HOMMES DE LOI SUR LA FRONTIERE

Des hĂ©ros ou des truands ?

Traduction d’un article de Joe BILBY paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1988

Le soleil du 30 Avril 1884 se levait tristement sur la ville de prairie de Medecine Lodge, au Kansas. C’était le dernier matin que verrait Henry BROWN, l’officier de police tout nouvellement mariĂ© et en charge de la ville toute proche de Caldwell. L’homme de loi de 27 ans mourrait ce jour-lĂ , suite Ă  une attaque de banque Ă  main armĂ©e sur Medecine Lodge. Il est intĂ©ressant de noter que BROWN ne mourut pas hĂ©roĂŻquement en dĂ©fendant la banque, mais paya de sa tĂŞte pour l’avoir dĂ©valisĂ©e. BROWN et son dĂ©putĂ©, Ben WHEELER, alias Ben ROBERTSON, Ă©taient partis de Caldwell quelques jours plus tĂ´t, sous prĂ©texte de courir après des voleurs de bĂ©tail dont ils auraient Ă©tĂ© sur la piste. Une fois tranquilles en dehors de la ville, le marshal et WHEELER rejoignirent deux petits malfrats, William SMITH et John WESLEY, et le quartet chevaucha vers Medecine Lodge, sous-entendu pour attaquer la Medecine Valley Bank . L’attaque tourna en fiasco, et les bandits frustrĂ©s tuèrent le prĂ©sident de la banque E.W. PAYNE ainsi que le caissier George GEPPERT. Poursuivis par un dĂ©tachement d’hommes en colère sous les ordres du shĂ©rif, BROWN et ses hommes se ruèrent dĂ©sespĂ©rĂ©ment vers une cache oĂą ils avaient mis des chevaux frais en rĂ©serve qui auraient pu leur permettre de s’échapper. Malheureusement pour eux, les bandits se trompèrent de direction, ils furent piĂ©gĂ©s et rapidement capturĂ©s. Mais putain, je t’avais dit que c’était Ă  droite, conaud ! L’incarcĂ©ration dans la prison de fortune de Medecine Lodge apporta peu de protection aux braqueurs de banque. Les citoyens de la ville, enragĂ©s par les meurtres de PAYNE et de GEPPERT, qui Ă©taient des gens connus et aimĂ©s, se prĂ©cipitèrent dans la prison et traĂ®nèrent les tueurs dehors. L’ancien marshal BROWN tenta de s’enfuir en courant, mais il fut coupĂ© en deux par une dĂ©charge de fusil de chasse. Ses trois camarades de crime furent pendus sommairement. C’est un lynchage. Bien qu’ils ne fussent pas aussi courants que les scĂ©naristes ou les Ă©crivains de romans Ă  quatre sous voudraient nous le faire croire, les attaques de banques Ă  main armĂ©e et les lynchages ne furent certainement pas des Ă©vènements inconnus dans l’Ouest amĂ©ricain du XIXème. siècle. Malheureusement, le cas de l’homme qui avait prĂŞtĂ© serment de dĂ©fendre « la loi et l’ordre Â» et qui avait passĂ© la ligne le sĂ©parant du banditisme pour son profit personnel, ne l’était pas non plus. Qu’il le sĂ»t ou non, le comportement outrageux de BROWN eut un prĂ©cĂ©dent avec celui de Henry PLUMMER. PLUMMER, nĂ© au Connecticut en 1837, fut attirĂ© en Californie vers 1850 par la fièvre de l’or. Loin d’être de ceux qui courraient après la chimère de l’Eldorado dans les collines, PLUMMER ouvrit une boulangerie Ă  Nevada City en 1853, gagnant un peu de liquide en extra comme joueur indĂ©pendant. PrĂ©sentant bien et habile avec une arme, il fut Ă©lu marshal de la ville en 1856. Mais cet homme de loi de 19 ans avait un gros dĂ©faut, un penchant pour les dames, pour les dames des autres hommes. L’une de ces affaires se finit au pistolet et le jeune marshal se retrouva condamnĂ© Ă  dix ans de prison pour avoir tuĂ© un mari jaloux. GraciĂ© au bout d’un an, PLUMMER fut bientĂ´t mĂŞlĂ© Ă  une sĂ©rie de combats de saloon et de braquages, et il tua un autre homme. Bien que remis en prison, il s’échappa et partit vers le Nord. L’homme de loi renĂ©gat se tailla un chemin plein de meurtres et d’adultères Ă  travers l’Oregon et l’Etat de Washington, en route vers les mines d’or du Montana, oĂą il s’établit comme joueur Ă  Bannack et prĂ©para secrètement la crĂ©ation d’une bande organisĂ©e « d’agents de la route Â». A cette Ă©poque, il rĂ©ussit Ă  se faire engager comme marshal. Mais PLUMMER dĂ©mĂ©nagea bientĂ´t vers des cieux plus propices Ă  Virginia City, oĂą il fut Ă  nouveau Ă©lu marshal et dĂ©veloppa ses activitĂ©s de bande organisĂ©e. Les capacitĂ©s d’organisation d’Henry PLUMMER Ă©taient sans aucun doute excellentes, et s’il les avait utilisĂ©es dans des voies plus sociables, on se serait souvenu de lui comme de l’un des pères fondateurs du Montana. Cependant et au lieu de cela, un comitĂ© de Vigilants termina sa carrière de bandit avec un badge attachĂ© au bout d’une corde en Janvier 1864. Â« L’étoile sur la corde Â», un vrai titre de film. Les marshals renĂ©gats BROWN et PLUMMER ne furent pas les seuls dans l’histoire de l’Ouest. Burt ALVORD, un avocat respectĂ© en Arizona, fut arrĂŞtĂ© en 1900 pour avoir conduit une bande de dĂ©valiseurs de trains alors qu’il Ă©tait policier Ă  Wilcox. « Buffalo Bill Â» BROOKS, premier marshal de Newton, Kansas, et plus tard policier Ă  Ellsworth, Kansas, attendit d’en avoir terminĂ© de faire respecter la loi avant de commencer sa carrière de voleur de chevaux. En 1874, il fut pendu lui aussi, les bottes aux pieds. Les DALTON, membres de ce qui fut considĂ©rĂ©e comme toute une famille de brigands, furent plus connus du grand public de leur Ă©poque et des gĂ©nĂ©rations qui suivirent, comme des hommes de loi qui avaient mal tournĂ©.

En vĂ©ritĂ©, seuls quatre des quinze enfants DALTON devinrent hors-la-loi, alors qu’au dĂ©part ils avaient jurĂ© de la dĂ©fendre. Après que Frank DALTON, un marshal dĂ©putĂ© des U.S. chargĂ© du Territoire Indien, aujourd’hui l’Oklahoma, fĂ»t assassinĂ© par des trafiquants de whisky en 1884, ses jeunes frères suivirent sa voie en portant le badge. Si l’affaire avait continuĂ© Ă  la manière d’Hollywood, les trois frères vengeurs auraient nettoyĂ© le Territoire. Malheureusement, Grattan, Bob et Emmet DALTON, bien qu’ayant jurĂ© de dĂ©fendre la loi, exigèrent bientĂ´t, et reçurent, des pots de vin et volèrent des chevaux sous le couvert de leur badge. La raison qui les poussait Ă  passer la ligne continue semble avoir Ă©tĂ© simple : l’argent facile. Après avoir, dans de sombres circonstances, quittĂ© leur poste d’homme de loi, les frères dĂ©veloppèrent leurs affaires de vols de chevaux. En DĂ©cembre 1890, Grat et Bob voyageaient vers la Californie pour rendre visite Ă  un autre de leurs frères, Bill, lequel menait une existence apparemment sans faute et Ă©tait un personnage prometteur dans l’administration locale, jusqu’à ce que ses frères arrivent. En FĂ©vrier 1891, les DALTON de l’Oklahoma attaquèrent un train Ă  Atila, Californie, et tuèrent le chauffeur. La piste des bandits mena Ă  la maison de frère Bill, oĂą Grat fut arrĂŞtĂ©. Celui-ci s’échappa de captivitĂ© et se rĂ©fugia en Oklahoma oĂą lui, Bob et Emmet formèrent succinctement le gang des DALTON. La bande se fraya une piste d’attaques de trains Ă  travers l’Oklahoma jusqu’au Kansas, oĂą les DALTON essayèrent de surpasser les JAMES Boys, de lointains parents des DALTON et des YOUNGER qui firent partie du gang de Jesse JAMES, en attaquant deux banques simultanĂ©ment Ă  Coffeyville, leur ville natale. Le 5 Octobre 1892, ils finirent de manière dĂ©sastreuse sous une grĂŞle de balles tirĂ©es par une foule dĂ©terminĂ©e et bien armĂ©e. Au cours de ce combat, qui fut l’un des plus sanglants dans l’histoire de la frontière, quatre des cinq bandits ayant mis les pieds dans Coffeyville ce jour-lĂ  pĂ©rirent, en mĂŞme temps que quatre citoyens locaux. Tout le monde connaĂ®t cette photo oĂą l’on voit les quatre brigands morts de Coffeyville, Tim EVANS Ă  gauche, Bob et Grat DALTON au milieu, reliĂ©s entre eux pour l’éternitĂ© par une carabine Winchester « 92 Â», et Dick BROADWELL Ă  droite, tous avec leurs chaussures aux pieds, couchĂ©s sur des planches et pleins de trous comme des troncs d’arbres sur lesquels on se serait entraĂ®nĂ© au tir. Derrière, un enfant regarde la scène d’un air intĂ©ressĂ©, Ă  travers une ouverture pratiquĂ©e dans les planches cassĂ©es de la palissade. Emmet DALTON, bien que criblĂ© de chevrotines et de balles, survĂ©cut et fut condamnĂ© Ă  la prison Ă  vie. Il fut graciĂ© et relâchĂ© après avoir fait quinze ans de prison. Après une apparition comme agent immobilier, Emmet dĂ©mĂ©nagea en Californie en 1920 et devint scĂ©nariste, petit acteur et conseiller dans l’industrie naissante du film Western. Il y a une note finale ironique dans l’histoire des DALTON. Sa carrière politique ruinĂ©e par la rĂ©putation de ses frères, Bill revint en Oklahoma après le drame de Coffeyville et devint un bandit lui aussi, se mettant en Ă©quipe avec le dernier membre de la bande de ses frères, Bill DOOLIN. En Septembre 1895, un dĂ©tachement aux ordres du shĂ©rif rattrapa Bill DALTON et, comme il tentait de saisir son arme, le tua devant les yeux de sa femme et de ses enfants, près d’Ardmore, Oklahoma. Et pan ! Dans la’g’l. Et devant ta morue et tes chiards. T’avais qu’à te tenir Ă  carreau, narvalo. Moi, j’ai fait le mĂ©nage, et comme çà, les autres sauront Ă  quoi s’en tenir s’ils ont envie de faire les cons. Parmi les hommes de loi de l’Ouest qui passèrent la ligne les sĂ©parant du banditisme, peu d’entre eux acquirent la rĂ©putation des DALTON, mais beaucoup d’autres firent l’aller-retour entre la dĂ©linquance et le droit chemin, ressortant et y retournant rĂ©gulièrement. Pourtant, les suspicions et les accusations de dĂ©lits qui variaient du vagabondage au meurtre, ne constituaient pas nĂ©cessairement des obstacles pour qu’un candidat obtĂ®nt une place de reprĂ©sentant de la loi, mĂŞme s’il Ă©tait connu des autoritĂ©s qui l’embauchaient. L’arrestation de Wyatt EARP au dĂ©but de 1870 pour vol de chevaux sur le Territoire Indien, n’empĂŞcha pas les doyens de la ville de Wichita, Kansas, de le nommer au poste de policier municipal en 1875. Durant toute la pĂ©riode oĂą il officia, Wyatt fut mĂŞlĂ© Ă  de probables dĂ©tournements d’amendes pour prostitution, et put mĂŞme avoir Ă©tĂ© souteneur. Une arrestation pour rixe sur la voie publique termina la carrière de EARP Ă  Wichita comme policier, et il partit vers l’Ouest Ă  Dodge City, oĂą il trouva un emploi de policier et d’assistant marshal. Bien qu’il n’accomplĂ®t aucun des exploits que les sĂ©ries populaires de tĂ©lĂ©vision lui attribuèrent il y a une trentaine d’annĂ©es, ou bien la biographie douteuse d’oĂą sortirent ces histoires, EARP semble s’être comportĂ© de manière crĂ©dible comme policier Ă  Dodge City, et il y devint mĂŞme diacre. Pour bĂ©nir ceux qu’il expĂ©diait Ad Patres. En 1879, Wyatt dĂ©mĂ©nagea en Arizona avec son entourage, dont ses frères et le fameux dentiste Doc HOLLIDAY. En chemin, il s’arrĂŞta Ă  Mobeetie, Texas, oĂą lui et « Mysterious Dave Â» MATHER furent accusĂ©s d’avoir montĂ© une arnaque Ă  la « brique d’or Â». C’est peut-ĂŞtre un truc oĂą l’on vend aux idiots une brique couleur peinture dorĂ©e Ă  la place d’un lingot.

ArrivĂ© Ă  la ville minière de Tombstone, Arizona, Wyatt y travailla Ă  l’occasion comme garde armĂ© accompagnateur de diligence, et y vĂ©cut comme joueur indĂ©pendant. Plus tard, EARP s’intĂ©ressa Ă  l’Oriental Saloon, et tenta, sans y rĂ©ussir, d’accĂ©der au poste lucratif de shĂ©rif du comtĂ© de Cochise, un poste qui incluait dans ses revenus un pourcentage sur les taxes collectĂ©es. Mais bien qu’il n’obtint pas le poste de shĂ©rif du comtĂ©, Wyatt fut nommĂ© marshal de la ville de Tombstone par son frère Virgil. En Octobre 1881, Wyatt et Virgil, avec leur frère Morgan et Doc HOLLIDAY, descendirent les CLANTON et les Mc. LAURY lors du fameux combat de O.K. Corral. Après d’autres morts d’hommes de part et d’autre, le clan EARP quitta l’Arizona pour l’Ouest, avec un petit dĂ©tour en Alaska en 1901, prenant enfin sa retraite en Californie. Il gagna sa vie comme joueur, mineur et parfois comme escroc. L’accusation la plus grave retenue contre EARP durant ses dernières annĂ©es fut que, alors qu’il arbitrait un matche de boxe en 1896 entre Bob FITZSIMMONS et Tom SHARKEY, il fit pencher le combat en faveur de SHARKEY. Bien que certains aient accusĂ© EARP et son « gang Â» d’avoir rivalisĂ© les CLANTON en matière de vols de chevaux et d’attaques de diligences pendant leur sĂ©jour Ă  Tombstone, il n’existe pas de preuves de la vĂ©racitĂ© de ces faits. Par contre, il n’y a pas de doute que Wyatt EARP fut une « tĂŞte brĂ»lĂ©e Â», dont l’interprĂ©tation de la loi et le point de vue sur la moralitĂ© dĂ©pendaient, selon les cas, de la manière oĂą cela aurait influĂ© sur son sort ou celui de sa famille. Plusieurs autres policiers furent beaucoup plus meurtriers que EARP. « Happy Jack Â» MORCO, Â« Jack le Content Â», un Mauricot qui n’arrĂŞtait pas de ricaner bĂŞtement quand il flinguait ses clients d’une balle dans les couilles en disant Â« Et encore un pour l’Enfer ! Â», que Bill O’NEAL dĂ©crivit dans sa dernière EncyclopĂ©die des Gunfighters, c’est-Ă -dire les hommes qui se mesuraient avec leurs armes, comme un Â« bagarreur semi-illettrĂ© et ivrogne Â», devint policier Ă  Ellsworth, Kansas, en 1873 après avoir Ă©chappĂ© Ă  la loi en Californie, oĂą il avait abattu quatre hommes non armĂ©s. En fin de compte, renvoyĂ© de la police, il fut tuĂ© après avoir sorti une arme contre un autre policier d’Ellsworth. Le nom de Bass OUTLAW, bien nommĂ©, c’est-Ă -dire Bass le Hors-la-Loi, un Texas Ranger alcoolique et fou de la gâchette qui avait dĂ©jĂ  Ă  son palmarès plusieurs meurtres du cĂ´tĂ© de la loi et contre elle, rencontra son destin Ă  El Paso en Avril 1894. Comme il Ă©tait en ville pour tĂ©moigner devant la Cour d’Etat, OUTLAW s’encoquina avec un ivrogne bagarreur et ils firent feu dans une « maison de sport Â» locale. Après avoir tuĂ© un autre Ranger accouru sur les lieux, OUTLAW tira sur le policier d’El Paso, John SELMAN, qui avait Ă©tĂ© attirĂ© sur place par les coups de feu. SELMAN, un ancien de ces gens qui se mesuraient avec leurs armes, blessa mortellement OUTLAW, qui s’en alla en chancelant pour aller mourir sur le lit d’une prostituĂ©e dans un bordel voisin. Bien qu’il rendĂ®t un service public en dĂ©barrassant le Texas de Bass OUTLAW, « Old John Â» SELMAN avait plus d’un squelette illĂ©gal dans son propre placard. Ancien soldat ConfĂ©dĂ©rĂ©, engagĂ© et rĂ©-engagĂ©, puisqu’il dĂ©serta au moins une fois, SELMAN s’associa en affaires avec John LARN, un voleur de chevaux qui avait lui aussi servi comme shĂ©rif dans le comtĂ© de Shackleford, Texas. Après qu’une foule terminât les carrières lĂ©gales et illĂ©gales de LARN en le lynchant, SELMAN partit pour le nouveau Mexique, oĂą il monta une bande de voleurs de bĂ©tail et de brigands. Il se sauva au Texas quand l’U.S. Army et la loi se rapprochèrent trop de lui pour son petit confort. Papillonnant de part et d’autre entre le Nouveau Mexique et le Texas pour Ă©viter des accusations diverses, « Le Vieux John Â» posa finalement son sac Ă  El Paso, oĂą il fut Ă©lu policier en 1892. Le « combat Â» le plus connu de SELMAN eut lieu le 19 AoĂ»t 1895, lorsqu’il abattit John Wesley HARDIN d’une balle dans la tĂŞte et par derrière. Moins d’un an plus tard, SELMAN fut lui-mĂŞme tuĂ© lors d’une bagarre avec un autre policier d’El Paso, George SCARBOROUGH. « Mysterious Dave Â» MATHER, le partenaire de Wyatt EARP dans l’affaire de la « brique d’or Â» de Mobeetie n’était pas, malgrĂ© son sobriquet, un personnage très complexe. Il Ă©tait tout simplement, selon les termes de l’époque, un « mauvais acteur Â». NĂ© au Connecticut en 1845, MATHER volait du bĂ©tail en Arkansas au dĂ©but des annĂ©es 1870. BlessĂ© Ă  Dodge City au cours d’une bagarre au couteau, il partit pour le Texas, oĂą il vola des chevaux et tua un homme dans le Panhandle. Après son expulsion de Mobeetie en 1879 avec EARP, il fut arrĂŞtĂ© Ă  Las Vegas, New Mexico, pour avoir attaquĂ© un train. AcquittĂ©, il fut vite nommĂ© policier par le conseil municipal de Las Vegas. Après avoir dĂ©missionnĂ© de ce poste quelques mois plus tard, il fut complice d’une Ă©vasion de prison, dĂ©roba l’anneau en or d’une femme noire au Texas et finit comme marshal assistant Ă  Dodge City. En Juillet 1884, il tua Tom NIXON, qui l’avait remplacĂ© comme marshal, au cours d’un Ă©change de coups de feu que la plupart des gens appelleraient un meurtre. L’arme de NIXON Ă©tait restĂ©e dans son holster pendant que Dave lui pompait dans le corps tout un barillet plein de projectiles.

A nouveau acquittĂ©, MATHER se dĂ©roba Ă  la justice l’annĂ©e suivante, après un nouvel incident oĂą les armes Ă  feu avaient parlĂ©, et disparut des pages de l’histoire. Il existe une photo de lui, montrant un jeune type Ă  l’air sympa, un peu sombre d’un oeil, en complet veston, nĹ“ud papillon et grande moustache noire, avec, sur son chapeau rond Ă  larges bords plats, un bandeau oĂą on lit « Assistant Marshal Â». Â« Long-Haired Jim Â» COURTRIGHT, Le Jim aux Longs Cheveux, fut un homme de loi pourri qui disparut et rĂ©apparut au cours d’une carrière pleine de vicissitudes. NĂ© en 1848, COURTRIGHT servit comme très jeune soldat pour l’Union pendant la Guerre Civile, sous les ordres du GĂ©nĂ©ral James A. LOGAN, lequel est mieux connu comme le fondateur du Memorial Day, le Jour du Souvenir. Sous les bons auspices de LOGAN, COURTRIGHT s’assura une place comme Ă©claireur de l’Army Ă  la fin des annĂ©es 1860, et devint marshal Ă  Fort Worth en 1876. A la fin de sa carrière de policier en 1879, Jim se mit Ă  travailler pour LOGAN comme contremaĂ®tre au ranch du GĂ©nĂ©ral, dans le Nouveau Mexique. LOGAN donna Ă  COURTRIGHT carte blanche pour Ă©liminer les « voleurs de bĂ©tail Â», un terme utilisĂ© librement pour dĂ©signer Ă  la fois les petits fermiers qui faisaient passer leurs bĂŞtes sur les terres de plus gros, et les vrais voleurs de bĂ©tail. L’ancien marshal tua donc deux hommes, qu’il croyait squatter sur le sol de LOGAN. Fuyant le Nouveau Mexique sous l’accusation de meurtre, Long-Haired Jim quitta le pays, rĂ©apparaissant plusieurs annĂ©es plus tard lorsqu’on ne trouva plus les tĂ©moins de l’affaire. L’accusation de meurtre levĂ©e, COURTRIGHT revint vers son ancien fief, Fort Worth, et relança une vieille affaire, la « T.I.C. Commercial Agency Â». C’était soi-disant une sociĂ©tĂ© de sĂ©curitĂ© privĂ©e, mais en fait une couverture pour un juteux racket de protection. Jim parvint Ă  extorquer des fonds Ă  des saloons et des maisons de mauvaise rĂ©putation Ă  Fort Worth, jusqu’à ce qu’il rencontrât ce joueur mortel qu’était Luke SHORT, lequel refusa de payer et abattit COURTRIGHT dans un duel Ă  courte distance le 8 FĂ©vrier 1887. La carrière de Jim COURTRIGHT dans le milieu de la « SĂ©curitĂ© IndĂ©pendante Â» fut un chemin que suivirent beaucoup d’hommes de l’Ouest occupant un poste officiel de policier Ă  un moment ou un autre de leur vie. Le « policier indĂ©pendant Â» le plus connu, Tom HORN, n’a cependant jamais Ă©tĂ© vraiment policier. NĂ© en 1860 au Missouri, HORN traĂ®na dans l’Ouest entre les annĂ©es 1870 et 1880, travaillant comme mineur, conducteur de diligence et Ă©claireur pour l’U.S. Army. En 1890, il s’engagea Ă  l’Agence de DĂ©tectives Pinkerton et, deux ans plus tard, rejoignit l’Association des Eleveurs de BĂ©tail du Wyoming comme dĂ©tective de prairie. « DĂ©tective de Prairie Â» Ă©tait un euphĂ©misme pour « Premier Pistolet Â», et HORN servit d’assassin pour les grandes compagnies d’éleveurs du Wyoming durant les endĂ©miques guerres des prairies pendant la dernière dĂ©cade du dix-neuvième siècle. Quiconque « dĂ©rangeait Â» les grands Ă©leveurs, dont beaucoup Ă©taient d’anciens grands propriĂ©taires terriens de l’Est ou d’Europe, risquait de se faire payer par la carabine mortelle de Tom HORN. Personne ne sait vraiment combien d’hommes Tom HORN a tuĂ©, mais une faute qu’il commit en 1901, alors qu’il courrait après un petit fermier du nom de Kels NICKELL dont il tua le fils de quatorze ans par inadvertance, le mena Ă  sa perte. En dĂ©pit de manĹ“uvres lĂ©gales et de pressions politiques de la part de ses puissants patrons, HORN fut arrĂŞtĂ©, jugĂ©, dĂ©clarĂ© coupable et pendu. Son exĂ©cution fut le signe que le nouveau siècle serait moins tolĂ©rant pour la « SĂ©curitĂ© PrivĂ©e Â». Dix ans plus tĂ´t, les Ă©leveurs du Wyoming avaient pu faire Ă©viter les tribunaux Ă  Tom SMITH, un autre dĂ©tective de prairie. SMITH, un ancien policier au Texas et en Oklahoma, avait d’abord offert ses services Ă  l’association des Ă©leveurs Ă  la fin des annĂ©es 1880. Une accusation de meurtre contre lui au dĂ©but des annĂ©es 90 fut facilement Ă©touffĂ©e par ses puissants employeurs. Avec son confrère « dĂ©tective Â» Frank CANTON, SMITH organisa l’expĂ©dition de police privĂ©e la plus manifeste que l’on pĂ»t voir dans l’Ouest Ă  la fin du 19ème siècle. FinancĂ©s par de gros fermiers, les deux hommes recrutèrent au Texas une bande de cinquante hommes armĂ©s, et envahirent le comtĂ© de Johnson, Wyoming, en Avril 1892. Cette armĂ©e privĂ©e, appelĂ©e les « RĂ©gulateurs Â» et commandĂ©e par l’ex-Major de l’U.S. Army Frank WOLCOTT, pĂ©nĂ©tra dans la ville de Buffalo, qui Ă©tait alors le quartier-gĂ©nĂ©ral d’une alliance tacite entre les voleurs de bĂ©tail et les petits fermiers qui avait dans ses rangs toute une liste de personnages plus caractĂ©riels les uns que les autres. Malheureusement pour eux, deux des hommes sur cette liste, Nate CHAMPION et Nick RAY, leur donnèrent plus de fil Ă  retordre qu’ils ne l’avaient prĂ©vu. Bien que la soi-disant « armĂ©e Â» blessât mortellement RAY au cours d’une embuscade au K.C. Ranch, CHAMPION traĂ®na son compagnon Ă  l’intĂ©rieur de la maison et repoussa les assaillants pendant toute la journĂ©e, jusqu’à ce qu’ils y mirent le feu et l’abattirent au moment oĂą il sortait, les armes crachant les balles de la manière que l’on imagine. Ne tirez pas, ne tirez pas, je me rends ! Pan-pan-pan-pan-pan. Aââârgh, salauds…

L’action retardatrice de CHAMPION sonna le glas des RĂ©gulateurs. Ils furent coincĂ©s par une bande d’hommes armĂ©s conduite par le shĂ©rif du comtĂ© de Johnson, Red ANGUS. Bien qu’ils fussent « sauvĂ©s Â» par un escadron de cavalerie, tous les cinquante hommes furent accusĂ©s de meurtre. Heureusement pour les RĂ©gulateurs, le fonds de dĂ©fense de leurs employeurs Ă©tait plus important que les caisses du comtĂ© de Johnson, et ils furent relâchĂ©s. Pourtant, Tom SMITH ne profita pas longtemps de sa libertĂ©. De retour au Texas Ă  l’état de 1893, il se disputa avec l’un de ces hommes qui ne vivaient que par les armes, en l’occurrence un solide noir dont le nom s’est perdu dans les brumes de l’histoire de l’Ouest. L’homme noir dĂ©gaina plus vite que Tom et l’étendit raide. Le black Uncle Ben’s qui se bat avec le cow-boy moustachu aux cheveux longs. C’est comme si j’avais dĂ©jĂ  vu cette scène au cinoche. A moins que ce ne soit avec un couteau, ou un arc, comme dans « Les Professionnels Â». Manque plus que la gonzesse au milieu, et l’abreuvoir au deuxième plan, oĂą celui qui crève va tomber dedans, les villageois vont se prĂ©cipiter pour l’en sortir avant qu’il ne pollue l’eau de leurs chevaux, et le croque-mort arrive avec son mètre ruban pour prendre les mesures du cercueil. Frank CANTON, le complice recrutĂ© en mĂŞme temps que SMITH, mena une vie beaucoup plus intĂ©ressante et profitable. NĂ© en Virginie sous le nom de Joseph HORNER en 1849, il fut Ă©levĂ© au Texas, oĂą il devint cow-boy et voleur dans les annĂ©es 1870. Il couronna sa carrière de bandit en dĂ©valisant la banque de Comanche, Texas, en 1877. L’annĂ©e suivante, on le vit au Wyoming oĂą, sous le nom de Frank CANTON, il commença une nouvelle vie comme reprĂ©sentant de l’Association des Eleveurs du Wyoming et oĂą il servit aussi pendant un petit moment comme shĂ©rif du comtĂ© de Johnson de 1880 Ă  1886. Après la Guerre du ComtĂ© de Johnson, CANTON travailla comme directeur d’une usine d’emballage avant de s’accrocher un badge de U.S. Deputy Marshal en Oklahoma et en Alaska. De retour en Oklahoma, il devint shĂ©rif et fut chasseur indĂ©pendant de voleurs de bĂ©tail pour l’Association des Eleveurs de BĂ©tail du Texas. CANTON finit sa deuxième carrière comme Adjutant General de la Garde Nationale de l’Oklahoma. Il mourut, sans ses bottes, en 1927. Un autre de ces hommes qui ne vivaient que par les armes et qui se baladait entre la police et le crime, fut Matt WARNER. NĂ© en 1864, WARNER, comme CANTON, commença sa vie sous un autre nom, celui de Willard Erastus CHRISTIANSEN. C’était le beau-frère d’un chef de gang de voleurs du nom de Tom Mc. CARTHY, et il fut membre du gang, apparemment jusqu’à ce qu’il fĂ»t dĂ©noncĂ© par sa belle-sĹ“ur en 1892 contre une rĂ©compense. C’est alors que WARNER dĂ©couvrit la magie que l’on pouvait obtenir en mĂ©langeant les procureurs et l’argent, dĂ©pensant toute ses Ă©conomies mal acquises pour finalement arriver Ă  vaincre les chefs d’accusation. Essayant de rejoindre le droit chemin, il fut engagĂ© par des prospecteurs comme garde du corps. DĂ©fendant ses employeurs au cours d’une embuscade, il tua deux hommes, en blessa un autre et fut condamnĂ© Ă  la prison pour meurtre. Plus tard, après qu’il fĂ»t relâchĂ© en 1900, il fut Ă©lu juge de paix et shĂ©rif du comtĂ©, servant ensuite comme policier en Utah. Bien qu’il fĂ»t quelque peu impliquĂ© parallèlement dans des histoires de contrebande, WARNER fut un homme gĂ©nĂ©ralement honnĂŞte durant les dernières annĂ©es de sa vie. Il mourut en 1938.

Etablir une liste exhaustive des tueurs et des brigands qui servirent Ă©galement la loi Ă  un moment ou un autre de leur vie, serait trop long Ă  couvrir ici. Il suffit de dire que beaucoup, comme Ben THOMPSON et King FISHER, tuĂ©s tous les deux dans un saloon Ă  Austin, Texas, moururent avec les bottes aux pieds. Quelques-uns, comme CANTON et WARNER, atteignirent un âge avancĂ©, entourĂ©s de leurs petits-enfants, devenant des curiositĂ©s vivantes tĂ©moins d’une Ă©poque depuis longtemps rĂ©volue. Bien que des hommes comme Wyatt EARP et Frank CANTON ne dĂ©passeraient pas aujourd’hui la première page d’un formulaire de candidature pour s’engager dans une police moderne, ils remplissaient un vide dans une sociĂ©tĂ© pragmatique oĂą l’on jugeait les capacitĂ©s d’un homme de loi principalement dans son adresse avec un Colt Single-Action. Il suffit de regarder les journaux aujourd’hui pour se rendre compte que nos critères de sĂ©lection actuels ont leurs propres dĂ©fauts. Les gens Ă©taient peut-ĂŞtre plus tolĂ©rants dans l’Ouest du dix-neuvième siècle sur le passĂ© d’un homme, mais ils rendaient leur jugement très rapidement s’ils estimaient que c’était nĂ©cessaire. Un ex hors-la-loi n’avait qu’à prendre connaissance du destin de Henry PLUMMER et Henry BROWN s’il avait envie de repasser Ă  nouveau de l’autre cĂ´tĂ© de la ligne. Bref, pour avoir contrevenu Ă  l’interdiction de dĂ©passer la ligne blanche continue, le tarif Ă©tait la pendaison haut et court, bottes aux pieds.

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