LEY QUINTO (Cinquième Loi)

Traduction d’un article de W. AUSTERMAN paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1985

(Ce récit débute au début du XIXème. siècle, quand le Texas était encore indépendant et quand le Mexique étendait ses frontières beaucoup plus loin qu’aujourd’hui)

Partie en reconnaissance en cette année 1837 le long de la frontière de la jeune république, une compagnie de Texas Rangers rencontra un cavalier solitaire qui aurait pu servir d’archétype pour une engeance d’hommes qui allaient exporter un commerce horrible de l’autre côté du Rio Grande, et profondément à l’intérieur du Mexique, pour les dix années à venir. Le Capitaine William « Bigfoot » WALLACE sentit un frisson courir le long de sa moelle épinière lorsqu’il se retrouva en face de Jefferson TURNER, un homme qui ne vivait que pour donner la mort à ses ennemis. Tatinnn, Tita-titinnn. Autrefois un colon bien pacifique, ce TURNER avait vu sa femme et ses enfants se faire massacrer au cours d’un raid d’Indiens, et il ne faisait plus à présent que hanter le désert pour assouvir sa revanche. Plus tard, WALLACE se souviendrait de lui comme d’un « type grand et sec, vêtu d’une chemise de chasse et de chausses en peau de chevreuil, avec un bonnet en fourrure de raton laveur sur la tête. Il portait à l’épaule un long et vieux fusil à silex, en fer et de type Kentucky, ainsi qu’un tomahawk et un couteau à scalper passés dans sa ceinture. Ses cheveux étaient emmêlés et pendaient autour de son cou, hirsutes, en de grandes touffes non peignées, et ses yeux sortaient de sa tête, aussi brillants qu’une paire de charbons ardents. » Soixante ans plus tard, le vieil homme de la frontière se rappelait encore ces yeux en frissonnant« J’ai vu toutes sortes d’yeux de fauves, de panthères, de loups, de pumas, de léopards et de lions mexicains, mais je n’en ai jamais vu qui scintillaient, brillaient et dansaient comme ceux qui le faisaient dans cette tête-là. » C’étaient les lanternes de la folie qui y brûlaient, et elles éclairaient le chemin de TURNER dans sa course éperdue après les scalps d’Indiens, c’est-à-dire leur cuir chevelu, découpé et arraché comme trophée. Alors qu’il chevauchait avec les Rangers, il prétendit qu’il venait d’en prendre trois de plus au cours d’une escarmouche avec les sauvages, portant ainsi son palmarès total à quarante-neuf. Quand TURNER se sépara de WALLACE, il se vanta qu’il ne reviendrait pas à la civilisation avant d’en avoir attaché une centaine, étalés et séchés, sur des arceaux.

Jefferson TURNER n’était motivé que par la soif de sang, mais il y en eut d’autres sur la frontière qui trouvèrent qu’ils pouvaient tirer un joli petit profit de ce type d’activité. Vers 1830, les résidents du Nord-Ouest du Mexique abordaient leur troisième siècle de lutte contre l’un des plus implacables ennemis jamais rencontrés par des colons. Les déserts et les collines torrides de la région abritaient les clans guerriers des Indiens Apache. Les Mexicains s’éteint déjà résignés depuis longtemps aux raids d’automne des Kiowa et des Comanche, quand ceux-ci s’élançaient par-dessus le Rio Grande depuis leurs territoires du Llano Estacado au Texas. Mais il s’agissait-là de menaces saisonnières, pas du tout comme les ravages continuels que faisaient les Apache, lesquels ne laissaient que peu de survivants dans leur sillage pour pouvoir pleurer les morts ou ratisser leurs cendres. Des dizaines d’années de guerres sans merci avaient transformé les Mexicains et les Apache en une espèce de vermine aux yeux de l’un et de l’autre. Ce ne fut donc pas surprenant lorsque, en Septembre 1835, l’Etat de Sonora décréta une loi qui offrait une prime de cent Pesos pour le scalp d’un guerrier Apache. L’un des premiers à capitaliser sur cette nouvelle loi fut un ancien chapelier du Kentucky, nommé James JOHNSON. Cet aventurier américain conclut avec le Gouverneur Escalante y ARVIZ un contrat pour mener une expédition officielle de chasse à l’Indien. Se faisant passer pour un commerçant, JOHNSON emmena ses associés vers le nord, dans ce qui est aujourd’hui le Comté d’Hidalgo, au Nouveau Mexique. Il gagna la confiance du chef Indien Juan José COMPA et sa bande d’Apache Mogollon. Après avoir attiré les Indiens dans son camp pour un festin nocturne qu’il leur avait promis, JOHNSON approcha le bout incandescent de son cigare de la lumière d’un petit canon qu’il avait caché sous une pile de selles. Le canon vomit sa charge de morceaux de fers à cheval découpés et de clous dans les Indiens, ce qui découpa les braves, les squaws, et les enfants avec une impartialité féroce. Et boum, et boum, petites patates boum, à nous les cent pesos par tête de patate.

Les blessés et ceux qui n’étaient qu’assommés furent rapidement achevés par balle, pendant que les hommes de JOHNSON se mettaient au travail avec leur couteau. Cette volée de métal fauchant tout le monde venait d’ouvrir les portes d’un trafic qui sera le plus brutal de toute l’histoire de la frontière du Sud-Ouest. Le gars du Kentucky et ses successeurs ont excellé en ce que même les Mexicains ont appelé « une vile industrie », le commerce des scalps humains. Pendant cinquante ans après cette nuit sanglante du 22 Avril 1837, ce sauvage commerce déterminerait les relations entre les Anglos, les Mexicains et les Indiens, du Colorado jusqu’aux limites du grand désert du Chihuahua. Les hommes qui chassaient le cuir chevelu pour de l’argent étaient d’une diversité surprenante quant à leur origine, ne partageant principalement qu’un mépris pour l’humanité de leurs proies. Ils variaient du trafiquant de fourrures, qu’il fût né au Mexique ou qu’il fût auparavant Américain, au déserteur de l’armée, en passant par l’Indien des tribus de Est des Etats-Unis et les émigrants en mal de cash sur le chemin de la Californie. Tous considéraient leurs armes comme les outils de base de leur profession. Ces armes variaient des plus antiques pétoires Espagnoles aux produits les plus modernes de l’industrie armurière de la Nouvelle Angleterre, mais ceux d’entre eux qui eurent le plus de résultats avaient des préférences bien définies en la matière. Le résultat fut un chapitre terrible dans toute l’histoire de l’Amérique.

Le succès de James JOHNSON dans ses moissons de peaux indiennes poussa l’Etat voisin de Chihuahua à décréter sa propre loi sur ce type de commerce, déterminant toute une palette de prix pour les scalps des mâles, des femelles et des petits, en une application cynique de l’économie d’un génocide. L’un des premiers à réclamer ses primes fut un ancien épicier de New York City devenu trafiquant de fourrures, nommé James KIRKER. Aussi appelé « Don Santiago » par les Mexicains, d’origine Irlandaise né en Amérique, cet homme de la frontière et sa compagnie de tueurs constitueront une plaie pour l’Apacherie pendant onze ans, lancés dans une féroce course à la fortune. Bien que KIRKER fût un homme éduqué, et un ancien compagnon de gens aussi connus dans le commerce de la fourrure que William ASHLEY et Jedediah SMITH, ce n’était qu’un mercenaire de la plus basse espèce, dont la soif de sang n’était surpassée que par son avidité de pouvoir. Traînant vers le Mexique au milieu des années 1820, KIRKER avait posé des pièges, il avait cherché de l’or, et fait du commerce avec les Indiens dans cette vaste région entre sa demeure à Janos, Chihuahua et les mines de cuivre du Nouveau Mexique. Avec beaucoup de nerf, et encore plus de chance, il était parvenu à gagner la confiance des Indiens. Ces Indiens allaient avoir de bonnes raisons pour regretter l’amitié qu’ils avaient vouée à ce Yankee pervers. Le massacre de JOHNSON entraînant une révolte indienne, KIRKER réalisa vite que ses chances d’être à nouveau le bienvenu chez eux risquaient de s’être dangereusement amincies, et il décida d’anticiper une attaque éventuelle en frappant les Apache le premier. Rassemblant une bande de durs à cuire qui incluait des trappeurs Français et Anglais, un Noir, deux Hawaïens et plusieurs braves guerriers Delaware et Shawnee, KIRKER lança un raid sur un village Indien, tôt le matin au printemps de 1837, et rapporta dans ses fontes cinquante cinq scalps de guerriers, en plus de la haine de ses anciens amis. Ainsi, lorsque le Chihuahua ratifia sa propre loi sur la chasse à l’Indien, KIRKER avait l’expérience et la réputation nécessaire pour rallier d’autres salopards à sa compagnie. En Avril 1839, il avait déjà obtenu de l’Etat la promesse d’une prime totale de cent mille Pesos pour financer sa guerre contre les Apache. En dépit d’un politique Mexicaine capricieuse et des paiements très intermittents pour ses services, KIRKER harcelait les tribus de Janos à Santa Fe, les traquant jusque dans leurs repaires les plus reculés, et leur engageant une poursuite implacable après chacune de leurs déprédations. En Septembre 1839, KIRKER surprit une bande à Rancho de Taos, au Nouveau Mexique, et en abattit quarante en l’espace de quelques heures à peine. Il répéta cet exploit en Février 1840, en déferlant sur un camp au Sud-Est de Chihuahua et en enlevant quinze scalps de la tête des morts, alors que quarante prisonniers étaient emmenés vers le marché aux esclaves local.

Pendant que KIRKER semait la terreur parmi les Apache et dans leurs rancherias, une caravane de chariots de marchandises et appartenant au marchand américain Albert SPEYER, cheminait péniblement vers le Sud près de Santa Fe, au printemps de 1841. Elle emportait avec elle une recrue potentielle pour KIRKER en la personne du jeune James HOBBS. Ce vaurien de vingt-quatre ans, originaire du Missouri, avait déjà survécu à quatre ans de captivité parmi les Comanches, et il s’y connaissait en combats contre les Indiens.

HOBBS joignit la caravane à Santa Fe, en direction du Sud le long du Rio Grande, vers El Paso et Chihuahua. Il reçut son baptême de chasseur de scalps pendant le voyage. Une caravane de 75 chariots pleins à craquer de marchandise de traite, plus 750 mules, ne pouvaient qu’attirer des pillards Indiens, et lorsqu’elle s’arrêta pour camper du côté Nord de l’aride Jornada del Muerto juste au-dessus d’El Paso, ils firent fuir tous les animaux excepté quelques douzaines. HOBBS partit à cheval à leur poursuite avec quelques hommes et attaqua les Indiens huit jours plus tard, au campement et pendant qu’ils dormaient. Neuf Apache tombèrent sous les balles des Blancs, et le reste s’échappa dans les buissons. Les compagnons Indiens de HOBBS s’empressèrent de peler la toison des braves morts. De retour vers la caravane avec le bétail récupéré, il obtint la promesse de SPEYER qu’ils recevraient une prime en arrivant à Chihuahua. C’est là que HOBBS réalisa qu’il y avait de l’argent à faire dans la lutte contre les Indiens, et veilla à récupérer d’autres trophées pendant que la caravane campait à nouveau à la sortie de la Jornada en arrivant vers Dona Ana, Nouveau Mexique, sur la rive Est du Rio Grande. Alors qu’il montait la garde cette nuit-là, HOBBS devina un mouvement dans l’ombre, et il aperçut un Indien s’approcher subrepticement du troupeau de mules. Le Missourien portait un fusil de chasse dont les deux tubes étaient chargés d’une bonne dose de « pilules de galène ». Il attendit calmement jusqu’à ce que le brave fût à quelques yards de lui, et « balança quinze bonnes chevrotines dans le creux de son dos, qui le tuèrent instantanément ». HOBBS avait gardé prudemment la charge du deuxième canon pour le compagnon du rôdeur, mais personne n’apparut. C’est un SPEYER enchanté qui lui dit en plaisantant qu’il « devrait demander une augmentation de la prime pour des scalps d’Indiens comme celui-là, et celui-ci vaudrait bien cent-cinquante Dollars. C’était le plus grand Apache que j’aie jamais vu, mesurant six pieds et quatre pouces. ». Alors que les marchands venaient de quitter El Paso, HOBBS en arriva à prendre goût à ce nouveau métier de scalpeur. Il admirait l’habileté que déployait le chef Shawnee SPYBUCK ( traduction, non pas Luke SKYWALKER, mais plutôt « Jeune Espion » ), un vieux compagnon de KIRKER dans la chasse au cheveu. Au cours d’une bataille, cet éclaireur lutta tout seul contre vingt Apache et en fit tomber trois de leur selle avec son fusil, avant que le reste ne battît en retraite. Il revint à la caravane avec leurs scalps qui pendaient au bout d’un bâton, pour les montrer à SPEYER. L’équipe passa l’automne 1841 dans la ville de Chihuahua, pendant que les marchands vendaient leur bétail et se préparaient pour le voyage du retour. James KIRKER apparut en ville et commença à recruter pour sa compagnie. Très vite, SPYBUCK rejoignit son ancien employeur et notre jeune et fougueux HOBBS décida de s’enrôler lui aussi. Pas moins de soixante-dix Shawnees et presque une centaine d’Anglos rejoignirent les chasseurs de scalps pendant que « Don Santiago » se préparait pour une grande expédition. Les Apache le devancèrent. Au début de 1842, ils attaquèrent une caravane au Nord de la ville et tuèrent tout l’équipage, sauf un homme. Le survivant parvint au camp de KIRKER pour apporter la nouvelle, et les hommes de ce dernier se mirent immédiatement en selle pour donner la chasse. Après une chevauchée de trois jours, ils arrivèrent au campement des pillards et trouvèrent les braves, ivres-morts d’avoir bu l’alcool qu’ils avaient volé dans les chariots. Les scalpeurs encerclèrent le camp et attaquèrent silencieusement au couteau et à la hachette. Seuls quelques coups de feu furent tirés, pendant que les guerriers complètement saouls mouraient dans leurs couvertures. Quand ce fut fini, quarante-trois jeunes forts étaient étendus parmi les cendres de leur campement. « Les Shawnees les scalpèrent tous immédiatement », se rappela HOBBS plus tard « et SPYBUCK se chargea d’entretenir les trophées macabres, en les enduisant de sel pour les conserver jusqu’à ce que nous retrouvions le gouverneur et qu’il nous donne l’argent de la prime. » C’est pas moi, c’est l’autre, dit-il, mais on voit que rien n’a changé chez les sauvages. Aujourd’hui, on a les génocides africains entre les Schmutzig et les Toutous. Sauf que ceux-là ne se scalpent pas, ils se balancent du haut des ponts ou se découpent entre eux à la machette. KIRKER apprit qu’un autre gros campement d’Apache se trouvait à quelques jours de voyage et proposa de les attaquer eux-aussi. La compagnie se dirigea donc allègrement vers le Nord en direction des sierras, sous le Rio Grande, laissant ses dernières victimes aux loups et aux coyotes. HOBBS dit plus tard que « chaque homme était armé d’un fusil et d’une paire de six-coups, et nous étions tous confiants dans ce qui allait se passer » Si cette histoire se déroule vraiment en 1842, je ne sais pas de quels six-coups il veut parler. Parce que l’arme de poing tirant six coups la plus connue dans cette partie du globe n’était pas encore sortie, que ce soit le Colt 1847 ou le 1851, et que le Paterson, qui n’était d’ailleurs pas tellement fiable, n’en tirait que cinq. Les gens avaient plus souvent des poivrières, et le silex était encore courant. Notre HOBBS était donc aussi menteur que salaud.

La chance du capitaine des scalps tint bon et, en donnant l’assaut sur les bords du Lac Guzman au petit matin, ses hommes détruisirent le village et ramassèrent cent trente neuf nouvelles peaux pour le trésorier payeur de monsieur le gouverneur. La carrière macabre de KIRKER continua florissante pendant plusieurs années encore, alors qu’il chassait l’Apache à travers les étendues sauvages du Chihuahua. En 1845, il revint d’une campagne en rapportant dix-huit captifs et cent quatre vingt deux scalps. Le mois de Mars 1846 le vit sur la frontière Nord-Ouest du Sonora, où il ratissa les villages des chefs Jose CHATO et MATURAN. Le 07 Juillet de cette année-là, ses hommes défirent le chef REYES près de Galena, prétendant rapporter son scalp et cent quarante huit autres après une boucherie sans merci. Les scalps préparés furent pendus sur la façade de la grande cathédrale de Chihuahua pour célébrer ce triomphe. Amen. La déclaration de guerre contre les Etats Unis, et la lenteur du gouvernement local à lui payer les primes qu’il lui devait, poussèrent KIRKER à déserter ses patrons. En Décembre 1846, il quitta le pays en fuyant, avec à ses trousses une prime de dix mille Dollars fixée par les autorités pour quiconque le ramènerait. En guise de représailles, KIRKER chevaucha vers le Nord en direction d’El Paso et rejoignit les volontaires Missouriens du Colonel Alexander DONIPHAN alors qu’ils se préparaient à envahir la province de Chihuahua. A la fin de la guerre, il bricolait par-ci par-là, tantôt en guidant les émigrants, tantôt comme éclaireur pour l’U.S. Army au Mexique, et tantôt en chassant un peu le scalp en solitaire. En 1850, il partit vers l’Ouest en Californie et, en l’espace de trois ans, y mourut d’alcoolisme.

Alors que KIRKER avait quitté la profession en 1850, ses émules ne tardèrent pas à se retrouver sur le terrain. La fin de la guerre contre le Mexique et la découverte d’or en Californie activait le flot d’émigrants et d’aventuriers à travers le Sud-Ouest américain et la frontière Nord du Mexique. Les nouveaux venus provoquèrent de la part des Apache des actes de sauvagerie encore plus grands qu’avant, ceux-ci les voyant comme une nouvelle vague d’envahisseurs qui violaient leur territoire. Beaucoup de ces argonautes, en atteignant le Rio Grande à El Paso ou Presidio, se rendaient compte que leur porte-monnaie était vide. Par nécessité, certains s’orientèrent donc vers le commerce du cheveu pour gagner de quoi continuer le voyage jusqu’en Californie. En 1850, les gouvernements de Chihuahua, de Sonora, de Durango et de Coahuila avaient tous décrété des variantes de la Ley Quinto, la Cinquième Loi. Essentiellement des répétitions des vieux statuts sur la chasse aux scalps, les nouvelles lois resteraient en application jusqu’en 1886. Comme avant, des récompenses étaient proposées à la fois pour les scalps et pour les prisonniers, avalisant ainsi un meurtre en masse et un esclavage pour combattre la menace des Indiens. Rien que pour l’année 1849, l’Etat de Chihuahua dépensa dix sept mille huit cent quatre vingt seize Pesos en primes, et le commerce continuait de fleurir.

De nouveaux hommes ne tardèrent pas à signer des contrats pour parcourir la frontière à cheval à la recherche de primes. La « vermine rouge » promettait une fortune pour ceux qui voulaient associer la soif de sang à l’avidité. Deux des pires de ces nouveaux adeptes sortirent des rangs des Texas Rangers. Au cours de carrières aussi courtes que sans pitié, ils apportèrent de nouvelles dimensions à l’horreur de ce type de commerce. L’un des premiers à se distinguer fut Michael H. CHEVAILLE, un vétéran des Texas Rangers qui avait accompagné le Général Zachary TAYLOR dans sa charge vers l’intérieur du nord du Mexique, au cours de la guerre qui venait de finir. Ce CHEVAILLE attrapa la fièvre de l’or et forma une caravane d’immigrants à San Antonio pendant l’été de 1849. A court de fonds, ils choisirent d’aller à la chasse aux scalps au Mexique pour financer leur voyage et continuer vers l’Ouest. CHEVAILLE se battit à plusieurs reprises avec les Apache et les Comanches dans l’ouest du Texas et au Chihuahua. Un article de journal crédita même sa bande de la mort de quarante Indiens et de la capture de deux cent prisonniers au cours d’une bataille à la mi-Juillet. Le Texan fut heureux de toucher l’argent de la récompense, et reprit sa route vers le Pacifique. En Octobre, ses affaires s’étaient écroulées et peu de temps après, il tomba dans une dépression qui se termina en suicide.

L’un des concurrents de CHEVAILLE était d’une autre trempe, et ne manqua jamais de crier le décompte de ses victimes sous tous les toits. Comme CHEVAILLE, John Joel GLANTON avait servi au Mexique, mais même avant cela, il avait déjà acquis une funeste réputation. Un événement bien typique eu lieu dans un saloon de San Antonio un jour de 1846, quand GLANTON et un autre de ces hommes de la frontière se disputèrent à propos de cartes. Son antagoniste dégaina un pistolet, mais celui-ci fit long-feu. Et pif, pas boum !

GLANTON sortit son gros Bowie et décapita pratiquement le joueur adverse d’un simple et unique coup de couteau. Il essuya ensuite calmement le sang de la lame sur son pantalon de peau tout graisseux, et remit l’arme dans son fourreau en disant « Etrangers ! Quelqu’un veut-il continuer la bagarre ? Si oui, qu’il sorte. Sinon, on boit ! » Personne n’osa relever le défi, et on brassa de nouveau très vite les cartes. Né en Caroline du Sud, GLANTON était arrivé au Texas alors qu’il était encore très jeune. Au début de sa vie, c’était un homme très religieux, d’une moralité rigide. Puis sa fiancée fut enlevée et assassinée par les Apache, et GLANTON se transforma en un tueur vorace et assoiffé de sang, qui se moquait de toute religion excepté celle de la poudre, de la capsule de fulminate et de la balle de plomb. Lorsqu’un jour, deux ecclésiastiques déclenchèrent involontairement sa fureur à San Antonio, il s’engouffra dans leur maison sur son cheval et tenta de les tuer avec son revolver. Leur seule faute avait été de lui rappeler qu’il avait renié sa foi. L’été de 1849 vit GLANTON marié avec une jeune Mexicaine de bonne famille, mais on le connaissait toujours comme l’homme « qui avait tué dix hommes juste pour le sport ». Cet été-là, GLANTON déserta sa jeune mariée et s’en fut recruter sa propre bande de diables fous pour le suivre vers le Chihuahua. Les trente neuf brutes battirent la campagne à travers cet Etat et les régions avoisinantes, à la recherche de leurs proies. Au canyon de Santa Helena sur le Rio Grande, l’équipe de GLANTON surprit un campement Apache et poursuivit les Indiens pendant une bataille qui dura toute la journée. A la tombée de la nuit, ses hommes avaient récolté deux cent cinquante scalps sur les braves massacrés, sur les femmes et sur les enfants. Cet automne-là, il parcourut les montagnes du Chisos dans le Texas, et réussit presque à tuer le chef GOMEZ, l’un des plus féroces dirigeants des Apache Mescaleros. GOMEZ se vengea en prenant en embuscade tous les émigrants qu’il pouvait sur la route d’El Paso. A la fin de sa première campagne au cours de cet automne sanglant de 1849, les autorités Américaines sur la frontière condamnèrent les agissements de GLANTON. Un officier supérieur se plaignit par écrit à ses supérieurs de Washington : « Une bande d’Américains s’est engagée au service de l’Etat de Chihuahua pour tuer et anéantir des Indiens… Ces hommes sont entrés récemment sur notre territoire près de Presidio del Norte, et ils ont tué et scalpé un certain nombre d’Indiens pacifiques et amicaux… ce qui a tellement exaspéré les Indiens tout le long de la frontière, que la vie de tout homme Blanc qui pourrait tomber entre leurs mains sera le prix à en payer … on ne peut s’attendre à rien d’autre qu’une hostilité générale de la part des Indiens contre les Blancs, en réaction à la conduite indigne de ces mercenaires dépravés qui portent le nom d’Américains. » Il est facile de comprendre qu’à sa seconde incursion, GLANTON trouva les Indiens bien difficiles à rencontrer. Il choisit un stratagème profitable en massacrant des campements de Mexicains isolés, camouflant les faits en du travail d’Indien. Ses hommes découpaient ensuite les scalps des pauvres paysans qu’ils venaient de tuer, dans l’intention de les faire passer pour des trophées pris sur des Indiens. C’est la faute de ces mexicons, ils n’avaient qu’à ne pas ressembler à des indiens ! La ruse paya à plusieurs reprises, mais devint bientôt suspecte aux yeux des autorités de Chihuahua, qui finirent par poursuivre GLANTON et sa bande pour meurtre. Se rendant compte que la partie était finie dans le coin, les tueurs partirent vers le Nord pour le Sonora, ne manquant pas une escarmouche en cours de route avec des Mexicains ou n’importe quels Indiens, les uns et les autres faisant l’affaire une fois qu’il n’en restait que le scalp. Depuis son nouveau quartier général qu’il avait établi dans le vieux village de Fronteras, GLANTON recruta de nouveaux hommes parmi la population grandissante de Tucson.

Une colonne du 2ème. U.S. Dragoons se trouvait à Tucson à cette époque et l’agent de GLANTON, surnommé « Crying Tom » HITCHCOCK, arriva à convaincre un jeune Bostonien appelé Sam CHAMBERLAIN de déserter de son poste de charretier pour l’armée. Lui-même un vétéran au service des Dragons lors de la guerre contre le Mexique, CHAMBERLAIN apporta à la bande de GLANTON plus que son œil averti et son bras fort. Comme il se faufilait en dehors du camp ce soir-là, un Colt Walker pendait à sa ceinture et deux étuis pour pistolets à percussion étaient accrochés à sa selle, en même temps qu’une carabine Hall à chargement par la culasse. CHAMBERLAIN se croyait un aventurier aguerri, mais il se rendit vite compte que la sauvagerie dont ses nouveaux camarades faisaient preuve, et le mépris total qu’ils montraient pour la vie humaine, étaient pour lui épouvantables. A cheval avec HITCHCOCK alors qu’ils étaient en route pour Fronteras, ils rencontrèrent un jour une bande d’Apache, et CHAMBERLAIN blessa l’un des braves avec sa Hall. Le guerrier blessé préféra se jeter du haut d’une falaise, plutôt que de leur laisser son cuir chevelu.

« Putain ! Voilà cinquante Pesos qui partent en enfer, muchacho ! » jura « Crying Tom ». « Cette saloperie de conard de nègre rouge a fait ça exprès pour nous voler ses tifs ! » De retour au camp, CHAMBERLAIN se fit accueillir vertement, mais la compagnie le garda tout de même parmi elle. Il se rendit compte que les marginaux qui la constituaient n’étaient qu’un ramassis hétéroclite de « Mexicains du Sonora, d’Indiens Cherokee et Delaware, de Canadiens français, de Texans, d’un Noir et d’un Comanche pur-sang… équipés d’une vaste collection d’armes et d’équipements variés, et d’une diversité d’habillement rarement vues dans un corps normalement organisé pour la lutte contre les Indiens. » Bien que CHAMBERLAIN gagnât le respect de ses complices scalpeurs grâce à sa carabine Hall, il regretta vite sa décision d’en avoir rejoint la bande. GLANTON continuait son pèlerinage sanguinaire, tuant et scalpant aveuglément tous les voyageurs Indiens et Mexicains qu’il trouvait à sa portée. Un jour, quatre de ses hommes furent grièvement blessés lors d’un combat et incapables de continuer le voyage, et il ordonna calmement qu’on les abattît en s’en allant plus loin sur son cheval, pendant que ses camarades les achevaient à coups de casse-têtes Apache. Ce GLANTON avait manifestement sombré dans une folie meurtrière depuis longtemps, et CHAMBERLAIN commença à se sentir comme un prisonnier du gang plutôt que l’un des membres. Au printemps de 1850, il déserta GLANTON avec trois autres et partit vers la Californie. Entre-temps, GLANTON s’était installé sur les berges du Gila. Il y assassina plusieurs Indiens Pima et s’empara du bac que ceux-ci avaient installé, avec dans l’esprit de faire fortune en escroquant les émigrants désireux de passer de l’autre côté. Cette aventure parut prometteuse un petit moment, mais sa brutalité avait rendu les Pimas fous de rage et, le lendemain de la désertion de CHAMBERLAIN, ils attaquèrent le campement, y tuant GLANTON et les compagnons qui lui restaient. Les Indiens se saisirent du corps de l’ancien chasseur de scalps et « lui taillèrent les boucles jusqu’à la pomme d’Adam ». Ce fut une juste fin pour le sauvage Blanc.

Bien que le commerce du cheveu humain persistât encore au Mexique bien après la mort de GLANTON, les détails à ce sujet manquent à partir du début des années 1850. Des flibustiers américains comme Henry CRABB ou William WALKER effacèrent la bienvenue au Mexique pour le « Norte Americano » pendant une dizaine d’années, envisageant d’y graver leur empire privé en s’emparant de parties du Chihuahua ou du Sonora. Les primes pour les scalps restaient en vigueur, et des chasseurs Mexicains comme Juan Mata ORTIZ prirent la route, à la recherche d’Indiens. En 1860, cette pratique s’était étendue jusqu’aux Etats Unis. Cette année-là, un voyageur qui visitait l’Arizona rencontra des chasseurs de primes dont les « brides étaient brodées de cheveux humains provenant des victimes qu’ils avaient scalpées, et décorées des dents qu’ils avaient arrachées des mâchoires de femmes encore vivantes. » La tactique favorite était de laisser des provisions empoisonnées le long de pistes fréquemment empruntées par les Apache. Le résultat donnait aux couteaux des chasseurs une récolte facile et sans risques. La haine des Indiens était telle à cette époque, que les autorités américaines offrirent délibérément des primes sur tout le territoire de l’Arizona. En 1866, le journal « Miner » de Prescott annonça fièrement la formation des Yavapai County Rangers. Cette milice de trente hommes recrutait pour un service de quatre vingt dix jours, sous les ordres du chasseur d’Indiens Thomas HODGES. « Une coquette somme est allouée pour l’équipement, et aussi pour les scalps d’Indiens » pouvait-on lire dans le « Miner ». Une troupe de théâtre amateur réunit vingt cinq Dollars comme prime pour les Rangers, et on promit un scalp d’Apache à chaque femme de la compagnie théâtrale, en guise de remerciement de la part de la milice. Les Rangers coincèrent une bande d’Apache dans un canyon au Nord de Prescott, et abattirent vingt trois hommes, femmes et enfants. « Hourrah pour les Yavapai Rangers ! »exultait le « Miner ». « Nous sommes heureux de savoir que nos Yavapai Rangers ne se sont pas préoccupés de faire de prisonniers chez ces peaux-rouges sanguinaires. » Alors que certains tueurs d’Indiens préféraient leurs vieilles pétoires, des armes neuves arrivaient du Sud-Ouest pour les aider dans leur campagne contre les Apache. Le célèbre « Sugar-foot Jack » préférait son Colt Dragoon en .44 pour abattre ses proies, mais l’été 1863 vit des carabines à répétition Spencer passer à travers le territoire, lesquelles gagnèrent l’approbation immédiate de tous les hommes de la frontière qui en voyaient une. En 1868, le James HOBBS vieillissant donnait toujours dans le commerce du cheveu humain, et il se servait à la fois de la Spencer et d’une Henry à répétition en .44 annulaire. Un jour de cette année-là, il ramena un paquet de neuf scalps dans Fort Buchanan et proposa de signer un contrat avec le gouvernement pour en rapporter plus sur le territoire.

Le Gouverneur John M. GOODWIN et son successeur, A.P.K. SAFFORD étaient tous les deux en faveur d’une élimination de la menace Indienne aussi rapide que possible de l’Arizona. Entre 1869 et 1877, le gouvernement d’Etat reçut presque un millier de Springfield en .45-70 et en .50-70 du gouvernement fédéral. Un autre lot de cinq cent Sharps et Spencer à chargement par la culasse entra également dans l’arsenal d’état pendant cette période. Les armes furent librement distribuées parmi les citoyens, et elles eurent leur place dans les plus violents assauts contre les Indiens.Putain ! Tu imagines un peu ce que cela serait en France si on donnait gratuitement comme ça des .50-70 à tous les braves gens qui voudraient éliminer la vermine ratagasse ? Je vois bien ces gros morceaux de plomb pur, généreusement frottés à l’ail pour être bien sûr que ça s’infecte sur les blessés, en même temps que le saturnisme, les résidus de salpêtre et de soufre de la poudre noire, et puis aussi pour être sûr qu’ils ne reviennent pas du monde des morts, qui entreraient méchamment dans le corps de tous ces mauricots en leur brisant les os. Ouah ! Ouah ! Au mois d’Avril 1871, le Lieutenant Royal E. WHITMAN du 3ème U.S. Cavalry avait réussi à rassembler plusieurs centaines d’Apache pacifiques dans une réserve à Camp Grant, à quelques cinquante miles au Nord-est de Tucson. La présence des Indiens dérangeait trop les colons du coin, et ils décidèrent de passer à l’action. On sortit des caisses entières de Sharps et de Spencer des magasins du Gouverneur SAFFORD, et on en dota une troupe de cent quarante Blancs, Mexicains, et Indiens Papago. Au matin du 30 Avril, ils s’abattirent sur les Indiens sans défense et s’appliquèrent à les massacrer. Lorsque tout fut fini, pas moins de cent vingt cinq Apache gisaient sur le sol, morts. On ne compta parmi eux que huit hommes, et des douzaines d’enfants avaient été emmenés vivants pour être vendus sur le marché aux esclaves de l’autre côté de la frontière. Ce fut-là l’une des atrocités les plus graves commises dans l’histoire de la frontière Américaine. La haine et l’avidité s’étaient combinées dans le massacre de Camp Grant, et déclenchèrent une nouvelle Guerre Indienne en Arizona. A l’Est, les choses n’allaient pas mieux. Au Nouveau Mexique, l’agent chargé de la réserve Apache de Canada Alamosa, se plaignit que « des bandes qui viennent du Chihuahua et qui touchent des primes pour les scalps d’Indiens, sont aussi autorisées à chasser l’Indien sur le Territoire ( du Nouveau Mexique ). Il y a quelques jours, une petite troupe venant de Janos au Chihuahua a failli attaquer ces Indiens… Il sera impossible d’établir une paix permanente avec ces Indiens si on permet à des bandes incontrôlées de venir de l’Ancien Mexique pour errer comme elles le veulent et venir attaquer tous les Indiens qu’elles vont trouver, où et quand elles le voudront, et en toutes circonstances. Les gens, eux aussi, qui chassent les Indiens pour les quelques malheureux Dollars qu’ils reçoivent pour un scalp… Un Indien pacifique vaut… autant qu’un autre. » Le carnage continuait à s’étendre depuis l’ancien Mexique. A la fin de l’automne 1871, une troupe de scalpeurs quitta Presidio del Norte sur la frontière et pénétra dans le nord du Texas, aussi loin que les ruines de Fort Lancaster, sur les berges du Pecos. Il se heurtèrent à une bande d’Indiens et tuèrent deux braves. Dix squaws et enfants furent ramenés comme un troupeau à Presidio. De là, « ils furent acheminés vers Chihuahua, où le gouvernement paye une récompense de soixante quinze Dollars par tête. Les scalps rapportent deux cent cinquante Dollars. Ces Mexicains abordent la question Indienne avec raison. » pouvait on lire dans le journal « Austin Democratic Statesman ». Démocratique à sens unique, comme aujourd’hui en France entre les « corrects » d’un côté, et le reste de l’autre. Rien n’a changé ; tout est relatif. L’attitude des Texans était partagée par les gens de la frontière, plus loin vers le Nord au fur et à mesure qu’ils se heurtaient aux tribus autochtones de la région. Un citoyen de Denver sur le Territoire du Colorado, offrit une prime de dix Dollars par scalp de guerrier. A Central City, les colons réunirent une somme de cinq mille Dollars pour l’achat de scalps à vingt cinq Dollars la pièce.

Mais le Mexique restait le centre de l’industrie du scalp au fur et à mesure que passaient les années 1870. Le transporteur Texan August SANTLEBEN se rappelle qu’en visitant Chihuahua city en 1874, il avait trouvé que la prime de deux cent cinquante Dollars avait toujours cours.  Le Gouverneur Luis TERRAZAS était déterminé à tuer ou jeter en dehors de l’Etat tous les Apache qu’il restait dans les collines. Un jour, SANTLEBEN y vit une bande d’Apache pacifiques défiler dans les rues, de retour d’une expédition contre des hostiles. Les braves portaient fièrement de longs bâtons aux bouts desquels ils avaient fixé des scalps d’autres Apache. Derrière eux marchaient les femmes et les enfants qui avaient été faits prisonniers sur la bande attaquée, et destinés à être vendus comme esclaves. Les braves citoyens bien pensants passèrent le restant de la journée à faire la fête, pendant que les Indiens ramassaient l’argent que le gouvernement leur devait pour leurs trophées.

Les Mexicains et leurs alliés Indiens étaient parfois organisés en milices, armées par le gouvernement, mais se chargeant eux-même de leur paye avec les primes ramassées pour les scalps. Les « Nacionales », comme on les appelait, fournissaient leurs propres armes ou portaient les fusils et carabines à chargement par la culasse Remington d’ordonnance en 11 MM utilisés par l’Armée Mexicaine. La République du Mexique avait aussi acheté des lots de carabines Spencer en .56-50 annulaire et des Winchester en .44-40. Les armes de poing d’ordonnance étaient les Smith & Wesson en .44 annulaire et en .44 Russian. Des quantités moins importantes de Colts et de Remington en .45 étaient également en dotation chez les miliciens. Les « Nacionales » étaient des hommes hardis et de bons combattants lorsqu’ils étaient convenablement menés. Un Texas Ranger qui travailla quelque temps avec les Chihuahenos fit d’eux cette description : « Des cavaliers, bien armés de pistolets et de carabines Remington, portant de bons uniformes et montés sur des animaux de même taille et à la robe foncée. L’infanterie était composée d’Indiens provenant de l’intérieur du Mexique. Ceux-là portaient aux pieds des sandales de cuir et ils étaient armés de fusils Remington. Chaque soldat portait deux cartouchières contenant cent cartouches. J’étais impressionné par le peu de bagage et de rations que portaient ces hommes. En marche, chaque homme avait un petit sac de toile contenant environ un quart de farine de maïs, adouci avec un peu de sucre, et une cuiller de cette mixture mélangée à une pinte d’eau leur faisait un bon repas. Ce peu de bagages et de rations leur permettait de se déplacer rapidement. L’infanterie n’avait aucun mal à garder la cadence avec la cavalerie pendant la marche, et en terrain difficile, elle progressait plus vite que les hommes à cheval. » Les « Nacionales » prirent une place importante dans l’une des dernières grandes révoltes Indiennes du Sud-Ouest. En Août 1879, le chef Apache VICTORIO s’enfuit de la réserve de Warm Springs, Nouveau Mexique, et mena sa suite dans une série de pillages qui allaient laisser les deux côtés de la frontière en révolte pour l’année à suivre. VICTORIO lançait ses raids de façon répétée à la fois au Mexique et aux Etats Unis, tuant les hommes et volant les chevaux et les provisions pour subvenir aux besoins de sa rébellion. Ni les troupes Mexicaines, ni les troupes Américaines, ne purent jamais garder sa trace assez longtemps pour se rapprocher de lui quand il se retirait dans ce sanctuaire qu’étaient les montagnes au Nord du Chihuahua. En Septembre 1880, le gouvernement du Chihuahua offrait une récompense de mille Dollars rien que pour le scalp de VICTORIO, et l’offre était affichée des deux côtés du Rio Grande. Le Colonel des « Nacionales » Joaquin TERRAZAS mit son régiment en marche, déterminé à vaincre VICTORIO. TERRAZAS, lui-même un ancien scalpeur, fut rejoint par Juan Mata ORTIZ, un autre expert dans ce genre d’affaires. Après une longue poursuite, ils coincèrent la bande de VICTORIO à Tres Castillos et donnèrent l’assaut au campement le 15 Octobre. Le fusilier Mauricio CORREDOR tua le chef Indien au cours de la bataille et, à la fin de celle-ci, les hommes de TERRAZA revendiquaient soixante seize scalps et soixante six prisonniers pour le marché aux esclaves. Le Colonel rassembla dix sept mille deux cent cinquante Dollars pour les scalps, et dix mille deux cent Dollars pour la bande de captifs. CORREDOR réclama la prime pour les cheveux de             VICTORIO, et le gouvernement reconnaissant lui offrit un superbe fusil Sharps entièrement nickelé. Pendant les six années suivantes, des révoltes Indiennes du même type s’allumèrent de façon répétitive au Mexique et aux Etats Unis, des durs comme JUH, NANA et GERONIMO menant leurs braves dans de derniers et amers combats contre leurs ennemis. GERONIMO revendiqua le scalp de Juan Mata ORTIZ en 1882, et CORREDOR mourut au cours d’une attaque mal lancée contre des éclaireurs Apache de l’U.S. Army en 1886. La dernière des grandes guerres Apache se termina par la défaite finale de GERONIMO à la fin de cette année-là. Des poches de résistance d’hostiles survivraient bien encore dans le désert montagneux du Mexique jusqu’au vingtième siècle, mais le temps des chasseurs de scalps était révolu pour toujours des deux côtés de la frontière. Les historiens s’accordent pour dire que le commerce du cheveu humain prolongea plus les violences entre les Blancs, les Indiens et les Mexicains, que tout autre facteur. L’avidité et la haine nourrirent chaque côté sans relâche pendant cinquante ans avant que la tragédie ne cessât. A travers elle, des armes comme le revolver Colt, la carabine Spencer et le fusil Hawken portèrent le fardeau macabre que leur avait donné le travail de leurs propriétaires. Bien que de moindre importance, c’est aussi une autre tragédie pour cette époque qu’aussi longtemps que la Ley Quinto resta en vigueur, des armes bien huilées et polies pour leurs tâches sanguinaires aient été portées par des hommes dont la conscience était piquée de rouille. Ouf ! Bon et moi, maintenant, je vais aller prendre un pot. J’avais rendez-vous chez le coiffeur, mais après avoir lu cette histoire, je préfère attendre encore un peu. C’est un Indien…

LE ROI DES CHASSEURS DE SCALPS

Traduction d’un article de Michael MARSH paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1993

Un jour d’été 1848, l’aventurier Anglais George Frederick RUXTON arrivait à cheval sur la place centrale de Chihuahua City, Chihuahua, Mexique, et il fut frappé par une vision macabre. Pendant comme des ornements funestes sur la façade de la cathédrale, des scalps, de longs scalps noirs d’Apache, se balançaient doucement dans la brise du désert. RUXTON en compta cent soixante dix en tout et, sans cacher son dégoût, écrivit dans son livre « Aventures à travers le Mexique et les Montagnes Rocheuses » que « les Apache avaient été récemment massacrés traîtreusement et de manière inhumaine par des chasseurs d’Indiens payés par l’Etat. Les scalps d’hommes, de femmes et d’enfants ont été apportés en ville au cours d’une procession, et suspendus comme des trophées, cette situation montrant la valeur et l’humanité Mexicaine. » Ces « chasseurs d’Indiens » étaient conduits par James KIRKER, un Irlandais qui avait vécu vingt ans au Mexique. Il avait été engagé par le gouverneur du Chihuahua, Angel TRIAS, comme chasseur indépendant d’Indiens, et il était payé deux cent Pesos d’argent par scalp. Les scalps qui décoraient la cathédrale avaient appartenu à la bande Apache du chef REYES, lequel avait été écrasé près de Galena dans le Nord du Chihuahua, au début du mois de Juillet. A l’époque de la visite de RUXTON, les Apache terrorisaient le frontière Nord du Mexique depuis presque un siècle. Lançant des raids gratuits, pillant villages et ranches et assassinant des milliers d’habitants. A l’époque où les colons américains se battaient pour leur indépendance, les Espagnols essayaient de mener une guerre contre les Apache. Mais les Espagnols se rendirent compte que leurs stratégies et leurs tactiques classiques étaient inefficaces contre les Apache, lesquels étaient d’excellents combattants de guérilla qui évoluaient dans leur propre élément. Malgré quelques victoires isolées obtenues par les Espagnols, les campagnes manquaient généralement de résultats durables. Après la Révolution Mexicaine de 1821, un climat de politiques turbulentes laissa les nouveaux régimes encore moins capables de gérer le problème. Situé à un millier de miles plus au Sud dans la ville de Mexico City, le gouvernement central était peu disposé à apporter de l’aide, qu’elle fût d’ordre financier ou militaire, pour protéger les citoyens, et préférait laisser le problème aux Etats eux-mêmes. Le sang continua donc de couler sans espoir d’amélioration, et la vie et le commerce sur la frontière en arrivaient au point mort. Les ranches étaient délaissés, les mines abandonnées. En fait, des colonies entières devinrent des villes fantômes. Même les habitants des villes n’étaient pas en sécurité : de 1832 à 1849, quelques deux cent personnes furent massacrées par les Apache dans les rues de Fronteras, Sonora, et des citoyens étaient assassinées de façon routinière dans la ville et autour, de Chihuahua City.

Au printemps de 1831, en réponse au mécontentement grandissant des citoyens, le Président du Mexique envoya le Colonel José Joaquin CALVO prendre le commandement militaire de la région en colère. Soldat et administrateur compétent, CALVO devint gouverneur du Chihuahua en Septembre 1834. Il tenta d’abord de résoudre le problème en essayant de faire la paix avec les Indiens. Quand cette stratégie échoua, il lança une campagne militaire contre eux. Celle-ci se solda par aussi peu de succès qu’avec les Espagnols cinquante ans plus tôt. Les troupes Mexicaines, d’abord mal entraînées et sous-payées, furent vite démoralisées et mises en  déroute par les Apache, qui frappaient comme un feu de brousse et disparaissaient comme la fumée. Désespérés, les dirigeants mexicains reprirent les vieilles pratiques des Espagnols, en payant une prime pour les cuirs chevelus d’Indiens. En Septembre 1835, l’Etat de Sonora décréta le Proyecto de Guerra, lequel offrait cent Pesos pour le scalp d’un guerrier Apache. Ce n’était pas une petite somme dans les années 1830. En guise de stimulation, le chasseur de scalps pouvait garder tout le bétail ou ce qu’il avait pu piller en ramassant ses scalps. Au cours des années 1830, des troupes entières de trappeurs américains oeuvraient dans le désert tout autour du Rio Grande, où les cours d’eaux recelaient de riches récoltes en peaux de castors. Lorsque le marché de la fourrure s’écroula dans la deuxième moitié de la décade, cependant, beaucoup de ces trappeurs se rendirent compte qu’ils avaient besoin d’une nouvelle source de revenus. La nouvelle loi du Sonora sur les scalps étant prometteuse en matière d’activité lucrative, nombreux furent ceux qui choisirent de délaisser la chasse aux fourrures au profit de la chasse aux scalps.

Au Nouveau Mexique traînaient à cette époque-là plusieurs opportunistes, parmi lesquels un homme originaire du Kentucky et s’appelant John James JOHNSON. On a décrit JOHNSON de plusieurs manières, soit comme un homme des montagnes, soit comme un marchand de mules, soi comme un négociant en argent. Il choisit apparemment d’ajouter la chasse aux scalps à cette palette de métiers. Une bande d’Apache Mimbreño, conduite par le chef Juan José COMPA, avait suscité une colère considérable au Mexique. Après avoir lancé des raids dans Sonora et Chihuahua, Juan José et ses guerriers se retirèrent dans les contrées sauvages du Nouveau-Mexique, où ils avaient pu rester jusque là sans être poursuivis. JOHNSON, en compagnie de seize autres Américains, la plupart des trappeurs et d’autres aventuriers de la frontière, s’en furent à cheval, à la recherche des Apache. Le gouverneur du Sonora avait promis un bonus supplémentaire à JOHNSON s’il arrivait à lui rapporter le scalp de Juan José lui-même. En Avril 1837, JOHNSON et ses hommes repérèrent le campement de Juan José, constitué d’une centaine d’Indiens, dans les montagnes Anima dans le Sud-Ouest du Nouveau-Mexique. A cette époque, les Apache ne considéraient pas encore les américains comme leurs ennemis. Dans l’ensemble, ils avaient été tolérants avec les trappeurs Anglos, et en fait ils commerçaient souvent avec les Blancs, échangeant du bétail, spécialement des mules, qu’ils avaient pris lors de raids au Mexique, pour des armes, de la poudre, du plomb, des couteaux, du whisky et autres. C’est dans cet esprit que Juan José accueillit les américains dans son camp, pensant sans doute à faire un peu de troc. Mais JOHNSON avait autre chose en tête. Il était d’usage courant que les Blancs fassent des cadeaux avant une séance de troc, et JOHNSON avait déposé un peu plus tôt dans une clairière un sac de piñole, une farine de maïs très prisée par les Apache. Sur le côté, soigneusement caché sous un tas de selles et d’équipement, un petit canon avait été pointé directement sur le piñole. Le canon avait été chargé de bouts de fer, de clous, et de morceaux de chaînes. JOHNSON invita les Apache à se servir en piñole et, lorsqu’une foule d’hommes, de femmes, et d’enfants se fut rassemblée autour du sac, il approcha son cigare de la lumière du canon, lequel vomit horriblement et frappa les Indiens de plein fouet, comme un orage de grêle venant de l’enfer. Beaucoup furent tués, et beaucoup plus furent atrocement blessés. En ce qui concerne Juan José, JOHNSON et l’un de ses lieutenants avaient pris à part le chef qui ne se souciait de rien, sous un prétexte amical, et c’est là qu’ils l’assassinèrent. Lorsqu’on lui présenta les scalps, spécialement celui de Juan José, le gouverneur du Sonora jubilait. Avec le premier succès du Proyecto de Guerra, l’Etat du Chihuahua ne tarda pas décréter une mesure similaire. Le Chihuahua payerait cent Pesos pour le scalp d’un Apache, cinquante pour celui d’une squaw et, pour qu’il ne grandisse pas et ne devînt ainsi un trublion, vingt cinq Pesos pour celui d’un enfant de moins de quatorze ans. On s’en doute, l’incident ne fit rien pour améliorer les relations entre Apache et Américains. Tout ce qui eût pu exister de confiance entre ces races auparavant fut réduit à néant.

Une fois remis du massacre, les Apache enragés recommencèrent à verser le sang pour se venger et cette fois, les américains ne furent pas épargnés. La région du Santa Rita del Cobre abritait les mines de cuivre les plus riches du Sud-Ouest. Ouvertes vers 1800 par les Espagnols, les mines se trouvaient au Sud de la rivière Gila, en plein milieu du territoire Apache, à côté de ce qui est aujourd’hui Silver City, Nouveau-Mexique. Déjà en 1806, les mines produisaient jusqu’à dix tonnes de minerai par jour, mais il n’y avait pratiquement pas un jour qui passât sans une attaque Apache, et garder les mines en opération était un combat permanent. Le chemin menant à Santa Rita était une piste allant vers le Sud-Est vers la ville de Chihuahua City et traversant le village Mexicain de Janos. C’était par là que passaient les caravanes de mulets, appelées « conductas », pour apporter les vivres de la ville vers le Nord, et transporter le minerai vers les fours dans le Sud, au Nord de la province du Chihuahua. Malheureusement, la route croisait une piste de guerre Apache, et les « conductas » faisaient constamment l’objet d’attaques. Lorsqu’en 1827, les mines de Santa Rita passèrent sous la direction de Robert Mc. KNIGHT et Stephen COURCIER, les Apache avaient ralenti leurs attaques. Mc. KNIGHT et COURCIER étaient des Américains venus de St. Louis, qui arrivèrent à exploiter les mines avec succès pendant une dizaine d’années, les transformant en des entreprises assez profitables. Vers 1837, ils récoltaient jusqu’à 2 000 $ par jour. Cette prospérité avait été rendue possible grâce aux efforts d’un homme, James KIRKER, que Mc. KNIGHT et COURCIER avaient engagé comme chef de leur service de sécurité.

KIRKER était de descendance écossaise et irlandaise, il était né à Belfast en Irlande du Nord, en Décembre 1793. Il arriva aux Etats–Unis à l’age de seize ans, et fit la guerre en 1812. Plus tard, il se rendit à New-York City, où il se maria, eut un fils, et devint épicier. En 1817, KIRKER abandonna sa famille et quitta New-York, se dirigeant vers St. Louis, où il épousa de nouveau le métier d’épicier. Cinq ans plus tard, il montait à bord d’un bateau, probablement l’expédition ASHLEY-HENRY, et remonta la rivière Missouri vers le Lointain Ouest. Là, KIRKER posa des pièges pour les castors et se battit contre les Indiens, revenant de temps en temps à St. Louis pour surveiller son magasin et s’occuper des affaires. En 1824, il accompagnait les caravanes de marchands vers Santa Fe, et posait des pièges comme trappeur au fin fond du Nouveau Mexique. Les années suivantes virent KIRKER rejoindre des expéditions de trappeurs à Bent’s Fort, et travailler sur la région de la rivière Gila, allant aussi loin vers l’Ouest que sur la rivière Colorado. En 1825, il devint citoyen Mexicain et fit bientôt de Santa Rita son quartier général. Mc. KNIGHT et COURCIEr faisaient partie de ses amis depuis St. Louis, et les mines se trouvaient près des territoires où il posait ses pièges. En hiver, il faisait du trafic de fourrure. En été, il travaillait pour Mc. KNIGHT et COURCIER, dirigeant le service de garde des mines et des caravanes de « conducta ». KIRKER s’était lié d’amitié avec les Indiens au cours de toutes ses expéditions, et il était arrivé à les persuader de ne pas gêner les opérations à Santa Rita. En échange de leur coopération, il leur arrangeait des transactions au cours desquelles le bétail qu’ils volaient aux Mexicains était vendu sur les marchés de l’Est. Vers 1831, KIRKER épousa une Mexicaine, bien que sa femme fût encore à New-York, et s’installa à Janos. En 1835, il obtint un permis officiel de trappeur du gouverneur du Nouveau-Mexique Abino PEREZ. Avant cette époque, il avait piégé illégalement, chose dont les Mexicains le soupçonnaient mais qu’ils n’avaient jamais réussi à le prendre sur le fait. Ils le soupçonnaient également de trafiquer avec les Apache, un crime puni de la peine de mort. Au cours de la saison de chasse d’hiver, KIRKER découvrit que les Indiens préparaient l’attaque d’un campement de Mexicains et, peut-être pour se racheter, fit part du complot aux autorités Mexicaines. Cependant, le gouverneur CALVO, voyant l’occasion de coincer KIRKER, usa de son influence politique pour convaincre PEREZ d’annuler le permis de KIRKER, et de l’arrêter pour avoir organisé l’attaque lui-même. C’est comme dans un film de Zorro, où il y a toujours un pourri. Ca sent le Zorro. Et comme « zorro » en espagnol veut dire « renard », ça veut aussi dire que ça renarde sec. Et quand on sait comment ça sent, un renard, on dit que ça pue. Et bien. Sans se soucier de cette affaire, KIRKER partit pour Santa Fe, en emportant avec lui les fourrures prises au cours d’un hiver généreux en la matière, quand des Indiens les lui volèrent. Lorsqu’il demanda de l’aide pour récupérer ses peaux et ses mules, il s’aperçut avec surprise qu’il était lui-même recherché, avec sa tête mise à prix pour huit cent Pesos, mort ou vif. Heureusement, le soldat qui fut désigné pour le garder était un vieil ami qui l’aida à s’échapper, et il s’enfuit pour Bent’s Fort. Pendant ce temps-là, ses biens, d’une valeur de 32 900 $, finissaient dans les mains du gouverneur PEREZ, lequel empocha l’argent. Ah le salaud ! Je le savais bien, que les Mexicons étaient des tordus. Avec Pérèz, t’es de la baise, et sans chaise. Pérèz Ibèz Sanchèz ! Toutes les protestations de KIRKER ne servirent à rien. Amer, il n’oublia jamais cet événement.

Enragés par le massacre de JOHNSON, les Apache obligèrent les mines de Santa Rita à fermer. Mc. KNIGHT et COURCIER étaient convaincus que seule l’aide de KIRKER arriverait à les faire rouvrir. Vers la fin de l’été de 1837, ils lui envoyèrent un message à Bent’s Fort, où il était toujours en exil. Cette demande faisait toutefois suite à un incident qui permettrait son retour au Nouveau-Mexique. Une révolte au mois d’Août à Santa Fe se termina avec la tête du gouverneur PEREZ roulant dans le caniveau. Le nouveau gouverneur, Manuel ARMIJO, offrit l’amnistie à KIRKER et l’invita à revenir. En réponse à l’appel de Santa Rita et avant de quitter Bent’s Fort, KIRKER rassembla une armée hétéroclite de vingt et un hommes, dont beaucoup étaient des Indiens Delaware et Shawnee. Les autres étaient des hommes des montagnes d’origine américaine ou française. Il y avait un gigantesque Africain nommé « Andy ». Le lieutenant de KIRKER était un imposant demi-sang Shawnee, dont l’autre moitié était Française, qui s’appelait SPYBUCK. Tout ce que KIRKER demandait, semblait-il, était la volonté de se battre. Au fur et à mesure que la bande de racaille se dirigeait vers le Sud, KIRKER se rendait compte que ses bons rapports avec les Apache s’étaient envolés avec la fumée du canon de JOHNSON. A présent, la force restait le seul moyen de traiter avec eux.

Il connaissait un village d’environ deux cent cinquante Apache, non loin de la ville Mexicaine de Socorro. L’armée de KIRKER manœuvra en dehors du village dans l’ombre précédant l’aube et, dès les premières lueurs, frappa d’un grand coup vicieux. Comme les Indiens se levaient en vacillant de leurs couvertures, ils étaient chargés par les cavaliers, et assommés par les casse-têtes ou percés par les lances des Shawnee et des Delawares. Les hommes des montagnes firent feu de leurs fusils sur les guerriers qui atteignaient leurs poneys. Le reste des villageois s’enfuit en paniquant dans les broussailles à l’entour. En tout, les hommes de KIRKER comptèrent cinquante cinq Apache, alors qu’ils n’avaient eux-mêmes perdu qu’un homme, huit autres étant blessés. Ils capturèrent neuf femmes et quatre cent têtes de bétail. KIRKER agrippa l’un des Apache qui tentaient de s’enfuir, et lui dit de répandre la nouvelle : « Laissez les mines de Santa Rita et les caravanes de conductas tranquilles, sinon on recommence ». L’attaque eut l’effet désiré. Les harcèlements d’Apache sur les mines cessèrent. Le mot passa de bouche à oreille à travers tout le territoire, et la population auparavant accablée l’acclama comme un sauveur. Ils l’appelèrent « Don Santiago QUERQUE », « El Rey de Nuevo Mexico », le Roi du Nouveau-Mexique. L’attention que l’on portait à KIRKER pour son brillant succès resta sur l’estomac du gouverneur CALVO et déplut à l’Armée Mexicaine. Quand KIRKER se présenta à Chihuahua City avec cinquante cinq scalps, sans aucun doute il frottait le nez de certains dans des cheveux d’Apache. Mais les Mexicains avaient besoin de Don Santiago et ils le savaient. Leur armée continuait à se faire humilier par les Apache, lesquels assassinaient ouvertement des citoyens en plein jour, et tout près du palais du gouverneur. Une rapide série d’administrations d’incapables suivit la mort de CALVO en Février 1838. Puis, à l’été de 1839, des mesures plus déterminées furent prises avec le gouvernement de José Maria de IRIGOYEN, pour gérer une situation qui se détériorait rapidement. Stephen COURCIER était à présent un homme riche et influent à Chihuahua City. COURCIER se rendit chez le gouverneur avec un projet d’établir une cellule de crise dans le but de financer une armée, qui serait bien-sûr commandée par KIRKER, pour combattre les Apache. On fonderait une association qui réunirait des dons privés. Le but était d’atteindre 100 000 $. IRIGOYEN approuva son plan et chargea COURCIER de le mettre en pratique. COURCIER créa la Sociedad de Guerra Contra Los Barbaros, ou Société de Guerre Contre Les Barbares, et lança un appel à travers tout le pays ravagé pour réunir les contributions. L’argent vint de toutes parts. KIRKER reçut une avance de 5 000 $ et ne perdit pas de temps à rassembler une armée. Elle alignait cinquante hommes, comprenant les membres de son ancienne bande, renforcés de nouvelles recrues trouvées à Bent’s Fort et à d’autres endroits. Il choisit de les appeler « Old Apache Company », ou « Bonne Vieille Compagnie pour Apache ». Les hommes étaient payés un Dollar par jour, plus une part de la moitié de ce qui serait pillé. KIRKER, SPYBUCK et leur O.A.C. furent au travail avant la fin de l’été.

Se rappelant peut-être l’incident où on lui avait dérobé ses fourrures et ses mules deux ans plus tôt, KIRKER imagina un plan où un troupeau de chevaux et de mules serait utilisé comme appât pour provoquer un raid. Le stratagème fonctionna. L’histoire est relatée dans l’édition du journal New Orleans Picayune le 28 Février et le 02 Mars 1840, par Matt FIELD. Dans l’article, KIRKER est décrit comme « un homme de dispositions courageuses et téméraires à la fois ». Plus loin, il raconte comment KIRKER et ses hommes campèrent près du petit village de montagne de Ranchos de Taos et comment les Apache, sous le couvert de l’obscurité, s’approchèrent en rampant et s’emparèrent de l’appât, pensant sûrement qu’ils dévalisaient un groupe de marchands. KIRKER s’attendait à ce que les Apache, forts de quelques cent vingt braves, tenteraient de s’enfuir par un ravin qui coupait à travers la montagne. Il mena rapidement ses hommes sur les falaises et, en contournant les Apache, les déploya plus haut le long des flancs du ravin. Depuis le lieu qu’il avait choisi pour l’embuscade, on avait une vue générale de l’endroit par où passeraient les Apache. Bientôt les Apache apparurent, poussant le troupeau de bêtes volées, ignorant ce qui les attendait. Chacun des hommes de KIRKER choisit sa cible et les armes grondèrent soudain, remplissant le canyon d’une fumée bleue d’où s’échappaient les cris horribles des hommes et des chevaux. Quand la fumée se dissipa, un désordre indescriptible se déroulait en bas, avec une vingtaine d’Indiens touchés, certains se faisant traîner et d’autres piétiner par les chevaux paniqués. Les autres firent demi-tour et s’enfuirent sauvagement dans le canyon, avec l’armée de KIRKER à leurs trousses. Les Indiens fuyards cherchèrent désespérément refuge dans Ranchos de Taos. Les hommes de KIRKER les y renversèrent au sol et commencèrent à les massacrer dans les rues.

C’était encore tôt le matin, et la mêlée d’enfer tira vite de leur lit les villageois effrayés. Quelques uns des Indiens se réfugièrent dans l’église, pensant peut-être qu’ils seraient protégés par le lieu sacré. Mais les hommes de KIRKER les poursuivirent partout où ils essayaient de se cacher, et les abattirent sans façon. Le combat dura une demi-heure, et environ quarante Apache furent tués, pour deux hommes de perdus du côté de la bande à KIRKER. Dans son article, le journaliste FIELD dit de KIRKER qu’il était « brave comme un lion et un homme de grande envergure et d’une grande habileté dans ce genre de guerre ». L’armée victorieuse de KIRKER était forte de cinquante neuf hommes lorsqu’elle chevaucha par El Paso en Novembre, vers le Sud pour Chihuahua City. Bien qu’ils fussent salués en héros, ils devaient avoir un air barbare, ces hommes sauvages, barbus, avec leurs vêtements en peaux tachés de sang, les Shawnee et les Delawares à demi-nus avec leur torses ornés de rouge, certains portant une crinière noire hirsute, d’autres le crâne rasé surmonté d’un nœud dans lequel étaient lacées des plumes d’oiseau de proie. Ils portaient à leur ceinture de grands couteaux Bowie et des plus petits, des couteaux à écorcher. Beaucoup avaient un pistolet à percussion de type Kentucky, et quelques uns possédaient sûrement le nouveau Colt à cinq coups, appelé le Texas Paterson. Le casse-tête court et lourd avec lequel ils exécutaient leur travail macabre pendait à leur selle, accroché par une boucle en cuir cru. Les Indiens portaient des lances et des tomahawks bizarres. Et, posé à travers la plupart de leur selle, le gros fusil Hawken, sauf pour Andy, le géant noir, qui portait une « escopeta » chargée de chevrotines. Et là, en tête, monté sur un grand cheval bai, KIRKER lui-même, la cinquantaine et pas un petit poulet, les cheveux et la moustache grisonnants, portant un sombrero et des éperons espagnols avec de grosses et cruelles molettes. Son fameux Hawken, décoré en fantaisie au filigrane d’argent mexicain, était rangé dans son fourreau de selle. Quand la compagnie revint à Chihuahua, elle y trouva un nouveau gouverneur en place, bien qu’il portât un nom proche de celui de son prédécesseur. José Irigoyen de la O était un neveu de l’ancien IRIGOYEN et, comme son oncle, il défendait les chasseurs de scalps. Il paya rapidement KIRKER et lui prêta, à juste titre, l’arène à corridas pour que la compagnie pût y bivouaquer. Il demanda également à KIRKER d’augmenter les effectifs de son armée. KIRKLER s’exécuta et commença à recruter de nouveaux hommes. Mais les victorieux chasseurs d’Indiens, qui campaient devant tout le monde sur la Plaza de Toros, étaient la risée constante des dandy en uniforme rouge de l’Armée Mexicaine. En dépit d’une certaine rancune, les militaires ne pouvaient pas faire grand chose aussi longtemps que les hommes de KIRKER étaient efficaces.

Le problème était qu’ils pouvaient même devenir un peu trop efficaces. Selon les dispositions de l’accord signé avec la société de guerre, KIRKER avait le droit de propriété sur tout ce qu’il avait rapporté de chez les Indiens. Pourtant, les anciens propriétaires Mexicains du bétail, à présent leur terreur passée, commençaient à se plaindre et réclamaient que leur bien leur fût rendu. Des bruits se mirent à circuler, selon lesquels KIRKER prenait du bétail directement chez les Mexicains. Bien entendu KIRKER soutint le contraire, prétendant que le bétail en sa possession avait été volé par les Apache. Comme la dispute augmentait, l’opinion publique en faveur des chasseurs de scalps se mit à se détériorer, et les militaires n’hésitèrent pas à tourner l’affaire à leur avantage. Le gouverneur Irigoyen de la O mourut dans l’exercice de ses fonctions et fut remplacé en Juillet 1840 par Garcia CONDE, l’ancien Ministre de la Guerre. CONDE était issu d’une famille estimée de militaires, et l’un de ses actes fut de supprimer la Société de Guerre, décrétant qu’il était contre les intérêts nationaux que des mercenaires étrangers usurpassent le travail de l’Armée Mexicaine. CONDE se mit immédiatement à reformer sa police des frontières. Il pensait qu’une bonne démonstration de ses forces persuaderait les Apache d’arrêter leurs sévices. En essayant de négocier la paix, CONDE apprit ironiquement que la première des conditions que demandaient les Apache était l’élimination immédiate de l’armée de KIRKER. En plus de cela, on lui soumit une liste d’exigences outrageantes auxquelles CONDE n’avait pas l’intention de se soumettre. Entre temps, KIRKER partit pour Guadalupe y Calvo, une ville minière perdue dans le Sud-Ouest du Chihuahua, où il travailla comme chef de la sécurité. Sans l’armée de KIRKER, les Apache ne tardèrent pas à reprendre leurs massacres de Mexicains là où les avaient laissés. En dépit des meilleurs efforts de CONDE, les troupes mexicaines n’étaient tout simplement pas les mêmes combattants que les irréguliers de KIRKER. Quand le peuple recommença à se plaindre haut et fort, le Président Mexicain BUSTAMENTE remplaça CONDE par le Général Mariano MONTERDE en Décembre 1842.

MONTERDE ne perdit pas de temps et rappela KIRKER, lui proposant de le payer au tarif standard. La Old Apache Company ne fut pas longue à reprendre place dans l’arène. En été 1843, une caravane de mulets appartenant à J. Calistro PORRAS fut attaquée par une bande d’Apache, à environ douze miles à l’ouest de Chihuahua City. PORRAS était un riche marchand de Chihuahua et la caravane, comprenant quelques quatre vingt mules, revenait chargée de marchandises et d’alcool. Les guerriers tuèrent tous les « arrieros » sauf un, et s’enfuirent avec les mules et les marchandises. Quant l’unique survivant arriva en se traînant et raconta l’histoire à PORRAS, celui-ci se rendit tout droit à l’arène pour trouver Don Santiago. Il offrit au chasseur de scalps les mules et la moitié des marchandises s’il arrivait à trouver les pillards et les détruire. En imaginant l’argent supplémentaire que KIRKER se ferait avec les scalps, l’aventure pouvait se révéler assez lucrative. Derrière un guide Mexicain, la Old Apache Company, forte à présent de cent soixante dix hommes, chevaucha jusqu’aux lieux du massacre et trouva facilement la trace des pillards. Pendant trois jours, les hommes suivirent la piste des Apache en retraite, passant à côté des carcasses de mules mortes d’épuisement et de paquets de marchandises abandonnés en cours de route. Le troisième jour, SPYBUCK localisa le campement Apache. Il rapporta à KIRKER qu’il y avait quarante trois guerriers et que, se croyant hors de danger, ceux-ci avaient puisé dans l’alcool et commençaient à se soûler. Les poursuivants attendirent que les Apache fussent imbibés jusqu’à l’oubli total. Puis KIRKER et la moitié de ses hommes rampèrent aisément à l’intérieur du camp et leur coupèrent la gorge. Avant de revenir en ville, cependant, KIRKER proposa une chose à ses hommes. Il savait qu’un grand village d’Apache, d’un millier d’habitants, se trouvait à trois jours de cheval de l’endroit où ils étaient. Il proposa d’attaquer le village, dont les scalps et le bétail viendraient s’additionner en une petite fortune. Les hommes approuvèrent très vite. Dans la pénombre précédant le petit matin, presque tout le monde au village dormait ou était encore abruti.  Les deux compagnies pénétrèrent dans le village, attendant le coup de sifflet de KIRKER qui devait donner le signal de l’attaque. Soudain, un coup de feu claqua avant que tous les hommes de fussent prêts. Alors qu’il rampait à l’intérieur du village, Andy avait été surpris par un Apache qui sortait de sa hutte au mauvais moment. Le Noir avait saisi son escopette et appuyé sur la détente. Chasseurs et guerriers prêts ou non, le combat débuta. Les hommes saccageaient tout dans le village, provoquant un horrible carnage parmi les habitants encore à moitié endormis. Ils tuèrent sans distinction. Les guerriers surpris furent abattus par des armes à feu, les femmes et les enfants étaient massacrés à coups de casse-tête, de couteaux et de hachettes. Beaucoup d’Apache qui arrivèrent à sortir des mains des hommes de KIRKER s’enfuirent en paniquant vers le lac, et s’y noyèrent. Quelques uns parvinrent à gagner le parc à chevaux et à s’enfuir. D’autres se réfugièrent dans les collines avoisinantes. Lorsque le combat cessa, les Shawnees se mirent à l’œuvre avec leur couteau à scalper, pendant que d’autres rassemblaient le bétail, qui comprenait presque un millier de chevaux et de mules. Les hommes travaillaient vite, voulant en avoir fini avant que les Apache n’aient le temps de se regrouper et de contre-attaquer. On retrouva le guide Mexicain mort. SPYBUCK ordonna qu’il fût scalpé comme les autres. Quelques hommes protestèrent, mais SPYBUCK leur dit que, puisqu’il était mort, ses cheveux ne lui servaient plus à rien et son scalp pouvait passer pour celui d’un Apache et rapporter cent Pesos. Il était de notoriété publique que KIRKER n’était pas contre le fait de prendre, quand l’occasion s’en présentait, le scalp d’un Mexicain ou d’un Indien ami. En plus des scalps, des chevaux et des mules, la compagnie prit dix neuf femmes Apache en captivité, trois cent chèvres et brebis, et libéra une multitude de femmes et d’enfants Mexicains qui avaient été retenus prisonniers par les Apache. Quand les chasseurs de scalps revinrent en ville, Chihuahua City se mit en effervescence à force de fête. Le bruit avait précédé les hommes, et ils furent accueillis par un orchestre d’instruments à vent et des milliers d’admirateurs souriants. On présenta une mule chargée de cent quatre vingt deux scalps au gouverneur, lequel exultait et fit un discours vantant cette grande victoire sur la menace Apache. Après que l’on fît à nouveau prendre à la compagnie ses quartiers dans l’arène, KIRKER se rendit chez PORRAS et le gouverneur MONTERDE. PORRAS était content et s’acquitta de sa parole d’une manière satisfaisante, mais le gouverneur renia la promesse qu’il avait faite de payer. Il dit à KIRKER qu’il n’y avait malheureusement pas assez d’argent dans le trésor public pour couvrir les scalps. Les caisses ne contenaient qu’environ deux mille Pesos, soit un peu plus de dix pour cent que ce que le gouvernement devait. De plus, il y avait un problème avec le bétail, dont les anciens propriétaires demandaient que leurs animaux leur fussent restitués.

KIRKER lui rappela que leur contrat lui accordait la propriété de tout le bétail qu’il pouvait prendre au cours d’un raid, mais le gouverneur haussa tout simplement les épaules et dit qu’il n’y avait rien qu’il pût y faire. Lorsque KIRKER mit ses hommes en face de la tournure que les événements avaient pris, ils se mirent en colère jusqu’à la limite de la révolte. Ils traitèrent le gouverneur de traître pourri. SPYBUCK dit qu’il tuerait tout Mexicain qui ne ferait même que toucher l’un des animaux capturés. En réponse, MONTERDE appela l’armée. SPYBUCK et plusieurs autres de la compagnie s’apprêtèrent à se battre, s’estimant apparemment à armes égales à raison de cent chasseurs de têtes contre huit cent soldats Mexicains. Pourtant et avant qu’un coup de feu ne fût tiré, SPYBUCK se fraya un chemin à travers les rangs de l’armée Mexicaine et lança un ultimatum au gouverneur : « Tu lèves la mise ou tu meurs ! » Peut-être MONTERDE avait-il fait le même genre de pari. En tous cas, il s’inclina. SPYBUCK et les autres prirent leur part de butin dans le bétail et, prenant congé de KIRKER, quittèrent Chihuahua City pour Bent’s Fort. KIRKER resta au Mexique pendant quelque temps. Il accepta les deux mille Pesos du gouverneur et quitta la ville avec les quelques hommes qu’il lui restait, sentant qu’il avait été trahi par les Mexicains une fois de plus. Au regard de ce traitement, il est presque incompréhensible qu’à l’été de 1846, il chassait à nouveau les scalps pour le gouvernement du Chihuahua, cette fois sous l’administration de Angel TRIAS, lorsqu’il se rendit responsable des scalps que RUXTON avait vus décorer la cathédrale.

Il est difficile d’expliquer le désir répété de KIRKER de reprendre du service chez les Mexicains, après qu’ils l’eussent roulé tant de fois. Certains disent qu’il éprouvait une certaine loyauté pour sa patrie d’adoption, ce qui n’est pas croyable compte tenu de son implication du côté américain lors de la Guerre du Mexique. D’autres prétendent que sa famille, puisqu’il avait à cette époque cinq enfants avec sa femme Mexicaine, vivait toujours à Chihuahua, et qu’il se sentait concerné par leur bien-être. D’autres encore disent que la chasse aux scalps était la seule chose de rentable à faire dans la région, et que KIRKER n’avait jamais abandonné l’espoir de pouvoir un jour récupérer ce qu’on lui devait. N’importe comment, KIRKER avait à présent cinquante ans, un âge où la plupart des hommes de ce genre envisageaient sérieusement de laisser tomber leurs pertes et la vie violente. Mais KIRKER n’était pas vraiment prêt pour le rocking chair. Plus tôt la même année, le Président POLK avait déclaré la guerre au Mexique, et le gouverneur TRIAS, parfaitement conscient de ce que la défection de KIRKER signifierait pour Chihuahua, lui offrit au chasseur de scalps une place de colonel dans l’Armée Mexicaine. KIRKER répondit qu’il y réfléchirait. Au même moment, les Missouri Volunteers du colonel DONIPHAN venaient de capturer Santa Fe et marchaient vers le Sud. KIRKER ne réfléchit pas longtemps. Avec ses hommes, ils quittèrent le Mexique pour rejoindre les Missouriens de DONIPHAN, mais pas avant d’avoir soigneusement étudié les positions de l’Armée Mexicaine au Chihuahua. Peut-être KIRKER pensait-il soutirer en chair ce que les Mexicains lui devaient en argent. En tous cas, il fut éclaireur pour DONIPHAN et se battit à la bataille de Sacramento pour prendre Chihuahua City. KIRKER joua un rôle crucial dans cette bataille, menant cinq hommes à la charge en terrain ouvert contre un canon ennemi fortement défendu, et le détruisant en ne perdant qu’un seul homme. L’histoire démoralisa tellement les soldats Mexicains qu’elle offrit aux Américains une victoire facile. La part qu’avait joué KIRKER dans la défaite des Mexicains enragea tellement le Colonel TRIAS, que celui-ci offrit une prime de 10 000 $ pour la capture de l’ancien chasseur de scalps, mort ou vif. Cette prime resta valide jusqu’à la fin de la vie de KIRKER, qui ne revint jamais au Mexique. En 1847, KIRKER visita St. Louis et fut traité comme un héros de l’Ouest. Tous les journaux couvraient son arrivée. Une histoire dans l’un d’eux le créditait d’un total général de quatre cent quatre vingt sept Apache tués, pour la perte de seulement trois hommes. En automne, il retourna au Nouveau-Mexique où il géra un hôtel pendant quelque temps à Santa Fe. Mais la vieille vie de la chasse à l’Indien l’appelait, cette fois dans le Sud du Colorado, où il prit part à une campagne pour pacifier les Apache Jicarillas. En 1849, il conduisait une expédition à travers les plaines de Californie pour chercher de l’or. Un an plus tard, il vivait dans le Conté de Contra Costa, Californie, où il semble qu’il subvenait à ses besoins comme chasseur. Il y mourut à la fin de 1852 ou au début de 1853, de causes naturelles à ce que l’on dit.

Aujourd’hui, James KIRKER est aussi diffamé que loué, peut-être à juste titre. Mais en toute honnêteté, et sans défendre la chasse aux scalps et sa cruauté, il faut comprendre qu’il était le fruit de son temps et de l’endroit, et il ne peut donc être jugé qu’avec cet état de fait à l’esprit. Malgré tout ce qu’on a dit de lui, c’était un homme résolu, déterminé et courageux, et il combla un besoin qu’il n’avait pas créé lui-même. En tous cas, la chasse aux scalps culmina vers 1850, quand des hommes forgés par la Guerre du Mexique prirent la suite des affaires, et elle dura en quelque sorte jusque dans les années 1880. Les Apache ne furent pas défaits avant 1866, par le Général George CROOK. Mis à part quelques succès limités et éphémères, la chasse aux scalps ne fut jamais un moyen efficace pour régler le problème Apache. Elle ne fut jamais officiellement reconnue par le gouvernement Mexicain. Tous ses critiques prétendent qu’en plus d’être immorale et répréhensible, elle envenima la situation. Elle permit certainement de retourner les Apache contre les Anglos et à la fin, elle ne provoqua rien d’autre que de l’angoisse des deux côtés. Bref, ce fut une mesure désespérée, prise par des hommes désespérés à une époque désespérée.

Huit ans après le premier article, le même homme, sur lequel on a cherché depuis à en savoir plus, n’est donc plus présenté comme un vrai fumier. On essaye de le comprendre. C’est maintenant un homme de l’Ouest comme les autres, comme il y en eut tant. Bon d’accord, il a un peu massacré traîtreusement des Indiens pendant qu’ils dormaient ivres-mort, il en a sûrement tué dans le dos, mais ce n’étaient que des Indiens, et des mauvais en plus, de ceux qui massacrent les bons Blancs venant les envahir et qui leur volent leur bon whisky. Et puis, vendre un scalp de Mexicain pour un scalp d’Indien, ça fait quoi comme différence, au juste ? Un bon mexicon est un mexicon mort, la preuve c’est que les mexicons vont le rouler tout le temps. En plus, il reste à Chihuahua parce qu’il aime sa femme et ses cinq gosses, donc c’est un brave type. Mais il n’a toujours pas divorcé avec sa vraie femme, c’est-à-dire la seule légitime, celle qu’il a laissé à New-York en 1817. Faut dire qu’en dix ans, son ancienne bonne femme avait eu le temps de se faire une raison et comprendre qu’il ne reviendrait sûrement plus. Et puis on a presque pitié de lui, quand il se fait niquer sans arrêt par les mexicons. Faut pas déconner, on se crève le cul à courir après des Indiens, on se fait chier à les buter à coups de casse-tête ou en gaspillant de la bonne poudre et des bonnes balles, on se salit les pattes à découper leur cuir chevelu et à l’arracher, en risquant d’attraper des poux ou des maladies en plus, après ça on se salit les fringues, ça pue sous le soleil du désert mexicain le temps qu’on rentre, c’est plein de mouches qui viennent dessus, en plus faut les préparer ces scalps, faut les saler pour qu’ils pourrissent pas, et le sel ça brûle dans les coupures ou les blessures qu’on s’est faites aux mains en les scalpant, et en plus, quand on rentre enfin au bercail pour se saoûler la gueule, ces fainéants de mexicons qui passent leur temps à faire la sieste allongés sur le sol, un sombrero sur le neeeeez, en guise, en guise, en guise de parasol, ils trouvent le moyen de pas nous payer.

Jambon d’ours rôti à la sauce Cumberland

Traduction d’une recette tirée du « The Wild Game Gourmet » de chez Lyman

Commencer par tuer un ours avant d’avoir vendu sa peau.

Découper la viande en essayant d’en laisser le moins possible aux corbeaux.

Le jambon d’ours aura été laissé au congélateur à – 12° C pendant au moins un mois.

Pour la préparation au plat, laisser décongeler le jambon dans le réfrigérateur.

Avant de cuire, enduire de feuilles de laurier écrasées, de thym, de sel et de poivre, en frottant le mélange contre la surface de la viande pour faire pénétrer.

Rôtir au four à + 163 ° C, en badigeonnant souvent avec du vin rouge et de l’huile d’olive. Miam !

Faire cuire pour obtenir une viande « à point ». Le temps de cuisson peut varier selon l’âge du capitaine, celui de la bête et surtout le goût des convives, mais on peut comparer au bœuf. Va te faite cuire un bœuf sur le toit, un oeuf sur le plat, ou bien deux œufs si t’aimes mieux ça…

Servir avec une sauce « Cumberland ».

Sauce « Cumberland » :

–         1 orange

–         1 verre de vin Madère ou Porto

–         1 cuillérée à soupe de jus de citron

–         1 demi-tasse de gelée de groseilles

–         1 huitième de cuiller à café de poivre de Cayenne ou de gingembre moulu.

Peler l’orange et découper la peau en petits morceaux très fins.

Faire cuire avec le vin jusqu’à réduction d’un tiers.

Ajouter le jus de l’orange, le jus de citron, la gelée de groseilles, et le poivre ou le gingembre.

Bien remuer jusqu’à ce que la gelée soit entièrement mélangée et fondue.

Pine d’ours, couille d’éléphant ! Bon appétit et bonne d’enfant.

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Pas de boudin noir pour la poudre ?

Il n’y a pas si longtemps encore, j’entendais quelqu’un dire que les ressorts à boudin ne sont pas permis au contrôle des armes dans les compétitions aux Armes Anciennes, « parce que ce type de ressort n’était pas connu à l’époque où l’on tirait avec des armes à poudre noire. » J’ai même entendu dire la même chose par des arbitres à l’époque où je portais encore le blouson rouge. Quelque chose est totalement faux là-dedans, il faut le rappeler ou le préciser. Il est vrai néanmoins que les ressorts à boudin actionnant le chien sont un système moderne lorsqu’ils sont de la même conception que celle des revolvers modernes et ils ne peuvent passer. Certaines armes ARDESA sont refusées au contrôle des armes parce qu’elles ont un petit ressort à boudin dans la platine qui règle la garde du bec de gâchette sur le cran de départ. D’accord, une platine qui ne comportait pas de ressort à boudin à l’époque où elle avait été conçue doit rester telle quelle si elle veut mériter l’appellation de réplique, et tout artifice altérant le caractère de réplique doit prendre le chemin du refus chez un Arquebusier vraiment digne de ce nom. Comme tirer le Maximilien avec un tunnel de guidon à insert circulaire et un niveau à bulle ; mais, enfin, ce fut un jeune et il était du club qui recevait, alors… Et de toutes façons, espérer avoir des résultats phénoménaux avec du AREDESA est un symptôme signifiant que le propriétaire candidat doit avoir été atteint de paludisme. Citons aussi le RÜGER Old Army, qui a beau être une merveille de solidité et de bonne facture, tout en tirant juste, mais qui n’est pas du tout une réplique car il reprend les formes d’une arme tirant déjà des cartouches métalliques et, outre son maître ressort à boudin trop moderne par rapport à celui du COLT « 73 » à qui il est censé ressembler, il n’a rien à faire en Armes Anciennes à cause de ses organes de visée réglables et de l’absence d’arme originelle.

Les gens du dix-huitième siècle, ou même d’avant, n’étaient pas plus idiots que ceux du vingtième. En y réfléchissant bien, je me demande d’ailleurs parfois si la dose de bêtise humaine n’a pas augmenté avec les siècles, pour atteindre son paroxysme aujourd’hui avec l’évolution de ce qu’on appelle le progrès et son corollaire la détérioration grave de la planète, contre laquelle absolument aucun de nos gros industriels ne semble envisager de faire quoi que ce soit. Sauf que l’humanité en meurt tous les jours. Mais c’est une autre histoire. J’ai dit vingtième siècle car c’est au milieu du vingtième siècle, quand la paix et l’aisance furent revenues après la deuxième Guerre Mondiale, que les gens ont commencé à se mettre à tirer sérieusement en concours avec des armes à poudre noire. Et je suis parti du dix-huitième siècle parce que c’est dans cette période-là que j’ai trouvée la trace la plus ancienne d’un ressort à boudin dans une arme à feu.

Commençons plus tard que cela. Citons d’abord un certain Jean-Samuel PAULY, armurier né en Suisse qui a laissé son nom à une discipline chez les Arquebusiers de France, et plus connu généralement pour avoir inventé en 1812 une arme à chargement par la culasse avec ce qui fut la première cartouche métallique proprement dite. On n’est pas des sauvages tout de même, en Europe, hein. Ce brave homme avait aussi inventé en 1814, entre autres armes à feu et systèmes, un fusil où l’inflammation de la charge au départ du coup était provoquée par un échauffement dû à la compression rapide d’un volume d’air qui se heurte à une résistance. L’air était comprimé dans un cylindre par un ressort à boudin. C’est le même principe que la pompe à vélo en aluminium que l’on compresse d’une main en bouchant la sortie avec la paume de l’autre main. Ca fait du bruit comme quelqu’un qui pète sec, mais ça chauffe ! Plus de gêne avec une mèche qui s’éteint à cause de la pluie ou un silex qui est usé, mais l’amorce à percussion au fulminate de mercure qui naissait à la même époque eut plus de succès et son invention passa au tiroir des oubliettes. Mais le ressort à boudin existait donc déjà à cette époque. Et notons aussi que, du même coup, PAULY avait inventé sans le savoir le principe d’allumage du moteur diesel… Les amateurs d’armes connaissent aussi le fameux « Fusil à vent », mais celui-là ne tirait pas de poudre et ce système n’est pas exclusif à PAULY.

Une autre trace de ressort à boudin se trouve dans une Tour de Londres. Dans cette tour, il y avait un prisonnier. L’histoire ne dit pas si le prisonnier avait des morpions toute la nuit, mais il réside au musée des armes dans cette tour. Dans ce musée, on peut admirer des exemplaires rares, voire uniques. L’un d’eux est un fusil à un canon lisse en calibre .57, de bonne facture bien que passablement usé, au bois et au canon finement gravés et aux ferrures en laiton, fabriqué pour quelqu’un devant « avoir les moyens » et qui possède une platine à silex fonctionnant en ligne. Eh oui, en ligne. La platine est intérieure, comme sur les platines dites « à coffre », elle est alignée avec le canon et elle en a le même diamètre.

Dans le pontet se trouvent deux leviers qui ressemblent à une double détente. Le plus en arrière est la détente proprement dite, et l’autre n’est qu’un levier d’armement. Celui-ci est directement relié au droit d’une tige ronde que l’on pourrait appeler une culasse, au bout de laquelle est fixée une mâchoire portant un silex, légèrement placé en oblique vers le haut et qui fait office de percuteur. En tirant ce levier en arrière sur quelque chose comme trois centimètres, on comprime un ressort à boudin qui entoure la culasse. La culasse, le ressort et le reste du mécanisme se trouvent à l’intérieur du boîtier. Sous la culasse se trouvent deux encoches. Celle de derrière constitue le cran de sécurité, et celle de devant est le cran du départ. En tirant sur la queue de détente, comme on le fait sur toutes les armes, celle-ci pivote sur un axe et un guignol dégage le bec de gâchette du cran de départ, libérant ainsi la culasse qui, mue par le ressort à boudin qui l’entoure, bondit en avant et vient frapper une plaque de batterie. Celle-ci est placée entre la culasse et la chambre. Lorsque l’arme est prête à tirer, la plaque de batterie est à fleur avec l’ensemble formé par le canon et le boîtier dans lequel se trouve le mécanisme. Le tonnerre du canon est quasiment bouché par une culasse vissée dessus. Celle-ci est coupée en oblique, présentant lorsqu’on relève la plaque de batterie un petit réceptacle formant le bassinet, lequel communique avec la chambre dans le canon par une lumière. Lorsque la plaque de batterie est frappée par le silex, elle pivote brusquement vers le haut, et les minuscules particules de métal en fusion mettent le feu au pulvérin dans le bassinet, avec une communication à la charge par le biais de la lumière comme sur une arme à silex classique. C’est géant tellement c’est simple. Et ça fonctionne avec un ressort à boudin, messieurs les arbitres ! Qu’on se le dise, le soir au fond des bois et dans les chaumières. N’importe quel bricoleur adroit pourrait fabriquer la même arme avec de la récupération. Pourquoi l’industrie de l’époque a-t-elle choisi la platine latérale avec tous ses ressorts en « V » et ses multiples pièces compliquées à fabriquer ? Pour faciliter l’entretien, peut-être, et surtout le nettoyage parce que, bonjour le démontage…L’arme est signée par un Bohémien du nom de Stanislas PACZELT et elle est datée en 1738. Rien que çà ; 1738 c’était juste avant hier. Selon les gens du musée de la Tour de Londres « Ce type de fabrication est associé à Stanislas PACZELT, dont le nom apparaît sur la plupart des armes de ce type qui ont pu être sauvegardées. Toutefois, il est très improbable qu’il ait été l’inventeur du système, car on connaît des armes de conception très similaire faites par d’autres armuriers et datant de plus tôt. » Donc, ce n’était pas vraiment rare à l’époque.

Une autre de ces armes qui paraissent exotiques à nos yeux se trouve au Musée National de Münich, le Bayerisches Nationalmuseum. Il s’agit d’un fusil de chasse juxtaposé, également à canons lisses et en calibre .57, au bois finement décoré d’argent et de carapace de tortue et dont l’état général est excellent, comme si cette arme avait à peine tiré. Le fusil est daté de 1740, il est de facture typiquement allemande de cette époque, mais il n’est pas signé. Contrairement au fusil PACZELT, il s’arme à l’aide d’un petit bouton coulissant vers l’arrière de chaque côté du boîtier de culasse, mais comprimant là aussi un ressort à boudin à chaque fois. Comme le MAT 49. Le reste du système est le même que sur l’autre fusil. Là encore, la mise à feu se fait par un silex fixé sur une culasse qui bondit en ligne vers l’avant, sur une plaque de batterie qui passe de la position à fleur à la verticale. Il y a un silex, une plaque de batterie et une détente par canon.

On connaît aussi des spécimens encore plus anciens, datés d’aussi loin que 1730. Toutes ces armes étaient fragiles et devaient sûrement « cracher » vers l’arrière, dans la figure du tireur. Le droitier qui a déjà tiré juste à côté d’un autre droitier, mais qui tire le Cominazzo où il faut « charger pour que ça rentre », sait de quoi je veux parler. Et celui qui a déjà tiré le Charleville ou le Tanegashima s’est rendu compte de lui-même qu’il faut vraiment avoir envie de tirer aux Armes Anciennes pour jouer avec ces trucs qui vous laissent des petits points noirs incrustés dans la peau du visage si on le met trop près du bassinet. Cela s’appelle cracher au bassinet. Parfois, ce sont des petites particules de silex, parfois des petits morceaux de charbon, parfois un mélange des deux. D’où la nécessité de porter une protection EFFICACE des yeux aux Armes Anciennes, mais encore une fois, cette remarque est hors-sujet. Le système « in-line » a été repris par des chasseurs Américains à partir de 1950, et plus communément à partir de 1990. Soit une stagnation dans l’oubli de presque deux cents vingt ans…

Comment « HANDGONNE » devient tout naturellement « HANDGUN »

Il y a des gens sympas. Et parfois, on les prend pour des fous, mais « on » est un con. Donc, je tombe sur cette revue qui s’appelle BLACK POWDER et qui paraît tous les 3 mois chez nos britiches amis de ce qu’on pourrait appeler l’Association des Arquebusiers de Grande-Bretagne. C’est un peu comme le petit bouquin qui était édité par les Arquebusiers de France, mais en beaucoup moins rustique. Sauf que chez les A.D.F., c’était compris dans la maigre cotisation, donc on ne peut faire qu’avec ce qu’on a, et que chez nos tireurs d’outre-Manche, ça coûte 5,00 Britiches Livres Sterling, soit un peu plus de 7,40 Euro. Sans le port. Mais c’est bien, tout aussi bien même que notre truc français, du moins à l’époque où je cotisais encore avant d’en avoir marre de ne lire que des palmarès où les gens font des super scores qu’on se demande comment ils font, ou de concourir à côté de gens qui n’avaient pas l’esprit et qui venaient avec des vêtements de tir ou des organes de visée anachroniques. Et surtout parce qu’on les laissait faire. Enfin, je continue…

Donc de nouveau, je tombe sur cette revue, édition d’hiver 2006. En dehors d’articles super valables qui reprennent des archives du 19ème. Siècle et racontent comment des ouvriers travaillant dans une poudrerie étaient arrivés à se faire sauter la gueule en nettoyant des broyeurs, enquête qui suit et tout, il y en a un qui m’a tout particulièrement plu. Celui-là a été pondu par un Suisse, chez qui tout le monde sait qu’il existe aussi des Arquebusiers parce qu’ils ont une tradition de Tir largement plus ancienne et élaborée que nous, pauvres franchouillards au béret, charentaises aux pieds, marcel sur le dos, falzard feu de plancher, fraise sur le pif, mégot de roulé ou de Gitane « maïs » qui pend au bord des lèvres, kil de rouge sous le bras, baguette de bricheton dans une main et claco bien mûr dans l’autre. Ce Suisse-là est un bon, je vous le dis et, pour votre information, il s’appelle Ülrich BRETSCHER. L’affaire se passe de nos jours, mais elle traite des toutes premières armes à feu dont on ait retrouvé des traces. Vous savez, ces tuyaux qu’on appuyait sur le thorax ou qu’on tenait sous le bras, et qui projetaient un petit boulet lorsqu’on mettait le feu à la charge qu’il y a dedans ? Mais si ! Il existe un tableau bien connu, qui représente le siège d’un château-fort et qui est daté de 1468. Une autre gravure encore plus ancienne date de 1326 et représente un petit canon fixé sur une table et qui tire des grosses flèches. Un autre dessin de 1400 représente un engin plus long, dont l’une des extrémités est posée par terre et l’autre est pointée vers la cible, en l’occurrence le mur d’une citadelle. Dans l’Encyclopédie du Moyen-Age de VIOLLET LE DUC, cette arme s’appelle un « Trait à feu ». Chez les anciens Allemands, on appelait çà des « Faustrohr » qui signifie « Tuyau de poing » ou « Tube de poing », ou bien des « Faustbüchse », qui se traduirait par « Boîte de poing » ou « Etui de poing ». Aujourd’hui, en allemand, quand on parle de « Büchse », on pense à une carabine. Il n’y a pas si longtemps encore, nos voisins d’outre-Rhin avaient mis en service un tube anti-char qu’ils ont appelé « Panzerfaust », ce qui pourrait se traduire par « Anti-blindage à poing ». Toujours en allemand, la main se dit « hand », tout comme en anglais, bien que cela ne se prononce pas de la même manière. Mais çà, c’est un détail. Et en ancien anglais du 14ème. et du 15ème. Siècles, le genre d’armes dont il est question ici avait été appelé « Gonne ». De nos jours en anglais, c’est devenu « Handgun », ce truc qui fait rêver certains enfants, que certains cons mélangent en appelant un revolver un pistolet et inversement, et qui fait peur à un maximum d’ignares, craintifs, moutonneux et bornés, dès qu’ils entendent prononcer ce mot. L’auteur Suisse s’est inspiré de ces gravures ou peintures pour déterminer comment il fallait tenir l’arme, c’est-à-dire sous l’aisselle droite en s’aidant de la main gauche pour supporter le manche, la main droite faisant partir le coup avec un boutefeu. Sauf que les gravures de VIOLLET LE DUC datent du 19ème. Siècle et représentent des hommes qui les tiennent différemment, c’est-à-dire sous l’aisselle gauche en les allumant de la main droite. Une autre gravure montre un homme en habit blindé, en selle sur un cheval également caparaçonné, dont le trait à poudre est retenu à la base par un œillet fixé sur son armure de poitrail, en plein sur le bréchet, comme cela le pied bougera bien quand le coup va partir et le boulet ira n’importe où. Et pour tirer avec ce type d’arme, notre Suisse Ülrich en a fabriqué une lui-même ! La fabrication devant être rigoureusement identique à celles d’origine, il fallait donc à notre brave homme qu’il en ait une devant lui, de près et si possible dans les mains. Je ne sais pas pourquoi, mais il a eu la chance d’en tenir une au cours d’une visite au Musée Historique de Nürnberg en Allemagne. Chez nous, les Musées Historiques vraiment valables ne sont pas pléthore, mais j’ai connu le Musée Historique de Strasbourg, en France, je suis tombé sur le bas du dos quand j’ai visité le Musée National de la Marine à l’époque où il se trouvait encore près du Trocadéro à Paris, et j’ai loupé l’occasion d’aller voir le Musées des Armées, toujours à Paris, à l’Hôtel des Invalides.

Disons aussi au passage que tout arquebusier devrait avoir visité au moins une fois dans sa vie le Musée de l’Empéri à Salon-de-Provence. Sauf que, si ce dernier vaut vraiment le coup de se déplacer, on n’y verra pas d’armes à feu du Moyen-Age parce que la collection s’est volontairement limitée aux trois derniers siècles. Le « Gueune » exposé à Nürnberg a été trouvé en 1849 au fond d’un puits sur le Château de Tannenberg, en Hesse. L’arme était encore chargée lorsqu’on la trouvée. Et pour bien expliquer à ceux qui savent toujours tout, on insistera sur le fait qu’elle était chargée avec une balle de plomb, et pas de pierre. Le château ayant été détruit en 1399, l’arme était donc encore plus ancienne que cela. Ce qui veut dire que l’utilisation du plomb dans les projectiles propulsés est plus ancienne qu’on le croit, malgré les gros boulets en pierre retrouvés autour des canons de forteresse des 15ème. et 16ème. Siècles, c’est-à-dire beaucoup plus tard que l’époque des traits à feu. Ülrich s’est donc inspiré de ce qui restait de cet trait à feu, dont l’original était en bronze fondu. Il a pris une barre de bronze dit « à canon », qu’il a d’abord tournée et qu’il a finie à la lime. L’objet mesure 330 mm de long, avec d’un côté une cuvette pour recevoir la hampe, ou le manche selon la façon dont on veut appeler le bout de bois avec lequel le tireur tient son arme, et dont le diamètre est inférieur à la partie vive de l’arme. Puis le forage présente une chambre de 107 mm de long sur un diamètre de 6 mm, et vient ensuite l’âme du canon, foré au calibre de 17 mm sur 156 mm de long. Toute la pièce présente une forme octogonale, avec des pans reproduits à l’identique de l’original et mesurant respectivement, dans le sens des aiguilles d’une montre, bouche regardée de face, 16 mm à midi, 14 mm, 12,7 mm, 13 mm, 14 mm, 13,5 mm, puis 12,5 mm et 14,5 mm. La bouche est tulipée à l’extérieur, mais l’intérieur reste constamment au même calibre de 17 mm. A 263 mm de la bouche, se trouve une lumière qui donne sur le fond de la chambre. Pour la hampe, Ülrich a utilisé une pièce de frêne de 1,50 m environ.

Ce qui marque en premier, c’est la longueur exceptionnelle de la chambre. Les fabricants d’armes de l’époque ne connaissaient pas le paradoxe hydrostatique de nos Physiques modernes, mais croyaient que l’expansion des gaz n’agissait principalement que sur le centre de la balle. Ce qui est dingue, c’est qu’en se trompant sur leur explication, l’application de leur théorie donna d’excellents résultats. Cela prouve qu’il ne faut pas toujours croire nos profs de maths et de physique, qu’Albert EINSTEIN s’était peut-être trompé, que tout n’est pas si relatif que cela et qu’on voyagera sûrement un jour dans l’espace dans des délais humains, beaucoup plus loin et plus vite que nous savons le faire aujourd’hui. A cause de la longueur de cette chambre, Ülrich, toujours si curieux malgré son âge qu’il dit avancé, a fabriqué une autre « Gonne », mais cylindrique cette fois. La longueur totale est de 250 mm, avec une âme de 186 mm forée au calibre de 17 mm, l’épaisseur de la barre étant de 39 mm. Cette barre fut tournée dans de l’acier classique de construction, sans chambre cette fois, et c’est pour retrouver les mêmes conditions de combustion que dans la Tannenberg, avec 6,8 ml de poudre, que le canon fut foré sur la longueur de 186 mm. Un autre trait à feu retrouvé outre-Rhin a été découvert dans la vile de Dantzig en Poméranie, à l’époque dans l’Est de l’Allemagne mais ville libre depuis le Traité de Versailles de 1918, et appelée aujourd’hui Gdansk en Pologne. Rappelez-vous donc, le « Couloir de Dantzig » qui gênait tant le petit peintre à la mèche et moustache courte et qui a mené son pays à la catastrophe parce qu’il voulait la revanche. Mais si, c’est là ! En 1920, le contremaître d’une équipe d’ouvriers a récupéré la partie en bronze de ce « Faustrohr » alors qu’ils creusaient des tranchées pour la pose de conduites d’alimentation de la ville en eau. Et en 1970, un copain de notre Ülrich Suisse a fabriqué 20 copies en bronze de ce trait à feu, les vendant pour un prix modéré de je ne sais pas combien de choses en monnaie de chien. Et c’est de ce truc qu’Ülrich parle. Une réplique, donc, mais pas Italienne pour une fois. Tout en possédant des angles, l’objet n’est plus hexagonal mais la bouche représente une tête d’homme avec une grande moustache tombante devenant une barbe, et la bouche d’un masque un peu grotesque fait office de lumière. La pièce mesure 180 mm en tout et pour tout, avec une chambre de 46 mm de long sur un diamètre de 10 mm, un canon au calibre de 12 mm sur une longueur de 77 mm. La chambre fait 37 % de la longueur totale du canon. Dans les armes du 19ème. Siècle, les chambres ne sont que de 5 % à 10 % de la longueur du canon. A l’époque, il devait sûrement déjà y avoir eu des gens qui s’étaient fait peur, voire exploser quelque chose, parce que la balle n’était pas assise sur la charge. Donc, on peut supposer que la chambre était remplie jusqu’en haut. Avec une aussi grande chambre, le trait à feu contenait tellement de poudre que la majeure partie devait sortir en une immense gerbe d’étincelles, en faisant très peur à l’adversaire et à son cheval, et en mettant peut-être aussi le feu aux buissons tout autour. Cette dernière copie de trait à feu a été transformée depuis en cane, dont Ülrich se plaint qu’il doit s’en servir de plus en plus. Dur-dur de devenir vieux.

Si Monsieur Ülrich BRETSCHER tombe un jour sur ce je suis en train d’écrire là, qu’il me pardonne d’avoir osé le reprendre en ne me limitant pas à une simple traduction et sans lui demander son accord, mais de toute façon c’était pour la bonne cause et pour que le savoir qu’il a tiré de son expérience puisse servir à enrichir la culture des autres, lesquels n’ont pas tous la chance de trouver ses articles et dont beaucoup ne lisent ni ne comprennent ni l’allemand, ni l’anglais. Il fallait que cela soit fait. Les essais ont été effectués dans les années 1980. Ils ne consistent pas seulement en des tirs de précision après avoir cherché la charge et la façon de tenir et d’allumer l’arme, mais aussi à prendre des mesures de vitesse et d’énergie en utilisant le principe du pendule. Comme on ne peut pas vraiment mesurer la vitesse à la bouche pour les balles sortant d’une arme se chargeant par la bouche et qui tire une balle calepinée, parce que le chronomètre va être perturbé par les gaz et le calepin, il a fallu procéder autrement. Ülrich a donc fabriqué un support qu’il a accroché au plafond de sa cave, l’arme pendant au bout, tirant à quelque 3 mètres dans un bloc de bois sur lequel se trouvait un repère, avec une bande graduée en mètres contre le mur et en filmant le tout pour mesurer la longueur sur laquelle se déplacent les objets. Le calcul a été fait selon l’application d’une équation complexe pour beaucoup d’entre nous et que je ne reprendrai pas, qui intègre la masse de la balle, la masse du bloc pendule, la hauteur du relevage, l’angle du pendule maximum observé, sa longueur, et la gravité terrestre. Les poudres utilisées furent de la suisse S2 et de la fabrication maison. Parce que, voyez-vous, quand on est capable de faire des essais comme ceux-là, on est assez fondu pour fabriquer de la poudre noire soi-même. Tout en prévenant qu’il ne voulait pas qu’on fasse pareil, ses proportions sont de 100 parts de salpêtre, 18 parts de charbon de bois de saule et 16 parts de soufre. Les résultats sont éloquents.

En utilisant le trait à poudre de Tannenberg à longue chambre de 6 mm et avec 5 Grammes de poudre S2 du commerce, Ülrich a obtenu des vitesses atteignant jusqu’à plus de 300 m/sec, et avec 4,5 Grammes de sa poudre « maison », il a atteint près de 350 M/Sec. Ce qui veut déjà dire que la poudre qu’il fait lui-même est meilleure que l’autre. Toujours dans la même arme, les mesures d’énergie ont donné 1250 Joules avec les 5 Grammes de S2, et jusqu’à 1500 Joules avec 4,5 Grammes de poudre « maison ». En utilisant le trait à poudre qu’il avait fabriqué sans chambre, Ülrich a obtenu à peine 280 M/Sec avec 4,5 Grammes de S2, et 230 M/Sec avec 4,5 Grammes de poudre « maison ». Les mesures d’énergie avec l’arme sans chambre ont donné à peine 1000 Joules avec 4,5 Grammes de S2 et à peine plus de 560 Joules avec 4,5 Grammes de poudre « maison ». Les charges ont été augmentées par étapes de 1 Gramme, 4,5 Grammes remplissant totalement la chambre. Yaoûûûh… Et les plans en coupe des gravures de VIOLLET LE DUC représentent des traits à poudre sans chambre ! Serait-ce que les ancêtres des Allemands étaient meilleurs arquebusiers que nos ancêtre François ? Mais non, VIOLLET LE DUC n’était qu’un architecte romantique et rêveur du 19ème. Siècle, qui a juste voulu montrer que notre Moyen-Age n’était pas cette période si sombre et si primitive que les gens croyaient. Je ne suis pas certain qu’il ait bien mesuré l’intérieur des traits à poudre qu’il a pu avoir dans les mains. Tout le monde n’est pas tireur, et encore moins arquebusier comme nous…

Pour le tir sur cible et comme le tir avec ce genre d’armes ne s’est pas perpétué jusqu’ici, les premières questions à se poser furent comment faire partir le départ du coup. Apparemment éminent spécialiste en la matière, Ülrich n’avait encore vu que deux traits à poudre avec un bassinet ressemblant à celui des arquebuses classiques. Tous les autres n’avaient qu’une simple lumière. Les textes anciens ne faisaient état que d’une mise à feu par une tige de fer chauffée au rouge, appelée « Loseisen » en allemand, ou d’une amorce, sans détails. Il a donc commencé avec le fer rouge. Dans la pratique et au cours d’une bataille, l’utilisation de cette manière de mettre à feu implique que le tireur, ou les tireurs, aient un feu à proximité immédiate. Pour défendre un château, on peut encore accepter qu’un brasero fût disponible sur les créneaux. Mais pour en attaquer un avec ce type d’arme, on devait bouger. Courir jusqu’au feu pour prendre une autre tige chauffée au rouge et revenir près des murailles, où la tige aurait refroidi, n’était donc pas pensable. Les essais avec le morceau de fer porté au rouge ont tous donné des résultats concluants, c’est-à-dire que le coup est parti à chaque fois, mais il fallait utiliser une tige suffisamment fine pour entrer dans le conduit de la lumière et atteindre la charge. A chaque fois, la tige de métal se déformait et, dès le premier coup, cette déformation empêchait qu’on utilise la tige à nouveau sans redresser l’angle. Pas pratique, donc pas bon ici, mais on a gardé cette méthode pour les canons de marine pendant bien longtemps encore.


En utilisant un petit cordon de coton traité à l’acétate de plomb pour qu’il ne se consume pas trop vite, à savoir une « mèche » qui a donné le mot de « match » en anglais, pour parler des allumettes, of course, on restait plus libre d’action sur le champ de bataille. La mèche peut se garder dans une boîte ajourée, que l’on peut donc porter sur soi, à la ceinture par exemple. Un bout de 15 cm dure une bonne demie heure. C’est ce que faisaient les premiers arquebusiers, avant l’avènement de la platine à rouet. J’imagine pourtant qu’il doit bien y en avoir eu quelques uns qui se sont fait disperser en petits morceaux. Aujourd’hui, les adeptes du Hizadaï, du Tanegashima ou du Tanzutsu utilisent une boîte de conserve vide, percée de toutes parts. En coinçant un bout de mèche au bout d’une baguette et en présentant l’extrémité incandescente devant la lumière bien remplie, le coup partait sans qu’on soit obligé de mettre quelque chose d’exogène dans le conduit, comme c’était le cas avec l’extrémité de la fine tige de fil de fer chauffée au rouge. Bien entendu et ces armes ne possédant pas d’organes de visée, le tir était instinctif. Comme pour les archers Assyriens, les Scythes ou bien les Anglais qui ont battu nos ancêtres à Crécy en Ponthieu ou à Azincourt, ou même Robin des Bois et ses quarante moqueurs, le tir se faisait avec les tripes et les fesses, à l’intuition. Dans le passé, j’ai personnellement possédé un arc de chasse à double courbure sans organes de visée, et j’allais avec un ou deux collègues faire un tour dans le maquis pour nous entraîner ou dans la forêt pour nous taper un parcours de chasse qu’on avait construit, le temps d’obtenir un jour un permis de chasser à l’arc. Car à cette époque-là, la chasse à l’arc n’était pas encore pratiquée en France comme de nos jours. Tous, autant que nous étions, nous n’avions pas d’organes de visée. Surtout ceux qui utilisaient d’arc droit, le « long-bow » anglais. Un chasseur à l’arc qui veut du pur, tire sans viseur. Ce n’est pas évident, mais ça vient avec la pratique. L’arc à cames, dit « compound », c’est pour les viandards et les avortons qui n’ont rien dans les bras. C’est comme les tireurs. Il n’y a que la poudre noire duraille qui m’aille. Mais, allez, hein, j’aime bien utiliser un viseur aussi. Je préfère, d’ailleurs. Je n’en suis pas encore au « Charleville ». Pas tout-à-fait prêt. Donc, notre Suisse a tiré d’instinct, tenant le manche de son trait à poudre sous le bras droit, en le maintenant par le milieu avec le bras gauche et le dirigeant vers la cible placée à 25 pas. La cible utilisée fut une cible réglementaire militaire suisse modèle Armée E. C’est une plaque haute et large comme un homme debout, découpée en haut de façon à représenter ce qui ressemblerait à une tête carrée. Ülrich recommande de tirer les deux yeux ouverts pour garder une visée tridimensionnelle, sans baisser la tête le long du manche. Il recommande aussi de se concentrer sur un point précis de la cible, et pas juste la forme générale. Avec la Tannenberg, il a réalisé des tirs regroupant 8 impacts dans la cible, tous entre la gorge et la ceinture, la majeure partie dans la poitrine. A une distance de 2 mètres et avec 4,5 Grammes sur une balle ronde calepinée de 16,8 mm, la reproduction du trait à feu de Tannenberg a percé une plaque d’acier de 2 mm d’épaisseur. A la même distance et avec 3 Grammes de poudre noire dans sa réplique de Danziger, la balle a traversé une plaque d’acier de 1,5 mm. Et si on reporte ces données sur les qualités de métal dans lequel les armures du Moyen-Age étaient forgées, parce qu’avec de telles épaisseurs presque personne ne pouvait les porter, on est obligé de se rendre compte que tous les historiens qui ont prétendu que les premières armes à feu faisaient plus de peur que de mal, se sont trompés. On sait qu’on ne vivait pas vieux à cette époque. Sans convertisseur de Bessemer pour faire de l’acier bien solide, sans Henri DUNANT avec sa Croix Rouge pour soigner les viandés au bréchet enfoncé, et sans Alexandre FLEMMING avec sa Pénicilline, les chances de sortir à chaque fois entier des foires d’empoigne de l’époque étaient faibles. Mais Schwartpulver über alles !

Bernard ZEHNACKER

Springfield contre Enfield

Traduction d’un article de Garry JAMES paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1983

Bien que le mousquet à canon rayé et la balle Minié eussent déjà prouvé leur valeur respective dans des conflits précédant la Guerre Civile Américaine, appelée en Europe Guerre de Sécession, le système n’avait jamais été essayé sur une échelle aussi vaste. Les Britanniques utilisèrent d’abord leurs fusils rayés Enfield à balle Minié en Crimée de 1854 à 1856 et pendant la Mutinerie d’Inde aussi appelée Révolte des Cipayes de 1857 à 1859, et leurs succès poussèrent d’autres pays, plus particulièrement les Etats Unis, à ré-évaluer et mettre à jour leurs antiques fusils à âme lisse en même temps que leurs manuels militaires. La « Guerre entre les Etats » vit des millions de fusils de type Minié de tous bords, les plus utilisés étant les Modèles 1855, 1858 et 1861 des Enfield anglais. Le Springfield et l’Enfield étaient considérés à cette époque comme les meilleurs fusils militaires rayés bien que, aussi bien à cette époque-là qu’aujourd’hui, tous les deux avaient leurs champions.

En fait, les autorités tant Fédérales que Confédérées, ayant chacune devant eux l’énorme tâche d’armer une multitude d’hommes, n’étaient souvent pas très regardantes quand il s’agissait de savoir où les armes avaient été achetées, et les produits issus de contrats des deux côtés de l’Atlantique étaient sujets à des variations subtiles en matière de style et de qualité. Mais les Springfield et les Enfield sont aussi les favoris de certains tireurs modernes, qui ont souvent déjà un préjugé favorable pour l’un ou pour l’autre. Le fait que ces armes donnent toutes les deux de bons résultats sur le terrain fait rarement changer un tireur d’avis, lequel continuera à s’en tenir obstinément au choix qu’il a fait lui-même. Franchement, depuis des années, j’ai tiré avec une quantité d’exemplaires des deux sans vraiment penser à cette mini controverse, mais une discussion un peu animée sur un stand récemment entre deux tireurs qui vantaient chacun les meilleurs mérites de leur arme respective, m’a poussé à faire une comparaison entre elles.

Nous avons pu trouver un Enfield Pattern 1853 et un Springfield Model 1863, nous les avons démontés, analysés, et mis à l’épreuve. Le test devait se faire avec le moins de considérations modernes possible, et seulement des projectiles, des charges et une manière de charger identiques à ceux de l’époque. Toutefois et avant d’entrer dans les détails de ces essais, un peu d’histoire sur le système Minié ne serait pas hors de propos.

Le concept du fusil rayé a depuis longtemps intrigué l’esprit des militaires, mais les procédures de chargement de la fin du XVIIe. Siècle et du début du XIXe., où il fallait descendre la balle dans le canon à coups de maillet ou bien l’ajuster laborieusement avec un calepin de cuir ou de tissu, limitait son emploi aux troupes spéciales. Vers les années 1820, les balisticiens militaires et les armuriers privés passèrent plus de temps à se pencher sur le problème d’une balle non calepinée, une balle que l’on pourrait descendre facilement dans le canon par la bouche, mais qui engagerait toujours les rayures de manière adéquate.

Beaucoup de leurs trouvailles s’encrassèrent littéralement dans les épais résidus de poudre noire brûlée, l’éternelle plaie liée au projectile étroitement ajusté au canon. Il était évident que la solution serait une balle d’un calibre inférieur, qui pourrait se dilater et bien engager le haut et le fond des rayures. Le premier germe de l’idée de la balle expansive semble venir d’un certain Capitaine John NORTON, de retour en Angleterre après son service en Inde. Son projectile, tel qu’il fut présenté en 1824 au British Select Committee on Firearms, ou la Commission Britannique de Sélection des Armes, était de forme cylindrique, creux sur presque toute sa longueur. Cette chambre contenait également la charge de poudre. La balle était suffisamment petite pour tomber au fond du canon, et l’explosion de la charge forçait théoriquement les parois tendres de la balle contre les rayures, formant du même coup un joint parfait pour les gaz. Le Comité refusa d’essayer le plan de NORTON, décidant sèchement « qu’une balle sphérique était la seule forme de projectile adapté pour l’usage militaire »Les Anglais seraient-ils aussi cons que les Français ? Oh, que oui, entends-je dire…

Presque au même moment en France, le Capitaine Gustave DELVIGNE conçut un canon rayé avec une petite chambre dans la culasse. Une balle ronde, sous-calibrée, était introduite dans le canon par la bouche et venait se poser sur les arêtes vives de la chambre. Quelques coups vigoureux avec une lourde baguette de fer sur la balle aplatissaient le plomb tendre et l’ajustaient aux rayures. Le système de DELVIGNE fonctionna quelque peu, mais la déformation de la sphère la faisait voler de manière erratique quand elle quittait le canon. En 1833, le Lieutenant-Colonel PONCHARRA modifia le système de DELVIGNE en ajoutant un calepin graissé sur la balle pour nettoyer le canon, et en fixant un petit sabot de bois à la base de la balle pour réduire la déformation causée par les coups de la baguette au chargement. Les carabines fonctionnant selon le système DELVIGNE-PONCHARRA furent versées à une Compagnie de Chasseurs à Pied en 1838 à titre d’essais, et le système fut adopté en 1840 en dotant dix bataillons des Tirailleurs de Vincennes, qui utilisèrent la carabine avec succès en Algérie. En Angleterre, le fameux armurier de Birmingham, William GREENER, s’était également attelé à la tâche de développer une balle expansive. Son plan, tel que proposé au Board of Ordonnance en 1835, consistait en un projectile ovale en plomb, avec une base plate et une chambre étroite faisant presque toute la longueur de la balle. Un bouchon en fonte de forme conique et une tête en forme de bouton était placé dans la cavité. On pouvait charger la balle facilement et, au moment du départ du coup, le bouchon conique partait vers l’avant, dilatant le projectile en le poussant dans les rayures. A la fin de 1835, une compagnie du 60e. Rifle essaya le système de GREENER de manière exhaustive et, selon les archives qui en restent, fut très satisfaite. Pourtant les autorités ne furent pas impressionnées et rejetèrent le projectile de GREENER parce que c’était un projectile composite. Les Anglais étaient vraiment aussi cons que les Français !

Le chapitre suivant de cette histoire nous ramène de l’autre côté de la Manche, dans l’atelier du Capitaine THOUVENIN. En 1843, il conçut sa « carabine à tige », un autre système basé sur l’expansion de la balle au moyen de la baguette de chargement. Son système différait de celui de DELVIGNE dans le fait qu’un projectile conique était dilaté par enfoncement sur une courte pointe, la « tige », fixée au fond de la culasse. Plus tard, THOUVENIN perfectionna le système en utilisant une baguette de chargement dont la tête était creuse, épousant la forme du nez du projectile, réduisant ainsi la déformation. Le système « à tige » fonctionnait mieux que celui de DELVIGNE, et il fut utilisé dans plusieurs corps de l’armée Française. En revenant un peu en arrière, nous nous apercevons que, vers la fin de 1842, DELVIGNE avait breveté une balle possédant beaucoup des caractéristiques de celle qui apparut ensuite et qui fut attribuée au Capitaine Etienne MINIE. DELVIGNE proposait une balle cylindrique à base creuse, qui se dilaterait sous le seul effet de l’explosion de la charge de poudre, en somme, ce que nous appelons aujourd’hui la balle Minié. On voit que les Français étaient aussi cons que les Anglais, eux aussi, en piquant l’invention de l’un pour l’attribuer à un autre, et en voulant donner un nom à tout le monde. Bien entendu, MINIE développa sa fameuse balle, et il le fit pendant qu’il était Chef d’Escadron à la forteresse de Vincennes. Comme on s’en aperçut en 1848, la balle de MINIE n’était rien d’autre que la balle à base creuse de DELVIGNE, avec un petit cône en fer à la base qui était poussé dans la cavité sous l’action des gaz. La balle de MINIE différait également un petit peu de son prédécesseur, dans sa forme. Les autorités militaires françaises étaient enchantées des performances de MINIE, mais se plaignirent que le petit bouchon de fer traversait souvent complètement la balle, en laissant au fond de l’arme un épais tube de plomb. On trouva également que le bouchon avait tendance à se libérer de la balle et voler aléatoirement en oblique par rapport au tireur, créant ainsi un danger pour ses propres camarades. Le bouchon de fer fut remplacé par un bouchon de bois. Les autres pays se rendirent vite compte des avantages du système Minié, et se mirent rapidement à faire leurs propres expérimentations. En 1850, les Belges adoptèrent le premier fusil rayé d’ordonnance, vite suivis par les Français et les Anglais. Donc, les Belges étaient moins cons que les Français et que les Anglais. Les Belges et les Français préféraient un projectile allongé avec des gorges de graissage annulaires et en calibre .69. Le calibre de 69, pour les Français on comprend, mais pour les Belges… Comme l’a noté le Major R. DELAFIELD dans son rapport au Congrès des Etats Unis sur l’Art de la Guerre en Europe en 1855, 1855 et 1856 : « Un troisième concept a été adopté par les Français, les Russes et d’autres, sur une base creuse en contact avec la poudre qui se dilate par l’explosion, remplissant ainsi toute l’âme du canon et s’ajustant avec les rayures du canon… avec trois gorges de graissage extérieures. »

Ces projectiles étaient attachés dans des cartouches en papier contenant la charge de poudre. Pour charger son mousquet, le soldat arrachait le bout de la cartouche avec ses dents, versait la poudre dans le canon, et asseyait la balle sur la charge avec la baguette de chargement. Toutes les armes tirant la balle Minié étaient du système à percussion, et une capsule de cuivre avec du fulminate de mercure était l’amorce universelle. Les Britanniques choisirent la balle conçue par l’armurier W. PRITCHETT qui, contrairement au modèle français, était lisse avec une cavité assez profonde. Le calibre du fusil Pattern 1851, appelé « minnie » par les soldats, était de .702. Sa balle Pritchett de 680 Grains était au calibre de .690. Les Britanniques décidèrent de garder le bouchon conique en fer. La balle était enveloppée dans un calepin de papier graissé, et insérée dans la cartouche base en haut. Pour charger, le soldat déchirait le bout de la cartouche avec ses dents, versait la poudre dans le canon, renversait la cartouche et poussait le tout, balle, papier et tout, dans le canon, ce qui déchirait le reste de papier et formait une bourre. Il asseyait ensuite la balle sur la charge avec la baguette de chargement et pouvait tirer. Très vite, les Britanniques eurent des problèmes avec le pas très serré du projectile en .690 Minié ce qui, couplé aux résultats des essais en petits calibres faits dans d’autres pays, les poussa à adopter le calibre de .577 et le célèbre fusil Pattern 1853. Les difficultés rencontrées avec le petit bouchon de fer amenèrent bientôt à le remplacer par du bois eux aussi. Avec cette munition, aidée d’un nouveau modèle de hausse pour le tir à longue distance, graduée jusqu’à 900 yards, la précision fut phénoménale pour l’époque. Le Pattern 1853 fut produit en quantités suffisantes pour voir du service en Crimée, où il devint vite l’arme favorite des soldats Britanniques.

Les Américains ne furent pas longs à tirer des leçons des Européens et, dès 1855, homologuèrent leurs propres fusils Minié. Le fusil U.S. modèle 1855 était une jolie arme, bien faite, en calibre .58. La balle de 500 Grains, conçue par le colonel BURTON de l’U.S. Army, était du type adopté par les Français, avec des gorges de graissage et sans le bouchon expansif. Toutes les armes des séries 1855 utilisaient le système d’amorçage à bande Maynard. Les Américains abandonnèrent bientôt le système d’amorçage Maynard pour la grande capsule à percussion « chapeau haut-de-forme », et en 1861 sortit un nouveau fusil Springfield. L’arme présentait le même chien bizarrement incurvé que son prédécesseur, et reprenait les mêmes lignes générales. Alors que les premiers 1855 possédaient une hausse sophistiquée en forme d’échelle graduée jusqu’à 900 yards, du même style que l’Enfield, on simplifia cet accessoire en 1858 par une version spartiate à deux feuillets, permettant une visée jusqu’à 500 yards au maximum. Le modèle 1861, probablement le fusil Yankee le plus utilisé pendant la Guerre, fut de nouveau transformé en 1863, encore que les transformations n’affectaient principalement que le chien en lui donnant sa forme familière en « S », et la suppression de la vis permettant le nettoyage à la base de la cheminée. Des milliers de « 61 » et de « 63 » furent fabriqués à l’Arsenal National, et plusieurs milliers d’autres par des sous-traitants civils comme Colt, Remington, S. Norris et W.T. Clemens, Whitney, etc.

Les fusils Enfield, eux aussi, firent l’objet de quelques petites transformations depuis leur mise en service en 1853. La plus importante fut en 1858 quand on élimina les ressorts retenant le canon, et qu’on adopta les grenadières serrées par vis, de type « Baddeley » et dites « bandes ». Egalement, la baguette de chargement, qui était retenue à l’origine dans le fût par un renflement venant s’ajuster dans une rainure prévue à cet effet, fut remplacée par une baguette droite maintenue fermement dans le fût par un ressort en forme de cuiller. Les Britanniques décidèrent que leur arme porterait trois rayures, au pas de 6 ½ pieds pour un tour. Les Américains furent d’accord, mais changèrent le pas à 6 pieds pour un tour. Alors que le calibre choisi par les Britanniques était de .577 et celui des Américains de .58, on se rendit compte bien vite que les Enfield pouvaient aussi tirer les munitions américaines. En raison de sa dépendance des armes d’importation, la Confédération fit cependant du .577 son calibre officiel. Les fusil Enfield qui ont été utilisés pendant la Guerre Civile Américaine furent produits à plusieurs endroits. Il y eut même des copies Rebelles et Yankee. Les ateliers qui produisirent probablement la majorité des armes importées durant la rébellion se trouvaient aux alentours de la ville armurière de Birmingham. La période des premières années 1860 fut particulièrement prospère pour les armuriers britanniques, puisque de grandes quantités de leurs produits ne furent pas seulement livrées à leur propre armée ou unités de milice et aux américains, mais aussi à des factions guerrières en Chine, où la rébellion cataclysmique de Taïping battait son plein.

Les Springfield, pour cet article nous utiliserons ce terme pour les « 61 » et les « 63 » également produits par les sous-traitants, étaient pour la plupart finis polis avec les garnitures en fer, bien que les platines sur les « 63 » fussent jaspées. Les fûts étaient en noyer huilé. Les Enfield avaient généralement des garnitures en laiton, mais le fer n’était pas rare, les canons étaient bronzés bleu foncé, et les platines jaspées. Les fûts étaient également en noyer huilé. Les deux armes étaient équipées de baïonnettes triangulaires qui se fixaient au canon par une virole tournant autour du guidon. La lame britannique mesurait 17 pouces et elle était un peu plus forte à la base où elle rejoignait le quillon. La baïonnette du Springfield était longue de 18 pouces et sa forme ressemblait plus à celle du modèle français. Les fourreaux différaient considérablement, la version britannique était faite en cuir noir avec une calotte et un collet en laiton, et un raidisseur intégral qui s’ajustait dans un porte-baïonnette ou un brandebourg séparés. Le fourreau Yankee était également en cuir noir avec une calotte en laiton, mais le porte-baïonnette était attaché en permanence en haut. Le fourreau britannique se portait au droit de la ceinture, alors que l’angle formé par le modèle américain le faisait pencher en avant, le rendant plus facile à saisir.

Comme précisé au début de cet article, les armes qui ont été choisies pour notre test sont les types standard du genre, mais une description un peu détaillée de chacune ne serait pas hors de propos. L’Enfield était une variété standard du Pattern 53. Le canon était marqué des poinçons de Birmingham, mais la platine, bien qu’entourée d’une ligne, ne portait aucun marquage, ce qui signifie que l’arme a plus que probablement été destinée à un usage par la milice. Sur les armes fournies aux troupes régulières britanniques, les platines étaient marquées de la Couronne de la Reine surmontant les lettres VR, pour « Victoria Regina ». La date et le fabricant, comme Enfield, Potts & Hunt, etc., étaient gravés devant le chien. Le canon de 39 pouces gardait encore des traces du bronzage d’origine, et l’intérieur du canon était pratiquement parfait, les trois rayures étant bien visibles depuis la bouche. Les baguettes d’Enfield firent l’objet d’une quantité de tests considérable avant que le modèle fût déposé. Sur l’arme de nos essais, la tête était fraisée et découpée. L’entaille pouvait être utilisée pour y fixer le chiffon de nettoyage, ou un tournevis pouvait y être inséré pour créer un bras de levier plus grand lorsqu’on essayait de sortir une balle avec le tire-balle qui se vissait à l’autre extrémité de la baguette. Dans l’ensemble, le travail de finition sur l’arme d’essais était excellent. L’ajustage du métal au bois était bon, et les décorations étaient gravées, pas poinçonnées. Comme accessoires, les Enfield avaient un petit outil combiné très pratique, d’abord remis aux sergents et aux caporaux, comprenant une clé de ressort, un tournevis, un débouche-cheminée, un tire-balle, une clé de cheminée et un huilier, plus un bouchon de canon en liège garni de fer ou de laiton, et un couvre-cheminée en cuir qui était attachait au fusil par une chaîne en laiton et qui permettait au soldat de tirer à sec avec son arme. Une cartouche originale d’Enfield a pu être examinée. Il s’agissait d’un objet complexe, fait de plusieurs bandes intérieures et extérieures, gommées. L’objet était robuste, et les soldats le trouvèrent facile à utiliser pour le rechargement au combat.

Notre arme de Yankee était un modèle « 63 » fabriqué par la Trenton Locomotive & Machine Works à Trenton, état du New Jersey. Sur la platine, il restait des traces de jaspage, bien que le reste de l’objet, y compris le canon de 40 pouces, était poli blanc. Le fût était en bon noyer, marqué comme il le fallait avec les tampons des inspecteurs. La baguette présentait la tête de tulipe classique avec son renflement, et son extrémité était filetée pour recevoir les accessoires standard. Les marquages de la platine indiquaient « U.S. / Trenton » et l’aigle américain était gravé sur le support de cheminée. Dans l’ensemble, la finition était au moins aussi bonne, sinon meilleure, que celle de l’Enfield. Les accessoires de ces armes, à l’exception d’un outil composite multiple assez rare, étaient généralement portés séparément. Ils incluaient un tournevis démonte-cheminée à trois têtes, une clé de ressort, un chasse goupilles, un tire-balles, un lavoir et un bouchon de canon en bois tourné. La cartouche du Springfield était plus simple que celle de l’Enfield, et n’était rien d’autre qu’une enveloppe enroulée, attachée à l’avant et contenant une balle, tête la première, et la poudre. Tout comme la munition britannique, elle avait une queue longue et plate que le soldat pouvait déchirer avec ses dents pour mettre la poudre à nu. Le soldat américain recevait ses capsules d’amorçage dans une feuille de papier enroulée et attachée sur l’un des côtés. Les capsules Crown étaient distribuées dans des boîtes en étain, d’abord portées dans la giberne, puis contenues plus tard dans la petite sacoche à amorces à la manière américaine.

Les projectiles et les charges qui ont été choisis pour les essais étaient, pour les spécifications des années 1860, une balle Pritchett de 530 Grains et de calibre .568 avec 2 Drams et demi, soit 68 Grains, de poudre noire FFg pour l’Enfield. Pour le Springfield, nous avons pris une balle Minié Lyman # 575213 « original-style », assise sur 60 Grains de FFg. Les projectiles étaient graissés avec un mélange de cire d’abeille et de suif, et les tirs se sont effectués par séries de cinq coups, en nettoyant entre les coups. Ceci reproduit en quelque sorte les conditions dans lesquelles les armes auraient servi au combat. Sauf que je ne suis pas sûr que le soldat avait le temps de passer un coup de chiffon entre les coups sur un champ de bataille, spécialement pas avec un officier dans le dos qui le poussait à foncer en avant avec son sabre.

Sans entrer dans une description fastidieuse de chaque série coup par coup, il est peut être intéressant de noter les impressions générales que nous avons eues au cours d’un après-midi de tir. D’abord, en dépit d’une balle plus lourde et d’une charge plus importante, nous avons trouvé que l’Enfield était beaucoup plus doux à tirer que le Springfield. On peut probablement attribuer ce fait à la crosse de l’arme britannique, plus droite, et à la plaque de couche plus incurvée, comme sur un fusil de chasse. La plaque de couche plate du Springfield punissait après quelques coups répétés. Sur notre Enfield, la détente était infiniment meilleure que celle du Springfield, bien que l’expérience ait prouvé que les poids de détente peuvent varier considérablement d’une arme à l’autre dans le même type, et nous ne condamnerons pas le Springfield pour cela. En fait, les mécanismes des deux armes sont pratiquement identiques. La baguette de chargement de l’Enfield était plus forte que celle du Springfield, mais ce dernier se chargeait tout aussi facilement que l’autre. Au nettoyage, en particulier avec les lavoirs en forme de tire-bouchon, nous avons trouvé que le fait que la baguette de l’Enfield avait plus de viande était un plus. Du même coup, une tige passée à travers l’échancrure de la tête nous a permis de sortir facilement un morceau de chiffon qui était resté dans le canon. Quand la fumée se dissipa, le groupement de l’Enfield, à 100 yards et sur appui, mesurait 4 pouces, et celui du Springfield mesurait 7 ½ pouces. Aucune difficulté ne fut rencontrée sur l’une ou l’autre des deux armes pour le rechargement, même après le tir de quelques séries jusqu’à dix coups. On dirait que ces cons-là n’ont tiré que dix coups à peine avec chaque arme ; c’est donc normal que leurs essais n’ont duré qu’un après-midi. L’allumage sur les deux armes était sûr et constant, et nous n’avons pas eu de ratés à attribuer à une mauvaise conception. Le mec ne dit pas s’il a eu des ratés ou s’il n’en a pas eu, il dit simplement cela pour remplir des lignes.

Le but de ces essais était de voir lequel, de l’Enfield ou du Springfield, était supérieur à l’autre, et je ne peux pas vraiment me prononcer. Alors que les deux armes se sont très bien comportées dans le rôle pour lequel elles avaient été conçues, je donnerai toutefois la préférence à l’Enfield. Ce choix n’est pas seulement lié aux performances, mais à des facteurs de conception, comme la baguette de chargement de l’arme anglaise qui était bien supérieure à celle de son concurrent, et d’autres plus intangibles, comme l’esthétique et l’attention générale donnée aux détails dans la fabrication. L’outil combiné de l’Enfield était une amélioration notoire par rapport aux outils séparés du Springfield, mais il faut se rappeler que le soldat américain était doté de pratiquement tous les accessoires, çà je n’en suis pas si sûr, quand le soldat britannique dépendait largement de l’outil porté par son sergent. Là, nous avons un petit coup de pouce. Les baïonnettes étaient au moins aussi efficaces l’une que l’autre, je parie que le mec ne les a même pas essayées sur ses petits copains, et les fourreaux tout aussi pratiques. Alors que les organes de visée de l’Enfield sont plus complexes et de meilleure qualité que ceux du Springfield, même les experts des années 1860 admettaient qu’une distance de 900 yards était très optimiste pour un fusil tirant la balle Minié. La hausse à deux feuillets du « 63 » est certainement plus adéquate et, d’un point de vue de durabilité et de coût de fabrication, c’est assurément un plus. Inutile de le dire, un après-midi de tir pour les deux fusils sélectionnés n’est en aucun cas un test qui pourrait faire autorité. Plusieurs personnes ont tiré avec les armes, cependant, et l’avis général rejoint ce qui est écrit ci-dessus. J’ai tiré depuis des années avec plusieurs Springfield et Enfield mais, prises à part, il n’y a pas de différence particulièrement notoire entre l’une ou l’autre de ces armes. Je suis sûr que c’était aussi le cas pendant la Guerre Civile. Les hommes se rendaient compte qu’elles représentaient ce que leur gouvernement avait de mieux à leur fournir ou procurer, et ils étaient satisfaits de cette idée. Les pertes énormes dans les deux camps sont une autre preuve de l’efficacité mortelle de ces deux fusils.

ILLUSTRATIONS

springfield contre enfield 1

A gauche, deux balles d’origine retrouvées sur un ancien champ de bataille de la guerre de Sécession, soit la balle Pritchett et la balle Minié. On remarque la forme pointue de la balle Minié. Rien à voir avec ce qui sort des moules disponibles couramment dans le commerce aujourd’hui. A droite, les balles coulées par l’auteur.

springfield contre enfield 2

Plan de la balle d’origine. Je retiens : calibre de .5775, poids 500 Grains pour 60 Grains de poudre à gauche, destinée au fusil, et 450 Grains pour 40 Grains de poudre à droite, destinée à la carabine.

Quelques armes à chargement par la culasse

DANS LA GUERRE DE SECESSION

Traduction d’un article de A.M. BECK paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1993

Addenda extraits du FLAYDERMAN’s Guide to Antique American Firearms, 6ème. édition

Parmi les diverses armes à chargement par la culasse, trois modèles furent en dotation en des quantités dépassant de loin toutes les autres. La Spencer, la Sharps et la Burnside. Nous avons choisi de faire tirer ces armes pour voir de quoi devait se contenter le troupier moyen ou le soldat d’infanterie chanceux. L’une des conséquences les plus intéressantes de la Guerre Civile fut l’accélération de la mise en service des armes à chargement par la culasse. On acheta une variété surprenante de carabines et de fusils, dans le but de ré-armer rapidement les troupes avec tout ce qui pouvait se charger par la culasse. Plusieurs armes issues de concepts parfaitement inefficaces furent mises en dotation, comme la Merrill de l’Union, la Starr et, dans une certaine mesure, la Gallager. Par contre, divers excellents systèmes apparurent. Parmi ceux-ci on compte la Spencer, la Maynard, la Burnside, la Smith et, bien sûr, la Sharps. Elles ne sont pas seulement des exemples du génie inventif du dix neuvième siècle, mais restent de belles et très bonnes armes de tir. On arrive à trouver toutes ces armes dans des divers états de conservation, allant du neuf « jamais tiré », au piqué ou au totalement inutilisable. Si l’on veut choisir une arme de l’époque de la Guerre Civile pour tirer avec, le plus important est l’état du mécanisme de la culasse, celui du canon passant en second lieu. Les rayures de ces armes sont taillées très profondément, et beaucoup tireront très bien même avec un canon piqué, bien que cela les rende beaucoup plus difficiles à nettoyer. Presque toutes les armes de cette époque avec lesquelles on voudra tirer aujourd’hui demanderont un « rodage ». Ceci représente à peu près une centaine de coups, avant que l’arme commence à grouper de manière régulière et n’enplombe plus. Beaucoup ne seront pas au mieux de leur forme avant deux cent coups. Les tous premiers coups peuvent même approcher la précision d’un canon lisse. Il faut autant que possible utiliser du plomb pur pour couler des balles destinées à être utilisées dans toute arme à feu des années 1860, et jamais plus dures que le plomb d’équilibrage. La plupart des canons sont en simple fer tendre, même sur les Sharps et les Spencer. Bien que les canons de Burnside soient marqués « Acier fondu », ils sont eux aussi considérablement plus tendres que les canons modernes. Des balles trop dures se sont pas seulement moins précises, mais elles usent inutilement le canon.

L’arme longue à chargement par la culasse de la période de la Guerre de Sécession probablement la plus connue est la Sharps, soit le modèle 1859, soit le 1863. Avec son bloc de culasse vertical et avec sa plaque et son joint flottants, la Sharps fuit moins et s’encrasse moins que toute autre arme à cartouche combustible. On peut également la faire tirer en utilisant, en cas d’urgence, la poudre et les balles séparément. Ceci représentait un avantage plus important pour le War Department, le ministère de la guerre, que sur le terrain. Toutefois, aucune arme à cartouche métallique ne pouvait se vanter de faire pareil. La Sharps s’encrasse plus vite qu’une autre arme utilisant une munition à douille métallique, mais la réputation qu’elle s’était taillée sur la frontière de l’Ouest et pendant la guerre du Kansas, tout comme la qualité de sa fabrication et sa précision, l’avaient rendue très populaire. Elle fut si populaire que la Confédération la copia en grande quantités. Au début de la guerre, la Sharps était largement disponible sur le marché civil, mais les besoins du gouvernement augmentèrent rapidement, culminant dans une commande pour « toutes les carabines que vous pourrez fabriquer… » pour en doter la cavalerie Fédérale. Plus de soixante quinze mille carabines plus tard, la guerre était finie. Après la guerre, des milliers furent converties pour tirer la nouvelle cartouche .50-70 Govt. a percussion centrale. D’autres restèrent en service, inchangées. Pour tirer de manière authentique avec une Sharps, deux choses sont nécessaires : un moule pour la balle dans le calibre particulier de .52 qui, à cause des rayures très profondes du canon, fait 0,54 pouce de diamètre en vrai, et ensuite, de quoi obtenir du papier nitraté. Les deux se trouvent chez Dixie Gun Works. Des firmes comme Regimental Qartermaster ( P.O. Box 553, Hatboro, PA 19040, U.S.A. ) et Rapine ( P.O. Box 119, East Greenville, PA 18041 ) vendent aussi le moule. Il oublie Pedersoli en Europe. Il faut suivre les instructions figurant sur le kit à cartouches, pour fabriquer une munition presque identique à celle qui était distribuée par la Fédération juste avant la guerre, et la Confédérée. Les cartouches distribuées aux Fédérés pendant la guerre étaient faites dans du drap enduit de gomme-laque.

Environ vingt cartouches, soit une boîte de cartouches complète, suffiront à donner une bonne idée de ce que peut faire une Sharps dans une journée de bataille. Presser la cartouche complètement dans la chambre pour que la balle soit bien prise dans les rayures et donne ainsi une précision constante, et pour permettre à la charge d’être utilisée totalement. En fermant la culasse, l’arrière de la cartouche est coupé et un peu de poudre s’échappe. Souffler dessus pour la faire partir, et tirer comme avec toutes les autres armes à percussion. Avec la pleine charge de 60 grains de FFg, le recul est acceptable, rappelant celui d’un fusil de chasse en calibre 12.

Les marquages incluent le nom du modèle sur le haut du canon près de la culasse, comme NEW MODEL 1859, NEW MODEL 1863 ou NEW MODEL 1865. Egalement sur le canon SHARPS RIFLE/MANUFG. CO./ HARTFORD, CONN. Sur le côté gauche de la carcasse C. SHARPS PAT./SEPT. 12th. 1848, sur la platine, près du centre C. SHARPS PAT./OCT. 5th. 1852, et sur le haut à l’avant R.S. LAWRENCE PAT./APRIL 12th. 1859. D’autres marquages comme Lawrence et la date du brevet sont visibles sur la hausse, et H. CONANT PATENT/APRIL 1, 1856 sur l’arrière du bloc de culasse. Tous fûts et crosses en noyer huilé, avec les marquages de l’inspecteur sur le côté gauche près du poignet. Finition généralement bronzée avec jaspage sur la platine, le bloc de culasse, la carcasse, le levier et la détente. Les carabines sont équipées, sur le côté gauche de la carcasse jusqu’à la moitié de la poignée, d’une tige latérale avec anneau e selle coulissant, finie poli blanc. Garnitures en fer sur tous les modèles, sauf sur les toutes premières carabines en Modèle 1859… Les modèles à culasse droite furent une amélioration certaine par rapport aux types précédents à la culasse oblique, et sont les plus courants parmi les carabines et fusils Sharps, atteignant jusqu’à 65 % de la production totale Sharps. Bien que l’on nomme ces armes d’après leurs modèles distinctifs et qu’elles portent de tels marquages ( New Model 1859, New Model 1863 ou New Model 1865 ), en fait il s’agit toujours d’un seul modèle. La différence de nom n’est qu’une différence de marquages sur le canon. Seules de toutes petites améliorations ont été apportées au cours de la production et les marquages du New Model 1859 se retrouveront sur le canon d’armes qui porteront les améliorations du New Model 1863. Des variations dans le même modèle ont plus d’importance auprès du collectionneur que les marquages du canon, c’est pourquoi touts les modèles à culasse droite sont compris dans le même pour faciliter la compréhension. Les modèles à culasse droite et fonctionnant à percussion sont numérotés d’environ 30 000 à environ 150 000. A partir du numéro 10 000, on fit appel à de nouveaux marquages en utilisant le préfixe C, lettre représentant le Cent en chiffres Romains. Ce préfixe C désigne le numéro 100 000, et n’indique pas qu’il s’agit d’une carabine contrairement à ce qui a été avancé. En d’autres mots, le numéro de série C1 voudrait dire 100 001. Il règne une certaine confusion dans les numéros de série sur les trois différents modèles, mais les variations générales sont de 30 000 à 75 000 pour le New Model 1859, de 75 000 à 140 000 pour le New Model 1863, et de 140 000 à 145 000 pour le New Model 1865. Plus de 100 000 fusils et carabines Sharps de ces modèles furent achetés et utilisés par l’U.S. Army et la U.S. Navy, à l’exception du tout premier modèle 1859. Les variations les plus connues sont :

CARABINES : Canon de 22 pouces toujours. Premier New Model 1859, garnitures en laiton et boîte à calepins aussi. Environ 3 000 fabriquées. Cote U.S. chez Flayderman 1994 de 1 000 $ en bon état, à 3 250 $ en excellent état. New Model 1859, avec garnitures et boîte à calepins en fer. Environ 30 000 fabriquées. Cote de 800 $ à 2 200 $. New Model 1863, avec garnitures et boîte à calepins en fer. Environ 40 000 fabriquées. Cote de 800 $ à 2 200 $. New Model 1863, garnitures en fer, pas de boîte à calepins. Environ 25 000 fabriquées. Cote de 800 $ à 2 200 $. New Model 1865, garnitures en fer, pas de boîte à calepins. Environ 5 000 fabriquées. Cote de 900 $ à 2 750 $.

FUSILS MILITAIRES : Sauf mention contraire, tous ces fusils ont un canon de 30 pouces et le fût plein tenu par trois bandes. Tous ont des boîtes à calepins en fer. New Model 1859, avec tenon pour baïonnette-sabre près de la bouche. Environ 1 500 fabriquées pour l’armée et 2 800 pour la marine. Cote de 1 250 $ à 3 000 $. Idem que précédent, mais avec baïonnette à manchon. Quantité fabriquée, estimée à 1 000 et probablement plus, pour l’armée. Cote de 1 250 $ à 3 000 $. New Model 1859, distribués au 1er et au 2ème Régiments des U.S. Sharpshooters du Colonel Hiram BERDAN. 2 000 achetés et donnés en dotation vers 1862. Les spécimens authentiques sont numérotés entre 54 374 et 57 567 selon MARCOT, mais il est possible que certains soient numérotés aussi bas que 36 000 selon SELLERS. On les trouve équipés pour recevoir les deux types de baïonnette. La plupart ont une double détente. Selon l’authentification et les accessoires, les cotes changent d’au moins 50 % par rapport à celles qui sont données précédemment. New Model 1859, avec canon extra long de 36 pouces et tenon de baïonnette près de la bouche. Environ 600 fabriqués. Cote de 1 250 $ à 3 250 $. New Model 1863, adapté pour la baïonnette à manchon. Environ 6 000 fabriqués. Cote de 1 000 $ à 2 500 $. Même modèle mais avec tenon pour baïonnette-sabre, environ 1 000 fabriqués. Cote de 1 000 $ à 2 500 $. New Model 1865, sans tenon de baïonnette. Environ 1000 fabriqués. » Les armes de sport à percussion et le modèle avec le moulin à café sortent du contexte historique de cet article.

Comme les organes de visée de la Sharps étaient réglés pour 100 yards, des coups à 50 yards donneront des impacts environ 4 pouces trop haut. On peut faire baisser le point moyen en réduisant la charge de poudre. Cependant, en dessous de 45 grains, la précision disparaît. Une arme d’origine en bon état devrait grouper régulièrement en dessous de 2 pouces à 50 yards. En dépit des meilleurs efforts de MMr. SHARPS, CONANT, et plus tard LAWRENCE pour concevoir un joint d’étanchéité des gaz plus efficace, les carabines Sharps fuient à la culasse. Celles qui ont du jeu fuient plus, mais elles s’enrayent moins vite à l’encrassement parce qu’elles ont du jeu. En tous cas, après environ dix coups, le levier de sous-garde commence à devenir très dur à manier et demande beaucoup d’efforts pour ouvrir la chambre. Le troupier apprit vite qu’en mouillant l’intérieur de la carcasse autour de la culasse, il ramollissait l’encrassement et rendait l’opération plus facile. La meilleure façon de faire à cette époque, et elle l’est encore aujourd’hui, était de cracher sur la culasse. A la bataille de Gettysburg, les tireurs d’élite de BERDAN, les Sharpshooters, jeu de mots combinant « tireurs à la Sharps » et « tireurs habiles, rapides et au regard perçant », démontrèrent que la Sharps pouvait tirer vite, même encrassée. Lorsque LONGSTREET entreprit son mouvement d’encerclement par le flanc le deuxième jour de la bataille, les tireurs du Second U.S. Sharpshooters furent engagés pendant environ vingt minutes et tirèrent une moyenne de quatre vingt quinze coups par homme. Ils arrêtèrent l’avance des Confédérés alors qu’ils étaient minoritaires à un contre dix. Tous les fusils et toutes les carabines Sharps à percussion ont la caractéristique de posséder une lumière qui est longue et sinueuse. Si celle-ci n’est pas nettoyée soigneusement, on peut avoir des longs-feux, spécialement le premier coup après le nettoyage. Si la culasse est ouverte après un faux départ, de la poudre s’échappera et tombera dans le logement du ressort de levier entre la carcasse et la crosse, et pourra être allumée par les étincelles du coup suivant. L’explosion qui en résultera fera éclater la crosse et, au moins, brûlera la tireur. La plupart des carabines Sharps des Confédérés portant la mention « Eclatée pendant la bataille » sur les registres, finirent de cette façon. La Sharps fut assez prise en aversion dans les rangs des Sudistes, jusqu’à ce que les raisons de ce problème furent comprises. Le fusil M 1859 de l’auteur a fait l’objet d’un tel éclatement il y a longtemps, et une grande pièce de bois a été remplacée. Dans le cas où le coup refuse vraiment de partir, il faut enlever le bloc de culasse en maintenant le canon vers le haut, et nettoyer toute la poudre non brûlée avant de recharger. Ayant possédé une réplique de Sharps à cartouche papier, je confirme l’encrassement considérable et les difficultés pour faire partir le coup.

La carabine Burnside avait été bien acceptée avant la guerre et elle fut assez populaire dans les deux camps au cours des hostilités. Les quantités en dotation par les autorités Fédérales n’arrivèrent qu’en seconde place par rapport aux Sharps et Spencer. Il y eut aussi des achats substantiels de la part des Etats, particulièrement Rhode Island. Même le gouvernement Confédéré citait la Burnside comme un substitut standard, ayant apparemment sous la main des modèles du premier ou du deuxième type au début de la guerre. Le mécanisme fut inventé bien avant la guerre par Ambrose BURNSIDE, nommé Général plus tard et Commandant en chef de l’Armée du Potomac. Le but avoué de BURNSIDE était de trouver un remède au problème des fuites considérables de gaz qui affectaient les carabines Hall à chargement par la culasse. Les deux systèmes utilisaient un bloc de culasse pivotant. BURNSIDE y ajouta une cartouche à douille en laiton pour permettre la fermeture de la culasse au niveau du joint avec le canon, et un piston flottant à l’arrière de la chambre pour rendre la base de la cartouche étanche. Les fuites de gaz furent presque éliminées. Bien que le gouvernement achetât deux cent carabines en 1856 et sept cent neuf autres en 1858, les armes ne virent pas beaucoup de service avant la guerre. Les livraisons étaient très lentes. La plupart des carabines étaient reléguées à titre expérimental le long de la frontière. Elles furent bien accueillies à la fois par la troupe et par les pionniers, se vendant suffisamment bien sur le marché civil pour attirer la concurrence. Sam COLT, qui essayait de vendre ses fusils à barillet à l’armée et aux hommes de la frontière, les appela, tout comme les Sharps, « des armes de charlatans ».

« Fabriquées par Bristol Firearms Co. et son successeur Burnside rifle Co., comme indiqué sous les modèles. Les quantités totales fabriquées varient selon les sources. Fabriquées de 1857 à 1865. Arme à chargement par la culasse, à percussion, de calibre .54. Les armes Burnside sont des objets de collection d’un intérêt particulier à cause de la personnalité de leur inventeur Ambrose E. BURNSIDE, Trésorier de la Burnside Firearms Co., que des difficultés financières forcèrent à vendre ses parts en Juin 1859, et célèbre Général de l’Union pendant la Guerre Civile. La cartouche est particulière elle aussi, étant faite soit en cuivre, soit dans du clinquant enroulé en forme de cône. First Model fabriqué à Bristol, R.I., par Bristol Firearms Co. vers 1857 ou 1858. Quantité totale fabriquée 300. Système d’amorçage incorporé à la carcasse. La culasse s’ouvre par le biais d’un levier situé à l’opposé du chien, et qui actionne aussi le mécanisme d’amorçage. Canon de 22 pouces. Garnitures en fer. Finition bronzée et jaspée. Crosse en noyer, sans fût à l’avant. Numéros de série à partir de 1 et plus haut. Haut de la carcasse marquée BURNSIDE’S/PATENT/MARCH 25th./1856. Le côté gauche de la crosse porte généralement le cartouche de l’inspecteur RHKW.

Les U.S. en achetèrent 200, et la plupart furent affectées au 1er. Cavalry à Fort Leavenworth, Kansas, vers Janvier 1858, et furent portées lors de plusieurs expéditions. Quelques modèles expérimentaux, et peut-être autant que 50 pour le tir sportif, furent également fabriqués. Cote de 3 500 $ à 7 500 $. Modèle de transition transformé en usine et appelé First/Second Model est réputé fabriqué aux fins d’essais, intégrant des améliorations suggérées par l’utilisation sur le terrain par l’armée avec le First Model. Un modèle standard au numéro inférieur à 300 existe avec le levier retiré et son logement arrondi bouché. Un ressort breveté par FOSTER est fixé au levier de culasse. Le bouchon rond et la petite zone sur la carcasse tout autour ont été gravés d’un simple rinceau, que certains disent être censé cacher l’apparence du bouchon. Marquages U.S. des deux côtés de la carcasse. Les estimations sont de moins de 50 pour ces armes transformées. Cote de 2 000 $ à 3 750 $. Second Model, fabriqué par Bristol Firearms Co. et par Burnside Rifle Co., à Providence, R.I., à environ 2 000 au total de 1860 à 1862. Le mécanisme de culasse s’ouvre par un verrou intérieur manœuvré par le pontet. Canon de 21 pouces. Garnitures en fer. Bien que la finition soit souvent citée comme jaspée, on notera que l’on rencontre aussi des carcasses bronzées. Crosse en noyer, sans fût à l’avant. Numéros de série à partir de 250 et plus haut, continuant la lignée du First Model. Platine marquée parfois BRISTOL FIREARM CO. ou parfois BURNSIDE RIFLE CO. / PREOVIDENCE= R.I. Le canon est marqué CAST STEEL 1861. Le haut de la carcasse BURNSIDE PATENT / MARCH 25th. 1856. Quelques verrous de culasse sont marqués G.P. FOSTER PAT / APRIL 10th. 1860. Le côté gauche de la crosse porte généralement le cartouche de l’inspecteur. On sait de source sûre que ce modèle dota le First Rhode Island Infantry qui prit part à l’attaque d’ouverture à la bataille de Bull Run le 21 Juillet 1861. Des dotations en plus petites quantités furent faites à beaucoup d’unités de cavalerie y compris le 1er. Maine, le 1er. NewJersey, le 1er. Pennsylvania, le 1er. et le 2ème. Indiana, le 1er. et le 2ème. Rhode Island, et le 1er. U.S. Cote de 1 100 $ à 3 250 $. Third Model, fabriqué par Burnside Rifle Co., Providence, R.I.  Fabrication totale estimée à 1 500, toutes en 1862. Canon de 21 pouces. Ce modèle diffère du premier par la présence d’un fût à l’avant et une légère modification dans la forme du chien. Garnitures, anneau de selle, crosse et finition pratiquement les mêmes que sur le Second Model, sauf l’addition d’un fût à l’avant et d’une capucine. Vu de l’extérieur, ce troisième modèle ressemble beaucoup aux 4ème et 5ème modèles plus couramment rencontrés. La différence la plus apparente est la culasse monobloc, pivotant sans charnière comme sur le Second Model. Les numéros de série partent de 1 500, continuant la lignée du Second Model. Platine marquée BURNSIDE RIFLE Co. / PROVIDENCE + R.I. Canon marqué CAST STEEL et parfois 1862. Carcasse marquée sur le dessus BURNSIDE’S PATENT / MARCH 25th. 1856. Quelques verrous de culasse marqués G.P. FOSTER PAT / APRIL 10th. 1860. Cote de 750 $ à 2 000 $. Les Fourth et Fifth Models ont été fabriqués chez Burnside Rifle Co. selon les quantités ci-dessous, entre 1862 et 1865. Il n’y a pas de difficultés pour identifier ces modèles et leurs variations. Au pire, la terminologie est difficile à comprendre. La plupart des auteurs ont classé les Burnsides en quatre modèles ou types. Soit le cinquième modèle n’a pas été mentionné, soit on a dit qu’il n’existait pas. Contrairement à Edward HULL dans “The Burnside Breech Loading Carbines” et à Norm FLAYDERMAN. Curieusement, l’U.S. Ordnance Dept. n’utilisa que l’appellation de « Modèle 1863 » pour les deux types, alors que le cinquième est marqué MODEL OF 1864. Pourtant, aucun terme officiel n’a jamais été adopté par un catalogue ou un autre auteur. Pour les numéros de série, les Modèles 1 à 4 semblent se suivre normalement. Le Modèle 5 fit apparemment l’objet d’une numérotation à part. On sait que beaucoup de régiments de cavalerie ont été armés avec ces modèles pendant la Guerre Civile. Parmi eux, le 1er. Michigan, le 3ème. Indiana, les 5ème., 6ème et 7ème. Ohio, le 1er. NewJersey, le 3ème. West Virginia, les 3ème., 14ème. et 18ème. Pennsylvania, et les 2ème., 12ème., 14ème. et 16ème. Illinois. Fourth Model. Généralement pas mentionné en tant que tel, sauf sous l’appellation de « Transition Type », fabriqué de 1863 à 1864, approximativement à 7 000 exemplaires. Le mécanisme de culasse diffère de manière significative des modèles précédents, présentant une partie centrale du bloc de culasse qui est articulée sur une charnière, en facilitant l’introduction de la cartouche Burnside. Garnitures, anneau de selle et crosse identiques au Third Model, sauf les dates de fabrication des canons. Marquages de la carcasse identiques au Third Model. Cartouche de l’inspecteur sur le côté gauche de la crosse. Canon bronzé. Carcasse bronzée ou jaspée. La carcasse ne possède pas l’emplacement sur le côté gauche pour la vis de guidage. Cote de 675 $ à 1 750 $. Fifth Model, le modèle qui fut le plus fabriqué, vendu au gouvernement et mis en dotation, à environ 43 000 exemplaires de 1863 à 1865. Canon bronzé, boîtier jaspé, pratiquement identique au Fourth Model, mais on discerne bien le rail de guidage au milieu de la carcasse du côté droit, qui permet un mouvement plus souple du bloc de culasse. Bien que les premières livraisons fussent faites en 1863, on lit sur le haut du boîtier BURNSIDE’S PATENT / MODEL OF 1864. Ceci est resté inexpliqué. Cote de 650 $ à 1 500 $. »

A l’entrée en guerre, les Burnside étaient très populaires à cause de leur faible poids et leur utilisation très propre. Beaucoup d’hommes de troupe se plaignirent quand les Burnside furent retirées pour être remplacées par les Sharps. Les troisième et quatrième modèles de Burnside, en plus de celui qui est appelé « de transition », sont ceux que l’on trouve le plus souvent. Le troisième modèle présente une charnière à l’avant en dessous du bloc de culasse qui, lorsqu’il est ouvert, garde la chambre cachée entre les bords de la carcasse. Le modèle de transition et le quatrième modèle utilisent un double pivot qui présente la chambre au dessus de la carcasse, rendant le chargement plus facile. Pour tirer avec une Burnside, il faut posséder quelques douilles de laiton, et une balle courte et trapue de 375 grains qui fait presque 0,56 pouces de diamètre pour s’adapter au .54 qu’est le calibre du canon. Les douilles et le moule sont disponibles chez Dixie Gun Works et chez Regimental Quartermaster. Rapine peut également fournir le moule. Les douilles de Burnside contiennent 50 grains de FFg, ce qui représente une charge assez puissante. On dit que des bisons ont été abattus avec une Burnside, à des distances étonnamment longues. Aux distances normales de tir à la cible, les pleines charges donnent des impacts très hauts. Une bonne charge pour 50 yards est 21 grains de FFg. Pour 100 yards, 38 grains vont très bien. Utiliser une bourre de coton entre la balle et la poudre pour garder la charge au fond. Elle réduira également l’encrassement. Pour charger la Burnside, mettre le chien au cran du demi-armé et presser ensemble les deux grandes pièces formant le pontet. Ce mouvement déverrouillera l’assemblage de la culasse et lui permettra de s’ouvrir à travers la carcasse. Laisser tomber la cartouche dans la chambre, la queue en premier. Refermer l’ensemble en manœuvrant le levier de sous-garde formé par le pontet double, en s’assurant qu’il est bien verrouillé. La sécurité de la Burnside est ingénieuse. La queue de détente arrive juste derrière le levier de verrouillage et viendra en contact avec lui si le verrou est ouvert, empêchant le tir. Comme le Général BURNSIDE n’avait pas inclus d’amorce dans sa cartouche, la carabine doit être amorcée avec une capsule. Le forage du bloc rend l’amorçage plus difficile qu’il le pourrait, mais il garde la lumière de la cheminée très courte, en assurant un allumage efficace. La puissance et la précision avec les charges réglementaires dans la Burnside ne sont pas vraiment aussi bonnes que dans la Sharps. A 50 yards sur bench-rest, les groupements moyens tournent autour de 2 pouces, mais la carabine est difficile à manier pour obtenir cette précision en tir à bras franc. La Burnside pèse une livre de moins qu’une Sharps, sa plaque de couche est plutôt mince et de plus, elle est pèse beaucoup plus lourd de l’arrière. Cela rend le recul un peu rude et le maintien à l’épaule difficile. Un autre problème vient du fait que le chien se trouve presque dans la ligne de visée du côté droit, masquant les organes de visée quand il n’est pas au cran de l’armé, ce qui rend le tir difficile pour les gauchers. Comme elle est réglée pour 125 yards, la Burnside « tape » étonnamment haut aux distances normales de tir à la cible. Avec les charges pour le tir à 50 yards, la situation s’améliore. La précision est exceptionnelle, facilement égale à celle de la Sharps, avec en plus l’avantage d’un recul moins important. La Burnside est l’une des rares armes de la Guerre Civile possédant un extracteur. Après le tir de quelques coups, la chambre commence à s’encrasser. Le piston flottant et la douille vide ont alors tendance à rester coincés dans la chambre, mais la gâchette dépasse juste assez à travers la carcasse pour pousser le piston dans le bloc de culasse lorsque l’on ouvre le mécanisme, et cela extrait la douille tirée. Même après plusieurs coups, les douilles sortent facilement. Au fur et à mesure que l’encrassement augmente, il faudra pousser plus fort pour ouvrir la culasse, mais cela n’a rien à voir avec l’effort nécessaire sur une Sharps. Malheureusement, la plupart des répliques actuelles de douilles sont trop courtes pour permettre à ce système de fonctionner. Ces douilles-là se coincent après quinze ou vingt coups. La platine de la Burnside est son point faible majeur. Le maître ressort et le ressort de percuteur se cassent facilement lorsque l’on tire à sec. Le cran du demi-armé est lui aussi anormalement fragile. Ces problèmes ne sont pas liés à  l’âge avancé de l’arme, car beaucoup de rapports officiels faisaient état du manque de solidité de la platine pendant la guerre. Les pièces sont rares et chères, et il n’en reste pas.

Les fusils et les carabines Spencer furent achetés en plus grand nombre que toute autre arme à chargement par la culasse pendant la Guerre Civile. Beaucoup de celles qui provenaient des derniers lots ne virent jamais le service, et on peut en trouver dans un état neuf, proche de celui où ces armes étaient lorsqu’elles sont sorties d’usine. A la fin de la guerre, la plupart des troupiers de la Fédération étaient armés de carabines Spencer, tout comme les Confédérés. Christopher SPENCER déposa son brevet pour un fusil à répétition en 1860.

L’amélioration de la cartouche métallique par Smith & Wesson rendit possible un chargement mécanique sans mettre la capsule à percussion séparément avec la main. Un mouvement combiné du levier de sous-garde faisant pontet retire le bloc de culasse de sa mortaise et le fait pivoter en arrière à travers la carcasse pour récupérer une cartouche depuis un chargeur placé à l’intérieur de la crosse. En rabattant le levier, on chambre une nouvelle cartouche et on verrouille la culasse, et tout ce qu’il reste à faire c’est d’armer le chien à la main. Au départ du coup, la douille en cuivre se dilate et forme un joint d’étanchéité parfait pour les gaz. La Navy plaça la première commande du gouvernement en Juillet 1862, pour des fusils à trois bandes destinés à armer la Flottille du Mississipi. Ils furent livrés en Décembre. Les premières traces de l’utilisation du Spencer pendant la Guerre Civile datent d’Octobre 1862 à Cumberland, Maryland, par Francis LOMBARD du 1er. Massachussets Cavalry. On ne sait pas comment LOMBARD put faire l’acquisition d’une Spencer aussi vite après que la firme se fût créée. Il n’y a pas de traces à l’usine de cet achat. Les Spencer n’étaient pas encore censés être disponibles sur le marché civil, mais on s’accorde à croire que LOMBARD acheta le sien en privé. La toute nouvelle Spencer Repeating Rifle Company éprouvait des difficultés pour trouver un armurier capable de fabriquer ses fusils. Pour accélérer la production, les premiers Spencer comprenaient beaucoup de pièces achetées à la Sharps Rifle Manufacturing Company, ce qui explique pourquoi quelques pièces du Spencer ressemblent beaucoup à celles du Sharps. Les Spencer des premières productions avaient un canon de Sharps re-travaillé. Le fait que des réparations pouvaient être faites avec des pièces de Sharps re-travaillées constitua un argument de vente. L’armée ne voulut pas acheter de Spencer, convaincue qu’une arme à répétition était trop lourde et trop gourmande en munitions. Plusieurs unités commandèrent des armes à répétition et les achetèrent avec leur solde. Parmi celles-ci, on connaît la Lightning Brigade de WILDER, de l’Armée du Tennessee. Toutefois et lorsque les armes furent livrées, le gouvernement fléchit et les paya. L’une des premières mises à l’épreuve du Spencer et lieu à la bataille de Gettysburg, et les exploits de la Lightning Brigade de WILDER arrivèrent à convaincre le ministère de la guerre de faire travailler l’armurier vingt quatre heures sur vingt quatre. Après la guerre, les Spencer trouvèrent acquéreur dans l’Ouest en quantités surprenantes. Ces armes étaient choisies à la fois par la cavalerie, les colons et les Indiens. Beaucoup de modèles de la Guerre Civile furent renvoyés en atelier à Springfield pour y être réparées, re-conditionnées, re-tubées en calibre .50 et re-distribuées pour être utilisées une seconde fois.

« Ces fusil et carabines ont été fabriqués chez Spencer Repeating Rifle Company, Boston, Massachussets, avec une partie de la production sous-traitée à Burnside Rifle Company, Providence, Rhode Island. Le total pour les fusils et les carabines s’élève à environ 144 500, parmi lesquels 107 372 ont été vendus au gouvernement des Etats Unis. Les calibres en percussion annulaire sont listés ci-dessous. Arme à répétition à sept coups, à chargeur tubulaire placé au milieu dans la crosse. Manœuvrée en abaissant et relevant un levier formant pontet. Plusieurs longueurs de canon. Garnitures en fer. Plaque de couche, bandes et boîtier jaspés, canon bronzé, crosse et fût en noyer.

Marquages standard sur le haut de la carcasse SPENCER REPEATING / RIFLE CO. BOSTON, MASS. / PAT’D MARCH 6, 1860 en plus des autres marquages listés ci-dessous. L’une des armes les plus marquantes, les utilisées et les plus populaires de la Guerre Civile, la Spencer reçut l’unique distinction et avantage, après des essais de tir, d’obtenir l’aval du Président LINCOLN. Vers la fin de la Guerre Civile, la Spencer était clairement reconnu comme l’arme principale de cavalerie principale, et elle fut aussi largement utilisée durant les Guerres Indiennes. Les confusions dans l’identifications viennent de l’appellation des calibres. La cartouche à percussion annulaire utilisée pendent la Guerre Civile était la N° 56, ou .56-56, ces chiffres se rapportant aux mesures prises en haut et en bas de la douille en cuivre, ce qui veut dire qu’elle était droite. En fait, l’âme du canon dans lequel cette cartouche se tirait, était forée au calibre de .52, et aujourd’hui cette cartouche s’appelle la .52 chez les collectionneurs. Les cartouches utilisées dans les modèles postérieurs à la Guerre Civile étaient officiellement appelées .56-52 et .56-50, chacune étant légèrement conique et pouvant s’utiliser l’une et l’autre dans tous les modèles postérieurs à la Guerre Civile. De nos jours, les collectionneurs disent que ces armes sont en .50, en se référant au diamètre du canon. Les armes fabriquées chez Spencer ont toujours six rayures, quand celles qui l’ont été chez Burnside ou qui ont été converties à l’usine en ont trois. On connaît quelques rares variations de Spencers dans des calibres plus petits, avec des carcasses plus légères. On les considère comme des armes d’essais ou des prototypes et elles sont très rares. Leur valeur dépasse considérablement celle des productions standard. A l’occasion, on a aussi vu des modèles de sport.

CARABINES : Anneau de selle coulissant sur le côté gauche. Le fût court à l’avant est maintenu par une capucine, et le passant arrière se trouve sous la crosse. Civil War Model : fabriqué vers 1863 à 1865. Calibre de .52 à percussion annulaire, alias .56-56. Canon de 22 pouces à six rayures. Passant arrière pivotant, placé sous la crosse. Environ 50 000 armes fabriquées. Numéros de série variant de 11 000 à 61 000. Cote de 1 000 $ à 3 000 $. Post-War Alteration, ou transformation après-guerre : Transformation par Springfield Armory de 1867 à 1874 en calibre .50 à percussion annulaire, alias .56-52 et .56-50 interchangeables. Canon de 22 pouces re-tubé pour le calibre plus petit, et foré à trois rayures. Petit mécanisme pivotant dit « Stabler cut-off », ajouté devant la détente pour permettre le tir au coup-par-coup. Il empêche la culasse de s’ouvrir complètement. Ces armes se rencontrent très souvent re-conditionnées, bois et métal, en arsenal. Les marquages sont souvent usés ou fins. Plus de 11 000 transformées ainsi. La crosse présente un cartouche ovale sur le côté gauche, avec les marquages de l’inspecteur ESA. Les cotes varient de 900 $ à 2 200 $. Model 1865 : Fabriquées de 1865 à 1866. Calibre .50. Canon de 20 pouces, à six rayures. Environ la moitié ont été équipées du « Stabler cut-off ». Numéros de série de 1 à 23 000. Marquage supplémentaire sur le tonnerre M 1865. Cotes de 800 $ à 2 000 $. Contract Model 1865 : Fabriquées chez Burnside Rifle Company vers 1865. Identiques aux précédentes, mais avec un canon à trois rayures. Environ 34 000 armes fabriquées, sur lesquelles le gouvernement en acheta 30 502. On ne peut que faire des suppositions sur le destin de la différence de 3 500. Il est possible qu’elles aient été détruites suite à un rebut du gouvernement, ou vendues à titre privé sur le marché civil, cette dernière hypothèse pouvant être retenue comme la plus plausible. Marquages sur le haut du boîtier SPENCER REPEATING RIFLE / PAT’D MARCH 6, 1860 / MANUF’D AS PROV. R.I. / BY BURNSIDE RIFLE CO. / MODEL 1865. Les numéros de série propres varient de 1 à 34 000. Environ 19 000 ont été équipées du « Stabler cut-off », ce qui fait que les spécimens sans cet accessoire tendent à coter un peu plus. Cotes de 800 $ à 2 000 $. Les carabines modèles 1867 et « New Model » de 1868 sont aussi en calibre .50, mais sortent du contexte historique de cet article.

FUSILS MILITAIRES OU MOUSQUETS : Canon de 30 pouces. Fût long à l’avant avec embouchoir en fer, maintenu par trois bandes. Passants de bretelle pivotants. Navy Model : Produit pendant la Guerre Civile de 1862 à 1864. Calibre .52, avec canon à six rayures. Gros tenon sous la bouche pour recevoir une baïonnette de type sabre. Achat total par la Marine U.S. de 1 009 pièces, parmi lesquelles 709 sont conformes à cette description. On pense que le reste a été mis aux standards de l’Armée comme cité plus loin. Les numéros de série vont de 1 à 750. Ce modèle représente la première arme Spencer de tous types qui ait été achetée par les Etats-Unis. Les cotes varient de 1 400 $ à 3 250 $. Army model : Produit pendant la Guerre Civile de 1863 à 1864. Calibre .52, avec canon à six rayures. Le guidon se divise en deux pour former un tenon destiné à recevoir une baïonnette à manchon. 11 470 ont été livrées. Les numéros de série vont d’environ 700 à 11 000, avec une autre petite série autour de 28 000. Cotes de 1 150 $ à 2 500 $. »

Les autres modèles, soit le 1865, le 1867, le New Model 1867 ou la transformation en 1871 par Springfield de carabines en fusils par remplacement du canon sur des Spencer model 1865 sortis de chez Burnside, datent d’après la Guerre de Sécession et sortent du contexte historique de cet article.

On rencontre généralement deux types de Spencer. Le modèle de la Guerre Civile, dont les dimensions sont presque identiques à celles du Sharps, possède un canon de 22 pouces ou de 30 pouces en calibre .52, similaire en forme. Beaucoup de ces armes furent transformées après la guerre pour tirer la munition plus moderne en calibre .50, et on les trouve avec un canon de .50 à trois rayures, re-tubé chez Springfield Armory. Les Spencer modèles M 1865, 1867 et New Model sont des productions d’après-guerre et ne diffèrent qu’en des détails mineurs. Ceux-là ont des canons de 20 pouces et de 30 pouces en calibre .50. Souvent, les Spencer sont équipés d’un système de blocage du chargeur. Le modèle le plus commun est celui conçu par STABLER, un petit bouton placé juste devant la détente, qui bloque l’ouverture totale du mécanisme en empêchant l’alimentation par le chargeur, et transformant ainsi l’arme en arme à un coup. Le New Model utilisait le système SPENCER, une pièce en forme de fourchette réglable insérée à la rampe d’éjection, qui donnait le même résultat. Aujourd’hui, le problème pour nous vient de la munition.

Les cartouches originales à percussion annulaire sont rares, chères et seraient probablement sujettes à des longs-feux si on les utilisait. Sans parler des cotes qu’elles atteignent en Europe dans les Bourses aux Armes ou entre collectionneurs… Il est plus facile de fabriquer des munitions pour les Spencer d’après-guerre. Un grand choix de moules à balles d’origine en bon état existe dans le calibre .50. Les modèles 1863 utilisaient un projectile de forme inhabituelle, lubrifié à l’extérieur, et le seul moule pour cette balle vient de chez Rapine. La façon la plus facile pour faire revivre une Spencer est d’utiliser les douilles spéciales de chez Dixie Gun Works, qui sont amorcées avec une cartouche de .22 court. Ces cartouches doivent être rechargées une par une pour être sûr que l’amorce sera juste en face du percuteur. La meilleure alternative est de convertir l’arme à la percussion centrale, en remplaçant le bloc de culasse par un autre qui aura été modifié. Chez nous en France, Lynx vendait un kit de conversion il y a quelques années, Le Hussard à La Tour du Pin le faisait encore il y a quelques temps, peut-être qu’il le fait toujours, mais j’ai rencontré un ingénieux Arquebusier sur Nantes en 1994 qui en avait fabriqué un lui-même parce qu’il pensait que le kit Lynx était trop imparfait et fragile. Son système fonctionnait très bien et ses résultats au tir, debout à 50 mètres et à bras franc juste à côté de moi, étaient surprenants de précision. Les douilles peuvent être obtenues en raccourcissant des douilles de .50-70. Re-couper les douilles à 1,15 pouce en longueur pour la cartouche de .50. Pour la cartouche de .52, la re-couper à 0,90 pouce et presser la balle dans la douille jusqu’à la première portée. L’approvisionnement par le chargeur peut être obtenu en tournant le collet à 0,515 pouce au diamètre intérieur après un premier re-calibrage. Sur les deux douilles, tourner le bourrelet à 0,65 pouce et recuire le collet. Sur certaines armes, il faudra aussi chanfreiner l’avant du bourrelet. Pour le rechargement, on utilisera les outils standard en .50-70. L’outil de mise en place de la balle peut normalement être réglé suffisamment bas pour faire son office. On ne peut pas sertir, mais ce n’est pas un problème. Les cartouches de .50 avaient une balle de 350 grains. Le diamètre minimum nécessaire est de 0,517 pouce. Il est pratiquement impossible de mettre en place une balle sur plus de 40 grains de poudre noire FFg. Vingt cinq grains constituent une bonne charge pour le tir à la cible avec les cartouches de calibre .50, et on ne pourra pas en mettre plus dans les cartouches de calibre .52. La longueur totale de la cartouche finie devrait être de 1,69 pouce et, si tout se passe bien, elle passera dans le chargeur. La précision et la puissance sont très bonnes dans les modèles chambrés en .50. Le modèle utilisé pendant la Guerre Civile est un peu anémique, ne contenant que vingt cinq grains, mais il est très précis. Le point d’impact se trouve environ six pouces trop haut à 50 yards, et deux pouces trop bas à 100 yards. Les Spencer sont lourdes, mais on les tient bien. Le recul est doux et des groupements de quatre pouces à 100 yards sont faciles à obtenir. Après avoir tiré avec les autres armes à chargement par la culasse, on est surpris à quel point une Spencer peut rester propre. La seule trace d’encrassement est une baisse dans la précision. La centième cartouche chambre aussi bien que la première. C’était vraiment une avancée révolutionnaire en matière d’armement.

Le nettoyage d’une arme à chargement par la culasse tout de suite après le tir est beaucoup plus important que sur une arme à chargement par la bouche. Le nombre important de petites pièces qui s’articulent avec précision dans la première se détérioreront plus rapidement sous l’effet de la corrosion induite par l’encrassement. La Spencer est nettement l’arme supérieure, la plus facile à manipuler et à entretenir, et la plus précise à courte distance. La Burnside est plus légère et plus pratique que la Sharps, elle est presque aussi précise et ne s’encrasse pas autant. Par contre, la Sharps est plus robuste que la Burnside et moins sujette à se retrouver hors de service. Elle est plus puissante et plus précise, en tous cas à courte distance, et elle possède moins de petites pièces qui peuvent se casser ou se perdre. C’est aussi la pire des trois à nettoyer et la pire des trois à utiliser une fois qu’elle est sale. Le tir avec ces trois armes est très amusant. Si on les traite avec le respect qui est dû à tout objet de plus de cent ans, leur utilisation se fait aussi en toute sécurité. Il est recommandé de faire vérifier une nouvelle acquisition par un armurier qualifié et habitué aux armes anciennes, et de n’utiliser que de la poudre noire ou de la Pyrodex, puisque avec ces poudres, il est impossible de mettre en surpression la plupart des armes à chargement par la culasse de la Guerre Civile.

Et que dire, dans cette Guerre de Sécession qui a cessé sassésûr, des carabines Smith, des Joslyn, des Starr, des Gwyn & Campbell, des Warner, des Maynard, des Gallager, des Gibbs, des Triplett & Scott, des Morse, des Greene et autres Merrill ou Cosmopolitan pour les plus connues, toutes à chargement par la culasse ? Sans parler des vieilles carabines Hall, ou celles à barillet de chez Colt ou de chez Le Mat, ou encore des Henry à magasin tubulaire…Il y a du boulot !

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William WALKER, Soldat de fortune

Traduction d’un article de J. CRUTCHFIELD paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1986

Demandez-voir à l’Américain moyen qui était William WALKER et il y a des chances que tout ce que vous aurez en réponse sera un regard étonné. Or et pendant la décade de 1850, WALKER état un nom qui se prononçait dans tous les foyers des Etats Unis tout entiers. Un des premiers de ces sortes de mercenaires que l’on appelle communément « soldats de fortune » et le seul autochtone américain qui fût jamais élu à la tête d’un pays étranger, WALKER passa ces années-là à faire la une des journaux avec ses exploits au Mexique, au Nicaragua et au Honduras.Des rencontres fréquentes avec des hommes d’affaires aussi importants que Cornelius VANDERBILT, ce magnat du transport et du rail qui voulait construire un canal à travers l’Amérique Centrale, et même le Président Franklin PIERCE ou James BUCHANAN avec qui il s’occupait des droits et des responsabilités des citoyens américains à l’étranger, avaient fait à WALKER la publicité dont il avait besoin auprès de l’opinion publique pour gagner le soutien des masses à ses missions indépendantes.Qui était cet aventurier qui fréquenta du magnat des affaires au Président Américain ? Pourquoi ce petit homme, mesurant à peine cinq pieds et six pouces de haut et pesant un peu plus de cent livres, restait-il totalement sans la moindre impression devant les hommes d’affaire ou le gouvernement des Etats Unis, lesquels fronçaient tous les deux les sourcils au vu et au su de ses activités théâtrales ? Qu’est-ce qu’il y eut en coulisses qui le poussa à envahir le Nicaragua en 1855 et de s’y faire élire président en moins de cinq mois au cours d’élections totalement libres ? Et puis, qu’était ce petit quelque chose qu’il dégageait, qui faisait qu’on le respectait, ou qu’on le craignait selon la manière dont on voit les choses, au point que ce gouvernement rebelle fut officiellement reconnu par les Etats Unis ? Vraiment, qui était ce William WALKER, cet homme à qui l’Histoire donnerait un jour le nom de « Les yeux gris du destin », mais que si peu d’Américains connaissent aujourd’hui, même de loin ? On ne connaîtra jamais les réponses à certaines de ces questions, mais d’autres font transparaître un peu de lumière, même s’il y en a peu, sur ce mystérieux Américain qui tint toute l’Amérique Centrale à sa botte durant les années 1850.

William WALKER est né à Nashville, Tennessee, le 8 Mai 1824. La maison familiale se trouvait dans l’un des quartiers résidentiels les plus chics de la ville. Il naquit de Mary et James WALKER, à une époque où Nashville était l’une des villes les plus importantes du pays. Ville natale du futur Président des Etats Unis Andrew JACKSON, Nashville n’avait été fondée que depuis 44 ans lorsque WALKER vint au monde, mais la petite ville sur les berges de la rivière Cumberland s’était déjà gravée sa place dans les politiques d’état et nationale. Le père de WALKER, James, était un agent d’assurance de Nashville qui avait réussi, et la famille WALKER était très respectée dans les milieux sociaux et d’affaires. Mary s’était convertie récemment à cette nouvelle religion appelée les Disciples du Christ, et même James, auparavant presbytérien dévot, avait orienté sa foi vers la nouvelle secte. Contrairement à ce qu’il apprit plus tard, le jeune William fut éduqué au sein d’un foyer où l’on craignait Dieu et où on lisait la Bible très souvent. A l’âge de quatorze ans, William WALKER devint l’un des garçons les plus jeunes diplômés de l’Université de Nashville, et major de promotion en plus de cela. Ses parents espéraient du jeune garçon qu’il embrasserait la carrière cléricale, mais un intérêt précoce pour la médecine et une amitié avec un éminent docteur local, convainquirent le jeune homme que son futur à Nashville serait comme médecin. En 1843, après avoir été diplômé à la Faculté de Médecine de l’Université de Pennsylvanie, à nouveau major de promotion, il revint dans sa ville natale, devenant sans aucun doute le plus jeune docteur en médecine des Etats Unis. Mais il avait toujours la bougeotte, et WALKER commença bientôt à s’ennuyer dans son cabinet tout neuf. Il décida de s’inscrire à l’Université d’Edinburgh, et c’est ainsi qu’il partit vers l’Ecosse dans le but de poursuivre ses études. Après à peine deux mois à l’Université, il partit pour Paris. C’est là, après un séjour de plusieurs mois au cours duquel son attention fut attirée par les inégalités de la médecine devant les pauvres, que le jeune Dr. WALKER perçut ses premières vibrations de désenchantement pour le domaine médical. Continuant son voyage sabbatique, il se rendit à Heidelberg puis à travers la majeure partie de l’Europe, avant d’arriver à Londres en 1845. De retour à Nashville, WALKER y trouva sa mère en train de mourir. Son incapacité à aider, dans ses derniers jours, la seule personne de sa vie qu’il aimait et respectait vraiment, donna le coup de grâce à son dégoût grandissant pour la médecine.

A présent, WALKER entrait dans une nouvelle phase de sa vie. Il déménagea à New Orleans et se mit à étudier le droit. Admis au barreau de la Louisiane en 1847, il débuta comme homme de loi privé. Mais sa carrière légale fut aussi brève que celle qu’il avait suivi dans la médecine. En 1848, il embrassa furieusement une troisième vocation, celle du journalisme. Le travail de journaliste semblait l’intéresser, et son nouveau travail le mena en Californie. Au cours de son rôle éditorial pour un journal de San Francisco, WALKER se mit à se sentir obsédé par un rêve, à moitié patriotique, à moitié aventureux. Le Tennesseeien se voyait le libérateur du Sonora, un état Mexicain qui comprenait une partie de ce qui est aujourd’hui l’Arizona. C’est ainsi que, en suivant ses rêves, il envahit le Mexique en Novembre 1853, avec une « armée » de 45 hommes. Estimant qu’il ne pourrait pas prendre la garnison bien défendue de Sonora avec son armée de bric et de broc, WALKER atterrit plutôt à La Paz, en Basse Californie. Déclarant la nouvelle République de Sonora, qui incluait à la fois la Basse Californie qu’il occupait et l’ancien état de Sonora, WALKER organisa des élections où il devint lui-même président. Viva el Presidente ! Viva la Revolucion ! Viva la Republica ! Vive le Général Alcazar ! A bas le Général Tapioca ! Il s’occupa un peu des affaires d’état dans sa nouvelle république, puis WALKER décida de fomenter un plan d’invasion de l’ancien état du Sonora. Incapable de traverser le Golfe de Californie à cause du manque de bateaux, son armée de vagabonds se mit en route vers le nord, à travers les territoires Indiens. Après ce qui s’avéra une marche désastreuse, WALKER se rendit avec ce qui restait de son armée, le 8 Mai 1854, aux autorités américaines sur la frontière internationale. De retour en Californie, en automne 1854 et grâce au plaidoyer émouvant de son avocat, WALKER fut déclaré innocent du chef d’accusation de violation des lois sur la neutralité. « Nos Pères Pèlerins sont arrivés dans un pays sauvage, ils l’ont sauvé des sauvages et ils en ont fait un havre de civilisation » dit l’avocat loquace. « Pourquoi WALKER n’aurait-il pas le droit de faire la même chose pour le peuple oppressé du Sonora ? » Huit minutes et demi après que l’affaire fût en délibéré, le tribunal revint avec un verdict « Non coupable ». L’échec de son escapade aventureuse et l’acceptation de ses actions par le public, voire même son approbation, aiguisèrent l’appétit de WALKER et le poussèrent à faire quelque chose d’encore plus grand.Sa prochaine aventure, l’invasion, l’occupation et son élection à la présidence du Nicaragua, serait le point culminant de sa courte vie. Le Nicaragua était mûr pour la révolution. Des dissensions internes et une lutte pour le pouvoir entre plusieurs petits chefs indigènes avait littéralement déchiré le pays en morceaux. WALKER tira avantage de la situation, mais cette fois, il fit les choses légalement. A la fin de 1854, WALKER signa un contrat avec le gouvernement en place au Nicaragua qui lui permettait de faire entrer dans le pays 300 colons devant occuper une concession de 50 000 acres. En retour, les Américains devraient faire leur service militaire, mais toucheraient une compensation mensuelle. Pour être certain que l’opération serait absolument légale, WALKER fit signer les papiers par le U.S. District Attorney de San Francisco, c’est-à-dire le Procureur, et par le Commandement de la Division du Pacifique de l’Armée des Etats Unis. Avec la bénédiction de son gouvernement, WALKER et 56 de ses camarades quittèrent San Francisco et le 1er. Juin 1854, son navire, le « Vesta », déchargea les hommes et leur équipement dans le port de Ralejo au nord du Nicaragua. Qui a dit que l’Amérique n’était pas un pays impérialiste ? Entre la Guerre du Mexique et celle contre l’Espagne, sans oublier les petites guéguerres de la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième, à Cuba, dans les Philippines ou en Chine, ces aventures Sud-Américaines rocambolesques ne sont pas surprenantes.WALKER et ses hommes furent immédiatement intégrés à l’Armée Nicaraguayenne. Sa première mission fut d’occuper la ville toute proche de Rivas, tenue par l’une des factions rivales. L’armée des Américains de WALKER fut augmentée de 100 soldats réguliers Nicaraguayens, qui désertèrent immédiatement dès que les combats débutèrent. C’est ainsi que WALKER et son armée de 56 têtes firent face à une garnison de 500 hommes armés. Après une bataille qui dura plusieurs heures et qui se termina par des pertes ennemies de 200 soldats comparés aux 11 Américains, les hommes de WALKER évacuèrent la ville. Bien que ce fût une défaite technique pour WALKER, l’histoire aurait très bien pu être une victoire, si ce n’est à cause de la trahison de l’un des Généraux Nicaraguayens qui avait alerté la garnison de Rivas de l’arrivée imminente des Américains. Après plusieurs jours d’escarmouches, dont la plupart furent gagnées par l’armée de WALKER avec un taux de perte étonnamment faible pour les Américains, il marcha sur Granada, la capitale du pays. La cité se rendit immédiatement, et le « Général » WALKER fit une entrée victorieuse dans la ville. « Viva el Presidente ! Viva la Revolucion ! Vive le Général Tapioca ! A bas le Général Alcazar ! Non, c’est le contraire, je ne sais plus, ils changent tout le temps… »

Au cours des mois qui suivirent, WALKER consolida son pouvoir au point de devenir l’individu le plus puissant et le plus respecté du pays, malgré qu’il n’eût aucune autre fonction que celle de chef de l’armée. En Juin 1856, on tint de nouvelles élections, des élections qui alignaient trois « politicos » autochtones contre WALKER pour l’enjeu de la présidence. Sur 23 000 votes exprimés, William WALKER en réunit 16 000, et devint ainsi le Président légitime du Nicaragua. Les capacités politiques de WALKER n’étaient pas aussi bonnes que ses prouesses militaires et, comme il avait décrété plusieurs réformes déplacées, sa popularité commença vite à se faner. Les armées de plusieurs pays d’Amérique Centrale envahirent le Nicaragua en Septembre 1856, et ce n’est seulement après que les citoyens se rendirent compte que WALKER était le moins mauvais des diables, qu’ils arrivèrent à sa rescousse et retardèrent l’inévitable de quelques mois. Pendant ce temps, les problèmes avec les intérêts financiers américains en Amérique Centrale commencèrent à faire de plus en plus d’ombre au dessus de la tête de WALKER. Dans son escalade vers le haut, il avait marché sur les doigts de pieds de gens puissants. L’un de ses plus ardents ennemis était le Commodore Cornelius VANDERBILT. Un gros investisseur dans une grosse compagnie dont l’objectif était de construire un canal à travers le Nicaragua, VANDERBILT avait perdu plus d’un million de Dollars dans le tumulte et le chaos qui frappèrent le régime en place lorsque WALKER fit son coup. Et puis, si VANDERBILT n’avait pas été un adversaire de poids, le Nashvillien se retrouvait aussi avec le Gouvernement des Etats Unis aux trousses, pour violation des lois de neutralité. Et vas-donc au charbon, en Juin 1854, tout le monde était d’accord. Deux ans et demi après, il est persona non grata. Quand tu seras en haut, je te ferai bien glisser en te mettant des peaux de banane sous les godasses pour te laisser tomber ! Je crois plutôt qu’il n’avait pas pigé que l’autre gros con et son gouvernement voulaient annexer le pays pour pouvoir prendre les dividendes du passage par le canal tout en ayant une plate-forme stratégique. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait juste après avec Panama. Mais ce crétin d’ancien toubib devenu avocat puis journaliste avant d’être aventurier et candidat président voulait le gâteau à lui tout seul, ce salaud. Washington disait que WALKER n’avait aucun droit de se trouver au Nicaragua pour commencer, et encore moins d’en être le Président ! La déception constante du peuple Nicaraguayen avec ses politiques, la position du gouvernement des Etats Unis sur son rôle dans une intervention sur les affaires intérieures d’un pays ami, sans parler de la mauvaise publicité qu’il se faisait dans la communauté financière, tout se réunit pour précipiter le Président WALKER dans sa chute. En Mai 1857, il démissionna de sa fonction. Marqué officiellement comme un renégat par Washington, le Président WALKER fut accueilli en héros à son retour aux Etats Unis. Il visita plusieurs villes, faisant des discours, et recevant en retour les clés des villes et regardant des parades données en son honneur. En Novembre 1857, WALKER fit une tentative osée pour rejoindre le Nicaragua. Encerclé par un bataillon de 300 U.S. Marines, WALKER se rendit au Commodore Hiram PAULDING et fut à nouveau renvoyé aux States. Toujours en héros, il attisa la question de l’Amérique Centrale en déclarant que l’U.S. Navy avait violé l’espace Nicaraguayen lorsqu’elle l’avait arrêté, car il était en fait le Président en exil de la République où tout s’était passé. La réaction de l’opinion publique américaine fut telle que le Ministère de la Marine fut officiellement réprimandé et que toutes les accusations retenues contre WALKER furent retirées. Plusieurs autres tentatives de re-capturer le Nicaragua étouffèrent toutes dans l’œuf. Finalement, en 1860, alors qu’il se prélassait dans le succès de son livre qu’il avait récemment publié, « The War In Nicaragua », WALKER essaya une nouvelle fois. C’est un peu comme les politiques de chez nous. Une fois qu’ils sont en place, plus moyen de les déloger, et quand on y arrive enfin après qu’on ait réussi à les faire passer devant un tribunal pour avoir fait du fric avec du sang contaminé au sida par les drogués et les pédés, ils reviennent dès qu’ils ont rechargé les batteries. A croire que le pouvoir, c’est de la drogue. Accompagné d’un petit contingent de soldats, il débarqua au Honduras, d’où ils avaient l’intention de voyager à travers les terres jusqu’au Nicaragua. Après avoir pris la ville portuaire de Trujillo, WALKER se retrouva cerné de toutes parts, sans avenue pour s’échapper. La fin était proche. Il se rendit aux autorités Britanniques qui avaient promis de le laisser passer s’il arrêtait le combat. Au lieu de cela, il fut immédiatement livré au gouvernement Hondurien. Le 12 Septembre 1860, au milieu d’une foule ricanante et moqueuse de Honduriens, William WALKER fut exécuté publiquement. Ca, ça ne m’étonne pas de la part de ces tordus d’angliches. C’est bien eux. On ne peut jamais leur faire confiance. Faux-frères. Fidèles à leur réputation de traîtres.

Après nous avoir fait la guerre pendant cent ans, après nous avoir méchamment brûlé une brave petite pucelle innocente qui voulait juste qu’ils retournent chez eux parce que chez nous, ils avaient rien à foutre, après avoir mis des bâtons dans les roues à tous leurs voisins pendant des siècles, dont la France principalement, après avoir abandonné nos pères aux Stukas sur les plages de Dunkerque et massacré notre Marine à Mers-el-Kébir, après avoir gêné par tous les moyens qu’ils trouvaient tout ce qui a pu contribuer à l’élaboration du Marché Commun, après avoir importé des ratagasses à pleins containers entiers à ne plus savoir qu’en foutre d’autre que leur filer des aides sociales et des allocations payées par la communauté pour qu’ils achètent des Kalachnikov avec avant de les faire envoyer à leurs frères qui sont restés faire la guerre chez eux, après avoir buté leur propre princesse chez nous pour nous accuser, alors qu’elle avait un polichinelle égyptien dans le tiroir qu’il était inconcevable de laisser prendre un jour la couronne d’Angleterre, ils nous ont encore empoisonné il n’y a pas longtemps au Kreutzfeldt-Jacob et ils ont coûté une fortune à la C.E.E. avec leur vache folle et leur fièvre affreuse qu’ils importent de l’autre côté du monde par une transaction contraire au principe de l’Europe. Et ces connards d’amerloques les prennent toujours pour leurs « cousins » ! L’une des plus grandes ironies de tout l’épisode William WALKER est le fait que, juste quelques années après sa mort, son ennemi le plus farouche, ce Cornelius VANDERBILT qui joua un rôle si important dans sa chute, fit don des fonds nécessaires pour construire un collège dans la ville natale de WALKER, Nashville, Tennessee. Il n’y a pas de doute que VANDERBILT avait déjà oublié le temps des ses aventures avec la compagnie du canal en Amérique Centrale, et on peut supposer que tout souvenir de William WALKER avait disparu lui aussi. Mais de nos jours, l’héritage du Commodore est présent dans l’existence de l’Université Vanderbilt, alors que seule une petite marque historique montre la maison qui vit l’enfance de William WALKER, ce petit homme qui, pendant quelques mois, avait tenu le destin de toute l’Amérique Centrale entre ses mains.

Bon, première constatation. Il ne s’agit déjà pas du fameux Texas Ranger WALKER qui donna son nom au célèbre revolver pondu par Mr. Samuel COLT, d’autant plus que ce WALKER-là avait laissé sa peau au Mexique pendant la guerre de conquête que firent les Etats Unis dans la plus pure des politiques impérialistes, et à l’époque de notre petite aventure au Nicaragua, ses os étaient déjà blanchis depuis longtemps par les vautours, les vers et les insectes. Mais toute cette histoire, qui a sûrement eu mille fois son corollaire depuis avec des acteurs américains ou russes et dans d’autres pays, pourrait être française. Elle rappelle étrangement celle de Robert « Bob » DENARD avec ses histoires d’arabes et d’africains, comme le coup d’état qui avait foiré au Dahomey car « donné » depuis la métropole, et ceux des Comores, où l’aventurier fonçait à chaque fois avec la bénédiction cachée des salauds hypocrites chefs de son propre gouvernement. Et si vous vous faites prendre, on ne vous connaît pas. Vous n’avez pas droit à l’échec. Cette cassette se détruira toute seule dans les secondes qui suivront sa fin. Sauf les fonctionnaires narvalos qui loupent leur coup, tellement facile, d’essayer de faire couler le Rainbow Warrior, ou en laissant des traces trop grosses pour que ce soit vraiment un oubli, dans cette histoire sordide d’une certaine paillote qu’on a cramé sur la côte Corse. Ceux-là ont quand même eu le droit de se faire oublier, plutôt que de se faire pendre ailleurs ou couper la tête. On n’est pas des sauvages, tout de même. Mais c’est malheureusement ce qui est arrivé à WALKER, tous les DENARD, BARRIL et autres gros BONNET ayant juste eu la chance de vivre dans un monde où les peines pour gêneurs, dont la peine capitale, n’existent plus. Au dix-neuvième siècle, on les aurait suicidé, pour qu’ils ne parlent pas. Aujourd’hui, on leur donne peut-être de l’argent, ou on les laisse essayer de vendre un livre qui n’intéresse presque personne d’autre que les romantiques et les rêveurs… Et maintenant, l’Américain qui arrive au Nicaragua se fait traiter péjorativement de « sale gringo », quand c’est l’un de ses ancêtres qui a appris à celui de l’autre le mot « Révolucion », lequel a pris depuis une signification beaucoup plus « rouge ». Ironie du sort, qui joue avec les mots… Mais faut dire que l’Amérique Centrale est quelque chose de fou. On se rappelle encore la Guerre du Foot de 1971 entre le Salvador et son voisin, une guerre qui a démarré à cause d’un match de foot qui avait fait déborder le vase de sois-con. Mais qui est-ce qui fait vraiment la politique et qui décide du sort du peuple ? Les généraux, ou bien les financiers ? Le Général ALCAZAR, ou bien Mr. VANDERBILT ?

Le prince des pistoleros

Traduction d’un article de Joe BILBY paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1986

Bill MASSIE était en train de regarder ses cartes lorsque cela se passa. Il entendit l’explosion du coup, sentit son bras s’engourdir, et leva les yeux. Il vit l’homme en face de lui tomber par terre, puis il vit Mc. CALL qui reculait au milieu d’un nuage de fumée de poudre noire, criant à tout de monde de sortir, ramenant le chien de son revolver en arrière avec son pouce et le laissant retomber en pointant l’arme en direction du barman sans que le coup ne parte, le bruit vide et métallique du faux-départ le suivant jusqu’à la porte. Lorsqu’il fut parti, on ne pouvait plus rien faire d’autre que regarder la flaque de sang qui s’agrandissait sous la tête de « Wild Bill », Bill le Sauvage. Une légende était morte. Vive la légende.

Cette légende était née sous le nom de James Butler HICKOCK, le 27 Mai 1837, à Homer, Illinois. Comme beaucoup de jeunes hommes de sa génération, HICKOCK brûlait du désir d’aller vers l’Ouest et il partit pour le Kansas, y arrivant en plein milieu de la « guerre » entre les partisans de l’esclavagisme et ceux de l’abolitionnisme. Après avoir servi pendant un moment dans la Milice d’Etat Libre de James H. LANE, il essaya le fermage, puis dériva vers le nord et, en Juillet 1861, travaillait à la station du Pony Express de Rock Creek, Nebraska. David C. Mc. CANLES arriva à Rock Creek pour demander le paiement de l’argent qu’on lui devait chez RUSSEL, MAJORS & WADELL, à qui il avait vendu la station. Un fusil de chasse pendait en travers du pommeau de la selle de Mc. CANLES, qui menaça les occupants de la station, y compris HICKOCK. Le fait que HICKOCK s’amusait avec la maîtresse de Mc. CANLES, Sarah STULL, n’avait rien pour arranger une situation déjà explosive. Les détails de ce qui suivit ne sont pas clairs, mais HICKOCK tira et tua Mc. CANLES avec un fusil puis sortit son Colt Navy en ventilant du même coup les deux compagnons du mort, lesquels furent finis par les autres employés de la station, portant des haches et des houes. Accusé, en même temps que les autres, de ces meurtres devant les tribunaux du Nebraska, HICKOCK, également appelé parfois « Dutch Bill », Bill le Hollandais, fut relâché après avoir brillamment plaidé la légitime défense.

Bientôt, il partit pour le sud, où on avait besoin de quelqu’un qui savait tirer vite et bien au revolver Colt. Fils d’un abolitionniste qui avait tenu une station de chemin de fer souterrain, c’est-à-dire une station de métro, il y avait peu de doute pour savoir de quel côté « Bill » HICKOCK se battrait lors de la Guerre Civile. En Octobre 1861, il servait comme chauffeur dans l’armée Fédérale. Bientôt, on lui confia des rôles où il y avait plus d’action, comme éclaireur, détective de l’armée et espion. Le mois de Juillet 1865 vit HICKOCK, à présent connu sous le nom de « Wild Bill », arriver à Springfield, Missouri, comme un homme de la ville et un joueur professionnel. Springfield grouillait de toute sorte de types de la frontière et de soldats de l’Union démobilisés, aux poches gonflées de rappels de paie. Presque tous ces hommes étaient armés, et quatre années de conflit avaient submergé toute inhibition qu’ils auraient pu avoir à régler leurs disputes avec leurs armes. Le 21 Juillet, HICKOCK et un certain Davis TUTT, des copains qui s’étaient fâchés à cause de dettes de jeu, de la possession d’une montre Waltham et de l’affection d’une femme, se battirent au revolver à percussion dans le jardin public de Springfield. TUTT manqua son coup. La balle de HICKOCK frappa son ancien ami au torse et le tua, à une distance que plusieurs personnes estiment entre cinquante et cent yards. La loi était marginale à Springfield et le Lieutenant Colonel Albert BARNIZ du 2ème. Ohio Cavalry arrêta Wild Bill, qui fut presque immédiatement relâché sur caution. L’accusation initiale de meurtre réduite à celle d’homicide, HICKOCK fut acquitté après un procès de deux jours, le 5 Août, il postulat tout de suite pour le poste de Marshall de la ville, mais on le lui refusa. A part le fait d’avoir tué TUTT, la chose la plus significative qui arriva à Wild Bill lors de son séjour à Springfield fut sa rencontre avec le journaliste George Ward NICHOLS, un ancien officier de l’Union. Présenté à HICKOCK juste après le fameux duel, NICHOLS fut fasciné par ce pistolero aux cheveux longs et il interviewa Wild Bill pour un article qui fut publié dans le magazine Harpers de Février 1867. En plus de décrire le combat contre TUTT, NICHOLS donnait les détails d’une version de l’affaire Mc. CANLES qui décrivait HICKOCK presque comme un héros Homérique se débattant contre neuf hommes armés provenant du gang des « M’Kandlas », des sympathisants des Confédérés.

Selon NICHOLS, Wild Bill tua tous ses adversaires avec un fusil, un revolver et un couteau, en dépit du fait d’avoir été atteint de onze chevrotines. Le reste de l’article détaillait d’une manière adulatoire les exploits fantastiques de HICKOCK alors qu’il était éclaireur et espion pour les Fédérés pendant la guerre. Il est probable que HICKOCK, voulant seulement s’amuser avec son interlocuteur à lui raconter des histoires typiques de la frontière, n’ait pas prévu que la publication de l’article du Harpers en ferait une célébrité nationale, mais elle le fit. Le pays, soufrant d’un malaise d’après-guerre, recherchait de nouveaux héros. NICHOLS, répondant à cette demande nationale, ménagea une niche à Wild Bill dans le panthéon américain. Bien que certains des exploits relatés dans l’article de NICHOLS furent réfutés par des journalistes de la frontière, l’avis général était que HICKOCK était en fait un homme au tir rapide et précis, et que ses services pour l’Union, s’ils n’atteignaient pas les taux d’improbabilité suggérés par NICHOLS, étaient reconnus d’importance locale.

C’est sans aucun doute grâce à ce qu’il avait fait pendant la Guerre Civile, que HICKOCK reprit du service auprès du gouvernement à Fort Riley, Kansas, en Janvier 1866. Il travailla de manière intermittente pendant les trois années suivantes pour le Département de l’Intendance de l’Armée, à pister des voleurs de matériel appartenant au gouvernement et à servir aussi d’éclaireur Indien et de Deputy U.S. Marshall, c’est-à-dire flic. Le penchant de HICKOCK à attirer les journalistes le fit rencontrer Henry Morton STANLEY, le futur explorateur africain, qui couvrait totalement, et efficacement, Wild Bill pour le Democrat de Saint Louis. Après avoir rendu visite à sa famille dans l’Illinois en Avril 1869, et en convalescence suite à la blessure d’un coup de lance Indienne qu’il avait pris au cours d’une reconnaissance pour l’armée, HICKOCK revint vers l’ouest et reprit ses fonctions de Deputy Marshall, à Hays City, Kansas. En plus de ses fonctions fédérales, Wild Bill fut « élu » Sheriff du conté de Ellis par le comité de vigilance de Hays City et le conseil d’administration du conté en Août 1869. Le 22 août, HICKOCK tira sur un homme ivre qui devenait agressif et qui commençait à jouer du pistolet, et le tua. Un mois plus tard, il expédia vers ses ancêtres un autre voyou du coin appelé STRAWHUN, le Hun de paille, en réglant une histoire de bagarre de saloon. Son élection déclarée illégale par un tribunal, Wild Bill postula pour ce poste de Sheriff mais ce fut Peter LANIHAN qui l’obtint. Il quitta le poste à la fin de l’année, mais continua à exercer comme officier fédéral, arrêtant les voleurs de mules et les bûcherons qui coupaient des arbres illégalement. En Juillet 1870, HICKOCK fut attaqué par plusieurs soldats du 7ème. Cavalry dans un saloon de Hays City. Cloué au sol, il parvint à s’en tirer avec son revolver, tuant l’un des soldats et en blessant sérieusement un autre. Bien que courageux, Wild Bill n’était pas fou, et il quitta Hays City plutôt que de régler les choses avec ses armes contre plusieurs centaines de militaires de la cavalerie. Il s’avéra par la suite que ni le gouvernement, ni les cavaliers, ne daignèrent donner suite à l’affaire. Au cours de son séjour à Hays City, Wild Bill fit plus que forger sa légende. Il était très habile au revolver, ses coups étaient mortels et c’était un excellent officier de paix pour les standards de l’époque. Sa réputation d’homme de loi était maintenant fermement établie et elle le mena directement vers son emploi suivant.

Lorsque Tom SMITH, le Marshall d’Abilene, fut assassiné, le conseil municipal lui donna plusieurs successeurs mais aucun ne faisait l’affaire. Il s’adressa alors à HICKOCK, qui fut nommé au poste le 15 Avril 1871. La ville d’Abilene, terminus du « Mc. Coy’s Extension » sur la fameuse piste à bétail Chisholm qui venait du Texas, était divisée en deux par les rails du chemin de fer de la Kansas Pacific. La zone où le bétail était débarqué des wagons à Abilene formait la « Mc. Coy’s Addition ». C’était littéralement « de l’autre côté des rails ». Elle fourmillait de cow-boys, de prostituées, de souteneurs, de joueurs et de voleurs, et elle était noyée d’alcool. On sait que Wild Bill HICKOCK parvint à maintenir l’ordre dans cette « addition » pendant huit mois sans tuer personne. Pourtant, la nuit du 5 Octobre, il rencontra une bande de Texans ivres dirigée par le joueur Phil COE, qui brandissait un revolver avec lequel il venait juste de tirer. Certains historiens prétendent qu’il y avait du « mauvais sang » entre HICKOCK et COE, à propos de l’affection d’une « colombe salie ». Quoi qu’il en soit et comme COE levait son arme, Wild Bill dégaina, tira et blessa mortellement le Texan. Se retournant instinctivement, HICKOCK tira à nouveau sur un homme qui venait vers lui dans l’ombre. Malheureusement, la seconde victime de Wild Bill était son ami et l’un de ses adjoints, Mike WILLIAMS.

Pendant que COE mourait, HICKOCK, révolté par la mort de WILLIAMS, ferma tous les saloons et les bordels de la ville. Bien que les Texans, eux aussi enragés mais par la mort de COE, eussent mis à prix la tête de Wild Bill, personne n’osa la chercher. En Décembre, le conseil de la ville, dégoûté par le côté sordide du commerce des bestiaux, annonça que les « conducteurs » n’étaient plus les bienvenus à Abilene. Et comme en conséquence il n’avait plus besoin de son ancien paladin pour terroriser les rudes Texans, il réduisit les dépenses municipales en renvoyant le Marshall HICKOCK. Persuadé qu’il n’avait plus la rapidité nécessaire avec un six-coups, Wild Bill ne servit plus jamais comme homme de loi, peut-être à cause de sa vue qui baissait, un facteur qui peut avoir contribué à tirer accidentellement sur WILLIAMS, lequel fut le dernier homme à tomber devant ses revolvers. HICKOCK était âgé de trente quatre ans lorsqu’il quitta Abilene. La « frontière du milieu » sur le « Kansas sanglant » avait vécu, et la Guerre Civile était bien finie. Les Indiens, poussés plus à l’Ouest, disparaissaient en même temps que sa vue baissait. Pendant les cinq années qui suivirent, Wild Bill erra à la dérive, jouant pendant un petit moment pour un vieil ami, Bill CODY, dans un désastre théâtral qui s’appelait « Les Eclaireurs des Prairies ». Malheureux et comme CODY n’arrivait pas à s’adapter au « show business », HICKOCK s’en revint vers l’ouest, sans passer par le Kansas qui se civilisait de plus en plus, et s’en fut vers le Wyoming. A Cheyenne, il reprit son vieux métier de joueur professionnel et prépara vaguement une expédition vers les Black Hills, les Collines Noires, pour y chercher de l’or, sans que l’on sache si c’était en y jouant aux cartes ou aux dés, ou en y creusant le sol. Wild Bill n’était plus le tireur au regard perçant de l’époque de Hays City ou d’Abilene, mais on lui donnait encore une place de choix au sein de la communauté « sportive » de Cheyenne. En Mars 1876, pourtant, il fit un pas de plus sur le chemin de la civilisation en épousant Agnes Lake THATCHER, une veuve qui possédait un cirque et à qui il écrivait depuis plusieurs années. Agnes finança à crédit le voyage vers les Black Hills dont il parlait depuis longtemps mais pour lequel il n’avait pas l’argent, et il arriva à Deadwood le 12 Juillet. Cinq jours plus tard, il écrivait à sa femme « Je suis sûr que ça va bien se passer… » Le 2 Août 1876, à trois heures de l’après-midi, Jack Mc. CALL, un petit vagabond sans motifs apparents, s’approcha par derrière, mit son revolver contre la tête de Wild Bill HICKOCK, et laissa le chien s’abattre sur la seule bonne cartouche que contenait le barillet, en l’envoyant vers l’éternité. Ah, que voilà une bien triste fin pour un tireur d’élite et un aventurier, l’ancien éclaireur chasseur d’Indiens et de voleurs, le sheriff qui réglait les comptes à sa manière au plus grand plaisir des lâches bourgeois qui avaient trop peur de se faire flinguer et des riches avares qui ont préféré le jeter comme un malpropre une fois qu’il avait bien fait le ménage chez eux, cet homme qui voulait faire un peu d’argent pour enfin vivre paisiblement avec sa femme, et qui se fait tirer une balle dans la tête par un crétin, et par derrière, la façon la plus lâche de tuer un homme dans l’Ouest, et en plus de cela, par la seule cartouche en bon état que contenait le revolver de son assassin. Ca ne peut pas être autre chose qu’un mauvais coup du sort.

La fumée s’était à peine dissipée du saloon Number 10 et le corps du plus grand pistolero de tous les temps était à peine en terre, que les fabricants et briseurs de mythes se bagarraient déjà autour de son âme. Bien entendu, ils avaient plus de matériel qu’il n’en fallait en moyenne pour travailler avec. Contrairement à celles d’autres héros, la légende de Wild Bill HICKOCK commença alors qu’il était encore vivant, une situation qu’il partagea avec les autres cheveux longs George Armstrong CUSTER et Buffalo Bill CODY. L’article de NICHOLS avait servi de fondation à la fois pour l’élaboration et le dénigrement. En Juillet 1867 et comme HICKOCK se faisait rattraper par la littérature populaire de bas niveau, on publia « Wild Bill, the Indian Slayer », Wild Bill, le Tueur d’Indiens, dans les « Ten Cent Romances », les Romances à Dix Centimes, de De WITT. L’illustration de la couverture de ce récit, qui était piraté de l’article du Harper’s, montrait inexplicablement Wild Bill en train d’anéantir le gang des « M’Kandlas », plutôt que des Indiens. Un peu plus tard, De WITT publia « Wild Bill’s First Trail », la Première Piste de Wild Bill, une descente encore plus profonde dans la fosse d’aisance littéraire des histoires à dix sous. Malheureusement, la vérité sur HICKOCK n’a pas été très bien servie non plus par des écrivains plus sérieux. Mari SANDOZ était peut-être la plus grande artiste qui écrivît sur l’ouest Américain, et l’une des rares personnes de race Blanche qui comprenaient bien l’esprit des Indiens. Pourtant, Madame SANDOZ n’aimait pas beaucoup Wild Bill HICKOCK. Dans « Le Chasseur de Bisons », elle l’accusait, en se basant uniquement sur des on-dit, d’avoir assassiné le chef Sioux WHISTLER, le Siffleur.

William Elsey CONELLY, le premier biographe sérieux de Wild Bill, était de ceux qui n’ont pas peur de déformer les faits dans l’autre sens pour insérer son héros à une époque et un lieu convenant plus à l’histoire qu’il écrivait. CONNELLY n’avait pas peur non plus de publier comme véritables, et sans les vérifier, des anecdotes qu’il récoltait auprès des hommes de la frontière prétendant avoir connu HICKOCK. Le livre « Wild Bill HICKOCK de Richard O’CONNOR, publié en 1950, avait mit les biographes à l’œuvre mais reprenait un certain de nombre de mythes lui aussi, y compris la légende disant que HICKOCK avait guidé le Sénateur Henry WILSON dans un tour sur l’Ouest en 1869. O’CONNOR acceptait lui aussi l’assertion que le combat de HICKOCK avec les cavalier de la 7ème. en 1870 avait été commanditée par le Capitaine Thomas CUSTER, le frère de « cheveux longs » CUSTER et qui allait mourir avec lui à Little Big Horn, qui aurait utilisé ses hommes pour assouvir une rancune personnelle qu’il aurait eu avec Wild Bill. S’il y avait eu la moindre raison valable pour Tom CUSTER d’entretenir quelque animosité contre HICKOCK, il n’en existe pas la moindre trace historique. Il est également improbable que CUSTER, qui avait reçu deux fois la Médaille d’Honneur pendant la Guerre Civile, ait hésité à régler lui-même l’affaire avec Wild Bill s’il eût senti qu’il avait des raisons de le faire, encore qu’il y ait un doute considérable, dans l’esprit de cet auteur, qu’il eût survécu à une telle rencontre. Quatre vingt huit années passèrent entre le moment où le corps de James Butler HICKOCK gisait sur le plancher sale du saloon Number 10 et une biographie précise et définitive. Il est intéressant de noter qu’elle fut écrite par un Anglais, Joseph G. ROSA. Le portrait du meilleur tireur de la frontière, They Called Him Wild BillOn l’appelait Wild Bill, fut brossé par ROSA avec le talent méticuleux d’un recherche sérieuse, et d’une bonne connaissance des armes du XIXème. siècle. Il ne semble pas que quelqu’un d’autre fera un jour une meilleure étude de HICKOCK. ROSA n’a pas seulement fait exploser les vieux mythes et recherché des faits nouveaux, mais sa connaissance des armes lui a permis de faire des hypothèses sur les armes à feu que Wild Bill a probablement utilisées, tout comme sur son habileté à les utiliser. Bien que les éléments de preuve disponibles indiquent que HICKOCK pût avoir choisi, à la dernière année de sa vie, des revolvers à cartouches métalliques, dont des conversions en .38 Colt à partir de revolvers à percussion, il y a peu de doute que tous ses exploits au tir ont été accomplis avec des revolvers utilisant des capsules et des balles rondes, très probablement des colt Modèles 1851 Navy. La carrière de gunfighter, celui qui se bat avec des armes à feu, de Wild Bill commença en 1861 et dura jusqu’en 1871, quand il rangea ses revolvers. Il est certain que HICKOCK n’utilisa jamais au combat le fameux Colt « Peacemaker », mis sur la marché en 1873, et il est probable qu’il n’en posséda pas un de sa vie. De ses propres aveux à NICHOLS, Wild Bill tira sur Mc. CANLES avec un « Hawkins » à Rock Creek. Les fameux fusils « Hawken » fabriqués par les frères Jake et Sam HAWKEN à St. Louis étaient des armes de gros calibre, en moyenne du .53, solidement faites, au fût demi-long, et populaires parmi les hommes des montagnes et les autres hommes de l’Ouest avant la Guerre Civile. Le terme Hawken, très souvent mal utilisé et dit Hawkin ou Hawkins, devint, à l’époque et encore aujourd’hui, un terme générique pour tous les fusils à demi-fût en gros calibre. On utilisa une photographie de l’un de ces fusils génériques « Hawkins », provenant de la collection du Nebraska Historical Society, pour illustrer un récent article sur HICKOCK, et on y dit que c’était l’arme qui tua Mc. CANLES. Il n’y a cependant pas d’autre indication sur la provenance du fusil. Bien que Mc. CANLES fut tué par une arme d’épaule, la célébrité de Wild Bill provient de son habileté à l’arme de poing. Il raconta à NICHOLS qu’il avait utilisé un Colt Navy en calibre .36 à Rock Creek, après avoir posé son fusil. Le Colt Navy était une arme extrêmement populaire sur la frontière, et on la considérait comme suffisamment puissante pour l’auto-défense, tout en étant assez légère pour qu’on pût la porter dans un étui à la ceinture. Ce fut la première arme pratique à combiner ces deux qualités. HICKOCK portait une paire de ces revolvers, d’abord dans des étuis et plus tard simplement passés dans une large ceinture qu’il passait autour de ses reins. Les crosses de ses revolvers étaient dirigées vers l’avant, permettant de les saisir d’une main ou de l’autre, une particularité qui lui sauva apparemment la vie lorsqu’il se battit avec les deux soldats du 7ème. Cavalry. Wild Bill parvint à dégager sa main gauche et put tirer sur les deux hommes. Bien qu’il semble qu’il fût un peu ambidextre, HICKOCK portait deux revolvers, tout comme beaucoup d’hommes armés à l’époque de la percussion, de façon à disposer de douze coups sans recharger, une opération qui prenait du temps même si on avait des barillets séparés, déjà chargés. On dit que, lorsqu’il fut Marshall à Abilene, HICKOCK était un véritable arsenal ambulant, portant en plus de ses revolvers, deux Deringers Williamson à un coup et un fusil de chasse double à canon scié.

Wil Bill aimait les crosses en ivoire sur ses revolvers, une préférence qu’il partagea au vingtième siècle avec l’expert en revolvers Elmer KETIH. Bien que l’ivoire, à cause de son prix, soit rarement vue sur des armes modernes, il n’y a rien qui puisse égaler cette sensation mélangée de douceur et de solidité dans la prise en main d’un revolver à simple action. Les crosses en ivoire contribuent aux qualités de tir d’un revolver, et elles ne sont pas de la simple cosmétique comme celles en nacre, qu’un autre amateur de crosses en ivoire, le Général PATTON, disait qu’elles étaient juste pour les « maquereaux ». On connaît un revolver Colt Navy aux crosses en ivoire, gravé « J.B. Hickock 1869 » sur le haut de la carcasse, qui est censé avoir survécu à HICKOCK. On a dit que ce revolver, tout comme son pendant qui manque d’ailleurs, furent offerts à Wild Bill par le Sénateur WILSON en 1869 et, selon le biographe O’CONNOR, furent « …les armes aux poignées blanches qu’il porta jusqu’à la fin de ses jours. » Il semble que le fait soit inconnu de O’CONNOR, mais HICKOCK portait des « armes aux poignées blanches » avant 1869, et ROSA dit qu’il ne rencontra jamais WILSON. Le célèbre photographe de la Guerre Civile Alexander GARDNER, prit une photo d’un groupe d’hommes à Fort Harker, Kansas, en Septembre 1867. L’examen de ce cliché montre clairement le Deputy Marshall HICKOCK portant une paire de revolvers aux crosses en ivoire, enfoncés dans leur étui et crosses pointant vers l’avant. O’CONNOR fut responsable d’avoir raconté plusieurs histoires fantaisistes sur les armes de HICKOCK. Il écrivit que Wild Bill « …préférait le Colt .44 à double action. » C’est là une affirmation intéressante, tout spécialement si on considère que Colt ne produisit pas de revolver à double action en .44 avant 1878, deux ans après la mort de HICKOCK. Par contre, il y a un revolver à double action Belge, une copie du Beaumont-Adams Anglais en .45, dans la collection de la Société Historique l’Etat du Kansas. Cette arme fut offerte à la société comme une pièce ayant appartenu à HICKOCK, mais il n’existe pas de document qui puisse le certifier. L’histoire que O’CONNOR tire peut-être le plus par les cheveux, et avec le Wild Bill, il y avait de quoi vu la longueur de sa chevelure, concerne une arme qu’il décrit simplement comme « un Colt portant le numéro de série 139345 », qu’un homme du nom de Fred SUTTON aurait acheté à Pat GARETT. Selon SUTTON, l’arme aurait été donnée à GARETT par la sœur de HICKOCK, Lydia, une histoire pour laquelle il n’y a pas la moindre preuve. On dit que GARETT utilisa l’arme pour tuer Billy le Kid en 1881. Si l’arme avait été un Colt Navy, le numéro de série l’aurait placé dans la production de 1864. Cependant, il est extrêmement peu probable que GARETT ait fait face à Billy le Kid avec un revolver obsolescent alors que l’usage de revolvers à cartouches métalliques était universel au soin des tireurs sérieux. Et s’il s’était agi d’un Colt Single Action Army, le numéro de série l’aurait daté de 1892, ce qui se passe de commentaires. On peut penser que HICKOCK utilisa d’autres revolvers que des Colt Navy. On l’a vu faire une démonstration de tir au début des années 1870 pendant qu’il voyageait avec CODY, où ses revolvers étaient des Colt et Remington en .44. Il pouvait s’agir de revolvers à percussion, des Colt 1860 et Remington 1863, ou bien les mêmes armes converties aux cartouches métalliques. Les deux grands fabricants convertissaient leurs armes à percussion aux cartouches à cette époque, et Colt mit son premier revolver à cartouche métallique sur le marché en 1871. Un certain nombre d’armuriers privés répondaient également à la demande du public et convertissaient des armes à percussion dans leur propre atelier. C’est donc que les armes de ce type étaient relativement communes. Il faut noter toutefois que Charles GROSS, qui connut HICKOCK à Abilene, disait, en parlant des cartouches métalliques, que « Bill ne voulait pas les utiliser ». En 1960, ROSA, qui préparait son manuscrit sur HICKOCK, correspondit avec le père du tir moderne de combat américain, Jeff COOPER, au sujet des possibilités de précision des revolvers à capsules et à balles. COOPER, que HICKOCK intéressait en tant que pionnier du « tir pratique », fit faire une série de tests au stand du Eaton Canyon Muzzle Loader’s Association, l’Association des Arquebusiers d’Eaton Canyon, à Pasadena, Californie, et en publia les résultats dans le numéro de Mars 1960 du magazine Guns & Ammo. COPPER se fit assister par une équipe de tireurs du club d’Eaton Canyon, qui apportèrent leurs propres armes. Nom de Dieu, çà, ça devait être bien ! Chez nous en France, les gens qui tirent à la poudre noire sont considérés comme des rigolos par les tireurs classiques, faut dire qu’il y a beaucoup de rigolos, et chez les Arquebusiers, on se prend la tête avec des histoires de points…Toutes ces armes étaient des originales en excellent état de tir, et comprenaient une paire de Colt Navy 1851 en .36, une paire de Colt Army 1860 en .44 et un Remington Army en .44. Chaque revolver fut chargé avec des balles rondes sur 25 grains de FFg dans les calibres .36 et 35 grains du même carburant dans les .44.

Ces charges se rapprochaient des charges réglementaires des années 1860. En reprenant une liste d’exploits attribués à HICKOCK et fournie par ROSA, l’équipe de COOPER dissipa des années de foutaises imposées au public par des générations d’écrivains naïfs ou dupes, et qui n’avaient pas la moindre notion de ce que c’est que le tir. COOPER démontra que des histoires aussi invraisemblables que celle qui est racontée par NICHOLS, où HICKOCK aurait mis « six balles dans un cercle qui n’était pas plus grand qu’un cœur humain » à cinquante yards « sans viser avec ses yeux », étaient pratiquement « impossibles à réaliser compte tenu des circonstances »Ca, c’est sûr ! Quand on a des tireurs sportifs qui font des 100 sur 100 à vingt cinq mètres en Mariette ou en Colt lors des concours, ce sont de sacrés champions. Et encore, un 100, c’est exceptionnel. Au Mariette, je n’en ai jamais vu faire de mes yeux, mais je sais que ça existe puisqu’on en voit de temps en temps sur les palmarès. Généralement, on trouve plutôt des 97 ou des 98. Et là, c’est à bras franc, dans le calme, et surtout en visant. Et cinquante yards, ça fait un peu moins de quarante six mètres, pas vingt cinq. Quand on connaît les faibles qualités balistiques de la boule de plomb, on peut commencer à réfléchir sur la précision à une telle distance. Un 100 à vingt cinq mètres représente dix coups dans un cercle de six à sept centimètres, et tout ce qui est entre 90 et 100 veut dire qu’il y a des 9, c’est-à-dire une zone qui est un tout peu plus grande qu’un cœur humain. Alors, six coups dans le 9 à quarante cinq mètres sans viser et dans le stress du combat, moi, je voudrais bien le voir ! De tous les témoignages sur les prouesses de Wild Bill au tir, le plus crédible est celui de Robert A. KANE, qui écrivit deux articles au début du vingtième siècle en donnant des détails sur un spectacle qu’il avait vu au début des années 1870. Tous les tours d’adresse que relata KANE, y compris toucher des briques de la hanche à quinze yards et faire rouler une boîte de conserve de quatre quarts en tirant de chaque main à dix yards, sont possibles et peuvent être réalisés par un tireur bien entraîné au revolver. Aussi important que fut l’article de COOPER, il passa inaperçu des auteurs de scénarios, à une époque où les écrans de télévision étaient inondés de westerns. L’auteur se rappelle encore clairement Huge O’BRIEN, incarnant un Wyatt EARP tout propre et rasé de près, disant à l’un de ses compagnons qu’il était capable de « caresser » le crâne d’un homme à cinquante bons yards avec son Buntline Special, une arme totalement mythique. Ah, oui ! Le Buntline. Ce truc au canon démesurément long, attribué à un certain Ned BUNTLINE qu’on ne connaît pas autrement comme armurier, peut-être était-ce un propriétaire, un écrivain ou un metteur en scène de la Belle Epoque, et avec lequel cela doit être pratiquement impossible de tirer correctement d’une main ou autrement qu’avec une crosse rajoutée. D’autant plus que les traces les plus anciennes qu’on ait d’un Buntline datent de Janvier 1881 sous la forme d’une simple lettre, pas une arme, et que tous les Colt Buntline connus portent des numéros de série qui les datent de 1907 pour les plus vieux. De tels portraits irréalistes d’hommes et sur la précision de leurs armes, combinés avec le mythe du « fast draw », l’histoire où c’est à celui qui dégainera le plus vite, un autre mythe issu tout droit de Hollywood, ont donné une fausse impression de l’Ouest américain à toute une génération, sinon plus. La confrontation classique de deux adversaires dans la rue d’une ville de l’Ouest fut le produit de l’imagination de scénaristes de Brooklyn. Je lis bien Brooklyn, et pas Hollywood. Or, Brooklyn, c’est à New York sur la côte Atlantique, et Hollywood c’est à Los Angeles, de l’autre côté du continent, sur la côte Pacifique. L’auteur américain se serait-il trompé, ou alors ma culture cinématographique serait si pauvre que çà ? Peut-être que les scénarii de l’époque s’écrivaient dans les mansardes des quartiers pauvres et qu’on allait ensuite les jouer sous le soleil de la Californie, pour oublier la tuberculose et les bagarres de rues entre  juifs, Italiens, Irlandais et nègres ? Mais le combat de HICKOCK contre TUTT dans le parc peut très bien avoir donné naissance à ce mythe. Jeff COOPER nota qu’aucune personne contemporaine de HICKOCK n’avait jamais décrit quoi que ce soit sur sa manière de dégainer rapidement, à part le fait qu’il était « vite ». La conclusion de COOPER était qu’un bon tireur de l’Ouest au XIXème. siècle avait besoin d’être assez rapide à mettre son arme en action, il devait savoir s’en servir avec précision et il devait être animé à la fois de la grâce sous pression et d’une disposition à tuer son adversaire sur-le-champ. Si c’est Jeff COOPER qui dit çà, c’est obligatoirement vrai. Le mec a servi dans l’armée pendant plusieurs guerres et avec les Forces Spéciales.Dans le métier de tireur, la vitesse de l’éclair et même la précision du tir ne suffisent pas. Celui qui hésite à l’idée de tuer un autre être humain est perdu. Au cours de ses rencontres au face à face, James Butler HICKOCK n’a jamais hésité. Il était vraiment le « Prince des Pistoleros ». Et un tueur.