LE COLT POCKET MODEL 1849

Traduction d’un article de Ph. SPANGENBERGER dans D.G.W. Blackpowder Annual 1993

Alors que beaucoup de gens croient que le revolver Colt Single Action Army 1873 fut le six-coups qui gagna l’Ouest, il y eut tout plein d’armes de poing qui eurent un impact sur notre frontière américaine des années avant que le S.A.A. fût même un rêve. Bien-sûr, Colt était devenu synonyme de qualité des dizaines d’années avant 1873, grâce à ces armes totales que furent le 1851 Navy, le 1860 Army, les différents modèles de Dragoon, et d’autres. Ironiquement toutefois, malgré la bonne réputation qu’avaient gagné ces pistolets « de ceinture » ou bien « de selle », ce fut un petit pistolet à cinq coups qui donna au Colonel Samuel COLT une place solide dans le commerce des armes. L’époque de la moitié du dix-neuvième siècle fut une aventure globale. Dans pratiquement tous les coins du monde, il y avait de nouvelles terres à explorer et à conquérir, des frontières à domestiquer, et des fortunes à faire… ou à perdre. Ceux qui s’aventuraient dans ces terres sauvages voulaient la meilleure protection disponible. Les villes, elles aussi, étaient pourries de crime, et largement peuplées d’individus peu recommandables. Le chômage était souvent élevé, la famine frappait constamment de nombreuses villes de l’Ancien Monde, et l’absence d’une force de police forte, parfois l’absence de toute police, augmentait le péril pour le citoyen. La vie était telle en ces temps-là, que porter une arme personnelle n’était pas seulement raisonnable, mais c’était souvent nécessaire ! Se déplacer d’une zone peuplée vers une autre représentait souvent une entreprise dangereuse, avec ses bandits de grands chemins et ses bandes errantes de maraudeurs qui constituaient un péril pour le voyageur. Les fabricants d’armes étaient occupés à produire des armes à feu militaires et civiles, ainsi que des armes blanches, et la demande du grand public pour de petites armes de poing, faciles à cacher mais fiables, n’était pas une mince affaire. Sam COLT était un homme d’affaires astucieux et réalisa l’évidence de cette demande. Il réalisa aussi qu’une telle arme devrait être d’un prix abordable. On utilisait déjà des milliers de petits pistolets à un coup durant le milieu des années 1840. Leur taille variait de l’immense et encombrant pistolets de selle en gros calibre, aux minuscules et inefficaces modèles de « pistolets de veston ». Il y avait des pistolets équipés d’une lame de couteau, d’autres avec des poignées en forme de matraque, ou d’autres équipements auxiliaires dessus ou dedans, au cas où le coup tiré ne produirait pas l’effet désiré. Les « poivrières » à canons multiples tournants étaient elles-aussi assez populaires. Bien que ces dernières armes à feu ne fussent pas grand chose en matière d’armes de poing pour nos standards modernes, elles furent en leur temps considérées comme les meilleurs pistolets que l’on pût porter.

Etudiant les problèmes susceptibles de surgir pour produire une arme de poing fiable et de qualité, tout en gardant un prix d’achat qui la garderait à la portée du grand public, le Colonel COLT reprit soigneusement chaque stade de la fabrication de son gros revolver Dragoon. Il détermina que certains équipements, indispensables sur un gros revolver de ceinture, seraient inutiles pour un petit pistolet de poche, réduisant ainsi les coûts de production en temps et en main-d’œuvre pour une telle arme. Selon l’excellent ouvrage « Les Variations du Old Model Pocket Pistol de 1848 à 1872 » de P.L. SHUMAKER, on a estimé que le Colonel COLT élimina environ 85 des quelques 480 opérations nécessaires à la production de l’un des gros revolvers de la firme. La production du premier revolver de poche par Colt après l’effondrement de sa Patent Arms Mfg. Co. à Paterson, New Jersey, débuta vers 1847. Le résultat est ce que les collectionneurs appellent aujourd’hui le revolver Model 1848 Baby Dragoon. Cette arme est le prédécesseur du Pocket Model 1849. Avec une production d’environ 15 000 Baby Dragoon, il représente le premier modèle de poche fabriqué à l’usine Colt de  Hartford, Connecticut. En fabriquant le premier de ces nouveaux pistolets de poche de calibre .31, Colt voulait délibérément offrir une arme à feu bon marché qui pourrait se comparer plus favorablement aux armes de poing à un coup alors disponibles. Parmi les mesures destinées à réduire les coûts de fabrication du revolver Baby Dragoon de Colt, figurait le remplacement du traditionnel barillet à six coups que l’on trouvait sur le gros revolver de ceinture, par un autre qui n’en contiendrait que cinq. D’autres mesures incluaient un rempart sans découpe pour la mise en place des amorces, et l’absence du refouloir assemblé sous le canon. Pour charger ces premiers Colt, on devait d’abord chasser la clavette retenant le canon à la carcasse. Ensuite, on chargeait chaque chambre du barillet avec de la poudre, puis on forçait une balle dans chaque chambre en utilisant l’axe du barillet, échancré à son extrémité.

Après avoir procédé de la sorte, les amorces étaient posées sur les cheminées, on replaçait le barillet sur l’axe et on assemblait le tout en le maintenant avec la clavette. Enfin, on faisait tourner le barillet pour faire reposer le chien dans une unique encoche de « sécurité » située entre deux chambres. Parce qu’il n’y avait pas la découpe sur le rempart pour mettre les amorces, si l’une des amorces ne partait pas et ne faisait pas partir le coup, il fallait démonter le pistolet pour remplacer l’amorce. Cependant, en dépit de ces inconvénients, le nouveau revolver de poche de Colt était supérieur, dans sa conception et dans sa fonction, ainsi qu’en qualité, à toutes les autres armes de poing à un coup disponibles sur le marché. L’approbation du public était générale et ce nouveau petit pistolet fut un succès dès le début. Seul un petit nombre de Colt « Pocket » furent produits, environ 150, avant que la compagnie ne commençât à les perfectionner et les améliorer. On procéda à plusieurs changements : l’addition d’un refouloir pour faciliter le chargement, une découpe dans le rempart pour permettre le ré-amorçage sans démonter, et une petite roulette à la base du chien. De petites encoches furent alésées sur le barillet entre chaque chambre à la place d’une seule, et des encoches rectangulaires furent creusées dans le barillet pour le bloquer en place, au lieu des petites encoches rondes. On changea la détente et le pontet, et la forme du canon et de la carcasse fut légèrement modifiée et rallongée. Ces détails, ainsi que quelques changements cosmétiques, comme l’adoption d’une scène gravée représentant une diligence, les premiers Pocket Models reprenaient la scène de combat entre Ranger et Indien que l’on voyait sur le Dragoon et sur le Baby Dragoon, donnèrent ce qui fut connu comme le pistolet standard Model 1849 Colt Pocket Model.

Produit sous une variété de configurations et de longueurs de canons, le Pocket Model 1849 devint l’une des armes de poing les plus connues de son temps. La production de ce modèle débuta en 1850 et des milliers furent emportés vers l’Ouest dans la Ruée vers l’Or en Californie. C’étaient les armes favorites des mineurs, les postiers, et d’autres hommes de l’Ouest qui avaient besoin d’un petit revolver de poche. Sur la Barbary Coast à San Francisco, un joueur professionnel qui jugeait sage de garder un Colt Pocket caché sur sa personne quand il se livrait à sa profession douteuse, appelait parfois une telle arme son « cinquième as ». Pendant la Guerre Civile, les soldats en bleu ou en gris portaient des Pocket Model 1849 pour avoir un surplus de puissance de feu en cas de combat au corps à corps et, pendant des dizaines d’années au cours du milieu du dix-neuvième siècle, les aventuriers dans le monde entier louaient ces petits Colt dans les meilleurs termes. Bien que le Colt Pocket Model 1849 ne développait pas beaucoup de punch, ce n’était pas toujours nécessaire d’en avoir. De telles armes furent souvent utilisées comme moyen de pression en cas de situation difficile : une carte mal distribuée, une dispute au sujet d’une concession de mine, ou peut-être en faisant un prélèvement bancaire… Souvent, il n’y avait juste qu’à brandir une arme à feu pour obtenir le résultat désiré. Lorsque c’était le cas, ce qui se passait alors résultait plutôt de beaucoup d’autres facteurs que la puissance de l’arme. Une balle ronde ou pointue de calibre .31 pèse environ 45 grains de plomb pur et mou. Avec une charge standard de 15 grains de FFFg de poudre noire, la balle voyage à quelques 590 FpS et touche avec un peu moins de 35 FP d’énergie. En comparaison, le petit .32 S&W tiré dans les revolver à canons courts développe approximativement 680 FpS, et délivre 90 FP de choc. Pour les standards modernes, ces Colt de poche sont donc loin d’être impressionnants. Mais, utilisés à des distances comme autour d’une table de cartes, et si l’on prend en considération le projectile en plomb mou, avec la technologie relativement primitive de l’époque, spécialement si la victime était blessée dans le désert ou dans un camp perdu de mineurs où l’aide médicale compétente n’existait souvent pas, il est facile de comprendre comment on peut se servir d’un revolver si anémique. Bim, Bim, dans la tête, entre l’œil et l’orbite vers l’hypophyse, ou bien dans l’oreille vers le cervelet, et on n’en parle plus. Malgré la petite taille et la puissance relativement faible, ces revolvers pour tirer à courte distance étaient autant considérés à leur époque comme l’armement personnel d’un homme, que toute autre arme à feu. En Juillet 1850, le Missouri Commonwealth se vantait de la sécurité qu’il apportait à ses clients sur une nouvelle ligne de diligence à mule, reliant Independence, Missouri, à Santa Fe, New Mexico : « Le courrier est gardé par huit hommes, armés comme suit : Chaque homme a sur le côté, attaché à la diligence, un fusil revolver Colt, dans un holster plus bas, un long revolver Colt, et dans sa ceinture, un petit revolver Colt, à côté d’un couteau de chasse. Ainsi, ces huit hommes sont prêts, en cas d’attaque, à tirer 136 coups sans avoir besoin de recharger. » Dans ses récits humoristiques qu’il fait sur ses voyages dans l’Ouest dans les années 1860, Mark TWAIN fait état d’un conducteur de diligence qui s’arma avec l’un des petits revolvers de poche de Colt.

On trouve d’autres témoignages de la popularité du Colt Pocket Model 1849 dans le fait que, dans les mines d’or de Californie au début des années 1850, la demande pour des revolvers de qualité était si grande que l’usine Colt de Hartford, Connecticut, était incapable de faire face aux commandes. Les gros Colt de ceinture qui se vendaient autour de 16,00 $ à 18,00 $ sur la côte Est, se revendaient jusqu’à 250,00 $ ou 500,00 $ la pièce dans l’Ouest ! Même le petit ’49 en, calibre .31, moins cher, atteignait un prix de près de 100,00 $ sur la côté Ouest. Le Colt Pocket Model 1849 était vendu avec des longueurs de canons de trois, quatre, cinq et six pouces. Les tubes de quatre et de cinq pouces étaient les plus courants, alors que la version à six pouces semble la plus rare. Le Pocket Model possédait un canon et un barillet bronzés bleu, alors que la carcasse et le refouloir étaient jaspés. Les garnitures étaient généralement plaquées argent sur du laiton, bien que certaines furent faites en fer bronzé ou plaqué argent. Les crosses standard d’usine étaient faites dans une pièce de noyer, typique des Colt de cette époque. On proposait également de l’ivoire ou d’autres matériaux exotiques, et les armes présentant de telles poignées de luxe, soit lisses ou finement gravées, servaient de pièces d’exposition de grand luxe. On les rencontre avec une variété de marquages sur le canon, y compris deux variantes d’une adresse à New York, un marquage Hartford, CT., et l’adresse à Londres, tous sur le haut du canon. Bien que l’une des améliorations du Pocket Model 1849 fût l’intégration d’un refouloir, un petit nombre d’entre eux fut produit sans. Ces revolvers à canon de trois pouces, sans leviers de chargement, ont été appelés modèles« Wells Fargo ». Il n’y a pas de preuves que la compagnie de diligence bien connue ait un jour adopté ce revolver comme arme officielle pour ses conducteurs, ses gardes ou ses divers agents. En tous cas, ces pistolets ne se vendirent jamais bien, et vers 1860, Colt essaya de vendre le solde du stock de ces revolvers sans refouloir en leur en mettant un. Ceci fut fait en modifiant sommairement le levier de chargement du modèle standard à quatre pouces. Mais ces pistolets rencontrèrent la désapprobation du public, car le levier était trop court pour permettre la pression nécessaire à mettre la balle en place. On a estimé qu’environ 100 de ces Pocket Model à trois pouces transformés sortirent de l’usine. Aujourd’hui, de tels Colt transformés en usine sont des pièces de collection extrêmement recherchées. Il n’y a pas de doute que les employés de la Wells Fargo ont bien utilisé des Pocket Model 1849, avec et sans refouloirs. Beaucoup ont été achetés sur fonds privés, comme d’autres armes, et furent certainement portées par les conducteurs de diligence et d’autres agents de la W.F. & Co. On connaît deux Model 1849 dans la Bank’s History Room de la Wells Fargo à San Francisco, qui portent des inscriptions les identifiant comme ayant appartenu à la compagnie. Pendant les 23 ans qu’il resta en production, environ  325 000 exemplaires du Pocket Model 1849 furent fabriqués à l’usine Colt de Hartford. Un autre lot de 11 000 fut produit à l’usine de Londres, Angleterre. Les armes Anglaises sortirent entre 1853 et 1857, et sur les modèles les plus anciens, les garnitures sont en laiton avec les bords du pontet arrondis. Les modèles tardifs eurent des garnitures en fer et un grand pontet ovale. La production de cette arme de poing fut finalement arrêtée en 1873, lorsque Colt commença à produire des revolvers tirant des cartouches métalliques. Le Colt Pocket Model 1849 fut parmi les revolvers à percussion qui furent convertis à l’usine Colt, dans une première tentative de produire des armes de poing tirant des cartouches métalliques. En plus de cela, on a trouvé des Colt Pocket ’49 qui avaient été convertis par d’autres armuriers que ceux de l’usine, une preuve que la popularité de l’arme continua loin après l’âge de la percussion. Avec des concepts plus nouveaux et plus solides en matière d’armes de poing, ainsi que des munitions plus élaborées, le Colt Pocket Model 1849 fut lentement remplacé par des armes plus modernes. A l’époque de sa gloire, pourtant, le Pocket Model 1849 fut le revolver à percussion produit dans le plus grand nombre que tous les autres, et l’arme qui plaça Samuel COLT et sa compagnie légendaire dans les affaires pour une éternité.