COLT CONTRE ADAMS

Traduction d’un article de Garry JAMES paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1993

Le Colt Navy était un revolver de belle figure tirant six coups, qui suivait le concept de la carcasse ouverte de ses prédécesseurs.

Longueur du canon :     7,5 pouces ( 19,05 centimètres )

Longueur totale :          12,9 pouces ( 32,77 centimètres )

Poids :                         39 onces ( 1,1056 kilogramme )

Calibre :                       .36 centièmes de pouce ( 9,14 millimètres )

Capacité :                    6 coups

Vitesse initiale : 700 fps ( 213,36 mètres par secondes )

Le revolver Deane, Adams & Deane était élégant, presque entièrement fait-main, tirant cinq coups, et jeta les fondations pour les générations futures de revolvers à double action.

Longueur du canon :     6,5 pouces ( 15,92 centimètres )

Longueur totale :          11,5 pouces ( 28,17 centimètres )

Poids :                         30 onces ( 0,850 kilogramme )

Calibre :                       .44 centièmes de pouce ( 10,78 millimètres )

Capacité :                    5 coups

Vitesse initiale : 550 fps ( 167,64 mètres par secondes )

Pensez-vous que la controverse entre la simple action et la double action est quelque chose de nouveau ? Pas du tout. Toute l’histoire remonte à 125 ans, vers une chamaillerie entre un fabricant de revolvers Yankee du nom de Samuel COLT et un inventeur de revolvers Anglais du nom de Robert ADAMS. Comme le sait tout amateur d’histoire des armes à feu, Sam COLT inventa le premier revolver vraiment pratique, le modèle Paterson 1837. L’arme ne fût pas un succès total, mais COLT continua à améliorer le système et, quelque vingt quatre ans plus tard, sortit son revolver modèle 1851 Navy, un descendant pas très lointain des gros modèles Dragoon en calibre .44, et des petits Pocket 1849 en calibre .31. Le Navy .36 gardait cependant quelque chose de ses ancêtres : une taille pratique, maniable, combinée à un calibre raisonnablement efficace. Ce six-coups à simple action possédait un canon de 7,5 pouces, il mesurait 12 pouces trois-quarts en tout et pesait 39 onces. Tout comme le Pocket 1849, le Navy devint immédiatement célèbre. L’entreprise de plus en plus florissante du Colonel COLT étendit ses ramifications à l’Angleterre, où il exposa lors de la Grande Exposition au Crystal Palace en 1851. Sa présentation au gouvernement des Etats Unis fit l’objet d’une attention considérable, et ceci au grand déplaisir d’ADAMS. Le fabricant d’armes Anglais avait conçu un revolver à double action, qu’il avait lui-même appelé « à armement autonome », qui était aussi une arme de haute qualité et qui, dans son sens, était tout aussi pratique que le Colt. Contrairement au Colt, le Deane, Adams & Deane modèle 1851 possédait une carcasse fermée mais pas de levier sur le chien, puisqu’il fonctionnait à double action. Il n’avait pas non plus le bouclier du Colt, mais bien que les capsules pussent être projetées vers l’arrière en cas de départ en série, on ne considéra pas cela comme un défaut majeur. Alors que le Colt possédait un levier de chargement fixé sous le canon, le revolver Adams utilisait des balles qui sortaient du moule avec une petite pointe à l’arrière, sur laquelle on piquait une petite bourre de feutre graissé. On pouvait alors enfoncer le projectile dans la chambre, sur la charge de poudre et avec les doigts. ADAMS, tout comme COLT, pensait que son système était supérieur, et on dit que, lors d’un discours que faisait COLT à devant l’Institute of Civil Engineers, ADAMS l’interrompit brusquement en se levant, brandissant son revolver et commençant à vanter à toutes les personnes présentes les mérites de son arme. La controverse ne s’arrêta pas là, mais continua jusqu’à devenir le point de départ d’un débat enflammé entre les partisans de l’un des systèmes et ceux de l’autre pendant des années. En fait, elle atteignit une telle intensité que, dans son récit « Bartleby », l’auteur Herman MELVILLE choisit de donner comme noms à un avocat et à son obstiné secrétaire ceux de Colt et d’Adams.

Les deux armes eurent leur baptême du feu lors de la Guerre de Crimée de 1853 à 1856, mais les officiers restèrent divisés sur leur opinion quant à leurs avantages et leurs inconvénients. Au cours de ce conflit, le Capitaine J.G. CROSSE du 88ème. Régiment à Pied écrivit à ADAMS : « J’avais l’un des modèles de vos Pistolets-Revolvers à grosse carcasse pendant la sanglante bataille d’Inkermann, et je fus par hasard encerclé par les Russes. C’est là que je découvris les avantages de votre pistolet sur un Colt parce que, si j’avais été obligé d’armer avant chaque coup, j’aurais perdu la vie. Je n’aurais pas eu le temps d’armer, car ils étaient trop près de moi puisqu’ils se trouvaient à quelques yards, si près d’ailleurs que je fus blessé par un coup de baïonnette à la cuisse immédiatement après avoir abattu le quatrième homme ». Il est intéressant de noter que le British Board of Ordnance essaya le Colt et l’Adams et donna sa préférence au premier, l’adoptant en fait pour en doter les sergents des régiments de Lanciers. Alors que le Deane, Adams & Deane continua à être fabriqué pendant des années en calibres .50, .44 et .36, Robert ADAMS, reconnaissant apparemment les avantages de la simple action pour un tir posé, sortit une arme fonctionnant en simple et en double action en 1855. Cette arme, appelée Beaumont-Adams parce qu’elle intégrait le mécanisme conçu par F.B.E. BEAUMONT, était également équipée d’un levier d’armement sur le côté. Le revolver Beaumont-Adams fut finalement adopté par les forces de Sa Majesté. Ceci balaya pratiquement pour COLT tous les espoirs de commerce lucratif en Angleterre, et en 1857 il cessa toutes les opérations de son usine de Londres qui avait ouvert à peine quatre ans plus tôt. Ceci ne veut pas dire que la fermeture de ses établissements de Londres marquèrent la fin de son influence en Grande-Bretagne, loin de là. Ses armes, autant celles qui fonctionnaient à percussion que celles qui utilisaient des cartouches, et particulièrement à double action, continuèrent de rester des objets très populaires chez les acheteurs Anglais. Je dois l’admettre, j’ai toujours trouvé la controverse entre les Colt et les Adams particulièrement intéressante, car elle a marqué le premier choc, non seulement entre deux types de systèmes, mais ce fut aussi le premier vrai test entre des armes à feu fabriquées en usine, c’est-à-dire les Colt, et celles qui étaient plutôt faites à la main, les Adams. En fait, à l’époque, on disait généralement que, si le Navy 1851 était une pièce de mécanique d’aspect solide, le Deane, Adams & Deane était une arme plus raffiné et mieux finie. Pour être honnête, j’ai pu examiner des exemplaires en excellent état de Colt et d’Adams et je n’ai trouvé de défauts sur aucun d’eux en matière de finition. Par chance, nous avons pu avoir un Deane, Adams & Deane d’origine en .44, et une des répliques du Colt 1851 de chez Cimarron Repeating Arms Co., Dept. DA, 1106 Wisterwood # G, Houston, TX 77043. Comme vous pouvez le devinez, des essais s’imposaient.

La première affaire fut de préparer des munitions. Par bonheur, notre Adams venait dans un coffret avec tous ses accessoires, et il s’est donc simplement agi de couler quelques balles et de découper quelques bourres de feutre à l’emporte-pièce, qui furent ensuite graissées avec du Young’s Country 303. Comme les balles du Colt étaient plus courantes que celles de l’Adams, nous avons opté pour les balles déjà coulées de chez Lyman en .375 pour le Navy 1851. Les séries ont été tirées à bras franc à 15 yards, soit environ à la distance de combat moyenne. On charge le Colt en commençant par faire partir une capsule sur chaque cheminée pour s’assurer que les lumières sont propres. Puis on introduisit dans chaque chambre une charge pré-mesurée de 25 grains de FFFg, et une balle posée sur le bout de la chambre fut enfoncée avec le levier de chargement qui se trouve sous le canon. Nous avons ensuite mis de la graisse sur la balle pour éviter tout départ en série pouvant être provoqué par la communication du feu d’une chambre à l’autre par l’avant. Enfin, les capsules furent mises en place et l’arme fut prête à tirer. Aux premières impressions, la tenue en main était très bonne et l’équilibre excellent. En dépit du fait que la hausse se limite à une encoche dans le chien, elle fut assez efficace et nous a donné une image plus qu’adéquate pour viser. Le recul était très léger et le fonctionnement satisfaisant. Nous avons eu le coup de la capsule qui tombe dans le mécanisme par l’espace situé entre le chien et le bouclier, et l’arme fut effectivement enrayée jusqu’à ce que nous arrivâmes à faire tomber la capsule en retournant le revolver et en le secouant. Sur environ vingt quatre coups tirés, l’incident ne se produisit qu’une seule fois, mais en situation de combat, ce genre d’enrayage devait être un petit peu plus grave que simplement énervant. Le Navy a mérité sa réputation de bonne précision, donnant des groupements de trois pouces et demi à quatre pouces et demi. L’arme tirait effectivement haut, comme elle était réputée le faire.

Venons-en maintenant au Deane, Adams & Deane. En ce qui concerne le chargement des projectiles, la procédure est la même que pour le Navy, sauf qu’à la place de mettre le chien au demi-armé comme sur le Navy, l’Adams possède une « sécurité » à ressort sur le côté de la carcasse, que l’on repousse après avoir tiré le chien vers l’arrière un tout petit peu. On rabat ensuite la chien sur la sécurité et le barillet est libre de tourner tout seul. Nous avons poussé des balles avec leur bourre dans les chambres, sur des charges de 30 grains FFFg à chaque fois, puis les capsules ont été posées et l’arme était prête à tirer. La queue de détente est bien arrondie, donnant une bonne prise. Le poids du départ en double action est extrêmement doux, et le recul est à peu près le même que celui du Colt. L’échancrure dans le haut de la carcasse à l’arrière, couplée avec le guidon à l’avant, donne une très bonne visée. Le fonctionnement était excellent, mais nous avons remarqué que le recul permettait aux balles de glisser vers l’avant dans les chambres, au point que le barillet s’enraya au bout de quatre coups et les balles qui restaient ont du être repoussées à leur place. La précision était bonne bien que n’atteignant pas celle du Colt, nous donnant des groupements de cinq pouces, pratiquement à la hauteur du point visé. Dans l’ensemble, la sensation laissée par l’Adams fut celle de délicatesse et de raffinement, alors que le Navy possède une tenue caractérisant un outil pratique conçu intelligemment. Alors que l’Adams était bien fait et fonctionna parfaitement, le fait qu’il ne pouvait tirer qu’en double action rendait le tir intentionnel limité. Le tir rapide était plus facile cependant, c’est-à-dire qu’il l’aurait été si l’une des balles n’avait pas stoppé l’expérience en glissant vers l’avant. Si je devais choisir entre les deux, je pencherais pour le Colt, car je suis plus certain qu’il ne m’aurait pas lâché en cas de situation difficile. Dans ce cas, le plus simple est le mieux. Normal qu’il préfère le Colt, c’est un amerloque qui écrit et, même si depuis l’Indépendance des Etats Unis de 1776 où ils ont foutu les britiches dehors, les amerloques et les « cousins » se sont toujours entendus pour faire chier le reste de la Terre, ça reste un nationaliste pur et dur, comme d’ailleurs la plupart des amateurs d’armes et de Western. Sauf qu’il reproche au Adams de s’enrayer à cause d’une balle qui glisse vers l’avant, alors qu’on peut re-passer le doigt gauche dessus juste avant de tirer, quand une capsule qui reste coincée derrière le chien du Colt met l’arme hors de service pour un moment et permet au malpoli à quatre ou à deux pattes qui est en face de se servir de toi comme il le veut, soit de bifteck, soit de banquier, soit d’épicier, soit même de bonne femme… Notons au passage que le revolver Adams possédait en plus un guidon dérivable sur queue d’aronde et un petit réceptacle à la base de la crosse pour y loger des capsules de rechange, des gadgets inutiles sur la frontière dont le Colt se passait bien et qui n’ont sûrement pas manqué d’influer sur le prix de revient et les ventes. Robert ADAMS lui-même a bien du se rendre compte des inconvénients de ses armes, puisqu’il équipa bientôt ses double action d’un chien à levier et, comme nous l’avons mentionné précédemment, que le revolver mixte à simple et à double action Beaumont-Adams, qui possède un levier d’armement sur le chien, remplaça totalement le vieux « double action seulement ». Les Colt et l’Adams sont tous les deux des armes innovatrices pour l’époque, et beaucoup de leurs particularités se retrouvent sur les armes avec lesquelles nous tirons aujourd’hui. Pas trop mal après cent cinquante ans.