Jambon d’ours rôti à la sauce Cumberland
Traduction d’une recette tirée du « The Wild Game Gourmet » de chez Lyman
Commencer par tuer un ours avant d’avoir vendu sa peau.
…Traduction d’une recette tirée du « The Wild Game Gourmet » de chez Lyman
Commencer par tuer un ours avant d’avoir vendu sa peau.
…Il n’y a pas si longtemps encore, j’entendais quelqu’un dire que les ressorts à boudin ne sont pas permis au contrôle des armes dans les compétitions aux Armes Anciennes, « parce que ce type de ressort n’était pas connu à l’époque où l’on tirait avec des armes à poudre noire. » J’ai même entendu dire la même chose par des arbitres à l’époque où je portais encore le blouson rouge. Quelque chose est totalement faux là-dedans, il faut le rappeler ou le préciser. Il est vrai néanmoins que les ressorts à boudin actionnant le chien sont un système moderne lorsqu’ils sont de la même conception que celle des revolvers modernes et ils ne peuvent passer. Certaines armes ARDESA sont refusées au contrôle des armes parce qu’elles ont un petit ressort à boudin dans la platine qui règle la garde du bec de gâchette sur le cran de départ. D’accord, une platine qui ne comportait pas de ressort à boudin à l’époque où elle avait été conçue doit rester telle quelle si elle veut mériter l’appellation de réplique, et tout artifice altérant le caractère de réplique doit prendre le chemin du refus chez un Arquebusier vraiment digne de ce nom. Comme tirer le Maximilien avec un tunnel de guidon à insert circulaire et un niveau à bulle ; mais, enfin, ce fut un jeune et il était du club qui recevait, alors… Et de toutes façons, espérer avoir des résultats phénoménaux avec du AREDESA est un symptôme signifiant que le propriétaire candidat doit avoir été atteint de paludisme. Citons aussi le RÜGER Old Army, qui a beau être une merveille de solidité et de bonne facture, tout en tirant juste, mais qui n’est pas du tout une réplique car il reprend les formes d’une arme tirant déjà des cartouches métalliques et, outre son maître ressort à boudin trop moderne par rapport à celui du COLT « 73 » à qui il est censé ressembler, il n’a rien à faire en Armes Anciennes à cause de ses organes de visée réglables et de l’absence d’arme originelle.
…Il y a des gens sympas. Et parfois, on les prend pour des fous, mais « on » est un con. Donc, je tombe sur cette revue qui s’appelle BLACK POWDER et qui paraît tous les 3 mois chez nos britiches amis de ce qu’on pourrait appeler l’Association des Arquebusiers de Grande-Bretagne. C’est un peu comme le petit bouquin qui était édité par les Arquebusiers de France, mais en beaucoup moins rustique. Sauf que chez les A.D.F., c’était compris dans la maigre cotisation, donc on ne peut faire qu’avec ce qu’on a, et que chez nos tireurs d’outre-Manche, ça coûte 5,00 Britiches Livres Sterling, soit un peu plus de 7,40 Euro. Sans le port. Mais c’est bien, tout aussi bien même que notre truc français, du moins à l’époque où je cotisais encore avant d’en avoir marre de ne lire que des palmarès où les gens font des super scores qu’on se demande comment ils font, ou de concourir à côté de gens qui n’avaient pas l’esprit et qui venaient avec des vêtements de tir ou des organes de visée anachroniques. Et surtout parce qu’on les laissait faire. Enfin, je continue…
…Comment « HANDGONNE » devient tout naturellement « HANDGUN »Lire la suite »
Traduction d’un article de Garry JAMES paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1983
Bien que le mousquet à canon rayé et la balle Minié eussent déjà prouvé leur valeur respective dans des conflits précédant la Guerre Civile Américaine, appelée en Europe Guerre de Sécession, le système n’avait jamais été essayé sur une échelle aussi vaste. Les Britanniques utilisèrent d’abord leurs fusils rayés Enfield à balle Minié en Crimée de 1854 à 1856 et pendant la Mutinerie d’Inde aussi appelée Révolte des Cipayes de 1857 à 1859, et leurs succès poussèrent d’autres pays, plus particulièrement les Etats Unis, à ré-évaluer et mettre à jour leurs antiques fusils à âme lisse en même temps que leurs manuels militaires. La « Guerre entre les Etats » vit des millions de fusils de type Minié de tous bords, les plus utilisés étant les Modèles 1855, 1858 et 1861 des Enfield anglais. Le Springfield et l’Enfield étaient considérés à cette époque comme les meilleurs fusils militaires rayés bien que, aussi bien à cette époque-là qu’aujourd’hui, tous les deux avaient leurs champions.
…DANS LA GUERRE DE SECESSION
Traduction d’un article de A.M. BECK paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1993
Addenda extraits du FLAYDERMAN’s Guide to Antique American Firearms, 6ème. édition
Parmi les diverses armes à chargement par la culasse, trois modèles furent en dotation en des quantités dépassant de loin toutes les autres. La Spencer, la Sharps et la Burnside. Nous avons choisi de faire tirer ces armes pour voir de quoi devait se contenter le troupier moyen ou le soldat d’infanterie chanceux. L’une des conséquences les plus intéressantes de la Guerre Civile fut l’accélération de la mise en service des armes à chargement par la culasse. On acheta une variété surprenante de carabines et de fusils, dans le but de ré-armer rapidement les troupes avec tout ce qui pouvait se charger par la culasse. Plusieurs armes issues de concepts parfaitement inefficaces furent mises en dotation, comme la Merrill de l’Union, la Starr et, dans une certaine mesure, la Gallager. Par contre, divers excellents systèmes apparurent. Parmi ceux-ci on compte la Spencer, la Maynard, la Burnside, la Smith et, bien sûr, la Sharps. Elles ne sont pas seulement des exemples du génie inventif du dix neuvième siècle, mais restent de belles et très bonnes armes de tir. On arrive à trouver toutes ces armes dans des divers états de conservation, allant du neuf « jamais tiré », au piqué ou au totalement inutilisable. Si l’on veut choisir une arme de l’époque de la Guerre Civile pour tirer avec, le plus important est l’état du mécanisme de la culasse, celui du canon passant en second lieu. Les rayures de ces armes sont taillées très profondément, et beaucoup tireront très bien même avec un canon piqué, bien que cela les rende beaucoup plus difficiles à nettoyer. Presque toutes les armes de cette époque avec lesquelles on voudra tirer aujourd’hui demanderont un « rodage ». Ceci représente à peu près une centaine de coups, avant que l’arme commence à grouper de manière régulière et n’enplombe plus. Beaucoup ne seront pas au mieux de leur forme avant deux cent coups. Les tous premiers coups peuvent même approcher la précision d’un canon lisse. Il faut autant que possible utiliser du plomb pur pour couler des balles destinées à être utilisées dans toute arme à feu des années 1860, et jamais plus dures que le plomb d’équilibrage. La plupart des canons sont en simple fer tendre, même sur les Sharps et les Spencer. Bien que les canons de Burnside soient marqués « Acier fondu », ils sont eux aussi considérablement plus tendres que les canons modernes. Des balles trop dures se sont pas seulement moins précises, mais elles usent inutilement le canon.
…Traduction d’un article de J. CRUTCHFIELD paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1986
Demandez-voir à l’Américain moyen qui était William WALKER et il y a des chances que tout ce que vous aurez en réponse sera un regard étonné. Or et pendant la décade de 1850, WALKER état un nom qui se prononçait dans tous les foyers des Etats Unis tout entiers. Un des premiers de ces sortes de mercenaires que l’on appelle communément « soldats de fortune » et le seul autochtone américain qui fût jamais élu à la tête d’un pays étranger, WALKER passa ces années-là à faire la une des journaux avec ses exploits au Mexique, au Nicaragua et au Honduras.Des rencontres fréquentes avec des hommes d’affaires aussi importants que Cornelius VANDERBILT, ce magnat du transport et du rail qui voulait construire un canal à travers l’Amérique Centrale, et même le Président Franklin PIERCE ou James BUCHANAN avec qui il s’occupait des droits et des responsabilités des citoyens américains à l’étranger, avaient fait à WALKER la publicité dont il avait besoin auprès de l’opinion publique pour gagner le soutien des masses à ses missions indépendantes.Qui était cet aventurier qui fréquenta du magnat des affaires au Président Américain ? Pourquoi ce petit homme, mesurant à peine cinq pieds et six pouces de haut et pesant un peu plus de cent livres, restait-il totalement sans la moindre impression devant les hommes d’affaire ou le gouvernement des Etats Unis, lesquels fronçaient tous les deux les sourcils au vu et au su de ses activités théâtrales ? Qu’est-ce qu’il y eut en coulisses qui le poussa à envahir le Nicaragua en 1855 et de s’y faire élire président en moins de cinq mois au cours d’élections totalement libres ? Et puis, qu’était ce petit quelque chose qu’il dégageait, qui faisait qu’on le respectait, ou qu’on le craignait selon la manière dont on voit les choses, au point que ce gouvernement rebelle fut officiellement reconnu par les Etats Unis ? Vraiment, qui était ce William WALKER, cet homme à qui l’Histoire donnerait un jour le nom de « Les yeux gris du destin », mais que si peu d’Américains connaissent aujourd’hui, même de loin ? On ne connaîtra jamais les réponses à certaines de ces questions, mais d’autres font transparaître un peu de lumière, même s’il y en a peu, sur ce mystérieux Américain qui tint toute l’Amérique Centrale à sa botte durant les années 1850.
…Traduction d’un article de Joe BILBY paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1986
Bill MASSIE était en train de regarder ses cartes lorsque cela se passa. Il entendit l’explosion du coup, sentit son bras s’engourdir, et leva les yeux. Il vit l’homme en face de lui tomber par terre, puis il vit Mc. CALL qui reculait au milieu d’un nuage de fumée de poudre noire, criant à tout de monde de sortir, ramenant le chien de son revolver en arrière avec son pouce et le laissant retomber en pointant l’arme en direction du barman sans que le coup ne parte, le bruit vide et métallique du faux-départ le suivant jusqu’à la porte. Lorsqu’il fut parti, on ne pouvait plus rien faire d’autre que regarder la flaque de sang qui s’agrandissait sous la tête de « Wild Bill », Bill le Sauvage. Une légende était morte. Vive la légende.
…Selon le Muzzleloading Artilleryman
3, Church Street – P.O. box 550 – Winchester, Massachussets 01890
On n’a pas besoin des américains en France, on sait se servir tout seuls des armes tirant à la poudre noire, mais ce petit truc m’a bien amusé quand je l’ai lu. Ca sent la crainte du procès typiquement américain parce que l’artilleur amateur n’aura pas été raisonnable. Comme je ne suis pas un artilleur confirmé mais juste utilisateur occasionnel de petites répliques, les termes techniques pour les accessoires sont susceptibles de s’appeler autrement dans le jargon des spécialistes. Et de toutes façons, les pièces d’artillerie dont se servent les gens qui tirent avec, comme le Parrott 1864 au calibre de 3 pouces ( 76,2 Millimètres ) pour 10 livres et pesant 880 livres ( 399,17 kilos ), ou bien le Tredegar 1863 de 12 livres, ne sont pas courantes en France. Les vrais artilleurs à poudre noire pas vraiment non plus. Mais on ne sait jamais, c’est mieux que de mourir con.
GENERALITES
Les règles suivantes s’appliquent aux équipes d’artilleurs utilisant des pièces fabriquées, ou transformées, selon les standards de sécurité modernes. L’âme du canon doit être faite dans un acier non soudé, d’une épaisseur minimum de ¼ de pouce ( 6,35 millimètres ) et elle doit être capable de supporter une pression de 85 000 PsI
( soit l’équivalent de 38 556 kilos par pouce carré, ou 5 511,19 KGS par CM² ). La culasse doit être vissée et goupillée. Les culasses soudées et goupillées peuvent être d’une résistance égale, mais leur installation relève d’un travail de spécialiste et d’un fabricant compétent. Les âmes sablées ne sont pas recommandées pour le tir. La cheminée doit être usinée de manière à assurer un passage direct à travers la fonte et l’âme en acier.
ZONE DE SECURITE
Etablir une zone de sécurité de 50 pieds ( 15,24 mètres ) entre les spectateurs et le canon. Aucune personne n’est autorisée à se trouver devant la bouche du canon, et à aucun moment de la séance de tir. Seuls les équipiers ou du personnel dûment autorisé et habilité peuvent se trouver dans cette zone, entre le canon et la ligne de spectateurs.
EQUIPEMENT NECESSAIRE
Dix membres au minimum pour l’équipe. Le couvercle de la caisse à munitions ne doit pas s’ouvrir à un angle de plus de 80 degrés. Une brosse à cheminée ou accessoire de nettoyage. Une aiguille à cheminée. Un doigtier. D’épais gants de soudeur. Un sac de cuir à utiliser pour passer les munitions, et un autre sac de cuir pour le matériel d’amorçage. Un fouloir. Une éponge mouillée. Une éponge sèche. Un grattoir. Un seau d’eau. De la poudre d’amorçage. De la mèche ou de la cordelette. Un chronomètre.
PROCEDURE STANDARD A DIX ETAPES :
I ) LE NETTOYAGE DE LA CHEMINEE :
Nettoyer la cheminée en premier lieu avant tout nettoyage, chargement ou tir, en utilisant l’une des trois méthodes approuvées suivantes :
II ) LA FERMETURE DE LA CHEMINEE :
Fermer la cheminée en pressant dessus avec le doigt, pendant tout le temps que dure le nettoyage et le chargement de la pièce. C’est-à-dire depuis le moment où le grattoir entre dans la bouche jusqu’au moment où le fouloir ressort après avoir assis le projectile. Utiliser un doigtier en cuir ou d’épais gants en cuir pour protéger le pouce.
III ) LE GRATTAGE :
Utiliser un outil à deux pointes aiguës, reproduisant un grattoir à canon identique à ceux de l’époque. Passer le grattoir deux fois dans le canon, en lui faisant faire deux tours complets à chaque fois au fond de la culasse, pour enlever tous les restes de gargousse, de poudre et pour en raffiner les résidus. Le grattoir doit s’ajuster à l’âme du canon pour que ses pointes enlèvent les résidus facilement.
IV ) LE PASSAGE DE L’EPONGE MOUILLEE :
V ) LE PASSAGE DE L’EPONGE SECHE :
Après le passage de l’éponge mouillée, on suit la même procédure avec une éponge sèche qu’avec l’éponge mouillée. L’éponge sèche est lavée régulièrement et séchée avec un tissu absorbant. Le but de l’éponge sèche est d’enlever l’excès d’humidité dans le canon. S’il reste de l’eau dans le canon, la charge suivante peut laisser des résidus imbrûlés qui deviendront dangereux s’ils sont encore incandescents.
VI ) LA MISE EN PLACE DE LA CHARGE :
VII ) LA MISE EN PLACE DU PROJECTILE.
VIII ) LE PERCAGE DE LA GARGOUSSE :
IX ) L’AMORCAGE :
X ) LE TIR :
RATES
Si l’amorce brûle mais le coup ne part pas :
Si le canon ne tire toujours pas ou bout de trois essais, chasser la charge de poudre et le projectile avec l’extincteur à CO2, en le faisant fonctionner depuis la cheminée et en les poussant ainsi dehors.
HUIT REGLES DE BASE POUR LA SECURITE
IL FAUT TOUJOURS LAISSER PASSER TROIS MINUTES ENTRE LE COUP DE FEU ET LA MISE EN PLACE DE LA NOUVELLE CHARGE !
Ce règlement a été élaboré par le magazine The Muzzleloading Artilleryman en 1980 et 1983, écrit et édité par les membres du North-South Skirmish Association en les personnes de Matthew C. SWITLIK, Commandant de la batterie Clark, Bernard KURDT, Commandant du 120ème. Volunteers et Officier de Sécurité des Union and Confederate Volunteers, ainsi que C. Peter JORGENSEN, Artilleur.
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LE BON VIEUX SPRINGFIELD 1842
Traduction d’un article de W. AUSTERMAN paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1986
Demandez à tout groupe de collectionneurs d’armes ou d’historiens quelle fut l’arme qui exerça le plus d’influence sur le cours de la Guerre Civile, et la grande majorité citera sans aucun doute la carabine Spencer à cause de sa fameuse puissance de feu et son rôle important lors des victoires décisives de l’Union comme Gettysburg et Nashville. Quelques-uns uns de ceux qui réfléchiront un peu plus, ou ceux qui voudront installer la polémique, ne seront pas d’accord et désigneront le fatidique petit Deringer de gros calibre de John Wilkes BOOTH comme l’arme qui décida de l’issue finale du triomphe de l’Union sur le Sud. Mais on peut également avancer qu’il serait mieux de discuter sur une arme conçue pour un conflit plus ancien, dépassée bien avant les premiers coups de feu qui ont salué l’aube sur Fort Sumter. Le mousquet Springfield Modèle 1842 n’a sûrement pas tiré les coups de feu qui eurent le plus d’influence dans la bataille. Mais si ces coups n’ont pas décidé de l’issue du conflit, il n’y a pas de doute qu’il y ont été pour quelque chose sur le long chemin d’agonie que les deux camps suivirent jusqu’à Appomattox. Ce ne fut qu’une autre de ces ironies du sort impliquées dans une guerre voyant pour la première fois une utilisation intensive de canons rayés dans l’artillerie et les armes légères, de mitrailleuses et d’armes à répétition se chargeant par la culasse, qu’un mousquet à canon lisse ait eu autant d’impact sur le cours de évènements.
Entre 1843 et 1855, on produisit quelques 275 000 de ces armes à percussion en calibre .69 aux arsenaux de Harper’s Ferry et de Springfield. Une arme d’épaule pour le moins encombrante avec son poids de neuf livres et mesurant presque cinquante huit pouces de long, le modèle 1842 fut la première arme à percussion, et la dernière à canon lisse, produite pour les régiments d’infanterie de l’U.S. Army. Le modèle 1842 connut le service pendant la Guerre du Mexique, dotant les troupes régulières, bien que beaucoup de régiments de volontaires eussent du se contenter des mousquets à silex du modèle plus ancien. Comme le remarque le Lieutenant Ulysses S. GRANT : « L’infanterie sous les ordres du Général TAYLOR était armée de mousquets à silex et de cartouches en papier chargées de poudre et de balles ou de chevrotines. A la distance de quelques centaines de yards, un homme pouvait vous tirer dessus toute la journée sans que vous vous en rendiez compte. » L’arme à percussion détrôna vite le « culbuteur de citrouilles » à silex à la fin de la guerre, et le modèle 1842 rendit encore indifféremment des années de service sur la frontière à l’Ouest. Dans une compagnie d’infanterie moyenne, un coup sur six pouvait toucher une cible de la taille d’un homme à cent yards sur le stand à l’entraînement. En Juillet 1855, le Secrétaire à la Défense Jefferson DAVIS reconnut l’obsolescence du mousquet et ordonna que l’on fabriquât et distribuât une nouvelle génération de fusils à canon rayé utilisant la balle conique Minie. Les régiments de ligne furent enfin équipés d’une arme possédant une véritable précision à longue distance.
Dans toute la nation, les vieilles armes furent gardées en stocks de réserve, à la fois dans les armureries fédérales et dans celles d’état. Lorsque éclata la Guerre Civile en Avril 1861, environ 213 000 fusils Modèle 1842 se trouvaient encore sur les râteliers entre le Massachusetts et la Californie. Ce furent les armes longues les plus facilement disponibles lorsque l’on se mit à se tirer dessus de part et d’autre, et dans les premiers mois frénétiques de la guerre, les recrues s’estimaient chanceux si on leur attribuait l’un de ces « canon lisse à percussion », en comparaison avec les anciens fusils à silex qui étaient également distribués. Le Nord jouissait d’une supériorité écrasante sur le Sud en matière de capacité industrielle, mais cela allait prendre du temps avant de pouvoir le sentir. Au printemps de 1861, beaucoup de régiments de l’Union portaient le Modèle 1842 à l’épaule. Parmi eux, on cite des unités comme le 3ème. Connecticut, le 9ème. Massachusetts, le 8ème. et le 41ème. New York, et le 4ème. Volontaires d’Infanterie du Michigan. Jusqu’en Juillet 1863, le 12ème. New Jersey fit face aux charges de PICKETT à Gettysburg avec ses Modèles 1842, et tira des volées foudroyantes de balles et de chevrotines dans les rangs des gris avec des effets significatifs. La situation était pratiquement la même du côté de la Confédération. Au printemps de 1861, les armureries du Sud comptaient un total de 78 931 Modèles 1842. Sur ce nombre, 1557 ont été comptabilisés comme rayés et équipés d’une hausse réglable vers 1850.
La grande majorité des armes d’épaule tirait donc un projectile sphérique de 414 grains dans un canon lisse, avec une charge de 130 grains de poudre noire. La gigantesque balle faisait de la lumière dans tout ce qu’elle touchait, si elle touchait quelque chose aux distances de combat… En plus des mousquets de Springfield et de Harper’s Ferry, les Rebelles disposaient aussi de versions de l’arme fabriquées localement. Entre 1852 et 1853, pendant une période où les relations entre l’état et le gouvernement national commençaient déjà à s’envenimer, l’armurerie Palmetto de Columbia, en Caroline du Sud, produisit 6000 copies du Modèle 1842, très proches de l’original. Malgré l’importation d’une grande quantité d’armes depuis l’Europe, et la récupération de milliers d’autres sur les champs de bataille, la Confédération continua à doter le Modèle 1842 comme arme d’ordonnance standard. Au fur et à mesure que le temps passait, les Sudistes se rendirent de plus en plus compte qu’ils étaient en désavantage lorsqu’ils étaient confrontés aux troupes de l’Union.
Avec à sa tête le Général Josiah GORGAS, le Département de l’Equipement Militaire de la Confédération du Sud, le C.S. Ordnance Department, plein d’imagination et de ressources, prit note du problème et essaya de trouver un remède à l’imprécision du canon lisse. Le Lieutenant-Colonel William LeRoy BROUN, commandant l’arsenal de Richmond à partir de 1863, relate comment les penseurs de l’administration conclurent qu’il serait plus facile de changer le type de munition en dotation, que de rappeler tous les canons lisses et les faire rayer. « L’idée était de tirer un projectile allongé composite, fait de plomb et de bois dur, ou de papier-mâché, avec une tête en forme de fer de lance et un corps de plomb » se rappela BROUN plus tard. « Le corps serait contenu dans un sabot creux en bois ou en papier-mâché. » La nouvelle balle était conçue sur de solides bases théoriques. « Au départ du coup, le matériau plus léger, se déplaçant plus vite, ferait ressortir la tête pointue et éliminerait ainsi la traînée » prétendait BROUN « et le vol de la trajectoire serait le même que celui d’une flèche, sans basculer sur le plus petit axe, comme si le centre d’inertie du projectile était en avant du centre de résistance à l’air. En tous cas, c’était la théorie du projectile composite conçu pour le vieux mousquet à canon lisse. » Ben mon vieux, çà c’est fort. Je connais le centre de gravité, mais le centre de résistance de l’air… Boum, et le petit bout pointu sort de son prépuce, comme sur une bite de chien. Je croyais que des hydrocéphales, il n’y en avait qu’en France, mais je vois qu’il y en avait aussi à l’époque chez ces braves Sudistes ! On élabore une théorie tellement fantaisiste et tirée par les cheveux compte tenu d’une époque où l’aérodynamique n’était même pas encore une science comme elle l’est aujourd’hui, sans parler des complications induites pour la fabrication massive de ces nouvelles balles qui auraient du voler, que les sous-idiots d’en face n’y comprendront rien, et le soldat moyen n’aura qu’à écouter aveuglément son chef qui lui répétera bêtement comment que ça marche bien, ces nouveaux trucs qu’on nous donne, maintenant ! Il n’y a pas de traces de production ni de dotation en service de cette balle exotique, mais le concept de base était très proche de celui des munitions modernes à sabot utilisées pour percer les blindages et destinées aux canons à haute vitesse armant les chars. Précis ou pas, le canon lisse vit le feu dans les rangs des gris. L’arsenal d’Augusta, Georgia, contenait 12 380 Modèles 1842 au moment de la sécession, et beaucoup de régiments d’état furent dotés de la vieille arme lorsqu’ils furent rassemblés pour le service.
Les hommes du 14ème. Georgia Infantry apprirent à manipuler et à tirer en volées avec les anciennes reliques avant de marcher au combat sous les ordres du Général Robert E. LEE et sa légendaire Armée du Northern Virginia. Les Géorgiens suivaient le Colonel R.W. FOLSOM en tant que partie d’une brigade formée par d’autres régiments de l’état, au moment où l’armée de LEE se heurta à une force Fédérale commandée par le pompeux Général John POPE. Par un pluvieux 1er. Septembre de 1862, des éléments des deux armées ennemies se rencontrèrent près du petit hameau de Chantilly en Virginie. Les Rebelles se déployèrent devant un petit relief connu sous le nom d’Ox Hill, la Colline du Bœuf, et tinrent la ligne contre les tuniques bleues qui attaquaient. Le Brigadier Général Isaac STEVENS saisit l’étendard d’un régiment de New York et mena ses hommes à l’assaut. Les Yankees chargèrent en avant à travers une pluie aveuglante, et ils étaient sur le point de percer les positions Géorgiennes quand une volée brûlante partie de leurs mousquets stoppa net leur avance et laissa STEVENS étendu dans la boue, avec un trou béant dans la tête. Héros de la Guerre du Mexique et anciennement gouverneur du Territoire de Washington, STEVENS était un personnage populaire dans le Nord, et sa mort horrifia toute la division qu’il commandait durant la bataille de Chantilly.
Les Yankees, secoués, se retirèrent et se rassemblèrent à distance des Confédérés, pendant que les renforts arrivaient sur le terrain. La division du Major Général Philip KEARNY commença à regarnir les rangs, et l’officier impétueux chercha immédiatement à frapper les Rebelles en retour. KEARNY était une sorte de légende dans l’Armée de l’Union à l’époque. Avocat millionnaire, il avait quitté le barreau pour devenir un soldat professionnel. Cavalier né, il avait servi comme observateur avec les Français en Afrique du Nord, et perdu un bras au cours d’une action héroïque pendant la Guerre du Mexique. Le Général Wilfried SCOTT disait de lui « C’était l’homme le plus brave que j’aie jamais connu, et un parfait soldat. » Le « parfait soldat » était courageux à l’extrême, et ce défaut le rattrapa sous la pluie sombre ce soir-là à Ox Hill. Il donna des éperons et fonça vers le front en ordonnant à un régiment du Massachusetts de le suivre à l’attaque. Les New Englanders pataugèrent en avant dans les restes détrempés d’un champ de maïs alors que le crachement du feu jaillit des rangs Confédérés. Comme les hommes d’infanterie hésitaient et le prévinrent qu’il y avait toute une division de déployée dans la forêt juste en face, KEARNY se mit en colère et fonça en avant sur son cheval pour les pousser à le suivre, sinon ils auraient eu honte. On pouvait discerner des silhouettes dans l’ombre pendant que le Général approchait des bois. Le Simple Soldat L.G. PERRY du 14ème. Georgia faisait partie de ceux qui attendaient en embuscade lorsque le rêche accent New-Yorkais de KEARNY se fit entendre avec cette question impérieuse « Qui est-ce qui vous commande, là ? » Une voix traînant de Géorgien répondit en lui demandant de se rendre. KEARNY fit faire demi-tour à sa monture et lui planta ses éperons dans les flancs. Il se mit debout dans les étriers et se pencha presque horizontalement sur la selle, en lançant son cheval en avant. Le Simple Soldat PERRY leva son Modèle 1842 et laissa le chien retomber sur la capsule. La balle jaillit dans une gerbe de flammes oranges, s’engouffra dans le tube digestif de KEARNY et finit dans l’abdomen. KEARNY était mort avant que son corps ne glissât de la selle. Avec deux généraux de perdus et dix pour cent des forces totales de tués ou de blessés, les hommes de l’Union se contentèrent de laisser se finir la bataille toute seule, les deux principales armées terminant une campagne qui avait déjà vu une amère défaite infligée aux forces de POPE. L’armée de LEE restait défiante, prête à asséner un autre coup à l’ennemi, lequel pleurait à présent deux personnages populaires à cause des antiques canons lisses portés par les Géorgiens à Chantilly.
Huit mois plus tard, les Sudistes faisaient face à une nouvelle invasion Nordiste quand le Général Joseph HOOKER mena l’Armée du Potomac de l’autre côté de la rivière Rappahannock, dans un vaste mouvement pour capturer Richmond. Son corps d’armée marchait à travers un sombre enchevêtrement de broussailles et sur d’étroit sentiers sinueux, appelé « La Jungle » par les Virginiens. HOOKER ramena son armée en arc de cercle s’incurvant à l’ouest et au sud, autour d’un village appelé Chancellorsville, pendant que LEE remontait rapidement en marchant le long de la rivière pour le rencontrer. Les Confédérés alignaient à peine 60 000 hommes et HOOKER 134 000, mais là, le destin était avec eux. L’un des corps d’armée de LEE était dirigé par le Général Thomas J. « Stonewall », le « Mur de Pierre », JACKSON. L’année précédente, il avait vaincu cinq armées Yankees dans la vallée du Shenandoah après une marche forcée, et jeté la panique dans Washington D.C. avant de foncer vers le sud pour rejoindre LEE dans la défense victorieuse de Richmond. A présent, JACKSON était sur le point de couronner le coup de maître de sa carrière déjà légendaire. Quelque part au milieu des pins cachés, à l’ouest des croisements menant à Chancellorsville, il avait un double rendez-vous avec l’immortalité et le mousquet Modèle 1842. Après une hâtive réunion le soir du 1er. Mai 1863, LEE et JACKSON mirent en action leur plan audacieux pour freiner l’élan de l’avance de HOOKER. Pendant que LEE emmenait avec lui une petite partie de l’armée de façon à créer une diversion sur l’avant de HOOKER, JACKSON et 28 000 hommes s’élançaient vers le sud et l’ouest dans une longue marche forcée qui les amena juste contre le flanc exposé de l’Armée de l’Union à la fin de l’après-midi du 2 Mai. Les hommes de JACKSON s’élancèrent dans le crépuscule en hurlant, des éclairs scintillant au bout de leurs fusils tout le long de leur ligne, pour piquer en avant dans les ombres à l’est, comme l’auraient fait des fers de lance. Cà, si ce n’est pas une charge à la baïonnette dans les lueurs rouges et grises du crépuscule, je m’en mords le chinois. Brandissant au dessus d’eux leurs bannières rouges en lambeaux, ils s’abattirent sur l’ennemi avec un tel élan que le 11ème. Corps de l’Union fut bientôt transformé en une foule paniquée. A la tombée de la nuit, l’armée de HOOKER s’était repliée sur elle-même comme un canif à moitié fermé, et les obus de l’artillerie Confédérée pleuvaient sur son quartier-général à Chancellorsville.
JACKSON savait que l’aube pourrait bien rapporter la victoire finale sur l’ennemi, mais il lui fallait d’abord calmer la confusion et la désorganisation qui avaient naturellement accompagné l’assaut de ses troupes. Alors que l’obscurité s’installait, il fit avec son état-major le tour du front pour remettre de l’ordre et donner de nouvelles instructions pour l’action du lendemain matin. JACKSON avait hâte de mettre en place la division de choc du Général A.P. HILL pour la nouvelle attaque, et il s’élança en avant sur son cheval, cherchant son chemin à travers les lignes pour atteindre son poste de commandement. Il était vingt et une heure ce soir-là et la pleine lune brillait à travers les reflets pourpres des feux et des fumées de poudre noire, quand JACKSON et ses aides repérèrent les postes avancés de l’Union dans la forêt et s’en revinrent pour faire sur leurs chevaux le quart de mile qui les séparait de leurs propres positions. Les sabots des chevaux frappaient le sol avec un bruit sourd sur la vieille route de planches et, comme les officiers s’approchaient du 18ème North Carolina, on entendit le cliquetis des chiens que l’on amenait en arrière au cran de l’armé. L’infanterie croyait que c’était la cavalerie Yankee qui venait vers eux. Un cri partit pour demander qui c’était, mais la réponse se perdit immédiatement dans le vacarme assourdissant de la mousqueterie alors que les armes s’allumaient tout le long de la ligne avant du régiment. Le Lieutenant George CORBETT de la Compagnie E savait que la volée tirée par ses hommes avait touché de plein fouet ce qui n’était plus maintenant qu’un nœud de chevaux et d’hommes se débattant dans l’obscurité à quelques yards à l’Est. Les baguettes de chargement cliquetaient déjà dans les canons, brisant le silence qui avait soudain suivi, pendant que les « Tarheels », les Talons de Goudron, allusion aux semelles de goudron naturel avec lesquelles étaient faits les croquenots des Sudistes, enfonçaient déjà une nouvelle charge au fond de leur Modèle 1842 et cherchaient une capsule d’amorçage dans leur giberne. Une artillerie Unioniste énervée répliqua à la mousqueterie par un feu aveugle qui envoya des shrapnels volant à travers la route, en sifflant méchamment au milieu de l’illumination de la scène par les éclatements des obus. Lorsque le bombardement s’arrêta, les aides de JACKSON et les soldats frappés d’horreur s’élançaient en courant, le portant vers un hôpital de campagne. Oh, merde ! On a buté le chef ! Merde, chef ! Mais qu’est-ce qu’on fait maintenant, chef ? On appela le docteur de l’état-major, le Docteur Hunter Mc. GUIRE, qui examina les blessures de JACKSON à la lueur d’une lampe. A trois pouces en dessous de l’épaule gauche, une balle s’était taillée une tranchée à travers le bras, y laissant dans son sillage un horrible mélange d’os éclatés et de muscles déchirés. Plus bas, dans l’avant-bras, une autre balle était entrée près du coude et était descendue pour ressortir du côté intérieur du poignet. Un troisième projectile s’était écrasé dans la main droite. Il y était encore, au milieu des débris d’os. Mc. GUIRE découpa la peau et sortit la balle. Il la fit rouler dans la paume de sa main. « Un Springfield à canon lisse » dit-il tristement « Nos propres troupes. » La balle de mousquet sonna lugubrement lorsque le chirurgien la jeta sur le plateau. Ce bruit-là fut le glas qui sonnait sur la Confédération. JACKSON laissa sur la table d’amputation son bras gauche fracassé, et mourut plus tard d’une pneumonie. Bonjour le minuscule pouvoir de pénétration de la grosse balle ronde mais, et hop, encore un manchot ! Quand c’était pas une jambe que les généraux perdaient à la guerre à cette époque, c’était un bras, parfois la tête. Et si le mec ne mourait pas de gangrène, juste après il pouvait attraper tellement froid faute de soins, qu’il y laissait la peau là aussi. Et dire qu’il y a des gens qui trouvent que la guerre, c’est bien…Tout le Sud pleurait pendant que la grande victoire de LEE à Chancellorsville était ternie par la perte de son paladin. La guerre continua, et deux mois plus tard, LEE emmena son armée vers le Nord pour envahir le Pennsylvania dans l’espoir de gagner une victoire décisive sur le sol de l’Union et de terminer ainsi le conflit en faveur du Sud. Le vieux corps d’armée de JACKSON fut attribué au Général Richard EWELL, un vétéran dégarni qui avait autrefois vu du service sur la frontière avec les dragons au Texas et au Nouveau Mexique. Un an plus tôt, EWELL avait perdu une jambe au combat. Encore un ! Qu’est-ce que je disais ? Au cours de sa convalescence, il avait épousé une veuve locale. Ces deux expériences avaient secoué et déstabilisé le célibataire quinquagénaire. Ce n’était plus le même combattant fonceur que l’armée avait connu à une époque. Lors de ses premières actions à Gettysburg, EWELL hésita avant de lancer une attaque contre les troupes de l’Union débordées et désorganisées qui tenaient Cemetery Hill, la Colline du Cimetière, quel nom bien choisi, puisque tant de jeunes et de moins jeunes y laissèrent, non pas des plumes, mais aussi des bras, des jambes, des pifs, des pafs, des oreilles, des globos, des têtes, beaucoup la vie tout court. L’assaut tardif ne fut pas lancé avec assez de détermination, et les tuniques bleues gardèrent le contrôle de la colline, donnant ainsi la bataille au Nord.
Beaucoup d’érudits prétendent que, si JACKSON avait été à la tête de ces troupes, il n’aurait pas laissé passer l’opportunité et l’issue de la bataille aurait tourné en faveur du Sud, avec un train d’évènements radicalement différent à influer sur l’histoire de l’Amérique. Ben tiens. Et si nous, les Sudistes, on avait été plus nombreux, vous les Nordistes, vous auriez perdu la guerre de Sécession qui a sèssésassésûr. En tout état de cause, beaucoup de ces morts au milieu des champs dévastés et des vergers détruits sur Gettysburg provenaient des rangs du 18ème. North Carolina, qui essayait de se racheter de sa bévue fatale de Chancellorsville. Quand, après Appomattox vingt et un mois plus tard, les derniers drapeaux furent pliés et rangés et les mousquets mis au râtelier, un certain Lieutenant CORBETT, hanté par la honte, rentrait chez lui à pied en Caroline du Nord, obsédé par le bruit d’une terrible volée qui résonnait encore dans sa tête. Pour JACKSON, STEVENS, KEARNY et des milliers d’autres, le Modèle 1842 avait stoppé net tous leurs espoirs et leur ambition, en une âcre giclée de fumée de poudre et l’impact brutal d’une balle ronde en plomb tendre. Ce vétéran aguerri qui avait servi sous deux drapeaux rentrait dans l’ombre avec eux. Mais tout en laissant sa place aux armes modernes, rayées et au chargement par la culasse, le mousquet partagea l’épitaphe que Robert E. LEE fit plus tard sur la Confédération « Nous avons perdu mais, par la grâce de Dieu, une défaite en apparence se révèle souvent être une bénédiction. »
Mousquet U.S. Modèle 1842 à percussion :
Fabriqué aux arsenaux de Springfield et de Harper’s Ferry entre 1844 et 1855 à environ 275 000 exemplaires, dont 172 000 par Springfield. Calibre .69, chargement par la bouche à un coup. Canon de 42 pouces, maintenu par trois bandes. Garnitures en fer. Pièces métalliques finition poli blanc. Baquette de chargement en acier, à tête tulipée. Tenon de baïonnette sous la bouche du canon. Crosse en noyer en dos de cochon. Platine marquée de l’aigle américain, au dessus d’U.S., devant le chien. Derrière le chien, marquée soit SPRING/FIELD/(date) ou HARPERS/FERRY/(date). Culasse marquée V/P/(tête d’aigle), parfois les initiales de l’inspecteur sont visibles. Cartouche de l’inspecteur estampillé sur le côté gauche de la crosse, de l’autre côté de la platine. Première génération de mousquet conçue aux arsenaux nationaux pour le système d’amorçage à percussion, le modèle présente d’importantes distinctions. Dernière arme U.S. à canon lisse, au calibre de .69, et première arme U.S. faite à la fois aux arsenaux de Springfield et de Harper’s Ferry avec toutes les pièces interchangeables. A part la forme de la platine, le mousquet U.S. Modèle 1842 est quasiment identique à son prédécesseur à silex, le mousquet Modèle 1840. Les spécimen qui portent les dates d’avant la Guerre du Mexique de 1847 tendent à bénéficier d’une petite plus-value. Cote de 700,00 $ à 2 250,00 $.
Mousquet U.S. Modèle 1842, canon rayé :
Transformation par rayure du canon, effectuée aux arsenaux de Springfield et de Harper’s Ferry entre 1856 et 1859 à 14 182 exemplaires au total. Même arme que le Modèle 1842, à l’exception des rayures. Un peu moins de 10 000 exemplaires furent équipés avec des organes de visée pour le tir à longue distance, les 4 182 autres n’en ayant pas. Cotes de 800,00 $ à 2 500,00 $.
Marche forcée dans le brouillard de l’opium
Traduction d’un article de James STREET paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1990
Le 21 Novembre 1864, le Général Confédéré John Bell HOOD sortait à cheval de Florence, Alabama, à la tête de son Armée du Tennessee. Bien que dans une grande souffrance physique, il avait gardé le commandement de ses forces pour se rendre à Nashville, la capitale de l’état du Tennessee. C’est là que HOOD se proposait d’écraser les troupes Fédérales qui étaient concentrées sous l’œil sévère du Major General Gorges Henry THOMAS, dit le « Rocher de Chickamauga », et d’inverser ainsi le cours de la Guerre Civile américaine à l’Ouest. Huit jours plus tard, HOOD, attaché à son cheval, son bras gauche n’étant plus qu’un souvenir inutile de la bataille de Gettysburg, sa jambe droite manquante depuis la bataille de Chickamauga, merde alors, ça commence bien, les généraux se sont déjà transformés en robocops super durs après avoir perdu des morceaux à travers le pays, leurs hommes qui avaient fait de même préférant être démobilisés, s’approchait du village de Spring Hill, Tennessee, à environ trente miles au sud de Nashville. Comme il l’écrivit dans ses mémoires plus tard, HOOD avait l’intention d’exécuter là « la meilleure opération de ma carrière de soldat », en isolant et en détruisant l’Armée de l’Ohio du Major General John Mc. Allister SCHOFIELD qui battait en retraite, avant qu’il pût rejoindre THOMAS. Mais tout à coup, on aurait dit que HOOD avait laissé tomber son plan. Au lieu d’attaquer les Fédérés qui marchaient péniblement le long de la Columbia Pike vers Spring Hill, HOOD, dont le credo était l’attaque, lança une série d’ordres flous et se mit au lit pour le reste de la nuit. Les Fédérés passèrent et atteignirent la ville toute proche de Franklin, un peu plus au nord, intacts. Là, ils occupèrent des positions solides. HOOD les attaqua le lendemain et ses hommes furent massacrés.
Après la campagne, le Géorgien John W. TALLEY écrivit au président Confédéré Jefferson DAVIS qu’il avait entendu des soldats dire « qu’au moins une fois, ils avaient vu la plupart des officiers supérieurs, depuis le Général HOOD jusqu’à plus bas, en état d’ébriété avancée. » Il y a fort peu de chances que HOOD ait été ivre à Spring Hill, parce que ce n’était pas un gros buveur notoire. Il est plus probable qu’il ait été sous l’influence d’opiacées. Personne ne peut déterminer avec certitude à quel point l’usage de la drogue affecta les performances des militaires pendant la Guerre Civile. Mais une chose est sûre : si HOOD était dépendant des atténuateurs de douleur, il n’était pas le seul à prendre des drogues. L’opium et l’alcool, dans leurs formes les plus diverses, étaient très prisés auprès des soldats et des officiers, et pas toujours pour des raisons médicales. On se rendit vite compte que le fait de boire de l’alcool était un problème réel chez les militaires. On utilisait très largement les boissons alcoolisées dans les armées de l’Union et de la Confédération, souvent comme médicaments, mais le plus souvent à l’excès. Donc chez nous, nos anciens paras d’Indochine ou d’Algérie, ou les anciens de l’Infanterie de Marine qui piquetaient sec quand ils sont rentrés, je veux dire ce qu’il en reste, c’est pas nouveau. Quoique maintenant, on a la relève, il y a ceux qui ont « fait » le Tchad, le Liban, la Guerre du Golfe, plus récemment le Kosovo, et puis les nouveaux, ceux qui auront été en Afghanistan. Mais ceux qui ont fait les campagnes plus récentes connaissent plus le chite ou la ganjah, avec leur sipsi ou leur chillom, que le bon vieux whisky ou la bière qui transforment le ventre en « œuf colonial ». Et les Russes qui sont rentrés d’Afghanistan étaient souvent « accros » à l’héro, tout comme leurs petits copains Américains quelques années plus tôt après un tour d’opérations au Vietnam. Sauf que là, c’était autre chose, ils étaient un peu comme des blessés de guerre, certains de leurs copains avaient eu des balles dans le corps ou des mines dans les pattes, eux ils avaient eu droit au poison que leur passaient leurs ennemis pour les diminuer. A la guerre, presque tous les coups foireux sont permis. Et il n’y a aucun doute que l’alcool représentait un problème pour les autorités, parce que l’ivresse émousse la discipline des soldats. Pour les officiers, l’ivresse pouvait coûter des vies humaines et des victoires. Mais il est presque impossible de dire après-coup si un officier était alcoolique ou pas, sauf s’il l’avouait. Un officier naval Fédéré exprima cependant l’opinion générale en disant qu’il « y a trois grands ennemis dans notre armée et notre marine… le premier c’est le whisky, le deuxième c’est le whisky, et le troisième c’est le whisky. » Le ministère de la guerre Confédéré avait une opinion similaire. Il donna des ordres en 1862 pour que tous les chefs suppriment l’ivresse par tous les moyens dont ils disposaient.
Malgré la désapprobation officielle, les menaces et les ordres, les soldats et les officiers qui buvaient continuèrent à le faire, beaucoup à leur propre détriment. Au moins dix sept généraux Fédérés et dix Confédérés terminèrent leur carrière à cause de la façon dont ils géraient leur soif d’alcool. Boire de l’alcool était considéré comme « viril » et les gros buveurs n’étaient pas rares, mais on criait honte à l’officier qui ne tenait pas l’alcool s’il buvait. Même après que le Lieutenant General Ulysses Simpson GRANT prît le commandement de toutes les armées Fédérales, avant de devenir un jour Président des Etats-Unis, sa réputation de petit buveur l’empêcha de se faire complètement accepter comme un gentleman par certains de ces confrères officiers. Le Major General Joseph HOOKER de l’Union, commandant l’Armée du Potomac de Janvier à Juin 1863, n’eut pas le succès de GRANT ni sa popularité pour diluer les effets de sa propre réputation de débauché et de buveur. Il mourut querelleur, vieux avant l’heure, se souvenant amèrement des griefs qu’il avait contre ses anciens officiers. Charles Francis ADAMS, le fils de l’ambassadeur du Président Abraham LINCOLN à la Cour Britannique de Saint-James, critiqua l’érection de la statue équestre du HOOKER juste devant l’immeuble du State House, espèce de Conseil Régional, à Boston, Massachusetts. Longtemps après la guerre, le vétéran de la Guerre Civile ADAMS fut sévère sur HOOKER dans son autobiographie : « Heureux d’avoir vu le jour au Massachusetts, il n’était à peine plus, en 1861 et à partir de cette date, qu’un militaire de West Point devenu aventurier soulard…en 1863…le quartier général de l’Armée du Potomac était un endroit où aucun homme qui se respectait n’aimait aller, et où aucune femme décente ne pouvait aller. C’était un mélange de bar et de bordel. » Il y avait les mêmes histoires dans le haut commandement Confédéré. Le Major General Benjamin Franklin GREATHAM fut accusé par le General Braxton BRAGG d’avoir été ivre lors de la bataille de Stones River, Tennessee, qui eut lieu du 31 Décembre 1862 au 2 Janvier 1863, et par le General HOOD lors de la manœuvre de Novembre 1864 à Spring Hill, Tennessee. Aucun des deux commandants ne donna de suite à l’affaire, et les accusations ne furent jamais prouvées. BRAGG, connu comme un homme qui ne buvait jamais d’alcool, releva de leurs fonctions le Major General George B. CRITTENDEN et le Brigadier General William Henry CARROLL, juste avant la bataille de Shiloh, Tennessee en Avril 1862. BRAGG énumérait la liste des fautes de CARROLL en citant « l’ivresse, l’incompétence et la négligence. » On autorisa les généraux à démissionner parce que, dans chaque camp, on préférait traiter les vices des officiers par un voile de silence. C’est seulement quand on ne pouvait plus passer outre à leur intoxication, que les officiers étaient punis publiquement. On vit un exemple flagrant de cette intoxication en service le 30 Juillet 1864, lors du siège de Petersburg, Virginia. Deux commandants de division Fédérés, le Brigadier General James Hewett LEDLIE et le Brigadier General Edward FERRERO, manquèrent d’exploiter une percée dans les lignes Confédérées alors qu’on venait de faire sauter une galerie remplie de poudre. Plutôt que de mener leurs hommes à travers le fameux « Cratère », les généraux se terrèrent derrière leurs lignes, s’apitoyant sur leur sort autour d’une bouteille de rhum. Pendant que LEDLIE et FERRERO buvaient, leurs hommes sans chefs furent encerclés dans le « Cratère » et on dénombra plus de 3 800 pertes. A travers la révolte publique qui suivit, les deux furent officiellement blâmés. LEDLIE fut autorisé à démissionner. FERRERO, commandant la seule division de soldats noirs dans l’Armée du Potomac, fut également déclaré coupable mais il ne fut pas puni. Au lieu de cela, on le nomma au grade de Major General en Décembre 1864.
Il n’est pas surprenant que l’usage et l’abus d’alcool fut tant répandu à la fois dans l’armée du Nord et celle du Sud. On trouvait facilement de l’alcool, sous toutes ses formes. Mais l’opium, rarement mentionné dans la littérature non médicale ou les rapports de la Guerre Civile, était également facile à trouver, que ce soit à l’état pur ou sous forme de ses multiples concoctions dérivées : le laudanum, le parégorique, la morphine et plusieurs médicaments connus. Les opiacés étaient vendus librement et légalement par les marchands de tous les jours, et utilisés par quiconque voulait se soulager de telle ou telle des plaies majeures qui affligeaient l’humanité. Sauf pour la connerie humaine. Là, ça ne marche pas. Ca n’a jamais marché. On devient juste drogué accro. Contre cette plaie-là, le seul remède, c’est la balle dans la tête, autant avant la came qu’après. Et, au XIXème. siècle, il y avait peu de préjugés à l’usage des opiacés. En tous cas, il est certain qu’il n’y avait pas l’équivalent du même sentiment que nous éprouvons de nos jours contre leur utilisation. On a utilisé l’opium depuis très longtemps, environ 6000 ans. C’était un composant important dans les médicaments Grecs, Romains et Arabes.
La source de l’opium, le pavot, Papaver Somniferum, était cultivé principalement dans les pays en développement. J’ai préféré « pays en développement » parce que c’est ce qu’ils sont devenus aujourd’hui, ou plutôt ce qu’il en reste. L’auteur écrit « dans les pays de civilisation naissante », ce qui n’est pas vraiment juste si l’on parle de l’Orient ou bien de l’Asie, lesquels ont connu leurs multiples civilisations bien à eux, Scythe, Egyptienne, Hittite, Perse, Indoue, Khmère ou Chinoise, pour ne citer qu’elles, bien des lustres avant que n’existât le pays de ces prétentieux d’amerloques modernes. Son pouvoir de soulager la douleur était, et il est toujours, sa plus grande contribution à la médecine. Essayez d’imaginer la chirurgie moderne sans les opiacés. L’opium était aussi prisé pour sa capacité d’influencer l’humeur et de provoquer l’euphorie. Pendant la Guerre Civile, il permettait au soldat qui s’était fait amputer de prendre de la distance avec la douleur résiduelle d’une plaie ulcéreuse ou purulente causée par le pilon, et de jouir d’un certain soulagement qui pouvait hâter sa sortie d’hôpital. Au XIXème. siècle, il n’existait pas d’analgésique non narcotique avant l’introduction de l’aspirine en 1899. On se servait des opiacés pour traiter les maux de tête, les maux de dents, la goutte, les crampes menstruelles, n’importe quelles douleurs ou maux qui sont traités aujourd’hui avec de l’aspirine ou d’autres analgésiques. Au début de la Guerre Civile, il y eut probablement quelque forme d’opium dans l’armoire à pharmacie de la plupart des foyers. Dans « La Maîtresse de la Plantation », une étude de 1982 sur la vie de la femme dans le Sud d’avant la guerre, l’auteur Catherine CLINTON écrit qu’elle trouva des remèdes domestiques, contenant tous de l’opium, contre beaucoup de maladies courantes. Elle observe : « On utilisait le laudanum très couramment pendant toute la période précédant la Guerre Civile, prescrit par fréquences néfastes pour les « maux de bonne femme »… Contrairement à l’image du vingtième siècle, le profil du dix-neuvième siècle indique que les toxicomanes se trouvaient, de façon disproportionnée, dans les hautes couches de la société du Sud, de couleur blanche et de sexe féminin. Les femmes de la famille de Jefferson DAVIS, suivie par un docteur très libéral dans ses dosages, devinrent dangereusement dépendantes. » Mais la plupart des gens qui utilisaient les opiacés ne devenaient pas des toxicomanes. Mary Boykin CHESTNUT, une figure notoire de la société Confédérée, raconta en Juillet 1861 dans son journal à Richmond, Virginia, comment elle refusa de prendre du laudanum, une teinture d’opium mélangé avec de l’alcool et de l’eau. « Je n’ai pas l’intention de me droguer maintenant » dit-elle. « Ma tête est suffisamment confuse telle qu’elle est, et mon cœur bat à en jaillir de mon corps à chaque bruit. » Plus tard, en 1865, Madame CHESTNUT fut réfugiée à Lincolnton, North Carolina. Là, on lui donna un jour par accident une surdose de poudre de Dover, un mélange d’opium et d’ipecac. Elle en dormit pendant deux jours et deux nuits. Comme le docteur lui fit remarquer qu’elle était dure à tuer, Madame CHESTNUT répliqua « Peut-être ai-je été sauvée par ce frelatage dont je me suis si souvent plainte, de tous les médicaments Confédérés. » Une fois appelés sous les drapeaux, les docteurs qui utilisaient largement des opiacés sur leurs clients civils, continuaient à les utiliser librement sur leurs patients militaires. William H. TAYLOR était aide-médecin dans l’Armée Confédérée de la Virginie du Nord, une organisation connue pour ses marches rapides. Après la guerre, il écrivit qu’il avait simplifié les motifs de se porter pâle pendant la marche, à une unique question de base :« Comment vont vos tripes ? » Sous-entendu, est-ce que vous chiez normalement ? Si elles étaient ouvertes, sous-entendu, si le mec avait la chiasse, j’administrais un bouchon d’opium. Si elles étaient fermées, je leur donnais une boule de masse bleue, un mélange composite et instable de mercure. » Du mercure ! Du poison pour donner la courante au constipé. Comme la chiasse du typographe qui manie trop de plomb. Les remèdes de l’époque donnaient donc d’autres maladies comme le saturnisme ou le cancer mais, de toute façon, le soldat était destiné à prendre du plomb dans le buffet à beaucoup plus courte échéance alors, métaux lourds pour métaux lourds, du plomb ou du mercure, c’est du kif. Un médecin Fédéré trouva une méthode encore plus rapide pour traiter ceux qui se faisaient porter pâles. Il administrait son diagnostic et son traitement depuis son cheval, distribuant de la morphine en poudre en la versant dans sa main et en la faisant lécher par le patient. Injectée par la seringue hypodermique, tout nouvellement inventée, la morphine était la forme préférée d’opium pour traiter les blessés. Et bien que les seringues fussent rares, même dans les armées les mieux équipées, on distribua 29828 onces de sulfate de morphine aux soldats de l’Union. Ce chiffre semble insignifiant comparé à aux presque 10 millions de pilules d’opium et aux 2,841 millions d’onces d’autres opiacés qui furent administrés par les autorités médicales Fédérales jusqu’en 1865.
Bien qu’il ne fût pas doué d’autant d’ubiquité du côté Confédéré, l’opium se trouva en quantités raisonnables jusqu’à la fin de la guerre, grâce aux infirmeries capturées et aux contrebandes passant à travers le blocus naval avec lequel les Fédérés avaient fermé les ports du Sud. Les opiacés furent utilisés à profusion pour traiter les maladies, mais c’est en soulageant les douleurs des blessés et en chirurgie qu’ils furent le plus efficaces. Le désir de ce soulagement fit que beaucoup de soldats devinrent des toxicomanes, car la douleur persistait encore longtemps après le traitement médical à cette époque-là. Et après la guerre, il était facile de trouver des anciens combattants qui souffrirent l’agonie toute leur vie à cause de blessures de guerre ou de maladies qu’ils avaient contractées pendant la guerre. Dans son livre « Paradis Obscur : La Dépendance à l’Opium en Amérique avant 1940 », David COURTWRIGHT cite une étude de 1868 intitulée « L’Habitude de l’Opium, avec des Suggestions pour le Remède » : « Des survivants de centaines de champs de bataille, mutilés et brisés, des soldats malades et rendus infirmes par leur séjour dans des prisons hostiles, des femmes et des mères devenues anxieuses et sans espoir à cause de la mort de ceux qu’elles aimaient, ont souvent trouvé dans l’opium un soulagement temporaire à leurs douleurs. » Pendant le Guerre Civile, autant le médecin de l’armée était-il une source pour se procurer de l’alcool à des fins non médicinales, autant il était, ou ses adjoints, une source pratique pour se procurer des opiacés, et pas seulement pour les petits chineurs, mais aussi pour des officiers de haut rang. Si un général voulait des pilules d’opium, quel était le médecin qui lui aurait refusé le soulagement qu’il recherchait, quand d’un autre côté il prescrivait le médicament de toutes façons ? Tout ce qu’un médecin avait à faire pour satisfaire une telle demande, c’était de se tourner vers son armoire à pharmacie, ou alors le patient pouvait se servir lui-même dans le stock libre qui s’alignait sur les étagères de l’infirmerie de l’unité. Le Dr. Charles Beneulyn JOHNSON, mettant par écrit les réminiscences des jours où il avait servi comme adjoint dans le service médical d’un régiment de l’Union, décrivait le contenu des armoires à pharmacie. « En campagne, nos stocks se limitaient nécessairement aux remèdes standards. » Il se rappelle « parmi lesquels on pourrait citer l’opium, la morphine, la poudre de Dover, la quinine, la rhubarbe, les sels de Rochelle, les sels d’Epsom, l’huile de castor, le sucre de plomb, le tannin, le sulfate de cuivre, le sulfate de zinc, le camphre, la teinture de fer, la teinture opii, le camphorata, le sirop de squills, le simple sirop, l’alcool, le whiskey, le brandy, le porto, le sherry, etc. Lorsque nous installions un camp où il était prévu de rester plusieurs jours, ces articles étaient déballés et posés sur des étagères provisoires faites de couvercles de caisses. D’un autre côté, lorsque arrivait l’ordre de marcher, les médicaments étaient à nouveau rangés dans des caisses, les bouteilles emballées avec du papier, etc. » JOHNSON continuait « Presque tous les médicaments se trouvaient sous forme de poudre ou en liquide. Les cachets n’étaient pas encore en usage, et les pilules étaient loin d’être aussi nombreuses qu’aujourd’hui… » Le docteur notait «…l’une des rares pilules que nous avions en stocks…était composée de deux grains de camphre et d’un grain d’opium. L’asafetida, la valériane et l’opium ou ses dérivés étaient pratiquement tout ce que nous avions pour supprimer la nervosité et provoquer le sommeil. »
Parmi les aphorismes que l’on attribue à cet extraordinaire Confédéré, mais à peine lettré, que fut le Lieutenant General Nathan Bedford FORREST, l’un dit « La Guerre veut dire combattre, et combattre veut dire tuer. » Tous les généraux de la Guerre Civile n’avaient pas une telle approche d’amalgame entre la guerre et la violence. Beaucoup préféraient essayer tous les moyens de défaire l’ennemi sans combattre. Ceux-là furent souvent les mêmes généraux qui n’arrivaient pas à contrôler le désir naturel de leurs hommes à rester où ils étaient, aussi longtemps qu’ils étaient saufs. L’historien T. Harry WILLIAMS appela ce phénomène « l’inertie de la guerre », ce moment où « l’armée du général commence à résister… lorsque toute l’inertie de la guerre en arrive à se stabiliser sur place, et que seule l’étincelle de son propre but et son esprit arrivera à la relancer en avant… un chef doit avoir dans sa trousse de secours une force mentale et un pouvoir moral qui lui permettra de maîtriser quel que soit l’événement ou la crise qui puisse survenir sur le champ de bataille. » Mais, les généraux inertes de cette guerre étaient-ils fondamentalement de mauvais chefs, ou bien est-ce qu’il y avait d’autres raisons de leurs glissades dans la faiblesse ? Lorsqu’il fit la liste de toutes les qualités qu’il estimait nécessaires à un bon général, le Maréchal Maurice de SAXE, grand esprit militaire de France du XVIIIème. siècle, présenta les classiques comme le courage, l’intelligence, etc. Puis il ajouta la santé.
Il n’est pas certain que l’issue de la Guerre Civile eût été différente si tous les généraux avaient été en bonne santé. Mais le fait est qu’ils ne l’étaient pas, et peut-être beaucoup de leurs comportements erratiques et léthargiques témoignent-ils de leur frêle santé, et de l’utilisation de l’opium, cette panacée que beaucoup de docteurs prescrivirent à tout bout de champ. Bon d’accord, ils étaient peut-être malades jusqu’à se doper à la chnoufe, mais ce n’étaient quand-même pas des petites natures ces mecs, faut avoir de sacrées couilles pour mener la charge avec un bras qui pend et une jambe qui manque, comme ce HOOD Sudiste, attaché sur son cheval avec ce moignon de merde qui devait lui faire un mal de chien à chaque mouvement, et sur un cheval au galop ça bouge, fonçant en avant sabre au clair à travers les balles adverses.
La santé de Braxton BRAGG aurait du l’exclure de toute considération pour un commandement sur le terrain. En 1861, lorsque le premier coup de feu fut tiré à Fort Sumter, près de Charleston, South Carolina, BRAGG avait déjà développé toute une longue liste de maladies chroniques, incluant la malaria, la dyspepsie, c’est-à-dire une mauvaise digestion, et des furoncles. Sa femme et ses amis savaient que, plus la pression était grande, plus il se plaignait, et plus il était enclin à avoir des furoncles, des maux de tête et d’autres maladies douloureuses. Son comportement en tant que chef de l’Armée Confédérée du Tennessee fut aussi mystérieux pour ses contemporains qu’il l’est encore aujourd’hui pour les historiens. Et le penchant de BRAGG pour tourner le dos à la victoire au dernier moment, quittant la bataille alors qu’il avait tous les atouts en main, fut à l’origine d’une histoire disant que, lorsqu’il mourut, il alla au paradis, et alors qu’il s’approchait des portes du paradis, elles s’ouvrirent, puis BRAGG battit en retraite. Certains critiques et historiens attribuent les échecs de BRAGG à la stupidité, l’incompétence et la lâcheté. Mais il est possible que ses erreurs aient été le résultat de sa santé et du niveau rudimentaire, voire primitif, de la médecine pendant cette guerre. Le comportement de BRAGG trahissait l’usage d’opiacés. Sur le terrain, il semblait se retirer au fur et à mesure que se développait la bataille, et perdre le sens de l’endroit où il se trouvait. Il se montra incapable d’adapter ses plans à des situations qui changeaient sur le champ de bataille.
Mais BRAGG n’était sûrement pas un idiot, comme le prouve sa rapidité à se déplacer en Septembre 1862, du Tennessee vers le Kentucky, pour arracher l’Etat à l’Herbe Bleue au Major General de l’Union Don Carlos BUELL. Ce n’était pas un lâche, comme le montraient ses états de service durant la Guerre du Mexique et lors de la bataille de Shiloh. Mais, lorsqu’il fut promu à un commandement supérieur, BRAGG devint plus distant avec ses hommes, évitant tout commandement actif au cours de la bataille. Son comportement pourrait bien avoir résulté d’une santé précaire, et de l’utilisation d’opiacés. BRAGG peut très bien avoir cru au contenu tout à fait infondé de son propre télégramme du 31 Décembre 1862 au Président Confédéré Jefferson DAVIS, selon lequel il avait gagné la bataille de Stone’s River dès le premier jour. L’euphorie provoquée par l’opium peut avoir produit cet effet, lui faisant croire lui-même que ce qu’il avait désespérément voulu était devenu vrai. L’euphorie peut avoir poussé BRAGG à se retirer de devant les troupes de BUELL après avoir fait prisonnier toute la garnison Fédérale de Munfordville, Kentucky, en Septembre 1862 et en capturant Frankfort, la capitale d’état. Cette même euphorie peut lui avoir fait hâter son départ vers Richmond avant la bataille de Perryville, Kentucky, en Octobre 1862, disant que son armée avait rejoint celle du Major General Edmund Kirby SMITH, alors que les forces de SMITH étaient encore à plus de cent miles. Les visions faussées qu’avait BRAGG du succès et sa paranoïa à l’égard de ses officiers après chaque défaite, pourraient avoir été les fruits de son suivi médical. Le galant John Bell HOOD, agressif, vigoureux et efficace dans l’Armée de Virginie, devint la victime de ses délires après avoir été ébranlé par une série de blessures. Il laissa ses plus beaux attributs et sa raison sur la table d’opération du chirurgien. La douleur du moignon sur sa jambe droite devait lui faire un mal horrible quand il chevauchait attaché à sa selle. Les trépidations et les rebonds, le frottement abrasif de la chair à peine cicatrisée contre le tissu rêche du pansement ou d’un tampon n’auraient pas pu être endurés sans quelque sorte d’analgésique. Un opiacé était le médicament standard. La drogue aurait fait dormir HOOD à Spring Hill, pendant que les Fédérés s’échappaient du piège qu’il leur avait tendu. La douleur était un fardeau terrible à endurer pour HOOD, mais HOOD fut encore pire à endurer pour l’Armée du Tennessee.
L’attirance qu’avait le Major General de l’Union Joseph « Fighting Joe », Joe le Battant, HOOKER pour les liquides spiritueux et les femmes sous spiritueux était de notoriété publique à l’époque où il menait l’Armée du Potomac vers la bataille à Chancellorsville, Virginia, en May 1863. Si HOOKER était vraiment un alcoolique, et s’il respectait son serment de ne pas boire pendant qu’il commandait, il est fort probable qu’il était sous opiacés pour l’aider contre le manque, les opiacés étant à cette époque couramment utilisés pour traiter le delirium tremens. Ce scénario médical pourrait expliquer ses pauvres performances sur le champ de bataille. Ou alors, c’est qu’il y en avait un autre. Le plan de HOOKER pour la bataille de Chancellorsville était excellent. Ce sont ses qualités de chef qui firent défaut au fur et à mesure qu’il tomba dans la léthargie. Le général admettait la chose lui-même. Et puis, le 3 Mai, HOOKER dit qu’il avait été heurté à la tête par une colonne cassée par un tir de canon, alors qu’il se tenait sous le porche d’une maison. Il prétendait qu’il avait très mal. Maman j’ai très bobo ! J’ai besoin d’un fix ! Vite, il m’en faut un ! Le médecin de l’Armée du Potomac, le Docteur Johnathan LETTERMAN, confirma plus tard que HOOKER avait eu très mal, mais ne décrivit pas la nature de la blessure, ni l’amplitude de la douleur, ni si l’on avait administré de l’alcool ou de la morphine. Mais le comportement de HOOKER pour le restant de cette journée-là indique qu’on a pu lui faire prendre un médicament « toxique », car il délaissa le commandement de son armée et s’en fut dormir dans sa tente. Pris sous doses plus faibles que du whisky, l’opium est un somnifère efficace.
Les trois généraux dont il a été question ici ne furent pas les seuls à faire preuve de comportement radicalement différents durant la bataille, des changements qui pourraient trahir l’ingestion d’alcool ou d’opium. BRAGG, HOOD et HOOKER n’étaient que de simples exemples de haut rang. Les opiacés peuvent avoir joué sur la timidité du Lieutenant General Confédéré Richard Stoddert EWELL, qui se précipita courageusement dans Gettysburg en juillet 1863, attaché à son cheval avec une jambe en moins, et poursuivant les Fédérés en les chassant hors de la ville, mais qui tomba ensuite dans l’inertie. Et que dire de l’ennemi de BRAGG, BUELL, qui s’assit derrière ses lignes pendant toute la bataille de Perryville en Octobre 1862, après être tombé de cheval ? Il y en a encore d’autres. Il ne faut pas en conclure que tous les chefs militaires de la Guerre Civile étaient des alcooliques ou des drogués. Ulysses S. GRANT était sûrement connu pour être un buveur à deux mains, mais l’alcool ne l’empêcha pas de remporter des victoires. Une autre observation importante au sujet de GRANT, c’est qu’il n’eut jamais besoin des services d’un médecin à cause d’une santé précaire. Rien que cet état de fait peut avoir été une bénédiction pour l’Union. A cause de l’état des arts médicinaux et de la science pendant la Guerre Civile, quelques officiers, faiblement étayés par l’alcool ou les opiacés, arrivèrent à garder des positions de grandes responsabilités même en étant inaptes à tout service militaire. D’autres furent retenus après avoir souffert de blessures ou contracté des maladies qui avaient diminué leurs capacités, alors qu’ils auraient du être démobilisés ou affectés à des rôles non combattants. Mais au lieu de cela, l’histoire est parfois faite d’hommes qui ne virent leur champ de bataille qu’à travers les nuages de la défonce.
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