©e pour remplir le garde-manger et apportĂ©e dans les fermes amĂ©ricaines du dĂ©but du XIXème. siècle, se rĂ©vĂ©la ĂŞtre un compagnon fiable pour le petit gibier dans les champs aurifères de Californie, et ses canons bĂ©ants au calibre de 12, de 10 ou de 8 Ă©taient un argument de poids contre tout intrus potentiel sur la concession. On pouvait le charger avec du petit plomb pour le petit gibier, de la balle ou de la chevrotine pour le tir Ă  courte distance sur du chevreuil et, quand les temps Ă©taient durs, on pouvait mĂŞme utiliser quelques petits galets de la rivière pour essayer de mettre quelque chose dans la gamelle. Et plus d’une fois, le vieil « Ă©parpilleur Â» fut chargĂ© d’une once ou deux de poudre d’or que l’on tira dans le lit d’un ruisseau ou sur une saillie de granit, pour « saler Â» une concession improductive de façon Ă  pouvoir la vendre Ă  un pied tendre nouvellement arrivĂ©, pour beaucoup plus que n’en valait le terrain.

Etrangement, il y eut peu de criminalitĂ© au cours des premières annĂ©es de la ruĂ©e vers l’or. Il y avait relativement peu d’hommes sur une immense rĂ©gion, l’or Ă©tait facile Ă  trouver et en abondance pour chacun, et une espèce d’esprit de camaraderie rĂ©gnait. Mais au fur et Ă  mesure que les prospecteurs usurpaient de plus en plus les limites des concessions et que des hommes aux valeurs morales diffĂ©rentes commencèrent Ă  se mĂŞler Ă  ceux dĂ©jĂ  prĂ©sents, la situation changea. Dans son livre « Life on the Plains and At the Diggings Â», La Vie dans les Plaines et dans les Concessions, publiĂ© en 1854, Alonza DELANO dĂ©crivit son expĂ©rience en tant que l’un des premiers quarante-neuviens : Â«  Vers 1850… beaucoup en arrivèrent Ă  voler… il devint nĂ©cessaire de garder sa propriĂ©tĂ© avec autant de soin que dans les vieilles villes d’oĂą nous venions. On peut dire que l’hiver de ’49 et ’50 peut ĂŞtre considĂ©rĂ© comme l’époque oĂą la criminalitĂ© Ă  commenc酠» A peine quelques mois plus tĂ´t, DELANO parlait d’un Ă©tranger qui campait avec lui pendant la nuit et qui laissait nonchalamment son sac d’or Ă  la vue de tous, non gardĂ©, pendant qu’il dormait. A prĂ©sent, ces temps-lĂ  Ă©taient rĂ©volus pour toujours dans les champs aurifères de Californie.

Les armes Ă  feu devinrent un moyen de protection autant que pour se procurer de la nourriture. Au dĂ©but, on prenait avec soi sur le terrain des pistolets Ă  un coup Ă  percussion, quelque peu encombrants Ă  porter, pour la protection individuelle. Ils Ă©taient relativement peu coĂ»teux, pouvaient tirer une forte charge, et beaucoup de chercheurs, les ayant utilisĂ©s alors qu’ils Ă©taient au service du gouvernement, savaient s’en servir. D’autres, exigeant plus de puissance de feu que de pouvoir, choisirent la « poivrière Â», un revolver Ă  plusieurs canons qui, bien qu’encombrant Ă  garder lorsqu’il Ă©tait simplement glissĂ© dans le haut du pantalon, Ă©tait cependant très populaire. La poivrière offrait cinq ou six coups sans recharger, mais son dĂ©faut majeur Ă©tait que les calibres Ă©taient parfois faiblards et les charges lĂ©gères. Pour le quarante-neuvien qui n’avait pas peur de s’embarrasser d’un peu de poids supplĂ©mentaire pendant qu’il travaillait sur sa concession, le gros Colt Dragoon Premier ou Second modèle de quatre livres, avec une charge musclĂ©e de 40 grains de poudre et une balle de .44, apportait la combinaison idĂ©ale de cinq coups de combat, la sixième chambre Ă©tant souvent laissĂ©e vide par les gens qui Ă©taient sur le terrain, de peur que le lourd revolver ne glisse accidentellement de son Ă©tui ou de la ceinture et ne se dĂ©charge accidentellement en heurtant le sol rocailleux. Ces revolvers furent largement utilisĂ©s par les troupes montĂ©es des Etats Unis, et beaucoup d’armes d’ordonnance furent « libĂ©rĂ©es Â» pour servir dans les champs aurifères. Beaucoup plus furent achetĂ©s par des hommes qui voulaient un avantage en pouvoir d’arrĂŞt, au cas oĂą cela serait nĂ©cessaire pour dĂ©fendre une concession Ă  courte distance. Bien que le massif Colt Walker dominât les Dragoon, peu de ces armes furent utilisĂ©es dans les champs aurifères, puisque seuls 1100 Walker furent fabriquĂ©s et que, parmi ceux-ci, la plupart furent affectĂ©s pendant la Guerre du Mexique, n’en laissant que 100 pour le marchĂ© civil. Toutefois, il existe des traces d’un Walker transportĂ© dans un sac de toile vers la fin de la ruĂ©e vers l’or, par un vieux vĂ©tĂ©ran grisonnant qui râlait parce qu’il ne trouvait jamais d’étui assez grand pour son pistolet d’arçon. Cet exemple, qui mentionne une arme Ă  feu par son nom, est assez rare car, lorsqu’on lit des rĂ©cits contemporains de la ruĂ©e vers l’or, il y est fait peu allusion Ă  tel ou tel type d’arme, plus souvent citĂ©e comme « pistolet Â» ou « fusil Â». Il s’agit lĂ  d’une chose normale, Ă  une Ă©poque oĂą le fait de porter des armes Ă©tait aussi courant que de porter une montre au poignet aujourd’hui. Nous donnons rarement le nom de la marque. Nous disons plutĂ´t Â« J’ai jetĂ© un coup d’œil sur ma montre… Â»

Pourtant, il y eut une arme qui Ă©tait apparemment très estimĂ©e aux yeux des quarante-neuviens et que l’on arrive Ă  identifier parfois, et cette arme, c’est le Colt 1851 Navy ou, comme on l’appelle souvent, le « Navy de chez Colt Â». Une sociĂ©tĂ© qui vendait des catalogues d’accessoires Ă  emporter par les prospecteurs potentiels pour leur voyage vers l’Ouest, alla mĂŞme aussi loin que dire Â« aucun homme ne devrait ĂŞtre sans le 1851, car avec lui, il pourra obtenir tout ce dont il a besoin Â» ! MĂŞme pas peur, le mec. « Achetez donc mes flingues, plutĂ´t que de payer pour une concession de merde oĂą on va vous arnaquer. Au moins, avec mon ’51, vous pourrez en avoir une Ă  l’œil ! Â» De nos jours dans les pays civilisĂ©s, la boĂ®te qui ferait ce genre de publicitĂ© serait immĂ©diatement poursuivie pour incitation Ă  la violence. Bien sĂ»r, le Colt 1851 ne sortit pas avant deux ans après la première vague de prospecteurs et mĂŞme alors, il fallait Ă  n’importe quelle quantitĂ© de ce genre d’arme six mois avant d’arriver au Far West. Mais jusque lĂ , il n’y en avait pas encore vraiment besoin. Â« Pendant l’annĂ©e 1849 Â» Ă©crivait Alonzo DELANO dans son livre Â« le brigandage Ă©tait rare… on laissait les coffres et les ballots ouverts et exposĂ©s… dans les rues bondĂ©es des nouvelles villes. L’or ne semblait pas tenter… les hommes Ă  la malhonnĂŞtetĂ© et on entendait rarement dire qu’un chercheur s’était fait voler. Â» Mais en 1851, tout cela avait changĂ©. Les premières trouvailles faciles du dĂ©but avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© prises et chercher de l’or Ă©tait devenu un travail sĂ©rieux, Ă©prouvant et souvent ingrat. En consĂ©quence, il y eut des individus qui commencèrent Ă  chercher des moyens plus faciles pour faire fortune. Et les armes des quarante-neuviens, qui avaient auparavant Ă©tĂ© relĂ©guĂ©es Ă  des tâches domestiques, eurent Ă  prĂ©sent un nouveau rĂ´le Ă  jouer comme moyens d’auto-dĂ©fense. Â« Le brigandage et le meurtre Ă©taient quotidiens Â», dit DELANO Ă  propos de ces annĂ©es turbulentes. Â« Des bandes organisĂ©es de voleurs existaient dans les villes et dans les montagnes… il Ă©tait risquĂ© de ne pas ĂŞtre armĂ©. Â»

C’est dans ces dĂ©cors qu’entra en scène le Colt 1851, le revolver Ă  percussion le plus populaire sur le marchĂ© de l’époque, Ă  cause de sa fiabilitĂ©, son excellent Ă©quilibre, sa taille idĂ©ale et la rĂ©putation de son fabricant. Les chambres du Navy Ă©taient suffisamment profondes pour contenir 20 Ă  25 grains de poudre derrière une balle ronde de calibre .36, donnant ainsi nettement moins de pouvoir d’arrĂŞt que les puissants Dragoon, mais si les coups Ă©taient bien placĂ©s, le Colt .36, rapide Ă  pointer, devenait un bon moyen de garder l’or dans la poche du juste. Mais, mĂŞme quand le prĂ©cieux mĂ©tal se trouvait du cĂ´tĂ© de son vĂ©ritable propriĂ©taire, cela ne voulait pas forcĂ©ment dire que le danger Ă©tait passĂ©. Â« Dans une maison de jeux… Â» dit DELANO Â« un homme qui quittait la ville pour rentrer chez lui se laissa entraĂ®ner Ă  tenter sa chance Ă  la table de jeux… fâchĂ© d’avoir perdu son argent, il essaya de se refaire en sortant son pistolet devant l’autre joueur, lequel l’étendit raide avec le sien » Ces rencontres Ă  très courte distance avec les gens de la ville se disputaient souvent avec le minuscule Deringer, un petit pistolet de veste Ă  un coup Ă  percussion et au canon court, très populaire. D’abord produit par Henry DERINGER Junior de Philadelphia, ces armes de dĂ©fense tenant dans la paume de la main, mais de gros calibre, souvent en .40 ou en .50, Ă©taient souvent portĂ©es par les joueurs professionnels, les voyageurs en diligence qui se rendaient vers les champs aurifères ou qui en revenaient, les femmes de toutes rĂ©putations, et les hommes d’affaires qui restaient gĂ©nĂ©ralement près des quartiers populeux, dans ces nouvelles villes champignons de la ruĂ©e vers l’or. Avec sa charge de 15 grains, le Deringer manquait de puissance pour ĂŞtre efficace plus loin qu’à 25 pieds, mais grâce Ă  sa petite taille qui permettait de le dissimuler facilement, donnant Ă  son propriĂ©taire l’avantage de la surprise contre son antagoniste, il devint la deuxième arme de poing la plus populaire de la ruĂ©e vers l’or, et on l’apprĂ©cia tellement que son nom devint synonyme de toutes les autres armes de configuration similaire. Comme pour le Deringer, on choisit les petits Colt de poche modèles 1848 et 1849, comme le Baby Dragoon et le Wells Fargo, pour leur taille compacte plutĂ´t que leur puissance. Mais comme il s’agissait de revolvers, leurs barillets de cinq et six coups pouvaient tirer plusieurs fois si besoin, et mĂŞme le petit calibre .31 occasionnait des dommages graves Ă  courte distance. LĂ©gers, les pistolets de poche Ă©taient pratiques Ă  emporter dans ses bagages pour un chercheur qui aurait Ă  marcher plusieurs miles Ă  travers les collines de la rude Sierra Nevada. Beaucoup de ces pistolets Colt servirent d’arme « de la deuxième chance Â» aux hommes pour qui la vie dans les champs aurifères valait plus qu’une simple aventure. Il existe Ă©galement des preuves que l’une des nombreuses sociĂ©tĂ©s de messagerie qui abondaient en ces temps-lĂ , Ă©quipait ses cavaliers avec des Colt modèle 1849 Ă  canon de 3 pouces.

Bien qu’ils fussent loin d’être le choix optimum pour un homme Ă  cheval, les petits Colts avaient l’avantage d’être les pistolets Ă  plusieurs coups les plus compacts disponibles Ă  l’époque. A un moment de la ruĂ©e vers l’or, le Colt modèle 1849 Ă©tait tellement demandĂ© que ces armes se vendaient au marchĂ© noir Ă  100 Dollars l’unitĂ©, la mĂŞme coĂ»tant moins de 15 Dollars aux « States Â». Mais c’était lĂ  le prix de la protection dans un pays oĂą la population continuait Ă  grossir avec de nouvelles, et toujours plus diverses, espèces du genre humain, pas toujours accueillantes, et toutes attirĂ©es par le leurre de la fortune immĂ©diate. Les joueurs professionnels, les voleurs de concessions et les brigands n’étaient pas les seuls dangers dans ces collines de quartz et de granit au pays de l’or. Ce n’est pas par hasard que l’ours figure sur le drapeau de la Californie aujourd’hui, et en ces temps reculĂ©s, avant l’écrasement de la civilisation, il y en avait beaucoup, et pas toujours très d’accord pour cĂ©der leur territoire Ă  un homme qui venait avec une pelle et une pioche. Les premiers Kentucky Rifle et fusils Ă  Ă©cureuils, lĂ©gers, que certains quarante-neuviens avaient apportĂ©s avec eux, se rĂ©vĂ©lèrent bientĂ´t inutiles dans la nouvelle rĂ©alitĂ© de l’Ouest. Un rĂ©cit de l’époque parle d’un mineur attaquĂ© par un grizzly, pendant que ses trois filles, chacune armĂ©e de son propre fusil, tiraient Ă  bout portant dans la tĂŞte de l’ours avant qu’il fĂ»t enfin tuĂ©. Trois coups Ă©taient plus que ne pouvait tirer tout fusil de l’époque, et il n’est pas surprenant d’apprendre que les lourds fusils des plaines, aux gros calibres et au demi-fĂ»t Ă  l’avant, furent les armes favorites des chercheurs d’or. Beaucoup d’entre eux avaient vu ce que pouvaient faire ces fusils dans les mains de leurs guides, souvent des anciens trappeurs des Montagnes Rocheuses qui utilisaient leur expĂ©rience du Far West pour faire traverser les majestueuses Sierras aux nouveaux-venus. Les Hawken, aussi rares qu’ils fussent, trouvèrent leur chemin vers les champs aurifères. Les Dimmicks et les Lemans trouvèrent eux aussi leur place dans plus d’une cabane de mineur ou une tente, et servirent leurs propriĂ©taires comme ils le devaient en leur apportant de la viande pour la table, ou en leur accordant un coup Ă  longue distance sur un suspect qui aurait pu ĂŞtre un « bandito Â». Il y avait peu de tribunaux en Californie, et le juge, l’avocat et le bourreau se trouvaient souvent sous le mĂŞme chapeau. En plus de ces « armes de sport Â» pour les civils, comme on les appelait parfois, les armes militaires firent elles aussi leur chemin vers la Californie. Bien que la platine Ă  silex fĂ»t considĂ©rĂ©e comme dĂ©passĂ©e par la plus moderne platine Ă  percussion, un certain nombre de fusils Ă  silex et de mousquets du dĂ©but du XIXème. siècle convertis Ă  la percussion furent utilisĂ©s par quelques mineurs. Ces armes Ă©taient solides et, chose plus importante pour un homme pauvre, Ă©taient relativement bon marchĂ©. Bien sĂ»r, le plus prisĂ© fut le fusil rayĂ© Mississipi U.S. Model 1841, une belle arme Ă  percussion en calibre .58, garnie de laiton, qui avait dĂ©jĂ  fait ses preuves lors de la rĂ©cente Guerre du Mexique. Comme le Walker, certaines de ces armes furent « libĂ©rĂ©es Â» pour que l’on s’en servĂ®t en Californie, mais une quantitĂ© beaucoup plus importante fut achetĂ©e comme surplus de guerre avant la fin de la ruĂ©e vers l’or, constituant ainsi une arme fiable contre tout mauvais comportement d’homme ou de bĂŞte, au pays des quarante-neuviens. Comme l’or se faisait plus rare Ă  trouver, et plus cher et difficile Ă  exploiter, certains chercheurs quittèrent le pays. Ironiquement, au cours des premières annĂ©es de la ruĂ©e vers l’or, l’homme ne cherchait que la « couleur Â», au point d’en arriver Ă  Ă©changer l’argent que certains trouvaient parfois en creusant dans le granit. En fait, il est intĂ©ressant de noter que beaucoup de mineurs qui travaillèrent les trĂ©sors d’argent du Nevada venaient des champs aurifères de Californie, et que ceux qui dĂ©couvrirent le fameux Comstock Lode, le Filon de Comstock, Ă©taient d’anciens quarante-neuviens.

En 1858, la grande ruĂ©e vers l’or avait vĂ©cu. Cette annĂ©e-lĂ , l’historien John S. HITCHELL Ă©crivit Â« Le pays Ă©tait plein d’hommes qui n’arrivaient plus Ă  gagner la vie Ă  laquelle ils s’étaient habituĂ©s… ils Ă©taient prĂŞts Ă  aller n’importe oĂą s’il y avait un espoir raisonnable d’y trouver la richesse en creusant, plutĂ´t que de se soumettre Ă  une vie sans la grosse paie et les plaisirs dont ils avaient joui pendant des annĂ©es dans les placiers de Sacramento. Â» Cela ne veut pas dire que tous les quarante-neuviens en ressortirent plus pauvres que lorsqu’ils y entrèrent. Loin de lĂ . En fait, il restait juste assez d’histoires de succès pour continuer Ă  faire rĂŞver. Un chercheur d’or trouva une pĂ©pite de 2000 Dollars le premier jour de l’exploitation de sa concession. Pour un autre, ce qu’il Ă©copa un jour en une seule batĂ©e fut estimĂ© Ă  1500 Dollars. Il est vrai que certains trouvèrent littĂ©ralement leur fortune dans une nouvelle aventure encore jamais racontĂ©e, si l’on avait assez de force et de courage pour lui courir après. Toutefois, rien de cela n’aurait Ă©tĂ© possible sans l’outil qui donnait Ă  chaque homme la mĂŞme chance face au danger et Ă  la difficultĂ©, les armes des quarante-neuviens. Pour beaucoup, ces armes prouvèrent qu’elles Ă©taient beaucoup plus prĂ©cieuses que l’or.

DE CES ARMES, QUI VEND LESQUELLES AUJOURD’HUI AUX U.S.A. ?

Fusil de chasse juxtaposĂ© :       DIXIE GUN WORKS

EUROARMS OF AMERICA

NAVY ARMS Co.

Fusil des Plaines :                     NAVY ARMS Co.

LYMAN PRODUCTS

CONNECTICUT VALLEY ARMS ( C.V.A. )

Missisipi Rifle 1841 :                DIXIE GUN WORKS

NAVY ARMS Co.

Colt 1847 Walker :                  DIXIE GUN WORKS

ALEN FIRE ARMS

Colt 1848 Dragoon :                ALLEN FIRE ARMS

Colt 1848 Baby :                     ALLEN FIRE ARMS

Colt 1849 Pocket :                  ALLEN FIRE ARMS

DIXIE GUN WORKS

Colt 1851 Navy :                     NAVY ARMS CO.

DIXIE GUN WORKS

ALLEN FIRE ARMS

LYMAN PRODUCTS

Poivrière :                                HOPPE’S

Deringer Philadelphia :  DIXIE GUN WORKS

Single Shot :                            CONNECTICUT VALLEY ARMS ( C.V.A. )

DIXIE GUN WORKS

ALLEN FIRE ARMS

NAVY ARMS CO.

DIXIE GUN WORKS – Gunpowder Lane, UNION CITY, TN 38261, U.S.A.

EUROARMS OF AMERICA – 10, W. Monmouth Street, WINCHESTER, VA 22601, U.S.A.

NAVY ARMS Co. – 689, Bergen Boulevard, RIDGEFIELD, NJ 07657, U.S.A.

LYMAN PRODUCTS – Route 147, MIDDLEFIELD, CT 06455, U.S.A.

CONNECTICUT VALLEY ARMS – Saybrook Road, HADDEM, CT 06438, U.S.A.

ALLEN FIRE ARMS – 1107, Pen Road, SANTA FE, NM 87501, U.S.A.

HOPPE’S – Airport Industrial Mall, COATSVILLE, PA 19320, U.S.A.

Et, puisqu’en fait ces maisons importent de l’Italien, n’oublions pas :

UBERTI – Via Carducci Giosue, 1, 25068 SAREZZO ( BS ), Italie

PEDERSOLI – Via Artigiani, 57, 25063 GARDONE VAL TROMPIA ( BS ), Italie

PIETTA – Via Mandolossa, 102, 25064 GUSSAGO (Bs ), Italie

Pas de boudin noir pour la poudre ?

Il n’y a pas si longtemps encore, j’entendais quelqu’un dire que les ressorts à boudin ne sont pas permis au contrôle des armes dans les compétitions aux Armes Anciennes, « parce que ce type de ressort n’était pas connu à l’époque où l’on tirait avec des armes à poudre noire. » J’ai même entendu dire la même chose par des arbitres à l’époque où je portais encore le blouson rouge. Quelque chose est totalement faux là-dedans, il faut le rappeler ou le préciser. Il est vrai néanmoins que les ressorts à boudin actionnant le chien sont un système moderne lorsqu’ils sont de la même conception que celle des revolvers modernes et ils ne peuvent passer. Certaines armes ARDESA sont refusées au contrôle des armes parce qu’elles ont un petit ressort à boudin dans la platine qui règle la garde du bec de gâchette sur le cran de départ. D’accord, une platine qui ne comportait pas de ressort à boudin à l’époque où elle avait été conçue doit rester telle quelle si elle veut mériter l’appellation de réplique, et tout artifice altérant le caractère de réplique doit prendre le chemin du refus chez un Arquebusier vraiment digne de ce nom. Comme tirer le Maximilien avec un tunnel de guidon à insert circulaire et un niveau à bulle ; mais, enfin, ce fut un jeune et il était du club qui recevait, alors… Et de toutes façons, espérer avoir des résultats phénoménaux avec du AREDESA est un symptôme signifiant que le propriétaire candidat doit avoir été atteint de paludisme. Citons aussi le RÜGER Old Army, qui a beau être une merveille de solidité et de bonne facture, tout en tirant juste, mais qui n’est pas du tout une réplique car il reprend les formes d’une arme tirant déjà des cartouches métalliques et, outre son maître ressort à boudin trop moderne par rapport à celui du COLT « 73 » à qui il est censé ressembler, il n’a rien à faire en Armes Anciennes à cause de ses organes de visée réglables et de l’absence d’arme originelle.

Les gens du dix-huitième siècle, ou même d’avant, n’étaient pas plus idiots que ceux du vingtième. En y réfléchissant bien, je me demande d’ailleurs parfois si la dose de bêtise humaine n’a pas augmenté avec les siècles, pour atteindre son paroxysme aujourd’hui avec l’évolution de ce qu’on appelle le progrès et son corollaire la détérioration grave de la planète, contre laquelle absolument aucun de nos gros industriels ne semble envisager de faire quoi que ce soit. Sauf que l’humanité en meurt tous les jours. Mais c’est une autre histoire. J’ai dit vingtième siècle car c’est au milieu du vingtième siècle, quand la paix et l’aisance furent revenues après la deuxième Guerre Mondiale, que les gens ont commencé à se mettre à tirer sérieusement en concours avec des armes à poudre noire. Et je suis parti du dix-huitième siècle parce que c’est dans cette période-là que j’ai trouvée la trace la plus ancienne d’un ressort à boudin dans une arme à feu.

Commençons plus tard que cela. Citons d’abord un certain Jean-Samuel PAULY, armurier né en Suisse qui a laissé son nom à une discipline chez les Arquebusiers de France, et plus connu généralement pour avoir inventé en 1812 une arme à chargement par la culasse avec ce qui fut la première cartouche métallique proprement dite. On n’est pas des sauvages tout de même, en Europe, hein. Ce brave homme avait aussi inventé en 1814, entre autres armes à feu et systèmes, un fusil où l’inflammation de la charge au départ du coup était provoquée par un échauffement dû à la compression rapide d’un volume d’air qui se heurte à une résistance. L’air était comprimé dans un cylindre par un ressort à boudin. C’est le même principe que la pompe à vélo en aluminium que l’on compresse d’une main en bouchant la sortie avec la paume de l’autre main. Ca fait du bruit comme quelqu’un qui pète sec, mais ça chauffe ! Plus de gêne avec une mèche qui s’éteint à cause de la pluie ou un silex qui est usé, mais l’amorce à percussion au fulminate de mercure qui naissait à la même époque eut plus de succès et son invention passa au tiroir des oubliettes. Mais le ressort à boudin existait donc déjà à cette époque. Et notons aussi que, du même coup, PAULY avait inventé sans le savoir le principe d’allumage du moteur diesel… Les amateurs d’armes connaissent aussi le fameux « Fusil à vent », mais celui-là ne tirait pas de poudre et ce système n’est pas exclusif à PAULY.

Une autre trace de ressort à boudin se trouve dans une Tour de Londres. Dans cette tour, il y avait un prisonnier. L’histoire ne dit pas si le prisonnier avait des morpions toute la nuit, mais il réside au musée des armes dans cette tour. Dans ce musée, on peut admirer des exemplaires rares, voire uniques. L’un d’eux est un fusil à un canon lisse en calibre .57, de bonne facture bien que passablement usé, au bois et au canon finement gravés et aux ferrures en laiton, fabriqué pour quelqu’un devant « avoir les moyens » et qui possède une platine à silex fonctionnant en ligne. Eh oui, en ligne. La platine est intérieure, comme sur les platines dites « à coffre », elle est alignée avec le canon et elle en a le même diamètre.

Dans le pontet se trouvent deux leviers qui ressemblent à une double détente. Le plus en arrière est la détente proprement dite, et l’autre n’est qu’un levier d’armement. Celui-ci est directement relié au droit d’une tige ronde que l’on pourrait appeler une culasse, au bout de laquelle est fixée une mâchoire portant un silex, légèrement placé en oblique vers le haut et qui fait office de percuteur. En tirant ce levier en arrière sur quelque chose comme trois centimètres, on comprime un ressort à boudin qui entoure la culasse. La culasse, le ressort et le reste du mécanisme se trouvent à l’intérieur du boîtier. Sous la culasse se trouvent deux encoches. Celle de derrière constitue le cran de sécurité, et celle de devant est le cran du départ. En tirant sur la queue de détente, comme on le fait sur toutes les armes, celle-ci pivote sur un axe et un guignol dégage le bec de gâchette du cran de départ, libérant ainsi la culasse qui, mue par le ressort à boudin qui l’entoure, bondit en avant et vient frapper une plaque de batterie. Celle-ci est placée entre la culasse et la chambre. Lorsque l’arme est prête à tirer, la plaque de batterie est à fleur avec l’ensemble formé par le canon et le boîtier dans lequel se trouve le mécanisme. Le tonnerre du canon est quasiment bouché par une culasse vissée dessus. Celle-ci est coupée en oblique, présentant lorsqu’on relève la plaque de batterie un petit réceptacle formant le bassinet, lequel communique avec la chambre dans le canon par une lumière. Lorsque la plaque de batterie est frappée par le silex, elle pivote brusquement vers le haut, et les minuscules particules de métal en fusion mettent le feu au pulvérin dans le bassinet, avec une communication à la charge par le biais de la lumière comme sur une arme à silex classique. C’est géant tellement c’est simple. Et ça fonctionne avec un ressort à boudin, messieurs les arbitres ! Qu’on se le dise, le soir au fond des bois et dans les chaumières. N’importe quel bricoleur adroit pourrait fabriquer la même arme avec de la récupération. Pourquoi l’industrie de l’époque a-t-elle choisi la platine latérale avec tous ses ressorts en « V » et ses multiples pièces compliquées à fabriquer ? Pour faciliter l’entretien, peut-être, et surtout le nettoyage parce que, bonjour le démontage…L’arme est signée par un Bohémien du nom de Stanislas PACZELT et elle est datée en 1738. Rien que çà ; 1738 c’était juste avant hier. Selon les gens du musée de la Tour de Londres « Ce type de fabrication est associé à Stanislas PACZELT, dont le nom apparaît sur la plupart des armes de ce type qui ont pu être sauvegardées. Toutefois, il est très improbable qu’il ait été l’inventeur du système, car on connaît des armes de conception très similaire faites par d’autres armuriers et datant de plus tôt. » Donc, ce n’était pas vraiment rare à l’époque.

Une autre de ces armes qui paraissent exotiques à nos yeux se trouve au Musée National de Münich, le Bayerisches Nationalmuseum. Il s’agit d’un fusil de chasse juxtaposé, également à canons lisses et en calibre .57, au bois finement décoré d’argent et de carapace de tortue et dont l’état général est excellent, comme si cette arme avait à peine tiré. Le fusil est daté de 1740, il est de facture typiquement allemande de cette époque, mais il n’est pas signé. Contrairement au fusil PACZELT, il s’arme à l’aide d’un petit bouton coulissant vers l’arrière de chaque côté du boîtier de culasse, mais comprimant là aussi un ressort à boudin à chaque fois. Comme le MAT 49. Le reste du système est le même que sur l’autre fusil. Là encore, la mise à feu se fait par un silex fixé sur une culasse qui bondit en ligne vers l’avant, sur une plaque de batterie qui passe de la position à fleur à la verticale. Il y a un silex, une plaque de batterie et une détente par canon.

On connaît aussi des spécimens encore plus anciens, datés d’aussi loin que 1730. Toutes ces armes étaient fragiles et devaient sûrement « cracher » vers l’arrière, dans la figure du tireur. Le droitier qui a déjà tiré juste à côté d’un autre droitier, mais qui tire le Cominazzo où il faut « charger pour que ça rentre », sait de quoi je veux parler. Et celui qui a déjà tiré le Charleville ou le Tanegashima s’est rendu compte de lui-même qu’il faut vraiment avoir envie de tirer aux Armes Anciennes pour jouer avec ces trucs qui vous laissent des petits points noirs incrustés dans la peau du visage si on le met trop près du bassinet. Cela s’appelle cracher au bassinet. Parfois, ce sont des petites particules de silex, parfois des petits morceaux de charbon, parfois un mélange des deux. D’où la nécessité de porter une protection EFFICACE des yeux aux Armes Anciennes, mais encore une fois, cette remarque est hors-sujet. Le système « in-line » a été repris par des chasseurs Américains à partir de 1950, et plus communément à partir de 1990. Soit une stagnation dans l’oubli de presque deux cents vingt ans…

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